Index des revues

  • Index des revues
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    Marcel Koelbert (1903-1979)

    Par Guy de Tournadre

    Marcel Koelbert est décédé le 15 août 1979.

    Je perds un ami auquel je veux rendre hommage en retraçant ici sa carrière exemplaire et tous les services qu'il a rendus aux bibliothèques.

    Né le 9 septembre 1903 à Sainte-Croix-aux-Mines (Haut-Rhin), il obtint en 1924 le certificat d'aptitude aux fonctions de bibliothécaire dans les bibliothèques universitaires après un stage à la Bibliothèque universitaire de Grenoble. Chargé à titre intérimaire des fonctions de bibliothécaire à cette bibliothèque, il y resta jusqu'au 30 avril 1925. Après son service militaire, il fut bibliothécaire à la Bibliothèque universitaire de Clermont-Ferrand du 1er octobre 1926 au 30 septembre 1928. Le 1er octobre de la même année, il était nommé bibliothécaire à la Bibliothèque de l'Université d'Alger où il termina une licence ès-lettres (allemand) qu'il avait commencée à Grenoble. Il obtint ce diplôme le 6 juin 1929. Enfin, le 8 juin 1932, il devenait bibliothécaire en chef de la Bibliothèque universitaire d'Alger - titre transformé en celui de Conservateur en chef en 1957 - qu'il ne devait quitter qu'en 1962.

    C'est dans ce poste qu'il allait donner toute sa mesure. Il a compris que la bibliothèque dont il avait la charge était appelée à devenir par le développement des enseignements, l'accroissement du nombre des professeurs et des étudiants, la première bibliothèque d'Afrique du Nord, bien que la Bibliothèque nationale d'Alger fut aussi d'un grand intérêt. Pendant trente ans, son objectif fut de faire de la bibliothèque le centre de documentation le plus important de l'Université, accessible et riche. Tout cela ne se fit pas en un jour. Bien des améliorations s'imposaient. L'équipement était très insuffisant. Heureusement, en 1950, le transfert des bureaux du Rectorat dans un immeuble neuf sur les hauteurs de Mustapha a permis d'attribuer à la bibliothèque une partie des locaux devenus disponibles. Désormais, les étudiants eurent une salle de lecture vaste, bien éclairée et aménagée, les professeurs une salle plus accueillante et confortable, le personnel les bureaux nécessaires. Les fichiers en bois furent remplacés par des classeurs métalliques contenant les fiches alphabétiques d'auteurs et de matières toutes dactylographiées. Les magasins furent entièrement équipés de rayonnages métalliques, légers et démontables, avec possibilité de surélévation. Il va sans dire que Marcel Koelbert veillait à enrichir, par achats et échanges, la bibliothèque de toutes les publications nécessaires aux quatre facultés. Les périodiques, notamment, retenaient toute son attention.

    Il était grandement aidé dans sa tâche par les autorités universitaires qui voyaient avec beaucoup de compréhension et de reconnaissance toutes ces réalisations.

    Marcel Koelbert dirigeait sa bibliothèque avec l'autorité d'un chef qui n'excluait pas la bienveillance. Les étudiants le respectaient, trouvant en lui un conseiller écouté. Son personnel lui était très attaché, manifestant ses sentiments en toute occasion.

    En 1953, le poste très important d'administrateur de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg devenait vacant et Marcel Koelbert, alsacien, était tout désigné pour l'occuper. Sa nomination a même paru au « Journal officiel » du 20 mai 1953, ce qui prouvait en quelle estime le tenait la Direction des bibliothèques, mais il refusa le poste. Algérien d'adoption, il aimait ce pays dont il appréciait les beautés, le climat, le soleil et, surtout, il ne voulait pas quitter cette bibliothèque à laquelle il avait donné tant de lui-même, et où il se devait de poursuivre son oeuvre. Il exerçait aussi d'autres activités, enseignant l'allemand à l'Institut des Sciences administratives, s'occupant aussi de la Bibliothèque du Musée des Beaux-Arts d'Alger et il fut chargé de cours à la Faculté des Lettres pour l'initiation à la langue allemande.

    Cependant, les temps difficiles venaient. Vingt-quatre ans après la célébration du centenaire, commença l'atroce guerre d'Algérie qui perturba profondément la vie de l'université. Durant les années qui précédèrent les accords d'Evian, Marcel Koelbert se montra à la hauteur de ses responsabilités et sut faire face à une situation souvent tragique. Le Recteur et l'Assemblée des Facultés ont reconnu son courage. Le ministre de l'Education nationale, Louis Joxe, dans une lettre datée du 12 février 1960, exprimait sa satisfaction en ces termes :

    • « Le Recteur de l'Académie d'Alger m'a fait part des efforts que vous avez déployés, lors des événements dramatiques de la semaine du 25 au 31 janvier, pour sauvegarder les biens de la Bibliothèque universitaire et faire respecter grâce à votre présence et à votre autorité l'ensemble du patrimoine de l'Université d'Alger.
    • En vous exprimant mes remerciements, je vous adresse mes plus vives félicitations. ».

    Mais vint le moment où Marcel Koelbert dut abandonner sa bibliothèque et il en souffrit cruellement. Cependant, on se refuse à croire que cette oeuvre bien française ne porte pas ses fruits. Souhaitons qu'elle se prolonge dans des conditions différentes. Ainsi, tous les efforts déployés par Marcel Koelbert n'auront pas été vains.

    Sa carrière prend alors une autre direction, nommé Conservateur en chef à la Bibliothèque universitaire d'Aix-Marseille (poste créé) le 1er novembre 1962, j'espère que l'accueil qu'il a reçu dans ses nouvelles fonctions fut un adoucissement à sa peine. Je n'ai eu qu'à me louer de notre confiance et étroite collaboration qui se termina le 1er novembre 1965 quand je pris ma retraite. Je lui laissais la lourde charge d'une bibliothèque en pleine extension avec de nombreuses sections dispersées. Il contribua à la création de la section « Lettres » à Aix dissociée de celle du Droit en raison de l'insuffisance des locaux.

    Cependant, sa santé s'altérait, mais sa grande énergie le soutenait. Il s'inquiétait aussi de la santé de sa femme, ce qui motiva sa décision de demander sa mise à la retraite deux ans avant le terme légal. Ayant eu la douleur de perdre sa femme en 1971, il termina sa carrière à la fin de cette année et se retira à Mulhouse auprès de ses enfants.

    Marcel Koelbert avait pris part à la dernière guerre, mobilisé du 2 septembre 1939 au 31 juillet 1940 et du 1er décembre 1942 au 17 juin 1945, comme officier interprète de l'Armée de l'Air. Il participa aux campagnes de Tunisie, d'Italie et de France.

    Il était chevalier de la Légion d'honneur, commandeur dans l'Ordre des Palmes Académiques et Chevalier des Arts et Lettres.

    Je garde de lui le souvenir d'un collègue très fidèle, sensible et généreux, d'une loyauté sans compréhension, courageux dans son métier et dans sa vie.