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Le congrès franco-écossais Peebles, 6-11 juin 1992

1992
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    Le congrès franco-écossais Peebles, 6-11 juin 1992

    Par Marie-Martine Tomitch

    Les échanges et la coopération entre l'ABF et l'Association Li des bibliothécaires écossais (Scottish Library Association ou SLA) se sont intensifiés ces dernières années.

    Déjà en 1991, des représentants de l'ABF assistaient au congrès annuel de la SLA qui, traditionnellement, se tient à Peebles, près d'Edimbourg. Cette année, c'est une délégation française de 30 personnes renforcée par le "débarquement" de 4 bibliobus, qui a répondu à l'invitation de nos collègues écossais (1)

    La Scottish Library Association, statutairement rattachée à la Library Association, regroupe environ 2 500 adhérents représentant toutes les catégories de bibliothèques et de personnel. Ses activités (formation, édition, contact avec les associations étrangères...) mobilisent à temps complet un bibliothécaire permanent assisté de deux secrétaires dont l'une employée à mi-temps.

    Le séminaire pré-congrès Mobile Meet 1992

    Traditionnellement, un grand rassemblement de bibliobus, venus de toutes les régions d'Ecosse, précède l'ouverture officielle du congrès annuel de la SLA.

    A cette occasion, 4 bibliobus français ont franchi la Manche : le fameux Musibus de l'Ardèche, le tout nouveau Bébébus de Seine-et-Marne, le bibliobus de la Somme et celui des Côtes d'Armor retrouvèrent ainsi, par un samedi pluvieux de juin, leurs homologues écossais sur le parking de l'Heriot-Watt university aux environs d'Edimbourg.

    Ce grand rassemblement, du reste fort sympathique, donne lieu à des visites techniques et comparatives des différents bibliobus présentés. L'éclairage, la luminosité intérieure des bibliobus, leur facilité d'accès, la hauteur des marchepieds, l'agencement des présentoirs intérieurs (bacs à album, bacs à cassettes, vidéos, vitrines... ), la conception des banques de prêt, des systèmes de prêt informatisé (encore peu développés tant dans les bibliobus français qu'écossais) ont donc pu être ainsi comparés, appréciés, discutés par l'ensemble des professionnels présents.

    Mais cette journée est aussi l'occasion de l'organisation de challenge. Et e trophée du chauffeur de bibliobus le plus adroit fut remporté par Jacques Rieu de la BCP de l'Ardèche.

    T.C. Farries et Riley Dunn and Wilson

    Par ailleurs, la visite de deux entreprises privées écossaises, prestataires de services auprès des bibliothèques : T.C. Farries et Riley Dunn and Wilson, figurait dans le programme pré-congrès proposé à la délégation française.

    Située à Dumfries, dans l'une des plus plus belles contrées du Sud-Ouest de l'Ecosse, l'entreprise T.C Farries approvisionne en ouvrages et documents audiovisuels de nombreuses bibliothèques du Royaume-Uni, ainsi que d'autres bibliothèques du monde entier.

    Toutefois, plus qu'un simple approvisionnement en documents, c'est un véritable service "sur mesure" et "clé en main" que cette entreprise, largement informatisée, offre à ses clients. Renforcement, plastification et équipement des ouvrages sont proposés. Mais aussi, et surtout, un important service bibliographique établit pour les bibliothèques des listes sélectives hebdomadaires de nouveautés parues ou à paraître au Royaume-Uni. Enfin, les ouvrages peuvent être livrés accompagnés de leur notice AACR2 MARC, des mots clefs de la bibliothèque du Congrès et cotés suivant la classification Dewey. C'est donc avec un minimum de manipulation et de traitement que la bibliothèque cliente peut, à leur réception, mettre sur les rayons les ouvrages commandés. Il n'existe pas en France d'entreprise comparable aussi, en quittant l'entreprise T.C Farries nous nous interrogions. Ce modèle est-il exportable en France ? Une telle organisation serait-elle vraiment souhaitable. Face à la concurrence de grandes entreprises de distribution de ce type, le réseau des librairies spécialisées ni risque t-il pas totalement de disparaître ? et la monoculture des best-sellers de s'imposer au détriment du pluralisme et de la diversité ? Le débat reste ouvert. Mais, en tout état de cause, souhaitons qu'en France une véritable politique de partenariat s'instaure enfin entre les différents acteurs des métiers du livre.

    Plusieurs d'entre nous connaissaient déjà l'entreprise Riley Dunn and Wilson par l'intermédiaire de leurs sympathiques managers : Jeff Jeffrey et Alex MacGuire, tous deux présents aux congrès de Dijon et d'Arles. Par ailleurs, nous venions d'apprendre le récent rapprochement, en 1992, année européenne, de Riley Dunn and Wilson et de la société Multirel à Massy. Fondée en 1909, Riley Dunn and Wilson est une entreprise de reliure et de restauration parmi les plus importantes d'Europe. C'est donc avec grand intérêt que nous avons visité son unité de production de Falkirk située au centre de l'Ecosse. Installée sur un site de 5 000 m', cette unité traite environ 2 000 à 3 000 documents par semaine. Trois ateliers distincts : reliure des livres, reliure des périodiques et restauration des livres anciens offrent dans les meilleurs délais des services diversifiés à de nombreuses bibliothèques :

    • renforcement de livres brochés ;
    • reliure d'ouvrages, de thèses, de périodiques etc ;
    • fabriques de boites de conservation sur commande ;
    • désacidification, restauration et reliure d'ouvrages anciens ;
    • microfilmage des documents primaires. Les récentes études menées par la Bibliothèque de France semblent indiquer la très grande qualité technique du travail de Riley Dunn and Wilson.

