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Une bibliothèque universitaire face au multimédia

2000
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    Une bibliothèque universitaire face au multimédia

    Par Rossana Morriello, Biblioteca Centrale diArchitettura, Politecnico di Torino

    Depuis quelques années, la bibliothèque a enregistré une expansion remarquable dans le secteur du multimédia. Le nombre de cédéroms acquis a augmenté de façon considérable depuis trois ans : début 1997, 12 seulement étaient répertoriés dans le catalogue, alors que cette année leur nombre est passé à presque 60, et ce chiffre est destiné à s'accroître notablement dans les années à venir.

    Il s'agit en effet, d'une part, d'aller à la rencontre du marché de l'édition, qui présente une quantité croissante d'ouvrages publiés sur ce support dans le domaine de l'art et de l'architecture, et, d'autre part, de mener une politique d'acquisition précise qui vise à développer la présence du multimédia en bibliothèque, un secteur auquel on donne une importance particulière dans l'évaluation des acquisitions. Pour ce qui se rapporte à Internet, il s'impose désormais comme une source d'informations de première importance et comme un outil de travail dont on ne peut plus se passer.

    L'introduction de ces nouveaux outils de production et de diffusion de l'information a nécessité de nouvelles réflexions sur l'organisation du travail en bibliothèque.

    Après une phase initiale que l'on peut dire de « désorientation et de réception en un certain sens passive de ce nouvel aspect de la profession, on a essayé de donner une organisation au secteur en question, en particulier quant au service des usagers. Cette opération est encore en cours.

    Bibliothèques électroniques, numériques et virtuelles : la confusion est grande

    «Il faut être prudent lorsqu'on parle de bibliothèques "électroniques", "numériques" ou "virtuelles" (1) nous précise l'auteur de l'article, car il y a encore beaucoup de confusion lorsqu'on évoque ces sujets, soit de la part de celui qui lit, soit parfois de la part de celui qui écrit. Ce sont les usagers des bibliothèques qui subissent les conséquences de cette confusion.

    Il est décevant pour un utilisateur qui a repéré un livre dans le catalogue en ligne d'une bibliothèque de ne pouvoir le consulter « full text » sur Internet. Heureusement ces cas sont rares, mais la déception n'en demeure pas moins emblématique. On constate que les demandes de recherches bibliographiques sur Internet ou dans les bases de données sur cédéroms augmentent de plus en plus, mais pour quelle raison les utilisateurs s'adressent-ils à ces outils ?

    La curiosité est sûrement un vecteur essentiel, car on en parle beaucoup dans tous les milieux de notre société. Mais il semblerait qu'il n'y ait pas une connaissance parfaite des possibilités de ces outils et, souvent, le contenu ne serait pas clair. En effet, dans la plupart des cas, c'est le bibliothécaire qui dirige le lecteur vers l'utilisation d'une base de données sur cédérom ou qui conseille une recherche sur Internet, même si la bibliothèque s'est employée à rendre ces services le plus visibles possible, en les publiant dans des guides et en les présentant lors des sessions d'initiation à la bibliothèque qui sont organisées chaque année pour les usagers. Souvent, l'information circule entre les étudiants parce qu'eux-mêmes se la passent, ce qui est sûrement l'un des moyens les plus efficaces. Parfois c'est avec étonnement que l'utilisateur découvre que la bibliothèque possède ces ressources-là.

    Il semblerait que les changements apportés par les nouveaux outils multimédias n'aient pas encore été « métabolisés (2) » par notre société. À la bibliothèque, ils sont perçus par les utilisateurs non pas comme l'une des sources accessibles à la consultation, à l'égal des traditionnelles versions papier, mais plutôt comme un surplus optionnel. En ce qui concerne la perception des utilisateurs, on est encore bien loin de l'intégration nécessaire des sources traditionnelles et électroniques qui marquera le futur des bibliothèques (3) .

    Différents niveaux de familiarité avec les nouvelles technologies

    Les raisons de cette situation sont nombreuses, mais on peut constater que l'utilisation du multimédia en bibliothèque est fortement conditionnée par le niveau de connaissance des outils informatiques. Celui qui a déjà une certaine familiarité avec l'ordinateur, et utilise peut-être aussi les cédéroms et Internet chez lui, s'adressera plus aisément à ces sources également dans la bibliothèque. Au contraire, on remarque souvent une certaine réticence ou une gêne de la part des utilisateurs qui ne connaissent pas encore l'ordinateur. Ils ont même des difficultés dans la consultation du catalogue informatisé et préfèrent la version imprimée.

