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    Les cahiers de suggestions

    Une volonté de liaison avec les publics à la médiathèque de Montmorillon

    Par Noëlle Bertrand, Bibliothécaire à Montmorillon

    Dans cette médiathèque ouverte ex nihilo en 1998, le partage avec les publics s'est manifesté par la mise à disposition de trois cahiers de liaison, un à chaque niveau.

    La stratégie des emplacements

    Au rez-de-chaussée, chez les enfants, le cahier est posé sur le bureau. Il recueille une minorité de demandes. D'une part, la liberté d'expression est freinée par le bureau et aussi par le jeune âge des publics. D'autre part, les éducateurs semblent le plus souvent déléguer les choix aux professionnels. Sur 74 suggestions, seules 43 concernent des documents pour enfants.

    Au premier étage, forum d'actualités et plateau des documentaires, le cahier est isolé sur un guéridon, stylo en évidence, le tout à 4 m du bureau, dans la zone la plus passante de la médiathèque. En un an, 284 suggestions ont été relevées.

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    Tableau : cahier de suggestions

    Au second étage, espace littératures et musiques, le cahier est dans un angle, en dehors du champ de vision du bureau. Il a recueilli 441 suggestions.

    Vous l'aurez compris, la tentation d'écrire est inversement proportionnelle à la distance du bureau.

    Le traitement des cahiers

    Chaque mois, les demandes reçoivent une réponse :

    • nous allons commander ;
    • la suggestion passera en réunion d'acquisition le... ;
    • le sujet est déjà traité à telle cote ;
    • la suggestion n'a pas été retenue ;
    • venez préciser votre demande ;
    • demandez à partir de telle date... »

    Pour réduire les demandes anonymes, il n'y est pas donné suite. Un trait est tiré à la place de la réponse, ou bien y figure cette invitation à s'identifier : « Vos suggestions sont intéressantes, il est dommage qu'elles soient anonymes. »

    Le public a le choix, pour s'identifier, de donner son nom ou son numéro de carte.

    Le public est invité par le personnel à s'exprimer par écrit dans un cahier plutôt qu'oralement. Il reste des personnes qui ne veulent pas ou n'osent pas prendre le stylo. Une place est donc faite en réunion pour les demandes orales.

    Les demandes acceptées sont relevées et, lorsque le document arrive, il est réservé et l'abonné est averti par téléphone.

    La satisfaction des demandes

    • * 86 % des demandes sont satisfaites. La médiathèque est encore jeune : deux ans d'ouverture, 20 000 documents. Beaucoup de suggestions méritent notre intérêt.
    • 14 % des demandes sont refusées. Il s'agit :
      • De sujets déjà largement abordés : guerres mondiales, Égypte, Shoah, bouddhisme, bestsellers, hit-parade, rap.
      • De sujets ou de supports que nous ne souhaitons pas développer pour l'instant : supports magnétiques, livres jeux de rôle, cédéroms de jeux.
      • De documents épuisés.
      • De documents très pointus pour notre envergure : un dictionnaire d'hébreu ancien par exemple.
      • - Des documents que demandent par listes de deux à cinq titres quelques personnes n'étant jamais à cours de suggestions. La volonté est de ne pas valoriser de « gros demandeurs par rapport aux demandeurs épisodiques ou ayant moins de potentiel de suggestions.
      • De documents éphémères quant à l'intérêt qui y sera porté : L'An 2000 par Paco Rabanne, les Mémoires du chauffeur de François Mitterrand...

    Que demande-t-on ?

    Vignette de l'image.Illustration
    Que demande-t-on?

    L'écrasante majorité de la demande en CD fait réfléchir sur le contenu des fonds aujourd'hui. Et que l'on ne s'y trompe pas : point de classiques, mais une avalanche de noms de groupes rap, reggae, funk, techno ; beaucoup de bandes originales de films qui reprennent précisément les musiques de groupes à la mode ; beaucoup de jeunes gloires savamment médiatisées, sans parler des stars confirmées.

    Les cahiers, en dehors des suggestions, sont aussi un terrain de communication : les uns demandent et d'autres donnent leur avis sur la demande. L'esprit critique s'affine, et nous avons un comparatif Historia et L'Histoire, Archéologia et Archéologie, ou bien SVM micro et Micro hebdo.

    Les uns remercient pour les fleurs en bibliothèque, d'autres voudraient un coin pour fumeurs, réclament des livres qui expliquent comment faire en amour, adressent des reproches d'injustice parce qu'un document a été réservé deux fois alors que le règlement n'en autorise qu'une...

    Qui demande ?

    Sur deux ans d'exercice, nous retrouvons un noyau de fidèles, mais aussi des inscrits de la première heure qui ont attendu plus d'un an pour aborder les cahiers, pour se « désintimider " en quelque sorte. Et encore des nouveaux inscrits qui ont trouvé ce moyen pour se familiariser avec le lieu.

    Conclusion

    Le fait que 12 % des abonnés s'expriment peut être considéré comme une belle réussite. Toutefois, cet avis est à tempérer lorsqu'on sait qu'il s'agit d'un établissement neuf: 10 000 documents à l'ouverture ; 20 000 au bout de deux ans. Les lacunes sont faciles à trouver. Lorsqu'on sait aussi que la forte demande en CD correspond précisément à une offre faible : 2 500 documents seulement.

    Bornons-nous à qualifier l'usage des cahiers de simple réussite, grâce à l'équipe qui a le réflexe d'inviter à les utiliser, grâce à leur nombre et à leur disposition dans l'espace, grâce enfin aux publics qui veulent s'exprimer dans ce lieu neuf, s'approprier l'espace, marquer le bâtiment de leur empreinte en y exerçant leur droit de citoyenneté.

    La bibliothèque n'est-elle pas toujours ce lieu de tension entre le général et le particulier ?