Index des revues

  • Index des revues
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    Introduction

    Par Myriem Foncin, Présidente de la Section de Lecture publique de l'A.B.F.

    Les Bibliothèques pour les Jeunes

    Le problème des bibliothèques pour jeunes se trouve posé avec une nouvelle insistance maintenant qu'un peu partout s'ouvrent des bibliothèques pour enfants et se réorganisent des bibliothèques scolaires.

    Lorsque l'adolescent quitte l'école à quatorze ou quinze ans il voit se fermer pour lui les portes de ces bibliothèques où il a pris goût à la lecture. Par son entrée dans le monde du travail il est coupé en partie du milieu familial où il vit beaucoup moins, et complètement du milieu scolaire où il se trouvait encadré. Aux champs, à l'atelier, à l'usine, au bureau, les adultes avec lesquels il est en rapport le traitent le plus souvent sans ménagement comme un des leurs, et ceci alors qu'il est en pleine évolution, qu'il se pose, sans vouloir interroger personne, maintes questions, qu'il se cherche lui-même. C'est le moment où il a peut-être le plus grand besoin du livre. Souvenez-vous de vos seize ans et de la fringale avec laquelle vous dévoriez les livres. Souvenez-vous de tout ce qu'ils vont ont alors apporté en bon ou en moins bon.

    Où l'adolescent trouvera-t-il des livres ? Dans les bibliothèques pour adultes

    Beaucoup diront - et c'est l'opinion de la plupart de nos collègues anglais qui ont tant fait pour les bibliothèques pour jeunes - pourquoi les jeunes ne fréquen-teraient- ils pas la même bibliothèque que ces adultes dont ils partagent la vie et ils voient dans le désir de leur donner une bibliothèque particulière un souci de préservation morale qui leur semble périmé. Comment serait-il question de préser-ver avec le cinéma, la radio, la télévision et alors que la pire des littératures est en vente à bas prix dans tous les kiosques ? Mais il y a là un problème d'ordre psychologique qu'on ne saurait méconnaître. Ce ne sont pas les mêmes livres qui intéressent les adultes et les jeunes restés souvent encore très enfants et dont l'évo-lution intellectuelle n'est pas achevée. Surtout les jeunes souhaitent se retrouver entre eux, sans leurs aînés et organiser eux-mêmes leurs activités. Pour qu'ils continuent à lire - il ne s'agit pas ici des fanatiques qui liront toujours et partout, mais du plus grand nombre - il faut que le livre soit lié à tout ce qui les attire, leur parle de ce qui les passionne. C'est pourquoi il paraît souhaitable qu'ils aient leur biblio-thèque dont ils seront en partie les maîtres.

    Ici certains de nos collègues français formulent une objection. Oui, disent-ils, les jeunes ont besoin de lire et plus ils sont moralement seuls, plus ce besoin s'impose. Mais le livre a un terrible pouvoir. Il peut exercer sur des jeunes une influence durable, les orienter à jamais. C'est parce que nous sommes convaincus de son action profonde que nous, bibliothécaires, nous ne souhaitons pas organiser la lecture des jeunes. Les parents, les éducateurs, qui en ont la charge morale, sont seuls accrédités pour être auprès d'eux les conseillers de lecture dont ils ne sauraient sans danger se passer. Ce scrupule très respectable fait le plus grand honneur à ceux qui l'éprouvent. Mais lorsque les parents ne peuvent rien faire ou ne font rien, lorsque les éducateurs les voient s'éloigner, faut-il laisser les jeunes à leur solitude ? Même sans les conseils qu'il est tout de même souvent possible de donner et à bon escient, la bibliothèque organisée pour eux sera moins dangereuse que bien des distractions qui les tentent. Si les livres parfois ajoutent à leur désarroi intérieur le plus souvent ils les aideront à dégager leur personnalité et à préciser leurs règles de vie.

    Les réalisations que nous allons présenter aujourd'hui indiqueront les formes différentes que la bibliothèque pour les jeunes a déjà prises. Les expériences de deux pays étrangers et une toute récente création serviront d'introduction à l'échange de vues auquel nous souhaitons consacrer une prochaine réunion.