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    Le circuit New York - Colombus

    Par André Thill

    A l'occasion du 40e Congrès de la FIAB qui rassembla à l'hôtel Hilton de Washington un millier de bibliothécaires représentant 72 nations, trois voyages d'études préliminaires ont été organisés par nos collègues américains, conduisant l'un à Boston et Manchester, l'autre à New York et Colmbus, le troisième à San-Francisco et Chicago.

    Ceux qui choisirent le tour B purent visiter du 12 au 15 novembre quelques bibliothèques et institutions américaines exemplaires à New York et à Colombus dans l'Ohio.

    La première visite à NEW YORK fut pour la « H.W. Wilson Company », firme privée fondée en 1898 et qui est certainement une des plus grandes maisons d'édition d'instruments bibliographiques et bibliothéconomiques. Cet éditeur publie en effet index, périodiques, biographies, bibliographies, catalogues et divers ouvrages de référence spécialisés dans le domaine de la documentation et des bibliothèques. Signalons parmi les publications les plus connues le Wilson Library Bulletin qui est mensuel, le Reader's guide to periodical literature, la Current biography et les nombreux index et catalogues par thème (fiction, littérature pour les jeunes, etc.).

    L'élaboration intellectuelle et matérielle de ces publications firent l'objet d'une visite détaillée et commentée par de charmantes hôtesses dont une Haïtienne pour les francophones.

    La deuxième visite conduisit à l'importante et célèbre « New-York public library ». Cette bibliothèque qui comprend 85 succursales et six bibliobus, dessert 3 quartiers de New York: Manhattan (1,7 million d'habitants et 38 succursales), Bronx (1,4 million d'habitants et 35 succursales) et Staten Island (300.000 habitants et 12 succursales). Les deux autres quartiers de New York : Brooklyn (2,6 millions d'habitants) et Queens (1,8 million d'habitants) possèdent leur propre réseau de bibliothèques (55 à Brooklyn et une trentaine à Oueens).

    Les deux mille personnes employées par la « New-York public Library » se répartissent dans ce réseau qui comprend, outre les succursales de quartier, une bibliothèque d'étude et de recherche dans un vieux bâtiment solennel en plein coeur de Manhattan, dont la salle de lecture peut accueillir 800 personnes. Une bibliothèque jouant à la fois le rôle de centrale pour les succursales et de succursale pour la population surtout étudiante et d'hommes d'affaires se trouve à proximité de la précédente : c'est la « Mid-Manhattan library » qui occupe deux vastes étages truffés d'escalators et qui publie depuis novembre 1972 un catalogue collectif établi par ordinateur de l'ensemble de son fonds et de celui des succursales. C'est la plus grande et la plus récente (1970) des succursales ; elle est ouverte du lundi au samedi de 9 h à 22 h et était extrêmement fréquentée lors de notre visite. Elle possède 154.000 ouvrages de référence (dont 36.000 périodiques) et 275.000 volumes en libre accès dont 40 % de livres d'histoire et de sciences sociales. Elle prête 80.000 livres par mois.

    D'autres succursales sont importantes, notamment celles qui sont spécialisées dans certains domaines ou pour une catégorie de public. Ainsi la « Nathan Straus Young adult library » au « Donnell library Center » qui est une bibliothèque pour adolescents, la « Library and Museum of the performing arts » installée dans les très vastes et modernes bâtiments du Lincoln Center à Manhattan, spécialisée dans la musique, la danse, le théâtre et les arts du spectacle et comprend en outre section pour enfants, discothèque et vidéothèque, salle d'exposition, archives sonores, propres à satisfaire l'amateur comme le spécialiste. A signaler une autre succursale, la « Library for the Blind and Physically Handicapped » qui dispose d'extraordinaires collections de livres en braille, en gros caractères, de disques, de bandes magnétiques et d'instruments d'écoute.

