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    Une bibliothèque et ses lecteurs

    Qui lit quoi à Antony

    Par Marie-Thérèse BOUTRY-CHOILLOT

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    Tableau 1 : statistiques de la bibliothèque municipale d'Antony : répartition par classes de Dewey des emprunts de chacun des C.S.P.

    Le thème du congrès de Reims fait très exactement écho à la question que nous nous sommes posée dans nos travaux : aussi est-ce pour nous un grand plaisir de les évoquer ici. Faute de présenter des recherches actuelles trop peu avancées, nous reviendrons sur nos analyses antérieures dans la mesure où les résultats acquis constituent en quelque sorte un bilan (momentané) de l'ensemble des relations de la bibliothèque avec ses lecteurs.

    La méthode, les objectifs, les moyens

    La méthode est celle dite de l'enquête indirecte». Pas de questionnaires ; on ne sait jamais qui répond et qui ne répond pas. Pas de questions: sont-elles bien comprises? Le lecteur peut-il vraiment répondre avec exactitude ?, mais l'exploitation systématique des documents de gestion de la bibliothèque recensant, sur quatre ans, tous les emprunts de tous les lecteurs. Ce qui nous permettait, non seulement, de répondre à la question centrale : « Qui lit quoi ? », mais encore à la plupart des questions que se posent bibliothécaires ou chercheurs sur les lecteurs et leurs lectures, dans les travaux publiés sur le sujet :

    • Qui sont les lecteurs ? (âge, sexe, catégorie socio-professionnelle : C.S.P.)
    • D'où viennent-ils
    • Sont-ils seuls ? Viennent-ils plusieurs d'une même famille ?
    • Depuis quand ?
    • Quand s'inscrivent-ils, quand empruntent-ils ?
    • Combien de livres et pour combien de temps ?
    • Que choisissent-ils ? Comment ? Pourquoi ?
    • Quels sont les livres les plus et les moins demandés ? Et par qui ? etc.

    Les responsables des bibliothèques de prêt réalisent une exploitation importante sur les différentes statistiques qu'ils collectent ; mais beaucoup déplorent le manque de temps, de personnel à consacrer à ces travaux.

    Nous tenions à mettre nos possibilités au service de la bibliothèque, mais nous devons souligner l'importance de la collaboration existant entre Mme Froissart, responsable de la Bibliothèque Municipale d'Antony, et de M. Durand, chef du service informatique de la ville auxquels nous eûmes le privilège de nous joindre au terme d'une exploration qui porta sur toute la France et la plupart des pays d'Europe de l'Ouest. Antony était alors le seul lieu où l'informatique permît une telle expérience en raison de la possibilité de retraduire toutes les transactions chiffrées (n° d'inventaire des .documents, n°de lecteurs), en données qualitatives : titre, auteur pour les premiers, sexe, âge, catégorie sociale pour les seconds.

    Le champ de l'étude

    Ces matériaux et notre méthode nous permirent ainsi de fixer avec précision la physionomie du public fréquentant la B.M. d'Antony et de cerner au plus près sa demande, étant dit une fois pour toutes que tout livre emprunté n'est pas forcément un livre lu mais traduit une intention de lecture :

    Établissement de la pyramide des âges des inscrits et son évolution année par année. Répartition de la population des lecteurs par sexe et catégories socio-professionnelles puis comparaison avec l'univers de référence, la population de la ville d'Antony.

    Origine géographique des lecteurs et rayonnement de la bibliothèque qui montre l'importance des voies et moyens de circulation et met en échec les théories qui fixent en chiffres le rayon du recrutement des lecteurs pour une bibliothèque.

    De telles idées font bien peu cas des flux de population en fonction des pôles d'attraction de celle-ci. Preuve en est la répartition des lecteurs qui peuvent venir de dix kilomètres et au-delà de l'ouest (R.E.R. de la vallée de Chevreuse) et ne se recrutent pratiquement plus au-delà de deux kilomètres à l'est tant les voies de circulation sont incommodes.

    Pratique familiale de la fréquentation de la bibliothèque puisque nous avons pu constater que 43,5% des lecteurs étaient des isolés alors que les 56,5% d'autres pouvaient être repérés comme appartenant à une « famille dont plusieurs membres fréquentent la bibliothèque.

