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    Entre passerelle technologique et usage social

    Par Cécile Demeude, Conservateur bibliothèque universitaire de Paris X-Nanterre

    La période de socialisation d'une technique nouvelle est toujours une période intéressante, passionnante et chargée d'enjeux (1) . À la lumière de l'histoire des techniques et de l'implantation successive de nouveaux médias auprès d'une population importante, nous pouvons sans erreur dire que la phase d'implantation d'Internet - sorti après vingt ans de service déjà de l'anonymat des laboratoires de recherche - à la bibliothèque universitaire relève de l'expérience et que, à ce stade, nous sommes devant l'inconnu des pratiques qui seront faites de ce nouvel outil.

    Le terme d'outil est utilisé ici volontairement, étant entendu qu'Internet relève de l'utile et n'est pas une finalité en lui-même. Parlant d'autoroutes de l'information, nous voyons peut-être là relayé l'enthousiasme médiatique (que l'on pourrait qualifier d'excessif), une attente très forte autour d'une technique lourdement chargée de pouvoirs et d'utopie. On nous promet rien moins qu'un autre mode de connaissance qui viendrait bouleverser nos modes de transmission du savoir. En introduisant cette idée de modification, on intègre aussi la confusion entre le technique, le politique et le social.

    Commencée en 1996, la réflexion autour de la mise en place d'Internet à la bibliothèque universitaire de Paris X-Nanterre s'est voulue au préalable un accompagnement à la réflexion menée dans le cadre de la réinformatisation du SCD (2) et de l'évolution de l'informatisation vers des services nouveaux tant pour le public que pour le personnel. Elle s'inscrit dans une mutation vers de nouvelles méthodes de travail, vers des services plus fonctionnels pour les usagers.

    Une première étape : la présence du SCD de Paris X-Nanterre sur le réseau

    Cette présence s'est matérialisée par la réalisation de pages Web hébergées par le serveur de l'université de Paris X, dès la mise en route du câblage de l'établissement.

    Ces pages ont été conçues avec les services concernés. Dans le même temps, les services audiovisuels (sonothèque (3) , vidéothèque) ont mis leur catalogue sur Internet. Ces catalogues intègrent les fonctions hypertextes en proposant l'affichage de l'illustration de la boîte de la vidéo, le résumé, un extrait sonore pour les enregistrements de la sonothèque. Sont venus s'y ajouter récemment le catalogue des périodiques enrichi de liens vers les sommaires et la base de sommaires, les bases de données pour lesquelles la BU a contracté des abonnements, le catalogue Web du réseau Sibil.

    L'ensemble des ressources signalées sur support électronique est actuellement porté à la connaissance du public, qui peut faire des recherches sur un même poste tant à la BU, sur le campus, que chez lui. Ces pages ont été l'amorce d'un premier annuaire des services à destination du public. Une adresse électronique (4) de l'établissement a permis des échanges avec les visiteurs, notamment en provenance de pays étrangers.

    Côté public : l'accès libre et gratuit pour les étudiants de l'université de Paris X-Nanterre

    Depuis juin 1998, le public de la bibliothèque universitaire dispose de dix postes en libre accès gratuit pour la consultation des informations diffusées par Internet.

    Sept postes de consultation assis sont installés dans la salle de références, salle qui permet aux usagers d'avoir accès aux instruments de recherche généralistes (bibliographies, dictionnaires, encyclopédies, annuaires, cédéroms bibliographiques...), et d'être guidés, orientés par le personnel présent au poste d'information bibliographique. Leur utilisation est limitée en temps (une heure par semaine pour chaque étudiant) et se fait sur rendez-vous. Ils sont équipés de casque permettant l'écoute des cours diffusés par la radio Audiosup. net. Une imprimante en réseau permet d'imprimer le résultat des recherches. Il est également possible de copier ces mêmes résultats sur disquette, sans toutefois pouvoir retravailler le texte sur place.

    Trois postes en consultation debout sont disponibles dans l'espace du prêt (hall dédié aux transactions, aux informations relatives au prêt, PEB, Encyclopédie sonore...). Leur utilisation par le public est libre. Les sessions sont cependant interrompues toutes les heures.

    La conception du site a intégré dès le départ un point d'accès à des pages réservées aux non-voyants, lesquels disposent à la BU d'un service qui met à leur disposition un matériel de lecture spécialisé.

    Le regroupement des postes a été choisi après une expérience brève de dispersion des postes auprès de chaque domaine (les fonds documentaires sont répartis sur six plateaux du bâtiment selon une thématique liée aux sections : droit et sciences économiques, lettres et langues, sciences humaines). Il a permis de rationaliser la gestion des rendez-vous tant pour le personnel que pour le public en proposant un planning unique, la maintenance du matériel, la gestion du papier pour l'imprimante...

    L'objectif de la BU était d'intégrer Internet à l'ensemble des outils disponibles. En 1998, Internet était déjà bien connu du public et ne justifiait pas une mise en exergue particulière. Très rapidement la signalétique a évolué, passant de « Internet » à « Recherche documentaire », marquant avec le regroupement en salle de références l'intégration de ce nouvel outil aux autres. L'évolution des accès est devenue permanente, puisque d'autres postes ont été ajoutés pour la consultation spécifique du catalogue Sibilweb après suppression des Minitel destinés à l'interrogation du catalogue de la BU (5) .

