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Quelques réflexions sur les bibliothèques écossaises

1992
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    Quelques réflexions sur les bibliothèques écossaises

    Par Brian Osborne, Président de la Scottish Library Association
    Mon premier devoir est de vous dire, chers collègues, à quel point vous m'avez honoré en me confiant la présidence de la Scottish Library Association (SLA). [.. 1 Conformément à la tradition, je souhaite également exprimer nos remerciements au président de la Library Association (LA) pour avoir accepté de participer, en compagnie de plusieurs collègues permanents, à notre conférence, et de présider cette séance.

    J'ignore à vrai dire comment la SLA est perçue depuis la rue Rigmount (1) , si les singularités du bataillon écossais suscitent un sourire indulgent ou un hochement de la tête désapprobateur. Le papier à en-tête de la SLA proclame fièrement : "Fondée en 1908, affiliée à la Library Association en 1931". Nous accordons beaucoup d'importance au statut spécifique de la SLA ; comme tous les écossais et comme l'Ecosse elle-même, nous vivons avec une conscience aiguë de notre identité et de notre particularité. Nous sommes, selon l'expression biblique, un "peuple à part" ; mais, tout en cultivant cette singularité et cette distinction, nous savons reconnaître et apprécier à leur juste valeur les liens qui nous unissent au reste de la communauté des bibliothèques en Grande-Bretagne et à l'étranger. Et nous apprécions tout particulièrement les relations privilégiées que nous entretenons avec la Library Association.

    L'Ecosse a toujours été passionnément nationaliste et passionnément internationaliste. Une petite nation située aux confins Nord-Est de l'Europe et n'ayant guère d'autres ressources naturelles que ses habitants, n'avait peut-être pas d'autres choix. Depuis la nuit des temps, les écossais ont parcouru l'Europe en quête d'idées, d'échanges commerciaux, d'éducation et de soutien. L'expression la plus significative et la plus émouvante de notre identité et indépendance nationales - la déclaration d'Arbroath en 1320 - fut rédigée pour être envoyée à l'étranger au Pape Jean XXII à Avignon. Pendant des siècles, les hommes de loi écossais ont traditionnellement achevé leurs études à Leyden ou Utrecht. Pendant plus longtemps encore, les soldats écossais se sont engagés dans les armées françaises, allemandes, suédoises, russes et hollandaises. Les écossais qui en avaient les moyens ont voyagé partout en Europe pour y trouver savoir-vivre et expérience. Le commerce avec l'Europe était primordial. Dans tous les petits bourgs d'Ecosse, des marchands locaux ont commercé avec l'Europe, plusieurs siècles avant que le concept même du Marché unique européen n'ait été formulé. [...]

    Tout comme au 18esiècle nos ancêtres se rendaient en France pour apprendre ce qui ne pouvait être appris à Kirriemuir ou Kirkintilloch, nous nous tournons, tout au long de cette semaine, vers nos amis français pour apprendre beaucoup de choses nouvelles et intéressantes. Pendant des siècles, nous sommes allés sur le continent pour combattre, commercer et étudier. Aux 19, et 20esiècles, les européens ont été de plus en plus nombreux à venir en Ecosse. Bien sûr, les français, les allemands, les italiens et les espagnols sont toujours venus ici pour faire la guerre ou du commerce, comme diplomates ou voyageurs, mais lors des siècles précédents, ils étaient sans doute quelque peu intimidés par les rigueurs du climat et les moeurs locales.

    Partenariat

    Conscients d'avoir été façonnés par cette histoire et par cet héritage, il nous a paru évident - et c'est aussi pour nous un grand plaisir - d'accueillir à l'occasion de cette conférence une délégation importante de collègues, et bientôt je l'espère amis, de l'Association des Bibliothécaires Français. Chacune de nos conférences a un thème général auquel les interventions se conforment plus ou moins fidèlement. Le thème de cette année est le partenariat. [...]

    Le partenariat est le coeur même du métier de bibliothécaire. Nos partenaires sont nombreux et variés. Ce sont les auteurs, les éditeurs, les libraires avec lesquels nous rendons les textes accessibles au public. Ce sont nos lecteurs dont nous tentons de satisfaire les besoins d'information, ce sont d'autres professions voisines et d'autres bibliothèques et bibliothécaires au service, comme nous, des usagers. Comme j'en fais actuellement l'expérience à Strath-kelvin, nul ne peut programmer et construire une bibliothèque sans la collaboration de toute une foule de partenaires, et le résultat final dépend directement de cette collaboration.