    Progression des inscriptions année par année avec l'évolution différenciée selon l'origine sociale faisant apparaître des différences considérables entre les catégories sociales (professions libérales, étudiants, femmes au foyer) où la bibliothèque fait rapidement le plein de ses inscrits tandis que d'autres se présentent pour des années comme d'intarissables réservoirs de lecteurs dont l'effectif croît selon une progression quasi géométrique compte tenu de leur faible nombre au départ (cadres supérieurs, travailleurs manuels, cadres moyens, artisants-commerçants) et en direction de qui les efforts d'information seraient les plus nécessaires mais aussi les plus suivis d'effet.

    Évolution des inscriptions et des prêts, selon les jours, les mois, les années avec des courbes dont le profil caractéristique correspond à des rythmes sociaux : temps d'activité ou de congés dont les variations affectent sensiblement les charges de travail de la bibliothèque.

    Mais nous avons repéré aussi comment des événements extérieurs peuvent de façon imprévisible influencer des rythmes installés.

    Fréquentation de la bibliothèque, fréquence, durée et volume des emprunts avec des variations suivant l'origine sociale et le sexe des lecteurs. L'étude fait apparaître le faible nombre de non retours considérés comme ouvrages perdus qui n'atteignent pas 0,5% des ouvrages mis à la disposition des lecteurs. Avec la moyenne de 2,7 livres par lecteur, les emprunts représentent d'autre part une rotation des ouvrages toujours inférieure aux possibilités réelles de la bibliothèque, ce qui montre qu'il est inutile de sanctionner les quelques lecteurs qui empruntent p!us d'ouvrages que les trois autorisés par le règlement. Encore plus inutile de mettre en place quelque système de contrôle sophistiqué, donc coûteux, pour détecter ce genre « d'infraction ,.

    Par contre, le nombre moyen de livres empruntés par le lecteur et par année tend à décroître (de 27 livres la première année à vingt la quatrième). On peut penser que pour les habi tués, il est nécessaire de renouveler souvent les titres, faute de quoi, dans la limite des sujets qui les intéressent, ils ont au bout de quelques années l'impression d'avoir épuisé les ressources mises à leur disposition. On peut aussi imaginer qu'il est possible de les amener à élargir le champ de leur intérêts, et donc de leurs emprunts, par des actions d'information appropriées, mais cela demanderait d'autres études sur le parcours du lecteur et l'évolution de sa demande.

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    Tableau 2 : hiérarchie des choix selon la C.S.P. des lecteurs (sexe masculin)

    L'influence de l'actualité et des facteurs extérieurs qui marquent les préoccupations momentanées des lecteurs est perçue au travers de l'étude des fiches de réservation. Indicateurs de la demande « brute des lecteurs, ces fiches font apparaître en ordre hiérarchique les « goûts » passagers des lecteurs en cumulant réservations et prêts ayant même objet. Mais à notre principale question : Qui lit quoi ? », il fut répondu longuement : l'exploitation croisée des emprunts classés selon les indices de Dewey et des emprunteurs caractérisés par: âge, sexe, C.S.P. fut développée en tableaux et graphiques dont nous livrons ici quelques uns des plus significatifs. Ces statistiques portent sur 328 239 emprunts contractés par 6 293 lecteurs adultes sur une période de quatre ans.

    Il faut observer que les catégories retenues ne sont pas exactement conformes à la nomenclature de l'I.N.S.E.E., l'éclatement de la catégorie 3 en cadres supérieurs (30) et professions libérales (35), nous a permis d'entrevoir des divergences intéressantes entre des catégories habituellement confondues en fonction de critères économiques. Par contre, la rubrique « fonctionnaires » qui existait sur les formulaires nous a beaucoup gêné puisque cela fait référence non à une catégorie professionnelle mais à un cadre d'activités ! On constate aussi une perte d'information importante :

    • des lecteurs qui remplissent incomplètement les imprimés qu'on leur soumet, d'où une colonne de « sans renseignements » à l'exploitation.
    • des employés trop zélés qui détruisirent les cartes des ouvrages retirés du prêt (colonne anomalies du tableau 1).

    « Qui lit quoi ? » Selon le sexe, l'âge et la catégorie socioprofessionnelle (C.S.P.) des lecteurs

    Le traitement de la masse de nos informations ne peut être mieux illustré que par des histogrammes qui schématisent le « profil de lecture de chaque groupe de lecteurs selon le sexe et la C.S.P. ou la classe d'âge (tabl. 4, 5, 8). Évidemment, la traduction en % du total des lectures de chacune des C.S.P. n'a pas la même portée puisque d'une catégorie à l'autre l'effectif varie de quelques dizaines (C.S.P. 60-20-30) à quelques milliers (91) de lecteurs (cf. tabl. 1).