    On est frappé partout par l'abondance des fonds, notamment des livres de référence, et du personnel, par la qualité des services de renseignement (1) , l'importance de la fréquentation du public, les nombreux catalogues et des moyens bien supérieurs aux nôtres. Cependant, ces bibliothèques connaissent actuellement une crise et leurs ressources financières sont en baisse. Trois des 85 succursales ont dû fermer le 18 novembre par manque de crédits : il manquait 500.000 dollards pour payer 60 employés et des tracts étaient distribués aux portes des bibliothèques, aux lecteurs, afin qu'ils se constituent en groupes de pression et envoient des pétitions au maire de la ville et à diverses personnalités politiques. Le problème des vols de livres est aussi préoccupant et concerne aussi bien les bibliothèques publiques que les bibliothèques universitaires. A la New-York public library, les pertes se chiffrent en millions de dollars par an et des systèmes de contrôle et de sécurité sont mis en place un peu partout. Un ou plusieurs policiers sont également présents en permanence dans chaque bibliothèque.

    La deuxième journée fut consacrée à la visite de bibliothèques universitaires : la bibliothèque de la célèbre « Columbia University of New-York » et la récente et moderne « Bobst University Library ». Elle fut complétée par la visite de la « Bibliothèque des Nations-Unies » où le groupe de bibliothécaires se rendit, encadré de policiers, car des manifestations se déroulaient à l'occasion de la visite de Yasser Arafat à l'ONU. Cette bibliothèque, qui est réservée aux fonctionnaires travaillant aux Nations-Unies, est la seule des Etats-Unis à avoir classé son fonds selon la C.D.U.

    Créée en 1754, l'« Université Columbia » de New York est l'un des plus grands centres d'enseignement et de recherche des Etats-Unis. Elle comprend 16 écoles et facultés groupant 17.000 étudiants.

    Sur le plan des bibliothèques, il s'agit là d'un véritable « complexe »... à la dimension américaine !... Le principe de la décentralisation a été retenu par les services documentaires tandis que les services dits techniques sont centralisés.

    Les services documentaires sont regroupés en trois grands centres, ce qui laisse supposer entre eux une coordination. Ces centres sont les suivants : Centre des études humaines, Centre d'information scientifique et technologique, Centre des sciences sociales. Toutes les bibliothèques de chacun des trois centres dont la répartition des domaines documentaires s'appuie sur une division universitaire traditionnelle, doivent répondre aux besoins d'information et de documentation au niveau de la recherche et des programmes d'enseignement. A ces collections viennent s'ajouter celles de bibliothèques spécialisées notamment en architecture, santé, droit...

    Acquisition, conservation, recherche bibliographique, automatisation, catalogage, construction et entretien des bâtiments sont du ressort d'un service technique. Un autre service est responsable de la politique de développement des collections et étudie les programmes afin d'améliorer le service rendu aux usagers. Dans ce but, il organise des cours d'initiation, édite des guides, utilise les moyens audio-visuels à leur intention.

    Les différentes bibliothèques visitées, Butler library (Bibliothèque centrale), East Asian, Avery Architecture, sont installées dans des bâtiments construits depuis plusieurs années tandis que la Lehman Library (Affaires internationales) est dotée d'un bâtiment très récent qui donne l'impression d'être un « magasin en libre accès » en raison de la densité des collections proposées. Il existe entre cet ensemble de bibliothèques et des autres bibliothèques du « campus » des relations de « bon voisinage » telles que le service du prêt.

    L'importance des collections était au mois de juin 1974 de 4.552.849 volumes, 97.873 microfilms, 1.114.743 microfiches, 5.600.000 manuscrits et plus de 55.000 titres courants de périodiques auxquels viennent s'ajouter des collections de cartes, disques...

    Le personnel comprend 138 bibliothécaires sur un total de 538 employés. Des étudiants sont recrutés à temps partiel en qualité d'assistants.

    La fréquentation des bibliothèques est selon les statistiques de 13 à 15.000 entrées par jour durant l'année universitaire.

    Le budget total s'est élevé en 1974 à $ 6.731.574 dont $ 4.410.485 pour les traitements et salaires et $ 1.315.545 pour la documentation, non compris la reliure. Ces crédits sont estimés insuffisants par les bibliothécaires.