    Dans l'état actuel des choses, par notre expérience de bibliothèque universitaire, on remarque peu d'uniformité. Nous rencontrons de nombreux étudiants qui ont une connaissance plus ou moins approfondie des outils infotmatiques, et d'autres par contre qui sont très habiles, mais il reste encore bon nombre de personnes qui n'ont jamais utilisé un ordinateur. Il en va de même pour les enseignants, les doctorants et les futurs chercheurs. On remarque d'ailleurs des niveaux très différents entre eux en ce qui concerne la familiarité avec les nouvelles technologies et leur connaissance, ainsi que l'intérêt pour les nouveaux outils. Cela nous permet de constater que les chercheurs et les doctorants sont les plus intéressés par les possibilités qu'offre le multimédia.

    L'informatisation de la société

    La situation va sûrement évoluer au fur et à mesure que se réalise une initiation à l'informatique plus uniforme et diffusée, et que cédéroms et Internet prennent place dans notre société. L'approche des jeunes envers les nouvelles technologies est pour le moment une question d'intérêt personnel.

    Néanmoins, l'importance croissante des ordinateurs dans la société italienne est signalée de toute évidence par l'augmentation du nombre de familles qui possèdent un ordinateur : cette augmentation a été de 74 % au cours des trois dernières années, de juin 1995 à juin 1998 (4) (données fournies par l'ANEE, Association nationale pour l'édition électronique). Elle l'est aussi par l'usage de plus en plus intensif de l'ordinateur et des équipements informatiques (lecteur de cédéroms, modem) proportionnellement au nombre des utilisateurs et au temps moyen d'utilisation.

    Les premières découvertes du cédérom et, surtout, d'Internet sont principalement ludiques. Les données sur la vente de cédéroms parlent d'elles-mêmes : 54 % des cédéroms vendus en Italie sur le marché consumer (celui qui croît davantage) sont représentés par des jeux ; l'utilisation d'Internet est pour la navigation sur des sites de loisirs et de divertissement (5) . Mais il s'agit d'un passage obligatoire vers une familiarisation et une connaissance plus approfondies de ces outils qui, par conséquent, favorise leur utilisation régulière et est utile dans tous les domaines (ludique, professionnel...).

    On remarque aussi qu'une utilisation d'Internet qui n'est pas toujours légitime devrait être tolérée dans les bibliothèques (pourvu que cela reste dans certaines limites), afin de favoriser l'apprentissage de l'outil (6) . Les programmes de formation informatique de base que l'école italienne, même si c'est avec du retard, commence à mettre en place aboutiront à une situation plus uniforme. Bientôt on se trouvera face à des utilisateurs technologiquement formés et compétents qui s'adresseront directement aux sources d'informations et manifesteront de plus en plus des besoins précis.

    Une formation nécessaire

    Un des besoins des utilisateurs des ressources électroniques que l'on perçoit nettement, qu'ils en soient conscients ou non, est la nécessité d'une initiation à la recherche d'informations. En général, les utilisateurs éprouvent de la difficulté à formuler d'une façon claire et précise leurs exigences de recherche, pour eux-mêmes et par conséquent vis-à-vis du bibliothécaire. Ce dernier se trouve obligé d'agir par intuition, d'interpréter ce que l'utilisateur souhaite ou ne souhaite pas, et de rechercher par des questions les véritables besoins d'information.

    Ceci n'est pas un problème nouveau, mais il semble prendre de l'importance en présence des ressources électroniques. Si la question n'est pas bien posée, le risque d'obtenir des informations non souhaitées ou en trop grande quantité (elles en deviennent sans intérêt) augmente. Il est donc indispensable d'adjoindre à la traditionnelle introduction à la bibliothèque une initiation à l'utilisation des nouveaux outils de diffusion de l'information.

    Les utilisateurs s'adressent de plus en plus à ces outils tels que les cédéroms bibliographiques, indices de périodiques ou autres bases de données qui leur permettent de rechercher les informations d'une manière rapide et efficace. Certes, l'utilisation de ce type d'ouvrages va se répandre. Pour ce genre de cédéroms, l'apprentissage est fondamental et inévitablement soumis aux connaissances informatiques de l'utilisateur.

    Il apprendra aisément les méthodes de recherche et deviendra autonome s'il a déjà une bonne maîtrise de l'outil informatique. Si, au contraire, l'utilisateur manque de formation de base et qu'il s'adresse tout de même à ce type de ressources (souvent, l'absence d'une connaissance informatique provoque un refus a priori), le problème de l'initiation est plus complexe. En effet, on donne un avis partagé sur le fait que la seule formation qui soit de la compétence du bibliothécaire est l'enseignement bibliographique (7) .