    Par contre, les effectifs des tranches d'âge sont pratiquement toujours chiffrés en centaines. Le découpage en a été réalisé à notre demande sur l'année de naissance.

    Nous avons cherché à mettre en lumière concentration ou diversité des goûts des lecteurs révélés par l'existence de 2 pôles d'intérêts :

    • documentaires/fiction, cette dernière étant isolée par l'addition des classes 843 et Pol. (Romans et Policiers). Cette opposition révélant dans les « profils de lecture », deux attitudes caractéristiques :
    • Refuge dans la littérature d'évasion, d'une part, pragmatisme, curiosité, éclectisme, d'autre part.

    Ces deux attitudes se rencontrent selon sexe, âge, C.S.P. de façon pas toujours prévisible, d'où l'intérêt de l'étude de nos profils.

    Nous ne livrerons pas ici le détail de nos analyses mais porterons notre attention sur des constatations ou des comparaisons qui mettent en relief le caractère particulier des différents groupes de lecteurs.

    Nous tenterons de repérer les faits observables les plus constants avant de passer aux particularités les plus originales de nos profils fondant à la fois nos commentaires sur les deux séries d'histogrammes.

    Notons :

    • L'intérêt majoritaire généralisé des femmes pour la fiction car l'intérêt marqué des hommes pour les romans policiers ne compense que rarement cette supériorité de la demande féminine.
    • L'existence d'un intérêt documentaire dominant qui se situe selon la C.S.P. pour les hommes entre 8 et 16% des prêts enregistrés et seulement entre 6 et 11% chez les femmes.

    Tous les groupes adultes, masculins notamment, ont un goût prononcé pour l'histoire à laquelle il faut ajouter littérature et biographie chez les femmes, deux choix qui s'apparentent encore à la fiction !

    Dans certains groupes, démographie et critères socio-économiques se rejoignent : être retraité, être scolaire ou étudiant, cela correspond à des âges de la vie. Dans ce cas, les profils C.S.P. et âge se confirment, se précisent, s'explicitent. C'est ainsi que les histogrammes de ces catégories nous font prendre la mesure des oppositions existant entre la demande des jeunes et celles des gens âgés ; entre les goûts des scolaires et étudiants, et ceux des retraités.

    Nous retrouvons nos deux pôles avec la variété de la demande d'un côté et la concentration sur la fiction de l'autre : les plus jeunes sont les plus curieux mais plus on avance en âge, plus l'évpntail des intérêts documentaires se referme (on atteint che.. -- femmes retraitées 81 % de « fiction » dans la demande !)

    On constate u ,e évolution sensible du profil si l'on parcourt la succession Jes tranches d'âge existant simultanément à la bibliothèque pour une période donnée, à défaut de pouvoir dire que la demande d'un groupe évolue en vieillissant, ce qui ressort de l'enquête longitudinale (suivre dans le temps les mêmes lecteurs) et mériterait d'être tenté car nous saurions si ce repli des intérêts est effectivement dû à l'âge ou s'il ne faut pas y voir aussi l'influence d'un niveau culturel (instruction) globalement moins élevé chez les gens âgés que parmi les jeunes générations où la poursuite des études est chose courante alors que c'était l'exception dans les générations passées.

    La tranche d'âge la plus jeune fréquente encore la bibliothèque pour enfants, nous n'avons donc ici qu'une (faible) partie de sa demande, mais son profil très particulier autant que le fait de s'adresser à la bibliothèque des adultes sont signe de dynamisme et d'ouverture d'esprit partagés par filles et garçons : c'est le cas rare d'une identité presque parfaite entre les 2 demandes d'un groupe dont l'effectif est également réparti entre les sexes.

    À 15-16 ans, le paysage change :

    Les filles « dévorent « des romans et le profil de la demande est très proche de celui d'autres groupes féminins (35-44 ans, C.S.P. 99).

    Les garçons gardent leur originalité et la diversité de leurs intérêts s'affirme.

