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    Odette Reville (1893-1979)

    Par Marie Bartoszewski

    Mademoiselle Odette Réville, ancien Conservateur de la bibliothèque municipale classée de Reims, est décédé le 28 octobre 1979, à Paris. Elle était âgée de 86 ans.

    Les Rémois qui ont fréquenté la bibliothèque Carnégie avant, pendant et après la Seconde Guerre mondiale, ont gardé le meilleur souvenir de cette bibliothécaire remarquable qui sut toujours allier une merveilleuse simplicité à une grande efficacité professionnelle.

    C'est en 1927, à Reims, qu'elle fit ses débuts dans la profession comme « employée chargée du catalogue » : licenciée ès lettres depuis 1922, elle avait suivi pendant une année, à Paris, les cours de l'Ecole de bibliothécaires à l'American Library, 10, rue de l'Elysée : il n'y avait pas alors de cycle d'études bien organisé pour accéder aux fonctions de bibliothécaire, aussi Mademoiselle Réville a-t-elle beaucoup appris en travaillant sous la direction de Monsieur Loriquet qui avait vite su apprécier sa valeur et sa conscience professionnelle.

    Cependant, les nouveaux bâtiments construits grâce à la Dotation Carnégie pour la Paix Internationale, furent inaugurés le 10 juin 1928. Mademoiselle Réville avait joué un rôle très important dans le transfert des collections hébergées jusque-là au Musée (après avoir été sauvées des bombardements de la première guerre mondiale). Leur rangement dans les rayonnages disposés en éventail de ces magasins neufs qui étaient alors le modèle du genre, leur classement, leur catalogage furent en majeure partie son oeuvre.

    Reçue brillamment en octobre 1928 au diplôme d'Etat de bibliothécaire, elle prit dès 1930 la direction de la bibliothèque Carnégie qui fut déclarée de première classe à la suite de la loi de juillet 1931. Jusqu'à sa retraite en 1958, Mademoiselle Réville s'est consacrée avec passion à ses multiples tâches : parfaire l'oeuvre de son prédécesseur, reconstituer le fonds ancien (en partie détruit en 1917) et l'enrichir d'acquisitions nouvelles, montrer peu à peu au public les richesses de ses diverses collections dans des expositions annuelles minutieusement préparées, établir un catalogue normalisé auteurs et matières, recevoir et informer les lecteurs et chercheurs de plus en plus nombreux et assidus, organiser le prêt à domicile et les bibliothèques de quartier, créer une salle de lecture pour enfants et accueillir dans ses locaux les auditions de « musique par le disque » espérant pouvoir créer une discothèque, instaurer un service de photographie des manuscrits et documents précieux...

    En 1940 ; il fallut, une nouvelle fois, mettre à l'abri des envahisseurs les manuscrits, les archives, les pièces les plus précieuses : Mademoiselle Réville se refusa à quitter Reims en abandonnant les trésors de sa bibliothèque; elle présida à leur choix, à leur mise en caisse, à leur transport jusqu'à St-Fargeau, à leur dépôt dans une cave du château où ils furent emmurés sous ses yeux... Puis, elle partit, à bicyclette, rejoindre sa mère, alors réfugiée en Haute-Loire; mais elle rejoignit son poste dès le mois d'Août 1940 et rouvrit la bibliothèque, tenant même parfois vaillamment tête à l'occupant auquel elle refusait de livrer certaines pièces: suspecte, elle fut suspendue de ses fonctions entre décembre 1940 et février 1941. Après la libération, c'est encore elle qui effectua le rapatriement des collections à Reims et qui eut la joie de les replacer, intactes, sur les rayons qui les attendaient.

    Monsieur Henri Vendel lui remit, le 9 novembre 1948, la croix de chevalier de la Légion d'honneur au titre des bibliothèques, et elle fut nommée chevalier des Arts et des Lettres le 23 octobre 1957.

    Au printemps de 1951, elle fut envoyée en mission d'études aux U.S.A. pour examiner de façon approfondie l'organisation et le fonctionnement des bibliothèques américaines sur lesquelles elle rédigea un rapport détaillé.

    Installée à Paris en 1958 pour une retraite bien méritée, elle voulut encore faire oeuvre utile et se consacra, sous la direction de Mademoiselle Y. Enjolras, à la création de la bibliothèque du Centre National d'Etudes Judiciaires, reprenant les travaux de catalogage de ses débuts de carrière, mais, cette fois, en utilisant la C.D.U. ! Quand le C.N.E.J. s'installa à Bordeaux, elle continua, place Dauphine, à gérer en accord avec monsieur Douan les collections restées à Paris pour les stagiaires de la Magistrature, et cela jusqu'à l'âge de 80 ans : alors seulement, elle cessa toute activité professionnelle.

    On la revit cependant une dernière fois à Reims, le 14 juin 1978, à l'occasion du cinquantenaire de la bibliothèque Carnégie, cérémonie au cours de laquelle le Directeur général des Bibliothèques et Monsieur Laslier, l'actuel Conservateur, lui rendirent l'hommage qu'elle méritait.

    Tous ceux qui ont travaillé à ses côtés, collègues, employés, jeunes stagiaires ou simples lecteurs, n'oublieront pas le rayonnement de son intelligence et de sa haute culture : elle savait entraîner ses collaborateurs par son enthousiasme et sa puissance de travail, mais aussi par sa profonde bonté, sa droiture inflexible, sa fidélité à ses amis et, toujours, la chaleur de son accueil.