Index des revues

  • Index des revues
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓
    Par Michèle Hébert
    Lucien Febvre
    Henri-Jean Martin

    L'apparition du livre...

    avec le concours de Marcel Thomas (pour les manuscrits), Anne Basanoff (pour les pays slaves), Henri Bernard-Maître et Marie-Roberte Guignard (pour l'Extrême-Orient). Paris, 1958, 558 p., notes, bibliographie, index général, cartes, planches (Coll. l'Evolution de l'Humanité, XLIX).

    Il était naturel que la collection de l'Evolution de l'Humanité, bibliothèque de synthèse historique, consacrât un de ses volumes à l'invention qui, à la fin du Moyen-Age, fut un des facteurs de l'humanisme naissant. Le mérite singulier de l'ouvrage qui paraît aujourd'hui est, en étudiant sous tous ses aspects les conditions d'apparition du livre imprimé, objet matériel destiné à transmettre un message intellectuel ou spirituel, d'en souligner l'ambivalence ; cette ambivalence justifie la composition d'une étude dont le contenu dépasse de beaucoup le titre, et qui établie sur deux plans interférant constamment, s'attache à l'aspect technique et commercial du livre aussi bien qu'à son contenu culturel et aux conséquences de sa diffusion.

    La préface de Lucien Febvre qui inspira l'ouvrage et en conçut le plan, précise en effet qu'il ne s'agit pas ici d'écrire une fois de plus l'histoire de l'imprimerie, mais de mettre en lumière « l'action culturelle et l'influence du livre pendant les 300 premières années de son existence, du milieu du XVe siècle aux avant-dernières décades du XVIIIe siècle, de la Renaissance à la Révolution, et d'étudier les incidences sur la culture européenne d'un nouveau mode de transmission de la pensée ». Lucien Febvre souhaitait, en effet, remédier ainsi à la dispersion apportée par les études analytiques, nécessaires à la connaissance exhaustive de tel ou tel point de l'histoire du livre imprimé. Cette conception, étendue à l'Extrême-Orient et au nouveau monde, a entraîné pour les auteurs, M. H.-J. Martin et ses collaborateurs, la nécessité d'examiner l'ensemble des causes d'ordre économique, social et culturel qui ont accompagné l'invention de l'imprimerie et les conséquences qui, « dans ce triple domaine, en découlèrent ». Après une introduction (due à M. Thomas) où sont résumés les caractères principaux du livre manuscrit au XVe siècle, époque où la multiplication des exemplaires préludait déjà à ce que le livre imprimé devait réaliser : l'édition, H.-J. Martin passe successivement en revue les essais préliminaires et décrit les conditions techniques favorisant la nouvelle invention : apparition du papier en Europe, emploi des caractères métalliques mobiles, utilisation de la presse ; une place plus importante encore est réservée à l'aspect économique et social du livre en tant que marchandise, créée par des techniciens et faisant l'objet d'un commerce.

    Oui achetait les livres ? Quelle était l'organisation de la profession d'imprimeur ou d'éditeur? comment s'est développé le commerce du livre et quelles causes ont présidé à ce développement? Tel est le sujet abordé ensuite par le chapitre intitulé : « La géographie du livre », où deux cartes indiquent l'extension progressive et la multiplication des lieux d'impression à travers l'Europe.

    Mais la valeur véritable du livre réside essentiellement dans le message qu'il transmet ; aussi convient-il de souligner l'importance du dernier chapitre : « Le livre, ce ferment », conclusion de tout l'ouvrage. Enumérant ce qu'on lisait au XVe et au XVIe siècle, l'auteur étudie l'influence intellectuelle exercée par l'invention nouvelle et note successivement le rôle qu'elle joue dans la formation de l'humanisme et dans la propagation du protestantisme. Il signale enfin sa participation au développement des langues nationales au détriment du latin, contribuant ainsi paradoxalement à la destruction de l'humanisme en Europe.

    On mesurera, par cette sèche énumération, tout ce qu'apporte cette « Somme » du livre, nécessairement touffu, où l'agrément du style parvient cependant à compenser l'aridité des statistiques ; on appréciera aussi tout ce que ces dernières apportent, en un tel sujet, à la connaissance de l'histoire. Si le livre imprimé, ainsi que le constate mélancoliquement Lucien Febvre, n'est pas assuré, à l'époque actuelle, de demeurer l'instrument de la culture, il importait de montrer quelles furent ses lettres de noblesse et les valeurs qu'il a transmises.