    À 17-19 ans, les deux profils ont des analogies, une scolarité secondaire identique en est sans doute la cause, mais d'autre part n'est-ce pas que seuls demeureraient fidèles à la bibliothèque les lycéens, les autres encore présents l'année précédente l'auraient quittée ? Le nombre des inscrits (475 M et 597 F), le volume des emprunts corroborent cette hypothèse : de 24 à 39 livres/4 ans pour les garçons, 26 à 48 livres/4 ans pour les filles. Ces différences en faveur des filles paraissent significatives. Les contraintes domestiques ne pèsent pas encore sur la population féminine. Le temps de loisirs dont on dispose est identique mais la manière de l'employer diffère, résultat d'un choix : les filles, plus nombreuses à s'inscrire, accordent aussi plus de temps à la lecture tandis que les garçons, même lecteurs, se consacrent vraisemblablement à d'autres activités de loisirs. L'évolution des 2 schémas montrerait assez que la caractéristique masculine soit l'efficacité à acquérir des connaissances diverses plutôt qu'à se distraire de la vie par la fiction

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    Tableau 3 : hiérarchie des choix selon la C.S.P. des lecteurs (sexe féminin)

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    Tableau 6 : hiérarchie des choix selon la C.S.P. des lecteurs (sexe féminin)

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    Tableau 4 : % des emprunts à chaque classe de Dewey selon la C.S.P. des lecteurs (I)

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    Tableau 5 : % des emprunts à chaque classe de Dewey selon la C.S.P. des lecteurs (II)

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    Tableau 7 : répartition en % par classes Dewey des emprunts de chaque tranche d'âge par sexe

    On peut noter selon l'âge des tendances particulières dans les choix dont certains vont toujours croissants :

    • les romans policiers qui, dans des proportions moindres, captivent les hommes alors que la demande féminine est étale (aux environs de 6% des prêts à tous les âges).
    • l'histoire (9) dont la demande culmine (près de 14% des prêts) chez les hommes de 55-60 ans (8% chez les femmes).
    • à un degré moindre, on relève la même tendance pour le goût des biographies (92) partagées également entre les deux sexes.

    Un autre groupe de « genre connaît le déclin progressif après avoir recueilli la faveur des jeunes : les sciences pures (5) et appliquées (6), la classe arts-loisirs (7), la littérature (8).

    Enfin, philosophie (1), sciences sociales (3) et religions (2) n'intéressent qu'à certaines périodes n'ayant pas la faveur des âges extrêmes.

    Dans nombre de domaines (8, 1, 3, 5, 6, peut-être 7), on perçoit l'influence de la scolarité et de ses rythmes ce qui donne à penser que le rôle de centre documentaire à usage des étudiants et lycéens est une des fonctions importantes de la bibliothèque.

    Corollaire de cette constatation : la demande « spontanée correspondant aux goûts de lecteurs non influencés de motivations scolaires sera perçue plus nettement au travers de l'analyse des demandes par C.S.P.

    Au pôle des intérêts documentaires, nous retrouvons les jeunes, en majorité scolaires, au pôle de la fiction les retraités déjà considérés sous l'angle du groupe d'âge.

    Entre ces extrêmes, une variété de profils où le sexe intervient parfois autant que la profession dans l'explication des données :

    Les Travailleurs Manuels (T. M.)

    Entre les schémas féminins et masculins, un seul point commun : la plus faible demande de romans policiers. Chez les hommes, l'intérêt pour l'histoire (15,5% des emprunts) pulvérise les records de demande, mais d'autres intérêts documentaires existent : classes 7, 3 et 2 de Dewey... L'éventail des intérêts de cette C.S.P. n'est ni restreint à la fiction ni limité à quelques sujets d'ordre pratique. L'ensemble du profil donne à penser qu'il n'y a pas de différence qualitative entre les lectures des T.M. et celles de classes plus aisées, plus instruites et plus... considérées.

    Mais il existe une différence quantitative : les T.M. sont de toutes les C.S.P. celle qui a le plus faible volume d'emprunts, contraintes du temps, de la fatigue, du manque d'entraînement intellectuel ?

    Sur les femmes, au profil moins original, semblent peser de façon conjuguée les contraintes de la condition ouvrière et de la condition féminine qui limitent la quantité et la variété des lectures.

    Reste à savoir qui sont ces T.M. Leur inscription à la bibliothèque ne signifie-t-elle pas déjà une distance prise par rapport à leur statut social ?

    Les Employés au contraire sont polarisés sur la fiction (843 + Pol.) Les deux sexes ne battent-ils pas le record de demande de policiers?

    Le profil des hommes peut se comparer à celui des T.M. avec cependant moins de curiosité documentaire. Chez les femmes, quelques intérêts plus spéculatifs (Dewey 1, 3) alors que les travailleuses manuelles ont des intérêts plus concrets (6, 7, 91).

