Index des revues

  • Index des revues
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    La consultation des cédéroms à la BnF

    Par Jacques Faule, Chef du service multimédiadu Département de l'audiovisuel BNF
    « Mais étaient-elles possibles ces possibilités qui ne furent pas ? Ou la seule possibilité était-elle ce qui fut ? Tisse, tisseur de vent. » James Joyce, Ulysse, Gallimard, Folio 77, 1980, p. 40. « Si l'on ne peut savoir qui tisse le tisseur, du moins connaît-on le maître du maître. » Jean-Patrick Manchette, Chroniques, Rivages, 1996, p. 245.

    Le dépôt légal: une collection de 4 600 cédéroms à la date du 1er septembre 1999

    Multimedia and CD-Rom directory, la principale source mondiale d'information sur le multimédia hors ligne, recensait 26 442 cédéroms en 1998. Par comparaison, Électre indique un fonds disponible de 3 350 cédéroms répartis ainsi : 2 830 cédéroms PC et 520 cédéroms Mac (la 3ecatégorie, cédéroms PC et Mac, est incluse, semble-t-il, dans la catégorie cédéroms PC). Sur le Web, Presentation direct, « première photothèque numérique en Europe », propose 1 500 cédéroms à la vente.

    Le premier cédérom déposé à la BnF, le 16 février 1994, s'intitule Encyclopédie sonore et visuelle de la guerre d'Algérie (édité par l'INA). Le plus récent s'intitule Les rizicultures de l'Afrique de l'Ouest. Sont entrés dans les collections de la bibliothèque ces cinq dernières années au titre du dépôt légal 4 000 cédéroms, soit en moyenne 800 par an.

    À ce fonds s'ajoutent plusieurs centaines de cédéroms (656 au 1er septembre) qui, associés à d'autres supports (livre, cassette vidéo, etc.), composent un ensemble dit, à la BnF, multisup-port : par exemple, produit par l'Unesco, le cédérom Tsigane, heureux si tu es libre ! associé à un livre de 205 pages ; ou, éditée par la SNCF, une mallette pédagogique destinée à la formation interne, Approche nouvelle des dangers et des risques occasionnés par les marchandises dangereuses, composée d'un livre, de 22 disquettes 3,5 pouces, d'une cassette vidéo et d'un cédérom ; ou encore des cédéroms périodiques, tels que Lumière sur les grands peintres (Van Gogh, Gauguin, etc.) édité par Hachette Fascicules.

    C'est l'une des plus importantes collections de cédéroms du monde, sinon la plus importante, et elle couvre tous les domaines de la connaissance : on peut la comparer avec la collection de la British Library qui, depuis 1993, a reçu 2 839 cédéroms dont 2 000 périodiques.

    Comme la photographie, déclarée art moyen, « art de l'illustration et de l'imagerie (Bourdieu, 1965), le cédérom semblait un document hybride, ni fiction ni non-fiction, à moitié fonctionnel à moitié esthétique, un document « moyen utilitaire, efficace. Très tôt pourtant sa palette s'est enrichie de mille couleurs.

    La notion d'auteur commence à émerger dans ce domaine : on le voit avec le succès critique (1) de L'Amerzone de Benoît Sokal chez Casterman-Microids, de Machines à écrire d'Antoine Denize (2) chez Gallimard, ou du cédérom A shadow in your window (en référence implicite à The Woman in the Window de Fritz Lang) présenté par Jean-Michel Othoniel en salle Labrouste, etc.

    Vignette de l'image.Illustration
    Interfaces Telnet

    Vignette de l'image.Illustration
    Tableau des cédéroms consultables à la BnF

    Le débat sur la qualité de l'image de synthèse s'est engagé : l'insertion de séquences vidéo n'est-elle pas une stratégie peu coûteuse de contournement d'images jugées froides ? Jean-François Laguionie, créateur de dessins animés, disait (Laguionie, 1999) que « l'ordinateur donne au personnage un mouvement qui lui est comme extérieur, alors que le mouvement d'un personnage dessiné doit venir du ventre comme chez un comédien ou un mime », faisant écho à l'anathème énigmatique lancé d'outre-tombe « les multimédias sont invariablement de tristes comédies » (Morrison (3) , 1969).

