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    Nantes

    Dépôts de livres dans les collectivités

    Par L. Courville

    La Bibliothèque municipale de Nantes est une vieille dame, très riche, qu'on n'ose pas aborder... Elle a l'air revêche et d'une autre époque... Il est fortement question de la rajeunir en construisant un autre bâtiment ! Ce n'est pas de la science-fiction mais ! ... il faut savoir attendre... Et, en attendant... nous essayons tout de même de répondre aux besoins exprimés ou non exprimés de la population nantaise... avec les moyens du bord.

    Nous n'avons que quatre annexes de quartier avec trois sections enfants et une section d'adolescents, mais, par contre, nous avons un bibliobus scolaire et bientôt deux. Très conscients de notre éloignement kilométrique et... psychologique de la zone périphérique, nous avons commencé, en 1963, à prêter une centaine d'ouvrages à un centre socio-culturel qui voulait fonder une bibliothèque... dans un placard ! ... Nous les avons vite convaincus qu'une pièce, si petite soit-elle, serait préférable ! L'exemple de ce centre a fait boule de neige et nous avons maintenant 24 dépôts dans diverses collectivités, à savoir :

    • 9 centres socio-culturels,
    • 2 foyers de jeunes travailleurs,
    • 1 CET. bâtiment,
    • 2 maisons maternelles,
    • 1 foyer de prévention,
    • 1 maison de l'enfance,
    • 6 résidences et foyers restaurant du 3e âge,
    • 1 foyer d'immigrés,
    • 1 centre aéré.

    Nous avons un fonds réservé à cet effet, une sous-bibliothécaire en est responsable, comme d'autres, d'une annexe de quartier. Ce fonds est rangé à la bibliothèque municipale centrale (la vieille dame!] et au sous-sol... Hélas!... Nous avons l'espoir d'en sortir pour nous loger en plein coeur de la ville, au rez-de-chaussée d'un ensemble culturel. Quoiqu'il en soit, actuellement, c'est dans ces « bas-fonds » que les dépositaires choisissent leurs ouvrages, la sous-bibliothécaire y a une permanence une journée par semaine et ils y viennent au rythme qui varie d'une fois par mois à une fois par an. Ils peuvent échanger de 100 à 300 ouvrages à chaque fois. Je dis bien échanger car ils doivent évidemment rapporter des ouvrages quand ils en empruntent... sauf au « démarrage » bien entendu. Nous prêtons les livres gratuitement, mais en retour, nous exigeons trois conditions :

    • 1) que les livres soient déposés dans un local indépendant ou, à la rigueur, un placard fermant à clé ;
    • 2) que les dépositaires nous donnent régulièrement leurs statistiques de prêt ;
    • 3) qu'ils viennent régulièrement à des réunions, en principe, trimestrielles.

    Au départ, ces réunions avaient pour but de faire le bilan avec eux et de leur donner une formation élémentaire, ces réunions étaient plénières... mais elles sont devenues catégorielles : jeunes, troisième âge, centres socio-culturels, et, c'est avec ces derniers que nous avons été amenés à travailler en collaboration plus profonde. En effet, tous ces dépositaires sont bénévoles, d'un niveau intellectuel très varié, mais d'une incompétence professionnelle... assez uniforme... au départ; or à Nantes, 9 centres sur 13 ont maintenant un local pour la bibliothèque. Ils y constituent peu à peu un fonds de livres géré par une équipe de quartier qui se heurte vite à des problèmes techniques et qui sent, par ce fait, la nécessité d'une formation professionnelle élémentaire. C'est pour y répondre que nous avons commencé à leur enseigner le cours A.B.F. l'année scolaire 1970-71, une fois par semaine, puis à leur faire passer l'examen avec la précieuse et sympathique collaboration de Madame Laude et Mademoiselle Estève qui ont bien voulu venir, chaque printemps, donner du prestige à notre jury... et valider les diplômes ! Mais, leur plaquer tel que, un cours conçu surtout pour des employés municipaux, n'était pas possible. Il y a eu du grincement dans les rouages... Il nous a fallu dialoguer, tâtonner, évoluer, compléter... C'est ainsi, qu'en 1973-74, nous avons organisé des tables rondes sur des sujets réclamés, tels que : étude du terrain, conduite d'une réunion, cercles de lecture, montage d'un livre, etc. Nous avons alors commencé à collaborer avec Mademoiselle Joubeaux. conservateur de la B.C.P. de Loire-Atlantique, ses dépositaires ayant les mêmes problèmes que les nôtres... ou elle, ayant les mêmes problèmes que nous ! L'année suivante, un animateur, conseiller technique de « Jeunesse et sports », est arrivé dans la région, il était particulièrement axé sur la lecture ; nous nous sommes concertés et il a organisé des journées d'animation sur la poésie, les cercles de lecture, la bande dessinée, la vie de groupe, etc. ; nous y avons participé avec les dépositaires. Ces recyclages auront eu, entre autres, l'intérêt de mêler équipe de bibliothécaires municipaux, B.C.P. et centres socio-culturels...