    Ce n'est pas ce qui se passe dans la réalité puisque, en l'absence d'un apprentissage informatique qui devrait s'obtenir par d'autres formations, le bibliothécaire se trouve devoir suppléer au manque en enseignant à l'usager les notions de base (il ne s'agit pas bien sûr d'un cours d'informatique) afin de le rendre autonome dans l'utilisation des supports électroniques. Ainsi, sans se substituer à lui dans la recherche, il lui garantit et lui facilite l'accès à l'information sous toutes ses formes.

    Les utilisateurs d'Internet

    Ce que l'on peut en déduire actuellement, par expérience, c'est que même celui qui utilise aisément l'informatique se trouve malgré tout égaré face à la quantité démesurée d'informations de toutes sortes offerte par Internet. Il est également pris au dépourvu dans l'élaboration de stratégies de recherche qui soient efficaces par rapport au temps consacré et à l'obtention des résultats souhaités. Le développement du Web est incontrôlable en termes de quantité (plus de 300 millions de pages Web au début de 1998 (8) ) ou de qualité de l'information.

    Il semble difficile d'aboutir aux résultats souhaités, surtout si l'on est confronté à certaines exigences de recherche réelles et urgentes et que l'on ne peut se permettre une navigation aléatoire (je cite l'exemple de nos étudiants qui désirent une information rapide sans fournir le moindre effort). Par conséquent, plus le public s'adresse directement au Web, plus il éprouve la nécessité de trouver quelqu'un qui organise et classifie l'information. En effet, les essais de classification des sites sont nombreux et les bibliothécaires virtuels sur le Web augmentent. L'impression est que, au fur et à mesure que l'univers de l'information électronique grandit, une intermédiation devient indispensable.

    Conclusion

    Les bibliothécaires doivent s'employer à ne pas perdre ce rôle d'intermédiation qui a toujours été le leur et qui doit se développer pour satisfaire de nouvelles exigences. Il s'agit de repenser les traditionnelles fonctions de sélectionneurs, de diffuseurs et de classificateurs des ressources afin d'y intégrer l'édition électronique.

    Dans la profusion des informations disponibles, le rôle de médiation du bibliothécaire sera de plus en plus indispensable (même s'il s'effectue à distance, par la messagerie électronique ou par l'intermédiaire de pages Web, plutôt qu'à l'intérieur de la bibliothèque). Il s'ensuit que les bibliothécaires doivent prévenir et satisfaire les nouveaux besoins de médiation en offrant des produits et des services appropriés mais surtout en les faisant connaître, de façon que le public sache qu'il peut demander au bibliothécaire de l'aider à s'orienter dans le monde de l'information électronique.

    Je remercie Annick Colette et Rossella Fiorentino.

    1. « Bisogna procedere coi piedi di piombo quando si scrive (e si legge) di biblioteche'elettroniche', 'digitali'o'virtuali', termini che si sprecano, di questi tempi, anche nelle riviste e nei programmi televisivi più divulgativi, senza che sia sempre chiaro a chi legge (e talvolta nemmeno a chi scrive) a cosa ci si stia effettivamente riferendo. » Riccardo Ridi, Biblioteche in linea, « L'indice dei libri del mese », 14 (1997), n.4, p. 50, ou http://www.burioni.it/forum/ridiopac. htm retour au texte

    2. Andrea Giovenali, Multimedialità : dainuovi média alla nuova pubblicità, Milano, Lupetti, 1995, p. 78. retour au texte

    3. Stephen Pinfield et al., Realising the Hybrid Library, « The New Review of Information Networking », 4 (1998), p. 3-20. retour au texte

    4. ANEE, Il mercato dell'editoria multimediale in Italia 1998, < http ://www. anee. it/frameshome. htm retour au texte

    5. Ibidem. retour au texte

    6. Martine Poulain, Mediateche alla francese in « Biblioteca e nuovi linguaggi : corne cambiano i servizi bibliotecari nella prospettiva multimediale », a cura di Ornella Foglieni, Milano, Editrice Bibliografica, 1998, p. 152. retour au texte

    7. Riccardo Ridi, Istruzione all'uso dei cdrom : quanta, quale, quando, » Biblioteche oggi », 14 (1996), n.9, p. 26-34, ou < http ://www. burioni. it/forum/ridi-cdist. htm retour au texte

    8. Fabio Metitieri, Riccardo Ridi, Ricerche bibliografiche in Internet strumenti e strategie di ricerca, OPAC biblioteche virtuali, Milano, Apogeo, 1998, p. 223. retour au texte