    Signalons enfin que l'Université de Columbia comporte aussi une prestigieuse école de bibliothécaires fondée par Melvil Dewey et dont les diplômes sont renommés. L'importance du fonds de la bibliothèque des élèves a fortement impressionné les visiteurs.

    Un magnifique bâtiment, « building » rutilant de marbre, abrite dans le coeur du New York intellectuel, la « Bobst library » de l'Université de New York.

    Avant l'ouverture de cette imposante bibliothèque à la fin de 1973, de nombreuses bibliothèques étaient disséminées dans tout Greenwich Village. Cette construction a entraîné une centralisation des collections autrefois dispersées. Ainsi, 1.200.000 ouvrages et autres média sont rassemblés en un même lieu qui dispose d'un bureau de référence, d'un bureau de prêt et de réservation. Cette bibliothèque est un exemple type du mécénat américain (2) .

    Le bâtiment comporte 14 étages dont 2 en sous-sol. Construit par les architectes Philipe C. Johnson et Richard Foster, il couvre tout un « bloc » du sud-est de Washington Square (3.600 m2 au sol). La conception du bâtiment est simple: un hall d'entrée, haut de 45 m autour duquel s'organisent les différentes salles et services. Le dallage du hall en marbre blanc, noir et gris rappelle celui de l'église San Giorgio Maggiore à Venise. Une impression d'espace et de luxe gagne le visiteur qui pénètre dans ce hall d'où l'on voit l'ensemble des étages aux cloisons de verre aménagés en salles de lecture abondamment équipées d'ouvrages et de matériel audio-visuel. Les bibliothèques universitaires américaines ont des collections de référence sans aucune mesure avec les nôtres.

    Le personnel de la bibliothèque est réparti entre trois divisions : services techniques : catalogage, traitement des documents, services des lecteurs et services de référence. Le bâtiment abrite les bureaux de l'administration de la bibliothèque et également ceux de l'administration centrale de l'Université. La visite de cette imposante bibliothèque de verre et d'acier disposant d'un total de 54.000 m- de salles d'étude et de services intérieurs laissa plus d'un bibliothécaire français rêveur.

    COLOMBUS, ville de 600.000 habitants, capitale de l'Etat de l'Ohio, présentait l'intérêt de la visite de la bibliothèque de la troisième université américaine, de la bibliothèque de l'Etat de l'Ohio, des Chemical Abstracts et du réseau automatisé de « l'Ohio College library Center » (O.C.L.C).

    La visite au « Chemical abstracts Service » impressionna les visiteurs par l'importance de ses services, de son personnel et de ses réalisations.

    Au total, l'Etat de l'Ohio qui est peuplé de 11 millions d'habitants possédait, en 1974, outre sa bibliothèque d'Etat, 250 bilbiothéques publiques avec 379 succursales et 83 bibliobus, 109 bibliothèques universitaires ou bibliothèques de grandes écoles ou institutions, 1.981 bibliothèques d'établissements scolaires, 46 bibliothèques d'hôpitaux ou de prisons, 154 bibliothèques spéciales d'organisations privées.

    La visite de l'Institution de « l'Ohio College library Center » (O.C.L.C.) fut particulièrement intéressante pour le réseau de communication d'information par ordinateur qu'elle a créé.

    L'O.C.L.C. est un organisme privé sans but lucratif. Chaque bibliothèque qui accepte de participer au réseau est membre de cette institution et participe à son organisation. La description du système mis au point par l'O.C.L.C. ayant été décrit par son directeur, M. Kilgour, dans le Bulletin des Bibliothèques de France de mai 1974, nous ne décrirons pas ce système sinon pour dire qu'il s'agit d'un système de catalogage collectif en conversationnel et de catalogage partagé, d'acquisition et de contrôle des publications en série, fait par ordinateur. Actuellement, un million de notices bibliographiques sont communiquées aux 270 bibliothèques disposant de 350 terminaux, participant à ce réseau.