    L'aspect pédagogique a été pris en compte dès le début de l'installation. Il a été marqué par deux points : les liens avec des ressources disponibles sur le réseau, la formation directe des usagers. La constitution de pages de liens commentés a mis en relief les ressources locales (catalogues des ressources de la BU : Sibilweb, catalogues des périodiques, de la vidéothèque, de la sonothèque, bases de données pour lesquelles la BU a contracté des abonnements destinés aux étudiants et chercheurs de l'université, bases de sommaires) et des ressources extérieures (catalogues des autres bibliothèques, sites de presse, sites gouvernementaux et administratifs, sites spécifiques à certains domaines, mode d'emploi d'Internet, conseils d'utilisation des moteurs de recherche, informations concernant la sphère étudiante...).

    Cet appareil a été complété par la rédaction d'une charte de bon usage du service, en l'absence de verrouillage technique efficace : la bibliothèque universitaire n'a pas souhaité retarder la mise en place de ce service malgré des insuffisances techniques prévues. Il n'y a pas en effet à ce moment-là de contrôle sur les accès vers les sites.

    Les usages

    Il est clair que l'observation des pratiques des étudiants ne répond pas à l'objectif d'usage défini par la BU. On constate une utilisation massive de la messagerie électronique (fournisseurs gratuits de boîte aux lettres), ainsi qu'une consultation de sites à caractères récréatifs ou commerciaux.

    Malgré ces dérives, nous pouvons observer que nombre d'étudiants viennent avec des objectifs précis, liés à leurs études en cours et à des exercices soumis par leurs enseignants : recherche d'informations sur un sujet, sur une entreprise en vue d'un stage ou d'un emploi, consultation des catalogues de bibliothèques avant de s'y rendre, recherches bibliographiques, informations relevant du domaine juridique (rapports du Sénat, de la Cour des comptes...). Pour ces utilisateurs, les pages de liens représentent une aide et un gain de temps.

    La formation du public : une évolution qui prend en compte l'appropriation de l'outil par le public étudiant

    La mise en place d'un accès à Internet dans le cadre universitaire génère un besoin de formation accru (et peut-être plus important que pour une recherche dite traditionnelle), tant pour le personnel, qui doit prendre en compte dans ses pratiques un nouvel outil, que pour le public, qui doit intégrer un certain nombre de notions nouvelles (fiabilité de l'information, absence de pérennité...). C'est cet apprentissage qui va constituer la base de l'appropriation de l'outil.

    Des séances de formation ont été organisées à un rythme assez soutenu pour situer la place d'Internet dans le cadre de la recherche et du travail universitaires, et présenter les liens thématiques.

    Un nouveau cadre de lecture

    Les enquêtes récemment diligentées par la bibliothèque universitaire n'ont pas révélé une forte curiosité de la part des étudiants face à ce nouvel outil. À ce moment-là, aucun poste n'était disponible pour l'expérimentation par le public. Nous n'avons donc pas pu nous appuyer sur l'expression de leur besoin pour l'élaboration de notre projet. Leur attentisme était d'ailleurs avéré au cours de cette enquête concernant plusieurs services.

    Le mythe encyclopédique du réseau mondial est présent dans tous les esprits. Les médias, les discours politiques relaient l'idée selon laquelle ce nouveau mode d'accès à l'information est porteur de savoirs et de connaissances auxquels nous n'avions pas accès.

    Trop souvent, le public « picore » des informations : la fonction hypertexte favorise un comportement et une capture rapide d'informations brèves en même temps qu'un éparpillement de la recherche. Elle ne génère pas une attitude de réflexion sur une source donnée et ne répond pas à une méthodologie de recherche. On est en droit de se demander si cette méthode de recherche est bien ce que l'on attend dans le cadre d'une réflexion universitaire, et de s'interroger sur l'évolution que va entraîner ce nouvel outil en matière de travaux personnels.

    Une nécessaire prise en compte par le personnel

    La formation du personnel est une étape à ne pas négliger. Elle a été en partie assurée à la bibliothèque universitaire pour des présentations générales, puis le relais a été pris par les différents organismes de formation. Elle doit se poursuivre et devenir autoformation, tant l'évolution (notamment des moteurs de recherche) est rapide.

    La bibliothèque dans un système évolutif: la mise en place d'un Intranet public

    La bibliothèque hors les murs

    La situation des locaux, éloignés des bâtiments de cours, la fréquentation très importante (jusqu'à 8 000 entrées par jour pour une bibliothèque de 2 000 places assises), l'absence de services ciblés ont éloigné le public des enseignants et des chercheurs de la bibliothèque universitaire. La technologie vient à point pour signaler la présence de la bibliothèque et de ses services.

    À l'heure actuelle, depuis leur bureau, voire depuis chez eux, et en tout cas dans des espaces destinés à la recherche, les enseignants et les chercheurs de l'université ont la possibilité de consulter les catalogues de bibliothèques, les bases de données auxquelles la BU est abonnée.

