Index des revues

  • Index des revues
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    Les Bibliothèques de la Ville de Paris

    Par Guy Baudin, Conservateur en chef Bibliothèques de la Ville de Paris

    Un article paru dans le Bulletin des bibliothèques de France en février 1966 sous la signature de Violette Coeytaux a retracé l'évolution des bibliothèques de lecture publique de la ville de Paris depuis la création de la première d'entre elles, en 1865 (1) .

    Un second article publié également dans le Bulletin des bibliothèques de France en mars 1972, dégageait les caractéristiques essentielles du développement récent des bibliothèques parisiennes qui se résumaient en trois points principaux : poursuite de l'oeuvre de modernisation des locaux et création de bibiolthèques nouvelles, mise en place et développement des discothèques de prêt, essai de formes nouvelles dans l'organisation du travail (2) . Avant de tenter de définir les caractéristiques et les tendances actuelles du réseau de bibliothèques de la ville de Paris en 1976, il paraît indipensable de signaler quelques traits particuliers, héritages du passé qui le différencient profondément d'autres réseaux de lecture en France comme à l'étranger.

    En premier lieu, Paris ne possède pas de bibliothèque centrale. En effet, après la destruction de la Bibliothèque de la ville, en mai 1871, il fut décidé de reconstituer non pas une bibliothèque centrale de caractère encyclopédique mais, à partir du legs Jules Cousin une bibliothèque consacrée, éventuellement, à l'histoire de la capitale. Ainsi donc, à l'inverse du processus habituel, le réseau parisien ne s'est pas constitué par création de succursales à partir d'une bibliothèque centrale, mais par l'établissement dans les quartiers de Paris de bibliothèques populaires conçues au profit des classes deshéritées, techniquement peu coordonnées et logées soit dans les mairies, soit dans les écoles dans des conditions matérielles généralement médiocres. Aucune d'entre elles ne bénéficie d'un bâtiment construit à son usage.

    En second lieu, ce réseau qui s'est peu à peu dégagé de son caractère initial d'institution de bienfaisance, a connu un développement en dent de scie, fait d'une succession de périodes de progrès parfois accélérés (1880-1890; 1913-1924; 1941-1945) suivies de périodes de stagnation ou même de régression (1901-1912 ; 1925-1931 ; 1945-1947) dont la cause est à rechercher principalement dans les vicissitudes budgétaires.

    D'une manière générale, on peut dire que jusqu'en 1960, les installations restaient vétustes dans leur ensemble, le personnel numériquement insuffisant, les locaux exigus (3) , l'organisation technique déficiente.

    Ce constat indiquait cairement la voie à suivre et à partir des années soixante, des efforts notables ont été accomplis dans ces différents domaines.

    Tout d'abord en ce qui concerne la modernisation des locaux et la création de bibliothèques nouvelles, une orientation a été définie - sans qu'on puisse encore parler d'un plan - qui prévoyait :

    • 1. la construction, dans les arrondissements les plus peuplés, de bibliothèques principales de 1800 m à 2 000 m2 de superficie de plancher comprenant: une salle de prêt, une salle d'étude, une biliothèque pour la jeunesse, une discothèque de prêt, une salle polyvalente d'animation.
    • 2. le remplacement des petites bibliothèqques de quartier dont la surface était généralement inférieure à 80 m2 par des bibliothèques dites de « secteur de 400 à 600 m dotées également de trois services de base : adultes, jeunesse, prêt de disques.

    Conformément à cette orientation, unanimement soutenue par les élus parisiens très conscients des besoins de la population en matière de lecture, furent construites dans le cadre des 5e, 6e et 7e plans, de 1967 à 1975, les bibliothèques qui figurent au tableau ci-après :

    Vignette de l'image.Illustration
    Schéma directeur d'implantation des Bibliothèques de la ville de Paris

    Vignette de l'image.Illustration
    Tableau 1

    Vignette de l'image.Illustration
    Tableau 2

    Ce renouvellement de l'équipement a été rendu possible par l'existence à Paris d'un budget spécifique d'investissement et par l'insertion d'un certain nombre de projets de bibliothèques dans des opérations de rénovation urbaine pour lesquelles les Offices d'habitations ont fait preuve d'une très large compréhension des besoins eulturels des Parisiens. Toutefois, cette politique de construction au coup par coup, tributaire d'une définition des état de rénovation n'était pas sans inconvénients, les sites offerts n'étant pas toujours les plus favorables à une bonne implantation et le eas des arrondissements du centre et de l'ouest de Paris restant sans solution dans ce cadre.