    Plus d'un cédérom, par sa conception graphique, interne et externe (mise en pages, collage, support, boîtier, conditionnement, miniaturisation, sérigraphie), renouvelle un genre, celui du livre d'artiste contemporain, auquel sont attachés les noms de Pierre Faucheux, de PAB, de Tériade. Quelle plus engageante exhortation à l'interactivité que le titre, Prière de toucher, de « la couverture en velours et en caoutchouc de mousse conçue en 1947 par Marcel Duchamp pour l'édition de luxe du catalogue Le surréalisme « (Cordier, 1989), et quelle lumineuse prophétie lorsque Fernand Léger écrit : « L'écran va se recolorer. L'image mobile, parlante, en relief, encadrée de tons purs soutenus par les haut-parleurs, va entrer en jeu. Vous vous rendez compte. La mécanisation totale. Tout ce que l'homme, en tâtonnant patiemment, a réalisé depuis des siècles : musique, peinture, sculpture, romans, en quelques années la machine les a absorbés et rendus exportables en toutes langues, en tout monde (Léger, 1933).

    Le repérage des cédéroms de la BnF sur cédérom et sur Internet

    80% des documents sont catalogués, soit plus de 3 000 documents, et 20 % sont en cours de traitement. Cette collection est identifiable sur DSAM, le cédérom bimestriel édité par Bibliopolis, et aussi sur Internet en accès Telnet.

    On trouvera sur Opaline via Telnet une information bibliographique complète et rigoureuse en cochant l'accès « les autres critères » puis en utilisant le critère du libellé de la cote, soit « MDC » (multimédia disque compact), et en tapant sur la touche entrée ».

    La consultation des cédéroms déposés

    Les chercheurs inscrits en rez-de-jardin peuvent consulter jusqu'à huit cédéroms différents par jour. En application de la loi n° 92-546 du 20 juin 1992 relative au dépôt légal (parue au journal officiel le 23 juin 1992), page 8167, c'est à à titre individuel que le lecteur accède « dans le cadre de ses recherches, et dans l'enceinte de l'organisme dépositaire, aux documents conservés. [...] La consultation des documents s'effectue, sous réserve des secrets protégés par la loi, dans des conditions conformes à la législation sur la propriété intellectuelle et compatibles avec leur conservation ".

    Les chercheurs disposent de six postes dits multimédias : ce sont des postes PC et Apple. Les installations de cédéroms, de dvdroms et de dvd-vidéos s'effectuent à partir d'un serveur composé d'un ordinateur HP et de trois tours de lecteurs SCSI (Small computer system interface), comprenant chacune sept lecteurs (6 lecteurs de cédéroms 40X SCSI 2 Wide et 1 lecteur de DVD SCSI 2 Wide). Un poste pourrait être prochainement doté d'une connexion Internet : bon nombre de cédéroms on en effet une extension sur le web.

    Signalement du document et accès au document primaire se superposent, s'emboîtent. On le voit avec l'édition par la BnF du cédérom Mapa mondi, prolongement de l'exposition virtuelle Ciel et terre, qui elle-même prolongeait les expositions Figures du ciel et Couleurs de la terre. On le voit aussi avec le catalogue de la bibliothèque du Congrès, qui fait systématiquement le lien (quand le document existe en ligne) entre la référence d'un document et le texte intégral disponible sur abonnement : par exemple, dans le champ « Access » de la notice du Congrès d'une revue scientifique, on trouve « Note : Also available online : Location : http ://jb. asm. org/» ; on clique alors sur l'URL pour consulter en HTML ou en PDF le journal ofbacteriology.

    Les cédéroms multimédias acquis

    En ce qui concerne les cédéroms acquis pour le haut-de-jardin en salle B, le département de l'audiovisuel dispose d'un robot juke-box. Aujourd'hui, 120 cédéroms sont consultables sur huit lecteurs intégrés reliés à la salle de l'audiovisuel du haut-de-jardin par réseau ATM. La liste est consultable sur le Web de la BnF.

    Les premiers titres ont été acquis en 1996. Le réassortiment est en cours. Les derniers titres disponibles sont À bord des grands voiliers et Histoire de la Shoah. Citons les cédéroms les plus consultés en haut-de-jardin : Ciné movies, 18: 39, Voyage à Paris, Les grands musées, Quidmond, Dictionnaire multimédia, Le Louvre, Les compositeurs, Découverte musique, Aux origines de l'homme, Voyage dans le monde, Les grands moments du XXesiècle, Les instruments de musique, Conquête de l'histoire, La leçon d'anatomie, Voyage sur le Nil, Michel-Ange, Versailles, La Fenice, etc.