    Vers des services personnalisés

    Ce qui est actuellement consultable à distance va être complété par des services rendus possibles par la réinformatisation. En effet, le SCD est en train de se doter d'un système de gestion intégré de bibliothèque qui permettra d'adjoindre à la consultation des catalogues un service de réservation à distance des documents en magasin, de vérifier la disponibilité de documents, de déposer des demandes de prêt entre bibliothèques, de communiquer des suggestions d'achats. À ce stade, le public disposera à la BU de près de 90 postes de consultation spécialisés, sans compter ceux qui seront disponibles dans les BUFR.

    Côté privé : à petits pas vers la gestion des ressources et de l'information

    La bibliothèque universitaire de Paris X-Nanterre est située sur un seul site. Le bâtiment est réparti sur trois ailes de deux niveaux. À chaque niveau on trouve des espaces destinés au public et des bureaux du personnel. Une centaine de personnes y travaillent (y compris les personnels vacataires et moniteurs étudiants), au rythme d'une grille de service public contraignante qui ne favorise pas les possibilités de réunion et d'information pour l'ensemble du personnel.

    En effet, l'ensemble des personnels de la BU participe à l'accueil du public ; par ailleurs la disposition des locaux et des points d'information ou de service nécessite un nombre important de personnel pendant la totalité des heures d'ouverture. De fait, un déficit d'information se fait sentir qui est très régulièrement exprimé par le personnel. La disposition des lieux, les distances à parcourir (200 mètres pour se rendre au local photocopieur du niveau 1 par exemple) ne facilitent pas les échanges et la diffusion des informations. Par ailleurs, l'archivage personnel des informations diffusées sous forme imprimée est souvent déficient, quand l'information a été lue en temps utile !

    Intranet: un début de gestion des ressources internes

    La création d'un site Intranet répond dans un premier temps à l'objectif de faire circuler l'information : il vient en appui de la communication traditionnelle. La BU édite un bulletin d'information interne (3 numéros par an) qui est en cours de remaniement du fait de la mise en place de l'Intranet.

    Accessibles uniquement à partir des micros professionnels, les pages sont consacrées à la diffusion de l'information concernant les services, les plannings, la mise en oeuvre des projets, le répertoire et l'annuaire des services.

    Consulter l'information interne et externe est un atout majeur de l'Intranet, qui ouvre également sur le réseau mondial. Outre la mise à disposition immédiate d'informations internes, un certain nombre de liens à des sites professionnels sont répertoriés dans une page qui est aussi un espace de proposition pour tester des sites. Le personnel a la possibilité de participer à des listes de discussions, d'intervenir et de recueillir facilement des informations et des expériences.

    La conception et le déploiement de l'Intranet ont pour but de faciliter les échanges, de limiter le temps passé à trouver une information nécessaire pour une décision, et à plus long terme d'éviter que le départ d'une personne n'entraîne la perte d'un savoir. L'Intranet répond à un défi stratégique majeur autour de la mobilisation de l'intelligence et de la connaissance collective, et autorise une répartition sur l'ensemble des acteurs.

    En posant des défis culturels et organisationnels, il intervient sur la structure hiérarchique de l'établissement, permettant ainsi à tous les acteurs de disposer de l'information.

    Vers une modification des modes de travail

    Depuis l'introduction d'Internet à la BU, la politique d'attribution des adresses électroniques a évolué.

    Actuellement, l'ensemble des services dispose d'une adresse, ainsi que les personnels chargés d'encadrement et les catalogueurs (ces adresses succèdent à celles de la messagerie Sibil). Les informations et échanges passent ainsi de plus en plus souvent par le courrier électronique : convocation à des réunions, transmission de textes à mettre en forme vers le secrétariat, informations en provenance des listes de discussions, etc.

    Internet: outil de fédération d'un SCD

    La concrétisation du réseau de bibliothèques a été accélérée par l'implication des bibliothèques d'UFR dans la réinformatisation, dont elles sont partie intégrante au même titre que la bibliothèque universitaire, mais aussi par la fermeture prolongée de la BU pendant la période d'exécution de travaux sur le bâtiment.

    Les forces matérielles ont été réparties dans ces bibliothèques, qui ont la charge de relayer certaines fonctions de la BU afin de limiter au maximum la perte d'outils bibliographiques pour les étudiants. Ces derniers ont ainsi accès au réseau de cédéroms, aux bases de données, aux catalogues de bibliothèques, au catalogue des périodiques et à la base de sommaires.

    1. Philippe Breton, Les autoroutes de données ». http ://www. info. fundp. ac. be/~bvb/Breton. html retour au texte

    2. Service commun de la documentation. À Nanterre, il est constitué d'une bibliothèque universitaire et de treize bibliothèques d'UFR, dont trois sont des bibliothèques intégrées. retour au texte

    3. La sonothèque propose les enregistrements sur cassettes des cours du centre de téléenseignement de Paris X. Elle contribue à l'encyclopédie sonore (voir encadré) retour au texte

    4. SCD-BU@u-paris10.fr retour au texte

    5. Structure mise en place en 1989 à partir de Médiabop. retour au texte