    C'est pourquoi les services de la ville de Paris (Bureau des bibliothèques, Service organisation et informatique) ont poursuivi à partir de 1974 et pendant 18 mois une étude systématique du réseau de bibliothèques. S'appuyant sur les analyses démographiques et sociologiques communiquées par la Banque des données urbaines (A.P.U.R.) et sur des informations recueillies d'une part, auprès du personnel, en fonction de son expérience pratique et, d'autre part, auprès du public adulte et enfant par la voie de sondages, l'étude a permis de mettre en lumière certaines faiblesses de l'organisation actuelle et de déterminer les actions prioritaires à entreprendre tant en ce qui concerne l'équipement que l'amélioration de la gestion.

    L'étude a repris, en ce qui concerne les normes de grandeur, les deux grandes catégories d'établissements définies en 1966. Une définition des zones d'influence se référant à l'importance du service offert et à la distance à parcourir du domicile à la bibliothèque, a pu être fixé à un cercle de 600 m de rayon, les obstacles physiques (parcs, fleuve, voies ferrées, voies à grande circulation) étant pris en considération.

    Compte tenu des critères étudiés, le réseau idéal comprendrait 56 établissements dont 13 grandes unités, 30 unités moyennes et 13 bibliothèques pour la jeunesse.

    En ce qui concerne ces dernières, l'étude en a fait apparaître la nécessité à la fois pour tenir compte d'une part des déplacements exigés des enfants et des dangers de la circulation et, d'autre part, pour privilégier les habitudes de lecture chez les jeunes Parisiens.

    A l'heure actuelle et sous réserve d'un ou deux remaniements qui seront nécessaires, la moitié environ du réseau futur a été réalisé ou est en cours de réalisation.

    Une carte a précisé les implantations retenues et un ordre de priorité de réalisations théoriquement souhaitables a été établi. C'est la première fois à notre connaissance qu'une telle planification d'un réseau de lecture publique a été réalisé dans notre pays à cette échelle.

    Sur le plan de l'amélioration de la gestion, l'étude a prévu à partir de la définition claire de l'objectif à atteindre l'amélioration du niveau culturel et du degré d'information de la population parisienne par le livre et les autres médias, un choix précis d'actions à entreprendre assorti d'un contrôle régulier de l'avancement des résultats par la méthode des « tableaux de bord » donnant pour chaque établissement, de façon permanente et à tous les niveaux de responsabilité, une connaissance analytique des moyens et des résultats.

    Ces données précises, détaillées et objectives constitueront l'élément fondamntal et indispensable de toute étude sur une éventuelle automatisation du réseau.

    Dans la conception nouvelle, le Service technique mis en place en 1971 est appelé à jouer un rôle-clé. Instrument de coordination et de décentralisation, le Service technique devra prendre progressivement en charge la totalité des tâches répétitives (centralisation des commandes, catalogage, équipement des ouvrages pour le prêt) naguère effectuées dans chaque établissement. D'ores et déjà il assure à 75 % cette fonction.

    A côté de sa mission principale, le Service technique met à la disposition des bibliothécaires une bibliothèque professionnelle, bibliographique et bibliothéconomique de 4 000 volumes et de 40 périodiques français et étrangers.

    Un atelier de photographie créé en 1974 répond, en liaison avec l'atelier offset, aux besoins grandissants de dépliants, circulaires, affichettes, guides de lecteurs, cours pour la formation professionnelle, etc...

    Logé au début dans des conditions assez rudimentaires, le Service technique sera réinstallé, en 1977, dans un local de 1000 m2, 57/57 bis rue du Théâtre à Paris 15e, aoquis par la ville de Paris.

    L'enquête 1973/1974 a fait apparaître l'élément considérable d'attraction que constitue l'animation. Dans les bibliothèques ou sections de jeunesse où elle est de pratique courante, elle double la fréquentation. Chez les adultes, l'efficacité sera-t-elle comparable ? Il est encore trop tôt pour l'affirmer, car jusqu'à présent, à Paris, l'expérience dans ce domaine est resté limitée, faute de moyens.

    A partir de 1976 grâce au vote d'un budget spécial par les élus de la capitale, un programme régulier et cohérent de manifestations culturelles a pu être établi. Dès janvier, cinq expositions ont pu être réalisées. Elles seront présentées sucessivement dans les établissements en mesure de les accueillir.

    Au plan des principes, les actions à envisager dans ce domaine sont toujours liées à la vocation spécifique des bibliothèques, c'est-à-dire à la diffusion de l'information et de la culture dans un esprit aussi objectif et pluraliste que possible, au moyen des différents médias et supports, livres, périodiques, films, disques, etc.. C'est pourquoi chacune d'entre elles comporte l'édition et la diffusion des brochures bibliographiques, discographiques renvoyant le spectateur aux ressources de la bibliothèque, la finalité étant l'utilisation optima de celle-ci au profit d'un public dont on cherche à accroître le nombre et à élargir le champ de curiosité et de connaissance.

