Bien que nous ne l'ayons pas reçu en service de presse, nous tenons à signaler à nos lecteurs cet excellent petit livre, qui donne une vue très actuelle des problèmes qui nous intéressent. Il est l'oeuvre d'une équipe de treize auteurs, qui se sont partagé les différentes matières selon leurs compétences. Un très bon chapitre introductif de Jean Hassenforder sur « Les lecteurs et la lecture » donne un historique du développement parallèle de l'instruction publique et de la lecture, dont les progrès sont particulièrement sensibles chez les jeunes ; on trouve là des données chiffrées tirées de diverses enquêtes, sur l'âge des lecteurs, la lecture en milieu ouvrier, le rôle des loisirs, etc... Suivent deux chapitres, l'un sur les problèmes de l'édition, l'autre sur ceux de la diffusion et de la librairie, qui comptent, particulièrement le dernier, parmi les plus intéressants, en ce sens qu'ils attirent l'attention sur certains aspects de ces professions auxquels les bibliothécaires ne songent pas toujours. Sait-on que, s'il y a eu en France 2.677 éditeurs occasionnels en 1966 (dont plus de 2.000 publient moins de cinq titres par an), le nombre des éditeurs professionnels est de 376 ? Encore faut-il compter avec un mouvement de concentration qui risque, si l'on n'y prend garde, de livrer la production à de très grosses maisons étrangères... Quant aux libraires, un sur quatre est à Paris, et encore la très grande majorité dans trois arrondissements seulement. On s'explique mieux alors le succès de ces « points de vente », dans les grands magasins, les supermarchés, etc..., qui suppléent aux défaillances du « circuit lettré ».
Le chapitre sur les bibliothèques publiques, de Jean Hassenforder, bien documenté, nous apportera cependant moins d'éléments nouveaux. De même celui sur les bibliothèques d'enfants, où Geneviève Patte déplore le trop petit nombre de bibliothèques spécialisées et l'espèce de mépris où l'on tient volontiers dans notre pays, et la littérature enfantine, qui n'a ni critiques ni professeurs, et les bibliothécaires pour enfants... Un chapitre plus nouveau est celui consacré aux bibliothèques d'entreprise, dû aux bibliothécaires de la Régie Renault. On est loin d'apprécier à leur valeur ces bibliothèques (plus de 3.000 en France dans le seul secteur privé), qui prêtent, chez Renault par exemple, trois livres par an et par salarié - ce qui n'est pas négligeable. Le sous-développement des bibliothèques publiques rend et rendra longtemps encore ces bibliothèques indispensables, même si de notre point de vue il y a beaucoup à dire sur l'orientation idéologique que leur imposent certains comités d'entreprise...
Le chapitre sur l'animation et la bibliothèque en tant que centre culturel, de notre collègue André Harotte, est suivi d'une documentation bibliographique sommaire mais utile pour le choix des livres, les revues bibliographiques, etc...
L'ouvrage se clôt sur un chapitre d'Augustin Girard « Pour une politique de la lecture ». M. Girard regrette que les décisions touchant le livre relèvent de six directions ministérielles. Il existe, paraît-il, « une politique du théâtre, de la musique, des musées, du cinéma, des maisons de la culture » et pas de politique de la lecture. Encore que certains des secteurs cités semblent ne pas se mieux porter de ladite politique, il existe du moins une politique de la lecture publique, définie par un rapport interministériel et assumée par le Service de la lecture publique de la Direction des bibliothèques et de la lecture publique. Cependant, malgré l'existence de cette direction, toutes les bibliothèques sont loin d'en relever, même au sein du Ministère de l'éducation nationale : témoins ces bibliothèques scolaires, qui pourtant ne dépendent que du bon vouloir de l'Etat, et dont l'absence quasi totale en France est si choquante. Elles sont également absentes de ce livre d'ailleurs, sinon par quelques phrases de J. Hassenforder et les quelques paragraphes que leur consacre G. Patte. Car le chapitre que consacre J. Charpentreau à la « bibliothèque de classe » décevra les bibliothécaires, qui ont d'autres ambitions sur ce point. Et pourtant, donner aux jeunes le goût de la lecture et l'habitude de la documentation, n'est-ce pas essentiel pour l'avenir de la lecture ?
Et l'on eût aimé trouver aussi quelques renseignements complémentaires sur d'autres réseaux de bibliothèques comme ceux de la Ligue de l'enseignement, des Bibliothèques pour tous... Le tableau eût été encore plus complet.
Tel quel, cet ouvrage est appelé à rendre de grands services, notamment pour la formation des futurs bibliothécaires, qui comprendront mieux dans quel tableau d'ensemble s'inscrit leur activité.