    Chez les Artisans et Commerçants, les profils masculins et féminins se rapprochent. Ils se distinguent de ceux des autres C.S.P. par la variété de leurs intérêts et leur originalité :

    Peut-on invoquer le patronage de Mercure aux pieds agiles lorsque nous constatons que les acteurs des 2 sexes manifes tent la plus forte demande pour la classe 91 (géographie-voyages) ?

    Les intérêts des Cadres Moyens (C.M.) semblent comparables à ceux des T.M. mais en accentuant la demande dans les domaines les plus pragmatiques (5, 6 et 3). Cherche-t-on à s'instruire en vue d'améliorer sa situation ? Est-ce signe d'une origine sociale plus aisée? Ambition, conscience de possibilités d'ascension sociale ? Recrutement préalable ? Tout se passe comme si, à origine culturelle analogue, les T.M. étaient plus désintéressés dans le choix des lectures.

    L'examen du profil des Cadres Supérieurs (C.S.), qui pourrait être la référence sociale des C.M., révèle paradoxalement un univers beaucoup plus limité. D'autre part, la condition féminine pèse moins sur la demande particulière (classes 92, 91, 5, 2, 9 et 8 !) des femmes C.M.

    Les Enseignants.

    Cette C.S.P. réunit ici instituteurs et professeurs.

    Notre schéma présente une similitude du profil des 2 sexes même si la fiction est un peu avantagée chez les femmes. Les intérêts documentaires convergent, les écarts sont minimes. La comparaison avec les C.M. masculins offre une convergence d'intérêts (classes 9, 3, 7, 92) :

    Un peu moins de sciences appliquées, un peu plus de littérature et de philosophie chez les enseignants, variantes explicables par la finalité visiblement professionnelle des lectures de part et d'autre. Le profil des enseignantes se rapprocherait de modèles masculins.

    Les histogrammes des emprunts masculins des Professions Libérales se superposent presque exactement avec ceux des enseignants, demande de fiction identique (policiers et romans se compensant d'une catégorie à l'autre) mêmes proportions pour 9 (intérêt documentaire dominant), 1, 5 ou 91, très largement supérieur chez les enseignants pour 6, 7, 92 et en faveur des professions libérales pour 2, 3, 8.

    Demande masculine et féminine ne présentent que des variantes dans une diversité comparable d'intérêts. Pour ces couches sociales, la variable « sexe » semble ne plus intervenir de façon contraignante. Dans les 2 précédentes C.S.P., le critère de « recrutement » est commun aux hommes et aux femmes : c'est le niveau culturel mesuré par le niveau des études.

    La demande formulée à une bibliothèque de lecture publique se manifeste par l'écart considérable entre l'instituteur et le professeur, ce dernier faisant appel à une bibliothèque spécialisée pour sa demande professionnelle. Reste le clivage quantitatif : À qualité supposée égale quant au fond, la demande varie en quantité puisque sur la période de référence les Professions Libérales ont emprunté 73 livres/personne, les Enseignants 50 et les Cadres Moyens 55 (C.M. femmes = 42 livres).

    Le profil des Cadres Supérieurs (C.S.) ne manque pas d'intérêt. Si le niveau économique justifie l'assimilation habituelle à la même C.S.P. que les Professions Libérales, les comportements constatés sont presque antagonistes ! Pour devenir C.S., le niveau de culture générale compte-t-il si peu ? Ou ne cherche-t-on qu'à s'évader dans la fiction des responsabilités de son statut? Nous constatons là l'éventail le plus restreint des intérêts documentaires qui semble se justifier par les contraintes pofessionnelles (ou familiales pour les femmes) car les C.S. n'ont ni la maîtrise de leur temps comme les P.L., ni la liberté saisonnière des enseignants, ni les ambitions des cadres moyens puisqu'ils sont parvenus à un degré élevé de l'échelle sociale.

    Sans Profession :

    C'est par erreur que, pour cette catégorie, nous avons une courbe masculine : s'agit-il de garçons inscrits par leur mère et c'est la C.S.P. de celle-ci qui figure sur la fiche? Le profil de la courbe 91 M, très semblable à celui-ci, incite à admettre cette proposition.

    Femmes au foyer, elles peuvent appartenir à tous les niveaux socio-culturels. Pas d'intérêts dominants, pas de motivation particulière sans doute ; on aimerait savoir si ce modèle d'intérêts variés pratiqués à faible dose, dominé par la fiction, traduit un désir de se distraire, de se documenter, d'entretenir ses connaissances ou de redistribuer un savoir à des enfants d'âge scolaire en particulier.