    Les rencontres de Peebles

    C'est à Peebles (8-11 juin 1992), charmant et riant petit bourg de la région des Borders, traversé par la rivière Tweed qu'a eu lieu l'ouverture officielle du congrès de la SLA ainsi que du salon professionnel l'accompagnant.

    Le thème général du congrès étant la coopération entre la France et l'Ecosse, chaque pays s'est attaché à mettre en valeur ses points forts en matière de pratique professionnelle, tout en cherchant à identifier les domaines de coopération futurs.

    L'allocution d'ouverture de Brian Osborne, président de la SLA, dans une langue très pure et pleine d'humour, posa d'emblée quelques questions clefs qui préoccupent aujourd'hui l'ensemble des professionnels aussi bien français qu'écossais : par exemple le trop grand cloisonnement entre les différents types de bibliothèques, le problème de l'interprofession, une certaine tendance au nivellement par le bas en ce qui concerne le choix des titres dans les bibliothèques de lecture publique.

    Il n'y a pas de petits et grands documents, tous les documents sont égaux et importants, a rappelé Jean-Paul Oddos, chef de projet conservation à la Bibliothèque de France. Aussi, afin de préserver les deux millions de documents dont le papier fragile s'autodétruit et renforcer les 400 000 documents entrant chaque année à la Bibliothèque nationale, c'est une logique économique et industrielle qui s'impose aujourd'hui, et cela tant au niveau de la prévention, de la maintenance que de la restauration et du transfert sur nouveaux supports. A cet égard, et citant les paroles de Roger Chartier : "la forme qui fait sens", il souligna que la mise sur nouveaux supports ne saurait se substituer à la nécessité et à la volonté de conserver les documents originaux.

    Au terme de la journée consacrée à la lecture en milieu rural, seul thème commun des bibliothécaires français et écossais, une forte implantation de bibliothécaires professionnels écossais en milieu scolaire nous est apparue. De plus, une coopération entre bibliothèques publiques et établissements scolaires s'organise. Pourtant les structures administratives sont contraignantes. En effet l'Ecosse est divisée en régions comprenant des districts et, si les bibliothèques publiques dépendent des districts, les écoles, elles, dépendent des régions. Par ailleurs les contributions de Nelly Vingtdeux et Bertrand Calenge rappelèrent l'histoire, les missions et les multiples services offerts par les BCP (Musibus, Bébébus, prêt direct, dépôts... ).

    Pour Gérald Grunberg, Directeur du département Bibliothèconomie de la Bibliothèque de France, l'essor récent des constructions de bibliothèques publiques en France, en particulier depuis 1970, doit être l'occasion de tirer quelques leçons de ces quelques 25 ans d'expérience en matière de programmation et de construction. Et, peut-être, est-il particulièrement nécessaire d'amorcer une réflexion sur les fonds en libre-accès. En effet, à l'instar de la bibliothèque de Bordeaux, et pour répondre aux évolutions de notre société, probablement s'agit-il aujourd'hui de concilier libre-accès et maintien d'une offre documentaire importante grâce aux stocks de proximité gérés en magasin.

    Les communications concernant la recherche d'un service de qualité dans les bibliothèques ont toutes témoigné d'une grande sensibilisation de nos collègues écossais aux techniques de gestion directement inspirées de celles des entreprises (cercle de qualité, zéro défaut...). Or l'amélioration des services rendus passe par une évaluation (évaluation des services, évaluation des besoins explicites ou implicites). Aussi, s'étant fixés au préalable des objectifs, les bibliothèques doivent mettre au point une méthodologie de l'évaluation (indicateurs d'activité, ratios, indices, enquêtes...). En ce sens, une bonne communication interne fut soulignée comme essentielle à la détermination d'objectifs d'établissement clairement définis et acceptés par tous.

    Lors de la dernière matinée, Peter Beau-champ (library adviser, Department of national heritage) et Christine Deschamps (présidente du comité français de pilotage du plan d'action) représentée par Catheri-ne Shmitt (Secrétaire générale de l'ABF), abordèrent le Plan d'action en faveur des bibliothèques de la Communauté européenne. Après avoir rappelé l'historique du Plan d'action, ils présentèrent, à partir de l'évaluation des différents projets proposés par les bibliothèques, un bilan du première appel à propositions. Ainsi, à la veille du deuxième Appel d'Offres (prévu pour le 15/10/92), quelques conclusions pouvaient être tirées :

    • dimension essentiellement technologique et technique du Plan ;
    • absence d'une dimension culturelle et/ou patrimoniale ;
    • sous-représentation des bibliothèques de lecture publique ;
    • sous-représentation des pays des régions moins favorisées de l'Europe ;
    • urgence de s'accorder sur des priorités comme, par exemple, la mise en oeuvre de politiques de coopération entre pays riches et pays pauvres.

    A l'heure de conclure Lord Thomson of Monifieth, parlementaire européen, à la faveur d'un brillant exposé, invita les bibliothécaires à ne pas se laisser impressionner par la "bureaucratie" de Bruxelles et à poursuivre la construction de l'Europe des bibliothèques, ces bibliothèques qui, souligna t-il sont les lieux de mémoire de la civilisation européenne.

    Il nous reste ici à souligner la chaleur de l'accueil, l'ambiance détendue et les événements folkloriques qui ont ponctués ces rencontres (danses écossaises, dégustations de whisky...)

    1. La société Gruau , constructeur de bibliobus, a aimablement financé la traversée en Ferries de ces bibliobus. retour au texte