    Les critères d'acquisition sont la portabilité du titre sur une plate-forme banalisée, le contenu et la forme éditoriale : technologie audiovisuelle confirmée ou originale, encyclopédisme correspondant à la politique d'acquisition du haut-de-jardin ; cédéroms étrangers renommés pour le rez-de-jardin. L'unanimité critique est un critère de sélection important (prix et trophées Expolingua, Faust, Innovalangues, Milia, Moëbius, produits reconnus d'intérêt pédagogique labellisés par le ministère de l'Éducation nationale, etc.).

    Les derniers titres acquis sont : Yarnardilyi Cockatoo Creek (sur les Aborigènes d'Australie, édité par Australian Film Institute), Les anneaux de la mémoire et Guerre et Paix (Euritis), Bordeaux: patrimoine et avenir, Le café, Guide des plus beaux jardins de France, Mystère de Magritte et Strasbourg (Colaco), Légende multimédia du jazz, Une forêt dans la tête, Assemblée nationale, Mapa mondi: l'atlas catalan, Épopée des Bleus: champions du monde, L'inerte et le vivant, Léopold Sédar Senghor, Procès Papon (ces derniers titres chez Novalis), journal de l'année de la peste, Opium et Les fleurs du mal (musée des Beaux-Arts de Rennes), Martin Luther 1483-1546 (Multimedia-Produktionen in Berlin), etc.

    Le réseau de cédéroms bibliographiques et textuels

    Le réseau cédérom chargé sur le serveur du système d'information de la BnF propose à tous ses lecteurs 168 cédéroms bibliographiques et en texte intégral (Les Échos, le Financial Times, le Journal officiel des Communautés européennes supplément S, le J.O. Lois et décrets, Le Monde, Le Monde diplomatique, les Petites Affiches, le Recueil Dalloz, etc.), ainsi que de grands corpus (Discotext 1, Fichte, Goethe, Kant, Montaigne, Nietzsche, La patrologie latine et Saint Thomas d'Aquin), des bibliographies nationales et des catalogues collectifs. La liste est consultable sur le Web de la BnF.

    Conclusion

    Dès 1931, Antonin Artaud parle de « réalité virtuelle lorsqu'il décrit le langage gestuel du théâtre balinais ou encore du théâtre alchimique (Artaud, 1931) : ,,['..J l'identité qui existe entre le plan sur lequel évoluent les personnages, les objets, les images, et d'une manière générale tout ce qui constitue la réalité virtuelle du théâtre, et le plan purement supposé et illusoire sur lequel évoluent les symboles de l'alchimie. »

    En 1975, le mot « multi-media » (avec un trait d'union et sans accent sur le « e » : le législateur était encore latiniste !) figure dans le décret fixant les conditions d'application aux oeuvres audiovisuelles et multimédias de la loi de 1943 relative au dépôt légal : le mot s'applique alors aux oeuvres audiovisuelles intégrées « groupant divers supports (livres, fiches, photographies, films, bandes magnétiques, cassettes, disques, etc.) ".

    Le sens actuel (cédérom et Web) du mot multimédia n'apparaît qu'en 1996 dans le thésaurus de l'Encyclopaedia Universalis. Le mot a désormais pignon sur rue si l'on en croit les suppléments de quotidiens et aussi les émissions qui lui sont consacrées dans les médias précisément : il est devenu un stéréotype. Angelo Rinaldi écrivait (Rinaldi, 1999) à propos de l'oeuvre de Proust portée à l'écran par Raoul Ruiz, Le Temps retrouvé: «Marcel Proust est le premier auteur multimédia, faisant appel à des descriptions musicales, assimilant ses personnages à des tableaux connus ", et le critique de citer Proust lui-même lorsque, « découragé par la difficulté qu'il éprouve à décrire dans toutes ses nuances le rire de Charlus ", l'auteur de la Recherche s'écrie soudain : « Il y a des moments où, pour peindre complètement quelqu'un, il faudrait que l'imitation phonétique se joignît à la description... »

    Quelle est donc la spécificité du cédérom ? Dans la page-écran qui préface leur cédérom Histoires de la Shoah, Dominique Prud'homme et Richard Schlirf donnent une réponse simple : « Pourquoi produire un cédérom sur la Shoah ? [...] [Le cédérom] permet d'allier la réflexion de la lecture à l'émotion des images et des sons. »

    De même qu'une bibliothèque ne s'est jamais bornée au recueil de textes, la " toile ne se réduit pas au Web : en ligne et hors ligne, apparaissent des auteurs multimédias qui ornent et façonnent le virtuel, « impressionnant les disques de verre, « gravant les galettes, « reliant » le numérique. Tâcherons et pionniers, seuls ou en atelier, tâtonnent sur une trame ténue, tissant, entrelaçant lettres, images, sons : « Espace hybride, oeuvre ouverte, livre d'artiste électronique... Le cédérom d'Antoni Muntadas échappe à toute définition... (Rivoire, 1999).