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    Tableau 8 : % des emprunts à chaque classe de Dewey selon l'âge des lecteurs

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    Tableau 8 bis : % des emprunts de chaque classe d'âge selon la classe de Dewey

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    Tableau 9 : "palmarès" des auteurs dont les ouvrages ont été les plus empruntés entre octobre 1970 et octobre 1974

    À noter la similitude de la courbe des «sans renseignement" (femmes) avec celle-ci, il y a tout lieu de croire qu'il s'agit de « sans profession » à qui il déplaît de l'avouer ou qui, trouvant ce renseignement négligeable, omet de répondre à cette rubrique de la fiche d'inscription.

    On peut de la même manière attribuer aux retraités le schéma qui correspond au profil « S.R. » hommes. On relève aussi la parenté du schéma «fonctionnaire» (femme) avec celui des « sans profession ».

    En conclusion :

    Ce tour d'horizon nous permet de préciser pour chaque groupe de lecteurs des tendances dont certaines sont prévisibles : on vérifie alors des hypothèses implicites sur les goûts du public. Mais nous rencontrons aussi des faits inattendus (lectures des ouvriers, des cadres) ou des précisions sur lesquelles peu d'études s'étaient arrêtées :

    Nous avons constamment pris en compte la question : « pour une même tranche d'âge, une même C.S.P., l'effectif masculin a-t-il la même demande que l'effectif féminin ? »

    Question que nous n'avons relevée nulle part tant il paraît évident que la réponse doive être négative. Or, notre étude fait apparaître des oppositions plus ou moins attendues, mais aussi des rapprochements surprenants. (Profil de 91, 35, 42, etc.).

    La demande exprimée à la bibliothèque nous renvoie l'image que les individus -se font du statut social, des rôles masculins et féminins qui au plan culturel ne se superposeront pas en principe. Or, des facteurs peuvent intervenir qui modifient ce schéma général :

    Les enfants, nous l'avons vu, ont un comportement homogène, peut-être n'ont-ils pas assimilé les stéréotypes sexués qui circulent dans la société qui les entoure.

    Pour eux, filles ou garçons, la lecture semble être un univers illimité, ils manifestent leur curiosité dans tous les domaines. Avec l'âge, nous l'avons vu, chacun endosse peu à peu le rôle qui lui est socialement dévolu et sexe, âge, C.S.P. sont des facteurs qui déterminent, freinent, orientent, sélectionnent les appétits de lecture.

    Contraintes plus pesantes pour les femmes que pour les hommes : elles cumulent les rôles familial et professionnel.

    À l'âge adulte, rares sont ceux qui gardent ou reconquièrent cette liberté dans les choix, cette diversité des intérêts. Seul un niveau culturel élevé semble capable de maintenir ou de réintroduire cette capacité à s'intéresser à tout qui habite les lecteurs jusqu'à 24 ans.

    La finesse de nos données nous permet de connaître sur le catalogue topographique de Dewey, classe par classe, auteur par auteur, livre par livre, quelle a été la rotation du fonds, et dans quels groupes de lecteurs.

    Nous n'avons pas résisté au plaisir de communiquer aux participants du congrès le « palmarès des auteurs de romans tel que nos statistiques nous avaient permis de l'établir. (tabl. 9) Une telle étude permet de cerner la demande d'un public défini par ses caractéristiques socio-démographiques ; elle permet de mieux apprécier comment pourvoir au renouvellement, aux accroissements du fonds, voire à sa constitution pour la création d'une annexe ou d'une bibliothèque, après avoir comparé la population des villes ou des quartiers mis en parallèle. Ceci n'est qu'une suggestion car, sans mise à jour périodique, nous ne connaîtrons pas vraiment l'évolution actuelle du public et de ses goûts de lecture, c'est l'aboutissement d'une telle démarche que nous souhaitons.

    Cet article renvoie à : BOUTRY-CHOILLOT (M.-Th.). Sociologie de la lecture et bibliothèques publiques. Les prêts à la Bibliothèque Municipale d'Antony.

    Thèse de 3ème cycle 1978 - Université 21138 DIJON.

    (Disponible sur 12 microfiches C.N.R.S.)

    Cet article renvoie à : BOUTRY-CHOILLOT (M.-Th.). Sociologie de la lecture et bibliothèques publiques. Les prêts à la Bibliothèque Municipale d'Antony.

    Thèse de 3ème cycle 1978 - Université 21138 DIJON.

    (Disponible sur 12 microfiches C.N.R.S.)