    L'O.C.L.C. produit aussi des fiches et fonctionne comme une sorte de catalogage national centralisé et le Bureau pour l'automatisation des bibliothèques s'est beaucoup inspiré de cette expérience qui semble donner satisfaction aux bibliothèques qui sont connectées à cet ordinateur.

    La « Bibliothèque centrale de l'Université de l'Etat de l'Ohio » participe aussi au réseau O.C.L.C. : automatisation du catalogage, catalogage partagé, interrogation bibliographique sur terminal, ont cours dans toutes les sections. Le personnel admet volontiers qu'il lui serait impossible de revenir aux méthodes traditionnelles. La machine libère le bibliothécaire de tâches matérielles et lui permet de se consacrer davantage au service du lecteur. 150.000 volumes sont acquis et traités chaque année.

    C'est dans cette bibliothèque où le contrôle des sorties était effectué par des étudiants que nous avons eu l'impression que l'étudiant américain admettait le principe du contrôle sans aucune réticence, ce qui ne l'empêche pas cependant de « prendre » de temps en temps quelques livres tout comme son homologue dans les autres pays. Cette bibliothèque n'est pas équipée de système de détection bien que le personnel aît à déplorer l'augmentation des disparitions d'ouvrages. Mais, avant d'introduire un système de détection, comme toute amélioration dans le service, la direction de la bibliothèque étudie préalablement très rigoureusement le coût et l'amortissement du nouveau système. C'est en effet un des traits des bibliothécaires américains d'être ouverts à toute innovation mais seulement dans la mesure où cela est rentable et améliore l'efficacité du service.

    L'administration de la « Bibliothèque médicale de l'Ohio » à Columbus est différente de celle de la Bibliothèque centrale mais entretient avec elle d'étroites relations.

    Le bâtiment actuel date de 1973, offre 1.100 places assises réparties dans de nombreuses salles de dimensions variables. La particularité de cette bibliothèque est d'être équipée d'un système de magasin automatisé qui contient 85 % des collections. On en a fait un objet de visite, un « gadget » qu'on admire derrière sa cage de verre. La recherche en magasin est donc entièrement automatique, sans autre intervention manuelle que la commande à partir d'un tableau à touches numériques. L'ouvrage commandé apparaît sur un tapis roulant dans un délai assez bref au milieu des autres livres rangés dans le même convoyeur. Le coût d'exploitation est, paraît-il, moins élevé que les salaires versés aux magasiniers.

    Cette bibliothèque compte aussi un très important secteur audio-visuel : de nombreux « carrels » sont équipés d'appareils de ecture, de magnétoscopes, de matériels d'enregistrement et d'audition. Elle est également reliée à la « National Library of Medicine » par terminal. Le remarquable guide édité par cette bibliothèque donne de façon claire, précise et parfois illustrée l'organisation de ses différents services et les heures d'ouverture (7 h 30 - 22 h du lundi au vendredi ; 8 h - 17 h le samedi ; 14 h - 20 h le dimanche).

    Le cadre moderne et confortable de cette bibliothèque prédispose au travail mais de nombreux fauteuils très commodes et des coins de repos permettent aussi aux étudiants de travailler ou de se distraire d'une façon très détendue.

    Cette bibliothèque est un outil de travail exemplaire pour les étudiants et les enseignants et le visiteur sort impressionné par la qualité effective des services rendus.

    Au cours de ce voyage d'étude, les bibliothèques publiques comme les bibliothèques universitaires ont séduit les bibliothécaires français par la qualité de leur service, surtout ceux de référence et de renseignement, l'importance des fonds et notamment des usuels, l'automatisation, la coopération des bibliothèques et la grande fréquentation du public.

    1. Des bibliothécaires, débarrassés d'autres tâches, sont spécialement chargés de répondre aux questions des lecteurs et communiquent leurs informations, même par téléphone. retour au texte

    2. M. Bobst, industriel, fit un don de $ 11 millions en faveur de cette bibliothèque dont la construction coûta $ 25 millions. retour au texte