    J'aimerai insister plus particulièrement sur quelques-unes de ces collaborations et sur les conditions dans lesquelles elles devraient s'exercer. J'évoquerai en premier lieu la nature du partenariat qui unit, au sein d'une collectivité locale, la bibliothèque aux autres services, puis la collaboration entre les bibliothèques et le monde du livre et enfin la coopération entre bibliothécaires telle qu'elle s'organise au sein de nos associations professionnelles. Le partenariat est une bonne chose, mais il doit être fondé sur des valeurs partagées, sur des objectifs communs et sur des règles du jeu précises. Il doit s'agir d'un partenariat de principe et non d'opportunité.

    Si nous ignorons ce que nous en attendons, ou si nous sommes imprécis quant au résultat souhaité, nous risquons de nous mettre dans de beaux draps. Une jeune femme écrivit un jour ceci à George Bernard Shaw : "Vous avez la plus grande intelligence au monde et j'ai le plus beau des corps, nous devrions donc donner naissance au plus parfait des enfants." La réponse de Shaw fut simple et radicale ; il lui demanda : "Et qu'arrivera-t'il si l'enfant hérite de mon corps et de votre cervelle? " Certains partenariats exigent en effet une réflexion approfondie.

    L'organisation des collectivités locales établie en 1975, veut que les services de lecture publique soient associés aux services de sport, loisirs, jardins, cimetières et salles publiques. Je ne veux en rien, dans ce qui va suivre, suggérer que ces autres services sont insignifiants ou inutiles. Bien au contraire. Cependant, cette association fut décidée pour des raisons purement pratiques et administratives. Si nous devons nous engager dans une nouvelle réorganisation des collectivités locales, nous devrons alors y regarder à deux fois et nous battre ardemment pour que la lecture publique trouve vraiment sa place.

    Un service de loisir ?

    Je ne pense pas que, le fait d'inclure les services de lecture publique dans les services de loisirs impliquent une subordination des bibliothécaires à d'autres métiers et que là soit le problème. Ce type d'argument catégoriel ne semble pas digne d'être entendu. Le vrai problème vient du fait qu'en incluant les bibliothèques dans les services de loisirs, on les définit, peut-être pas pour vous ou moi, mais pour les administrateurs et les hommes politiques, comme des services de loisirs. Je ne dis pas, notez-le bien, que le public les définit comme des services de loisirs : le public sait s'y reconnaître.

    Quel mal y-a-t-il, me demanderez-vous, à considérer la bibliothèque publique comme un service de loisir ?

    Tout d'abord, une telle conception est restrictive. Certes, une de nos fonctions, mais une seule, est une fonction de loisir. Nous remplissons bien d'autres missions qui ne sont ni ne peuvent être correctement décrites par le terme de loisir. Chaque fois qu'une bibliothèque publique collecte, adapte et diffuse une information sur son environnement au moyen de publications, d'expositions ou d'enquêtes, elle remplit un rôle clé dans la transmission de la culture locale et la préservation du patrimoine local, qui ne peut se résumer à un service de loisir. Chaque fois que nous fournissons au lecteur l'information qui l'aidera à prendre une décision essentielle pour sa carrière ou son emploi, à acheter une machine à laver ou à choisir un parti politique, chaque fois que nous fournissons à un étudiant, quel que soit son niveau, de manière formelle ou informelle, les documents nécessaires à ses études, nous fournissons un service qui ne peut être résumé à un service de loisir.

    Ensuite, il est courant de juger nos établissements selon des critères qui, s'ils conviennent à d'autres services, sont inadaptés à l'évaluation des bibliothèques. De nombreux services de loisirs offrent un produit standard auquel le client doit se conformer : une piscine est une piscine ; un massif de rosiers, un massif de rosiers. Ce qui fait l'essence même de notre service, c'est qu'il apporte une réponse différente à chaque utilisateur. Le philosophe grec Héraclite disait que l'on n'entre jamais deux fois dans la même rivière ; de la même manière, il est peu probable d'entrer deux fois dans la même bibliothèque, car chaque fois que vous y pénétrez, vos besoins sont différents, la disponibilité des documents n'est plus la même, et même le personnel présent pour vous aider a changé. [...] Enfin, il est peut-être possible de juger la rentabilité d'un court de badminton d'après son taux d'occupation par les joueurs et de mettre en place une stratégie destinée à l'augmenter. Toute évaluation des services de bibliothèque doit prendre en compte un facteur qualitatif, doit reconnaître que toutes les transactions ne sont pas de la même nature ou d'égale importance, que tous les lecteurs n'ont pas les mêmes demandes. [...]