    A la suite de ces rencontres, Luce Courville, Conservateur de la bibliothèque municipale, leur a proposé une initiation à la littérature, une matinée par mois : le Moyen-Age (en 1975-76), la Renaissance (en 1976-77) (à suivre), sous forme de «découverte ensemble » de textes de Villon, Montaigne, Rabelais, avec un rappel à la vie actuelle (par exemple les Chansons de Villon chantées par Brassens). Chaque centre avait au moins un participant, tous ayant déjà reçu la formation A.B.F. ... Succès foudroyant ! Cette initiation s'adressait à des dépositaires qui connaissaient à peine le nom de Villon ou de Joachim du Bellay ou qui l'avaient oublié. Ils sont ainsi entrés dans leur vie quotidienne. Malheureusement, ces rencontres ont été interrompues cette année, Luce Courville devant se consacrer au Musée Jules Verne qui va être inauguré le 8 avril, mais elles reprendront à la rentrée prochaine... grosse demande !...

    Parallèlement, nous continuons Claudine Joubeaux et moi-même à donner à nos dépositaires la formation élémentaire de l'A.B.F., complétée par la visite de la B.M. de Saint-Nazaire, guidée par Mademoiselle André, conservateur.

    Nous essayons d'adapter nos cours à notre « clientèle ». Nous évoluons... nous tâtonnons encore... cette année, nous avons ajouté au programme des critiques de livres de différentes catégories, une étude de la littérature enfantine, une intervention d'un animateur de centre sur l'intégration de la bibliothèque et de sa participation aux diverses activités de la maison. Puis... un colloque libraire-consommateurs, bref, nous essayons de leur donner une formation réaliste et concrète.

    Les anciens du cours nous réclament aussi des recyclages. Le 10 février prochain, Claudine Joubeaux a organisé une « journée sur le roman policier » avec Jacques André, l'animateur régional « Jeunesse et sports ».

    On nous demande aussi : recyclage science-fiction, catalogage nouvelles normes, etc. Cette année, cinq « anciennes » préparent le C.A.F.B. ; bref, il s'est ainsi formé, dans les quartiers, des équipes très « mordues »... elles font vivre des bibliothèques dans des zones périphériques dépourvues d'annexes municipales et pas encore desservies par un bibliobus urbain. Mais ce système empirique est actuellement dans une impasse. Pourquoi une équipe bénévole assumerait-elle cette tâche alors que les autres activités des centres socio-culturels sont assurées par un professionnel rétribué ? Nous en avons discuté la semaine dernière avec ces équipes de quartier, la coordination des centres et l'adjointe au Maire. Certaines équipes demandent un sous-bibliothécaire municipal (étant entendu que tous nos sous-bibliothécaires ont le C.A.F.B.), celle qui est responsable du réseau des dépôts ne peut suffire à la tâche... l'équipe de quartier, dans les conditions actuelles, semble indispensable. Un(e) professionnel (le) suffirait-il pour neuf centres? et comment l'intégrer? La situation est ambiguë. Ne vaut-il pas mieux une bibliothèque municipale intégrée au centre avec du personnel municipal ? La question est à l'étude. Nous n'avons pas encore trouvé la solution conciliable avec les impératifs budgétaires. Mais, quelle qu'elle soit, j'estime que les contacts avec les centres socio-culturels sont très bénéfiques pour les deux parties... sans ces dépôts, la bibliothèque municipale n'aurait jamais eu l'occasion de créer de tels liens avec la population de la périphérie qui n'est desservie actuellement, que par une annexe... trop petite... dans un grand ensemble... (hormis le bibliobus scolaire qui dessert toutes les écoles primaires nantaises). L'idéal serait, bien sûr, d'en avoir dans toutes les ZUP... ou d'avoir au moins dans un premier temps, un bibliobus urbain. Mais en attendant faut-il regretter d'avoir suscité des équipes de quartier qui s'intéressent passionnément au livre et au domaine culturel ? Un bibliobus urbain aurait-il eu le même impact ?