Index des revues

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    La critique littéraire dans la revue ELLE

    Par Pierrette Rosset

    ELLE comme vous le savez, n'est pas un journal littéraire, mais d'abord un journal de mode. Un journal composite, ambigu, où les livres font bon ménage avec les fiches-cuisine... Cette ambiguïté, je n'en n'ai pas honte, et même elle me plait car elle reflète bien me semble-t-il la vie des femmes. Ces femmes qui sont nos lectrices, prennent le temps de lire, aiment lire. Nous le savons par le courrier, nous le savons également par une enquête que nous avions effectuée l'an dernier. Nous le savons aussi par le prix des lectrices. Le grand prix littéraire des lectrices de Elle est décerné tous les ans à un roman et à un document. Son fonctionnement se déroule en deux temps. Tout au long de l'année du mois de septembre au mois d'avril, des jurys régionaux de lectrices (ces jurys sont nombre de huit, dans huit villes différentes) se voient proposer 3 romans et 3 documents à lire - les lectrices notent romans et documents - les deux livres qui ont obtenu la meilleure note soit proclamés "roman et document du mois" au cours d'une réunion lectrices - éditeurs - auteurs - rédaction de Elle. Ils deviennent finalistes pour le grand prix.

    Les finalistes sont relus par un Jury-relais composé également de lectrices, des lectrices de toutes la France, excepté celles des villes où se sont réunis les jurys régionaux.

    Les rencontres mensuelles avec les jurys régionaux nous permettent de rencontrer nos lectrices, de' connaître leurs goûts, de voir comment elles réagissent vis-à-vis des livres et des écrivains. Il est certain que ce contact permanent nous aide beaucoup, non seulement dans le choix des livres que nous offrons en lecture aux jurys mais qu'il nous aide également à concevoir et rédiger les pages hebdomadaires. Ce contact est loin d'être un frein, il nous en a effet amenés à comprendre que nos lectrices aiment par dessus tout la découverte. Elles s'intéressent aux premiers romans, aux écrivains peu connus. Elles ne sont pas du tout fanatique de best-sellers. Et lorsqu'elles ont couronné "la chambre des dames" de Jeanne Bourin l'an dernier, c'était avant le formidable succès de ce livre.

    Découvreuses, elles sont aussi, comme l'une d'elles nous l'a dit, "ministre de la culture" chez elle. C'est-à-dire qu'elles choisissent pour elles et pour les différents membres de leur famille, ce qui convient à chacun. Et cela nous amène à leur proposer des choix très éclectiques dans des genres très divers: romans, documents, bandes dessinées, livres d'enfants. Ce qu'elles nous demandent de nous engager personnellement dans nos choix et clairement. Elles n'aiment pas la tiédeur circonspecte. Elles ne recherchent pas non plus la critique littéraire alambi-quée, mais veulent savoir clairement pourquoi nous avons choisi de parler de tels livres, pourquoi nous leurs présentons tel écrivain. Ce qu'elles nous demandent c'est de la curiosité, des goûts et des dégoûts bien exprimés. Comme cette attitude correspond très exactement à ce que nous souhaitons faire Françoise Ducout et moi-même, nous n'avions jamais l'impression de chercher à plaire à notre public, mais plutôt de parler à des femmes des livres que nous aimons ou n'aimons pas, en toute subjectivité, et j'espère toute honnêteté.