    J'ai évoqué, parmi les fonctions incompatibles avec la notion de loisir, notre fonction éducative. Le mois dernier, j'ai assisté à la remise de diplôme d'un ami au centre national d'enseignement par correspondance. [...] Assis dans la galerie du Hall MacEvan à Edimbourg, je regardais passer une succession de nouveaux diplômés et je me disais que, quels que soient les avantages pratiques, financiers ou professionnels que nous ayons tiré, eux et moi, de nos études, le bénéfice essentiel était quelque chose de presque indéfinissable, quelque chose qui a à voir avec l'évolution et le développement personnels. Je suis frappé par l'idée qu'une analyse en terme de coûts de ces centaines d'étudiants et de leurs différents cursus présenterait un certain intérêt, mais ne dirait pas tout. De même les services des bibliothèques, auxquels nombreux de ces étudiants ont dû considérablement faire appel, ne sont que partiellement décrits par de simples données comptables. Les effets de notre service sur la vie des individus et des communautés sont incalculables et indéfinissables, et nous ne rendons aucun service, ni à nous-mêmes, ni à nos lecteurs en essayant de tout réduire à une simple analyse commerciale et simpliste.

    Un nouveau partenariat culturel

    Je pense qu'il nous serait plus utile de trouver au sein de l'organisation des collectivités locales une place où le rôle des bibliothèques serait certainement mieux perçu que dans le contexte d'une commercialisation grandissante des services de loisirs. Les bibliothèques ont une mission de loisir autant que d'information, elles ont une mission culturelle, une mission éducative et elles participent au développement collectif et individuel. Je ne sous-entend pas qu'elles soient les seules, elles partagent nombre de ces missions avec les arts et les musées, le monde de l'éducation et les travailleurs sociaux. Nous devons créer un nouveau partenariat qui permette à la lecture publique de prospérer et d'atteindre son potentiel maximal, non pas pour nous même, mais pour le seul bien des usagers. Ce nouveau partenariat ne sera possible que si nous disons ce que nous en attendons, et si nous réaffirmons le caractère spécifique, précieux et singulier de la lecture publique. [...] Que l'administration locale soit ou non réorganisée, je pense que nous devons souligner que les bibliothèques se développeront mieux et trouveront une collaboration plus logique et plus pertinente au sein du département des services culturels incluant les arts, les musées, les archives et le patrimoine, plutôt que noyées dans le contexte moins approprié, plus hétéroclite et hélas de plus en plus commercial d'un département des services de loisirs.

    Nous sommes les héritiers d'une grande tradition de bibliothèques publiques, gratuites et accessibles à tous, au service de la collectivité, égalitaires et destinées à fournir à chacun les instruments de son éducation, de son développement personnel et culturel. Il est peutêtre vrai, comme certains l'ont dit, que les bibliothèques publiques n'auraient pas été créées en Grande-Bretagne en cette fin du 20esiècle si elles n'avaient pas déjà existé. Mais elles existent selon une tradition établie à l'époque victorienne et entretenue depuis par les générations successives. Je pense que cette tradition conserve toute sa valeur. Nous devons, en cette période critique de l'histoire des bibliothèques, être plus que des héritiers : nous devons être les gardiens et les promoteurs de cette tradition.

    Je n'ai parlé durant ces dernières minutes que de la lecture publique, et ce volontairement. Ce que je sais des bibliothèques, je l'ai appris en lecture publique, ma carrière de bibliothécaire s'est déroulée exclusivement dans des bibliothèques publiques de taille modeste. Toutefois, j'ai travaillé près de deux ans chez un libraire avant de trouver un établissement et un bibliothécaire assez fous pour m'embaucher. [...J Il est fort possible que cette expérience, associée à un goût prononcé pour l'écriture (2) , m'ait donné un intérêt particulier pour les autres secteurs du monde du livre. C'est de ce partenariat avec les métiers du livre dont je vais parler maintenant.

    Avec les métiers du livre

    Je pense, malheureusement que la situation n'est pas brillante. Si notre association avec les services de loisirs était un mariage d'intérêt, notre partenariat avec les métiers du livre se résume trop souvent à une brouille conduisant à la séparation et au divorce.

