Index des revues

  • Index des revues
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    L'évolution des Bibliothèques publiques

    Par Marc Chauveinc
    Par Francis Gueth, Conservateur B.M. de Colmar

    Quelques propositions

    Les dates et le rythme de parution du Bulletin d'informations de l'A.B.F. lui interdisent de « coller » à l'actualité. Ce n'est pas dans ces colonnes que vous pourrez trouver les nouvelles toutes fraîches dont nous sommes tous avides en ces temps de réorganisation de la profession.

    Ce rôle a été dévolu depuis juillet dernier aux Notes d'information de l'A.B.F. et à la Feuille de liaison de la Section des bibliothèques publiques, dans lesquelles ont paru notamment les compes rendus des principales démarches faites auprès des nouvelles autorités dont dépendent les bibliothèques publiques. En toutes ces occasions, le Bureau national et celui de la Section des bibliothèques publiques ont agi en coopération étroite, donnant ainsi l'image de l'unité de notre profession.

    C'est dans le même esprit qu'ils comptent poursuivre leur action et vous informer au mieux de ses résultats.

    Un élément nouveau est apparu récemment dans le débat ouvert depuis quelques années dans la profession et qui opposait, grosso modo, les partisans et les adversaires de la Bibliothèque de secteur. En effet, d'importants points d'accord se sont dégagés entre tes promoteurs de la bibliothèque publique, dont notamment celui-ci : le passage à un stade nouveau et décisif de développement de la lecture publique se fera par une évolution relativement lente prenant pour point de départ les structures actuelles. La disparition ou le bouleversement brutal de ces dernières n'apparaît plus comme un préalable absolu, ni même comme une hypothèse de travail. Certes, le modèle théorique de la bibliothèque de secteur garde pour beaucoup de professionnels un aspect séduisant, et, à mon avis, ce concept particulièrement dynamique doit rester présent à notre esprit, doit continuer à orienter notre action à long terme, qui ne serait pas féconde sans perspectives claires.

    Dans l'immédiat, cependant, il ne semble pas possible de faire l'économie d'une étape dans le développement des bibliothèques publiques, il semble qu'il faille d'abord faire rendre le maximum au système actuel avant de passer à un stade supérieur. Au cours de cette phase de transition dans laquelle nous sommes en fait déjà engagés, les objectifs seraient les suivants :

    • - faire créer de nombreux équipements fixes de bonne qualité, conçus dès l'origine de telle façon qu'ils puissent s'intégrer ultérieurement dans des unités administratives plus vastes et, au-delà, dans un réseau national ;
    • - promouvoir tout particulièrement les formules intercommunales en matière de bibliothèques, préparant largement le terrain pour l'étape ultérieure ;
    • - obtenir une répartition plus équitable des charges de lecture publique entre l'Etat et les Collectivités régionales, départementales et locales.

    Le résulat de ces efforts, outre l'amélioration considérable de la desserte du public, devrait être de faire prendre conscience aux responsables de tous niveaux de la nécessité de réorganiser l'ensemble du système, de redéployer les forces, de coordonner d'une manière nouvelle les actions et les équipements.

    La tendance spontanée - et l'erreur - de beaucoup d'entre nous est de croire que l'opinion publique, le gouvernement, les élus, etc... seraient déjà parvenus à cette prise de conscience, alors qu'il n'en est, hélas, encore rien.

    Comment une telle évolution qui, devant s'accomplir dans les limites du système actuellement en place, doit notamment respecter la liberté d'initiative des communes peut-elle être déclenchée et conduite ?

    Il semble que l'initiative principale doive venir de l'Etat auquel pourrait être demandé, d'une part une incitation plus vigoureuse et plus rigoureuse en faveur des villes ; d'autre part une nouvelle définition des missions des établissements par lesquels il intervient directement dans la lecture publique, les B.C.P. ; enfin la création d'un véritable échelon technique régional.

    Pour les bibliothèques communales, l'incitation de l'Etat, on le sait, se traduit essentiellement par le conseil et le contrôle technique, et par l'attribution de subventions d'équipement et de fonctionnement.

    Dans ce domaine, les mesures nouvelles pourraient être les suivantes :

    • - subordonner plus étroitement, par voie réglementaire, l'octroi des subventions et le calcul de leur taux au respect des nouvelles normes de construction publiées en 1975, sur lesquelles l'attention des préfets et des maires devrait être attirée à chaque occasion ;
    • - revaloriser fortement les subventions d'équipement comme de fonctionnement, dont la valeur relative ne cesse de baisser, les premières étant liées à un prix plafond du mètre carré devenu dérisoire, les secondes ne suivant que de très loin les efforts budgétaires des municipalités pour leurs bibliothèques ;
    • - fixer explicitement des taux de subvention particulièrement favorable aux regroupements de communes décidant d'inclure la construction d'une bibliothèque dans leur resoort commun