    Complémentairement à son réseau de lecture publique, Paris dispose d'un certain nombre de bibliothèque d'études spécialisées qui jouent (ou pourraient jouer en principe) le rôle des différentes sections d'une bibliothèque centrale pour Paris.

    La bibliothèque d'art et d'industrie, fondée au moyen d'un leg fait à la ville de Paris, par l'industriel Aimé-Samuel Forney en 1885, est un exemple asez rare de mécénat envers les bibliothèques dans notre pays. Transférée en 1961 à l'hôtel de Sens, la bibliothèque Forney est d'ores et déjà trop à l'étroit. Des projets sont à l'étude pour son agrandissement.

    La Bibliothèque historique de la ville de Paris a été transférée en 1968 à l'hôtel de Lamoignon, rue Pavée, agrandie par la construction de bâtiments annexes et aménagée en fonction des besoins d'une grande bibliothèque. La surface occupée par la bibliothèque est passée de 700 à 4 000 m3, le métrage linéaire de rayonnages, de 9 à 17 kilomètres.

    La Bibliothèque administrative créée en 1972 possède un fonds unique de documentation administrative française et étrangère. Réservée en principe aux membres de l'administration parisienne, elle est en fait ouverte à tous les chercheurs qualifiés.

    Il convient de citer encore trois autres bibliothèques plus spécialisées : la Bibliothèque de documentation féministe Marguerite Durand, place du Panthéon à Paris 5e, le Centre de documentation de la Maison de Balzac, 47 rue Raynouard à Paris 16e, la Bibliothèque des Arts graphiques, rue Huyghens, 14e, cette dernière en cours de réorganisation.

    Cette liste des bibliothèques d'étude appelle une remarque importante : en regard du champ des connaissances, ces établissements n'englobent pas l'ensemble. Il apparaît donc souhaitable de compléter l'équipement de Paris par la création d'une grande bibliothèque d'études littéraires et philosophiques. Un projet en ce sens est actuellement à l'étude. Ainsi, à défaut d'une bibliothèque centrale, Paris disposerait de plusieurs bibliothèques spécialisées dont les acquisitions couvriraient toutes les disciplines et viendraient compléter de façon idéale son réseau de lecture publique.

    Au regard des efforts accomplis depuis une dizaine d'années, (il faut porter les résultats obtenus. Sur le plan de la qualité des services rendus installations moins rebutantes, espace, disponibilité du personnel, accroissement des fonds, amélioration de la qualité des livres spécialement en ce qui concerne la jeunesse, diffusion du disque, débuts de l'animation culturelle, etc.), l'amélioration est évidente et considérable mais difficilement quantifiable.

    Les résultats statistiques plus précis ne concernent que le prêt à domicile. Ils s'établissent comme suit :

    • - en 1965, pour une population approximative de 2 700 000 habitants, le nombre des prêts de livre s'élevait à 3 080 000, soit 1,14 par habitant;
    • - en 1975, pour une population de 2 300 000 habitants, le nombre des prêts de livres s'est élevé à 3 730e000, soit 1,62 par habitant.

    En dépit de la présence à Paris de certains facteurs de diminution (baisse de la population, proportion plus faible des jeunes, présence multiple des concurrents du livre, etc...), la statistique accuse une augmentation de 21,1 % des prêts qui tient fondamentalement à l'ouverture de nouvelles bibliothèques plus modernes enfin dignes d'une grande capitale.

    Plan directeur d'implantation scientifiquement établi, rationalisation systématique de la gestion par la mise en oeuvre des techniques les plus modernes, telles sont les deux lignes directrices du futur développement du système des bibliothèques parisiennes pour le dernier quart de ce siècle, dont il est permis d'espérer qu'il verra la réalisation du voeu formulé jadis par Ernest Coeyecque (4) : « La substitution généralisée de la technicité à l'empirisme ».

    1. Bull. Bibl. de France, 11« année, n° 2, février 1966, pp. 63-70. retour au texte

    2. Bull. Bibl. de France, 17e année, n° 3, mars 1972, pp. 101-109. retour au texte

    3. Une statistique établie en 1966 faisait apparaître que la superficie moyenne des bibliothèques de lecture publique de Paris était de 92 m2. retour au texte

    4. Pionnier des bibliothèques publiques et inspecteur général des bibliothèques de Paris de 1914 à 1924. retour au texte