    Il me semble, hélas, que nous jouons, tant sur le plan individuel que professionnel, un rôle beaucoup trop insignifiant dans l'activité des professions du livre. Nous ne nous sentons pas assez concernés par leurs problèmes et leurs attentes. Et trop souvent alors, le monde du livre, en retour, ignore les bibliothèques. Combien d'articles voyons-nous paraître exprimant le point de vue d'écrivains, d'éditeurs, de libraires ou d'enseignants, mais ignorant celui des bibliothécaires ? Combien de fois ne nous sommes-nous pas plaints de ce rejet et combien de fois enfin n'avons nous pas échoué dans nos tentatives, individuelles ou collectives, pour construire les passerelles et remédier à cette situation ?[...]

    Puis-je profiter de ma position de président et de la nature magistrale de cette intervention qui par bonheur vous prive de toute possibilité formelle de me contredire pour suggérer que la faiblesse de nos liens avec le monde du livre a une raison - que trop de bibliothécaires ne connaissent pas ou pire, ne se préoccupent pas assez des livres ?

    Puis-je suggérer que dans notre souci constant d'être socialement utiles, technologiquement développés et administrativement efficaces dans le cadre de nos professions, nous avons perdu de vue l'essentiel ? Que le niveau de connaissance des livres et des auteurs parmi les bibliothécaires est aujourd'hui beaucoup plus bas qu'il y a 20 ou 30 ans ? Que l'éventail des collections de nos bibliothèques publiques est moins riche, et l'effort intellectuel que nous consacrons aux acquisitions et aux collections moins important qu'il y a une vingtaine d'années ?

    Ceci peut sembler un discours typique d'ancien qui regretterait le bon vieux temps, mais ce serait injuste : je ne suis pas si vieux et je pense avoir raison, je peux même le prouver. Il suffit pour cela de visiter un vendredi matin votre service de prêt-entre-bibliothèque pour constater que la majorité des demandes ne concerne pas des livres chers, spécialisés ou épuisés, mais des livres tout à fait disponibles et bon marché que nombre de collègue n'ont pas daigné acheter. Pourquoi refusent-ils de les acheter ? A mon avis, la raison est que nous avons oublié le concept même de développement du stock ; trop souvent nous avons perdu la notion de ce qu'on appelle le développement des collections. Nous n'avons guère d'affinités avec les goûts et les demandes de notre public et la perception que nous en avons est encore plus réduite. Notre obstination à vouloir faire des prêts à tout prix a eu pour conséquence de diminuer le niveau et la qualité de nos collections, et paradoxalement nous en avons payé le prix par une chute des prêts.

    Le public lit plus, il s'ouvre de nouvelles librairies, il se publie plus de livres, mais il s'en emprunte moins dans nos bibliothèques. Pourquoi ? Parce que les lecteurs n'y trouvent pas ce qu'ils cherchent. On a entendu des commentaires un peu expéditifs sur les bibliothèques qui consacraient de l'espace aux disques compacts ou aux cassettes vidéo et qui donc négligeaient les livres. C'est se méprendre, à mon avis, sur la situation. Les bibliothèques doivent posséder et prêter des disques compacts et des vidéos. Le vrai problème ne vient pas, selon moi, de la substitution supposée de ces médias au livre, mais de la baisse en qualité de nos collections. Il ne s'agit pas à la base d'un problème économique, quoique l'argent améliorerait la situation, mais d'un problème dû à une sous-estimation des besoins du public. Nous avons trop vu d'exemples d'élimination, de révision à la baisse, de création de "bibliothèques populaires", fondés sur l'affirmation prétentieuse que nous connaissons les besoins du marché et sur l'idée condescendante qu'il n'existe et ne peut exister de marché pour les livres de qualité. Le succès de la campagne de promotion "Now Read On" lancée par la SLA en collaboration avec le Conseil des arts écossais et l'éditeur Albany Books apporte à ce propos un éclairage intéressant. L'expérience a globalement prouvé que la promotion, de ce que beaucoup considéraient comme une liste plutôt dissuasive d'ouvrages de fiction, pouvait rencontrer un succès considérable. Un succès suffisant, en tout cas, pour encourager les organisateurs à lancer deux nouvelles listes que vous pouvez consulter au stand de la SLA durant l'exposition professionnelle.