    Collecter, conserver, sortir de l'ombre et mettre à la disposition ces nouveaux opus [auto] didactiques, inventifs et encore méconnus, afin que les lecteurs jugent sur pièce, est l'une des missions de la Bibliothèque nationale de France : «... bibliothèque, ville jumelle, pierre noire, une et variée, qui fixe et qui garde la pensée, la parole des moines, des sages et des fous » (Audiberti, 1946).

    Références bibliographiques

    Antonin Artaud, Le Théâtre et son Double, Gallimard, 1964, p. 73.

    Jacques Audiberti, le Mur du fond,

    Cahiers du Cinéma, 1996, p. 242.

    Pierre Bourdieu et alii, Un art moyen, Éditions de Minuit, 1965, p. 123.

    Donation Daniel Cordier, Le Regard d'un amateur, Éditions du Centre Pompidou, 1989.

    Jean-François Laguionie, supplément Aden, Le Monde, 9-15 juin 1999.

    La Bête noire n° 3, 1er juin 1933, mensuel de Tériade, en fac-similé, in Hommage à Tériade : Grand Palais, 16 mai-3 septembre 1973, exposition organisée par le Centre national d'art contemporain, catalogue par Michel Anthonioz.

    Jim Morrison, Seigneurs et nouvelles créatures, Christian Bourgois, 1976.

    Angelo Rinaldi, Le Nouvel Observateur, 20 mai 1999 (cette phrase de Proust est citée dans son contexte par Pietro Citati dans son essai sur Proust intitulé « La colombe poignardée », Gallimard, 1997, p. 376).

    Annick Rivoire, «Muntadas, avec vues sur le Net », Libération, 16 septembre 1999, p. 32, à propos du cédérom d'Antoni Muntadas Media architecture installations, coll. Anarchive, n° 1, Centre Pompidou/Jériko.

    Notes de lecture

    1. La synthèse la plus récente sur les documents multimédias déposés à la BnF est signée Joëlle Jezierski, responsable jusqu'au printemps 1999 du dépôt légal multimédia à la BnF, aujourd'hui en fonction à la bibliothèque du centre de recherche de l'université de technologie de Compiègne.

    Ce dossier a fait l'objet d'une publication échelonnée sur six numéros de Multimédia Hebdo (ISSN 1260-9668) :

    • « Le multimédia selon la Bibliothèque nationale de France ", 13 novembre 1998, n° 89, p. 4-5.
    • « Constitution et nature des fonds multimédias », 19 novembre 1998, n° 90, p. 7-8.
    • « Le marché du multimédia off-line selon la BnF ", 4 décembre 1998, n° 92, p. 6-7.
    • « La spécificité du marché français selon la BnF Il décembre 1998, p. 5.
    • « La répartition thématique du fonds de la BnF ", 18 décembre 1998, p. 7.
    • « La répartition du fonds multimédia de la BnF ", 8 janvier 1999, p. 7-8. Dans ce numéro, J. Jezierski fait la remarque suivante : « Le problème du domaine institutionnel est la confidentialité des données.

    En effet, la plupart des cédéroms comme les audiovisuels d'entreprise contiennent des secrets de fabrication, des données confidentielles qui sont contradictoires avec l'idée d'une consultation de ces documents, même de la part de chercheurs. Dans ce cas, des réserves sont émises à la communication ; les documents sont déclarés incommunicables 5, 10 ou 15 ans (on accepte jusqu'à 50 ans, mais la demande excède rarement 15 ans). »

    2. Sur l'actualité éditoriale des cédéroms, on lira avec profit les excellentes rubriques de plusieurs revues françaises et étrangères, notamment :