    L'action des B.C.P. sous le rapport qui nous intéresse, appelle les remarques suivantes :

    • - dans la plupart des départements, il est peu probable que ces établissements, il est peu probable que ces établissements aient jamais les moyens d'assurer une desserte valable de lecture publique pour la totalité de la population concernée. Une telle desserte suppose en effet 'implantation d'équipements fixes de qualité, et on ne peut hélas, raisonnablement espérer la généralisation des expériences menées par certaines B.C.P. créant aux seuls frais de l'Etat, de remarquables annexes ouvertes au public ;
    • - il n'apparaît pas normal que les villes de plus de 20 000 habitants ne puissent bénéficier des services des B.C.P., alors que celles-ci sont des services publics alimentés par le budget général de l'Etat et des départements, et alors que les bibliothèques des grandes villes touchent un public qui déborde largement les limites communales :
    • - enfin, dans bien des villes moyennes françaises de moins de 20 000 habitants, la desserte minimale telle qu'elle est assurée par la B.C.P. joue le rôle d'alibi à l'inertie municipale en matière de bibliothèque.

    Ces considérations justifieraient, me semble-t-il, une nouvelle définition des missions des B.C.P. selon les critères suivants :

    • - les moyens classiques des B.C.P., c'est-à-dire la desserte par bibliobus, seraient réservés par priorité aux communes de moins de 5 000 habitants. Cette limite, retenue comme barre inférieure par les nouvelles normes de construction des B.M., correspond à une réalité urbaine : c'est la taille des gros chefs lieux de canton ou même des petites sous-préfectures ;
    • - dans les communes de plus de 5 000 habitants, le rôle de la B.C.P. serait déterminé par la situation existante en matière de lecture publique.

    Dans certaines villes, la B.C.P. aurait à susciter la création ou la renaissance des bibliothèques municipales, en effectuant des dépôts très importants à long terme - plusieurs miliers de volumes pour plusieurs années - et en leur assurant un soutien logistique efficace. Il s'agirait notamment de mettre à la disposition des communes, pour une brève période de démarrage, des équipes volantes de personnel. Les élus de ces villes, dont le scepticisme et l'ignorance constituent souvent l'obstacle principal au développement de la lecture publique, seront vite convaincus de la nécessité de faire un effort en sa faveur, si la démonstration est faite, grâce aux moyens ainsi mis en oeuvre, du besoin général des populations en matière de lecture et de documentation.

    Les B.C.P. seraient également chargées d'apporter une aide massive essentiellement sous la forme de dépôts, aux bibliothèques déjà actives, fonctionnant souvent dans des villes relativement importantes, mais qui éprouvent de grosses difficultés à franchir une étape nouvelle de développement, par exemple la création d'un réseau d'annexes.

    Cette stratégie, ou une stratégie voisine, est déjà appliquée officieusement, partiellement et sans moyens suffisants par bien des B.C.P. Il s'agirait, après l'avoir mise au point, de l'officialiser, de la systématiser et de lui fournir les moyens de son efficacité.

    Pour assurer la pleine application de l'ensemble de ces mesures, dont les principes sont modestes et ne visent en rien l'originalité mais dont les effets pourraient être considérables, il apparaît indispensable de mettre en place de véritables services régionaux des bibliothèques publiques.

    Il ne s'agit pas de créer des écrans administratifs supplémentaires, mais des organismes de pilotage du développement des bibliothèques, dont le rôle serait d'assurer la sensibilisation et l'information des responsables, le conseil technique et administratif, la coordination des actions de toute origine, la liaison avec les étas-majors parisiens.

    Une mission particulièrement importante de ces services serait d'amener rapidement les départements et les établissements publics régionaux à subventionner les bibliothèques publiques, comme ces instances le font déjà largement pour d'autres secteurs de la vie culturelle ou sportive.

    Ces quelques propositions, qui n'ont d'autre ambition que de replacer le débat sur le terrain de l'avenir à court terme des bibliothèques publiques, ne signifieent nullement l'abandon de l'idée d'une loi organisant la lecture publique. Au contraire, elles visent à provoquer une évolution telle de la situation des bibliothèques que la nécessité d'un texte législatif apparaisse avec clarté aux yeux des plus hauts responsables comme de l'opinion publique. Dans l'immédiat, elles supposent deux choses :

    • - une reprise rapide de la réflexion officielle sur les finalités et les besoins d'un système national cohérent de bibliothèques publiques. Le Colloque sur la lecture publique, toujours promis par l'administration, serait une étape importante sur cette voie, ouverte il y a dix ans par les travaux du groupe d'étude interministériel ;
    • - une augmentation importante des crédits ouverts au budget de la nouvelle Direction du Livre, où l'on doit bien savoir qu'aucune politique de développement des bibliothèques, quelle qu'elle soit, ne serait possible autrement.