    • La Revue des livres pour enfants (ISSN 0398-8384), rubrique tenue par Olivier Colardelle, qui écrit par exemple dans le numéro 183 de septembre 1998 à propos d'un cédérom sur la peinture : « On peut regretter cependant les visites en 3 D d'une exposition et d'un atelier de peintre, au temps de chargement désespérément long pour un graphisme succinct. » Ou, à propos d'un cédérom riche en séquences de films : Le procédé (film interactif) trouve ses limites dans la nécessité de disposer d'une machine récente et relativement puissante pour profiter pleinement de la fluidité du film, et trouvera peut-être plus sa place sur les supports destinés à remplacer le cédérom, comme les DVD. »
    • Lecturejeune (ISSN 1163-4987), analyses rédigées par Claudie Guérin et Pili Munoz, qui écrivent par exemple dans le numéro 88 de novembre 1998 à propos d'un cédérom culturel : « Un musée personnel permet de stocker ses oeuvres préférées et de les annoter tout en gardant les fonctionnalités d'observation proposées dans le cédérom lui-même. Un lien Internet offre des forums de discussion... »
    • Lire pour comprendre (ISSN 0754-7234), analyses rédigées par Michèle Cosnard et Éric Delsau, qui n'y vont pas par quatre chemins et qui écrivent par exemple dans le numéro 59 de décembre 1998 : « Ce cédérom a pour ambition de mieux faire connaître les animaux et la nature. [...] En bref, ce cédérom fait partie de ceux que l'on peut éviter d'acquérir. " Et, à propos d'un autre : "[...] 1 n'y a pas de lexique et la musique devient vite agaçante. On peut se passer de ce cédérom. »
    • Le Bulletin critique du livre français (ISSN 0007-4209), qui publie de superbes mais trop rares analyses de cédéroms. Ainsi ce commentaire enthousiaste d'Immemory de Chris Marker dans le numéro 609 de juin 1999 : « Enfin ! Enfin le cédérom découvre la voie de la création artistique. Comme le cinéma a dû à ses débuts s'affranchir des effets anecdotiques et purement visuels pour découvrir la possibilité d'un récit construit, le cédérom peut à présent s'émanciper de la nécessaire démonstration technique pour se mettre au service d'un projet transcendant les seuls effets spéciaux. »
    • Choice (ISSN 0009-4978), qui publie des critiques régulières de cédéroms, en particulier les cédéroms textuels : dans son numéro d'avril 1999, p. 1457, R.A. Shoaf, de l'université de Floride, fait l'éloge du Chaucer en deux cédéroms, signalant une commande « examen qui « permet l'étude des enluminures jusque dans leurs plus splendides détails et soulignant « l'importance de la technologie numérique pour les études médiévales ».
    • Database (ISSN 0162-4105), qui propose, sous la plume incisive de Walt Crawford, une chronique intitulée « CD-Rom Corner où, sur plusieurs pages, sont analysés différents types de cédéroms qui sont en outre gratifiés d'une appréciation : excellent, très bon, bon, moyen, pauvre. Le numéro d'avril-mai 1999 commente quatre productions d'un éditeur canadien, Warwick Interactive, Animaux perdus, L'encyclopédie du hockey, Le monde des récifs, Le désert de Sonora : les problèmes d'installation du logiciel et les incidents qui émaillent la consultation sont relatés avec précision.

    Chacune des analyses de Walt Crawford est précédée d'un préambule général toujours tonique. Ainsi celui de décembre 1997, p. 77 : "Les lecteurs réguliers de "CD-Rom Corner" savent sans doute que je suis fondamentalement un homme du texte. Je suis parfaitement d'accord avec cette observation que "si une image ne vaut pas mille mots, alors autant laisser tomber l'image". » Et dans le numéro d'octobre-novembre 1998 : « Peut-être que la lente émergence des DVD-Rom est en train de freiner la progression des titres de cédéroms. Une fois mis de côté les jeux et les cédéroms pédagogiques, l'édition de cédéroms ne semble pas remporter de grands succès. Le marché du cédérom n'est pas dans une aussi bonne santé que les éditeurs le voudraient. Dire de façon condescendante à quelqu'un qu'il lui manque 1 ou 2 gigaoctets n'est pas la meilleure façon de développer ce marché. La plupart de ceux qui possèdent un ordinateur chez eux n'achètent un ordinateur personnel que tous les trois ou quatre ans, la plupart n'achètent pas de disque dur gargantuesque à moins qu'ils n'aient de projet de micro-édition. "

    Dans son numéro de juin-juillet 1998, Walt Crawford passe en revue sur quatre pages (p. 86-89) trois cédéroms australiens de formation au catalogage CatSkill, CatSkill: USMARC mode easy et CatSkill: Format intégration made easy : l'article est instructif (Crawford est l'auteur de nombreux ouvrages sur les bibliothèques, dont un manuel du « MARC intégré " publié chez Macmillan) : Peut-on apprendre à cataloguer à partir d'un cédérom ? Est-ce que cela a un sens d'acheter des cédéroms australiens pour apprendre l'USMARC en général ou le format intégré en particulier ? [... Je ne suis pas sûr de pouvoir répondre. [...] L'approche pédagogique est interactive, elle semble plutôt réussie. [...] Cette méthode très mobile conduit l'étudiant à déplacer des portions de texte dans le champ approprié. [...] Il faut compter 20 à 35 heures pour suivre tout le programme. [...] Le disque est daté et supporterait une mise à jour. Une partie des travaux pratiques est orientée Macintosh. Par exemple, quand vous êtes dans le module « Administrateur », on vous dit de cliquer sur « Exit pour retrouver le « Finder », ce qui n'a pas de sens sur Windows. »

    Walt Crawford est un auteur à suivre.

    3. La plus importante source d'information sur le marché du cédérom existe sur cédérom : il s'agit de The multimedia and CD-Rom directory (édité par Waterlow), déjà cité, dont la 20eédition (1998) est consultable sur le réseau de cédéroms mis à la disposition du public de la BnF. Le document comprend plusieurs rubriques : sociétés (les entreprises), titres (les titres de documents audiovisuels), livres (se rapportant au multimédia), périodiques (les journaux et revues du secteur), événements (pour les congrès, salons, etc.), glossaire, recherche experte, articles (une étude de marché par pays très détaillée en texte intégral), et aussi des formulaires qui permettront aux nouvelles entreprises de faire figurer leurs produits dans la prochaine édition du cédérom. En croisant les rubriques (libellées en français), on obtient quantité d'informations sur les parts « régionales » du marché multimédia (Europe, Amérique du Nord, etc.), les mouvements de concentration, d'absorption et de fusion (où s'applique comme ailleurs la loi d'airain du marché, « to buy or to bury » : « je t'achète ou je t'enterre " !), l'URL de leur site, le chiffre d'affaires des majors et des autres, les contacts à joindre par courrier électronique, etc., et, ce qui est primordial pour tous les acquéreurs et prospecteurs, le rétrospectif des titres édités par chaque société. C'est une somme.

    Quelques extraits :

    • « L'Europe compte plus d'entreprises dites multimédias que l'Amérique du Nord (8 230 en Europe et 5 693 en Amérique du Nord). »
    • « Dans le monde, 5 940 sociétés produisent ou éditent 26 442 cédéroms. »
    • « La France compte 317 sociétés qui en 1998 ont édité 1 298 cédéroms. »
    • « Les États-Unis ont édité 10 544 cédéroms, l'Allemagne 4 468, le Royaume-Uni 4 314. »
    • « Quatre pour cent des cédéroms (1 084 sur 26 442) proposent une connexion en-ligne/www. » Etc.

    Vignette de l'image.Illustration
    Liste des derniers cédéroms reçus au titre du dépôt légal

    1. « Voilà un jeu vidéo susceptible de faire changer d'avis radicalement tous ceux qui ne voient dans le genre que violence et scénarios débiles. Créé par l'auteur de bande dessinée Benoît Sokal (auteur de la série Canardo), L'Amerzone présente un monde imaginaire d'une étonnante beauté. » Patrick de Jacquelot, in Les Échos, « Cédéroms, la sélection du mois », 6juillet 1999. retour au texte

    2. « Un long travail (presque quatre années) régulièrement ponctué par les nombreux problèmes de droits d'auteur. "Un chemin de croix", avoue Antoine Denize, mais finalement une réalisation multimédia totalement novatrice qui restitue les oeuvres dans une approche vivante et créatrice à laquelle l'utilisateur participe pleinement. » Christophe Perrier in Contact, le magazine des adhérents de la FNAC, juin 1999, p. 32. retour au texte

    3. Merci à Luc Lagarde, du service Images animées du département audiovisuel de la BnF, qui a relevé dans un poème d'un recueil de Jim Morrison l'une, sans doute, des toutes premières apparitions du mot « multimédia », en 1969. retour au texte