    Jadis, on aurait pu nous accuser de constituer nos collections en fonction de ce que nous pensions être bon pour le public et pour son évolution. Aujourd'hui, nous avons trop souvent opté pour "le plus bas dénominateur commun". Les raisons d'un tel changement fourniraient matière à une autre intervention, mais je pense que l'une d'elles tient au fait que les bibliothécaires ont moins d'intérêt, moins de goût et de connaissances des livres. Nous pouvons en rejeter la responsabilité sur beaucoup de gens, et je ne pense pas, par exemple, que les écoles de bibliothécaires soient exemptes de critiques, mais nous sommes les premiers responsables. Ou plutôt ceux d'entre nous qui définissent les politiques, établissent les critères et recrutent le personnel. Tant que nous n'aurons pas redonné la passion du livre aux bibliothèques et à leurs équipes, notre collaboration, pourtant si essentielle et porteuse d'enrichissement mutuel, avec le reste du monde du livre sera forcément limitée et insatisfaisante. Je crois qu'il est malheureusement vrai que l'assistant moyen de librairie en sait plus sur les livres, s'y intéresse plus et lit plus que le bibliothécaire adjoint moyen ; que le responsable moyen d'une librairie ou d'une maison d'édition est également plus informé, plus intéressé, plus documenté et plus grand lecteur que le bibliothécaire moyen.

    Entre bibliothécaires...

    Enfin je souhaite aborder brièvement le partenariat entre bibliothécaires. Toute association professionnelle est un partenariat et les valeurs partagées, les objectifs communs et les règles précises que j'évoquais précédemment demeurent bien sûr valables.

    Au début de l'année, nous avons liquidé le groupe régional de l'Ouest de la SLA. Ce qui revient à convenir que les mille et quelques bibliothécaires de l'Ouest de l'Ecosse n'avaient rien à se dire, ni à apprendre les uns des autres et ni aucune envie de s'investir dans des échanges professionnels. [. . . J

    Comme je l'ai déjà signalé, je travaille et j'ai toujours travaillé en lecture publique. Mais je pense que notre vie professionnelle, ses structures et ses organisations ont malheureusement tendance à accentuer ce genre de divisions. Un simple exemple : je connais beaucoup plus de bibliothécaires de lecture publique que de bibliothécaires d'école, de lycée ou d'université. La structure de la SLA tend à renforcer cette division. Les trois sections de notre association sont : la section des bibliothèques publiques (dont les membres sont des bibliothécaires de lecture publique), la section des bibliothèques liées à l'éducation (dont les membres viennent des écoles, lycées et universités), et la section des bibliothèques spécialisées (dont vous devinez la provenance des membres). Lors des réunions du Conseil national, le président de chaque section présente le rapport d'activité de sa section, et je soupçonne fortement les bibliothécaires de lecture publique de décrocher, rêvasser et de griffonner sur leur ordre du jour quand il s'agit de questions concernant les bibliothèques spécialisées, et vice-versa. L'un des avantages certain de la présidence est que, étant successivement vice-président, président et ancien président, nous sommes pendant trois ans membres des trois sections, et j'ai assurément beaucoup plus appris ces deux dernières années sur les problèmes que rencontrent les autres types de bibliothèques que je n'aurais jamais pu le faire autrement.

    Nous sommes une petite profession dans un petit pays. Dans presque tous les cas, les problèmes que rencontre l'un des secteurs de notre profession ne sont pas spécifiques, mais communs : financement, formation, liberté d'information, nouvelles structures, nouvelles technologies, pressions politiques. Notre profession est trop compartimentée, nous évoluons chacun de notre côté, vers des spécialisations qui se comprennent de moins en moins. Notre collaboration, peut-être même notre crédibilité comme corps professionnel uni, sont mises à l'épreuve. Quand pour la dernière fois une bibliothèque municipale a-t-elle embauché, à un poste de responsabilité, un bibliothécaire venant d'une bibliothèque universitaire, ou vice versa ?

    Pourtant, les points qui nous unissent sont plus nombreux que ceux qui nous divisent. Nous devons trouver les moyens de mieux connaître les problèmes des autres, des méthodes plus efficaces d'échanges professionnels, des champs de communication plus vastes et des structures qui nous permettent de travailler ensemble.

    L'année dernière, la commission chargée de la politique et des ressources de l'association a examiné un document proposant une réorganisation complète du Conseil national et de ses procédures. Ce document suggérait de supprimer les trois sections (Bibliothèques publiques, Bibliothèques spécialisées et Bibliothèques liées à l'éducation) ainsi que le Comité de suivi des adhérents. Il proposait que les problèmes et questions spécifiques nécessitant une enquête ou une étude approfondie, soient confiés à des groupes de travail ad hoc, mis en place pour l'occasion, mais que l'ensemble des discussions et des décisions politiques relèvent du Conseil national dans son ensemble. Notre association a obtenu de bons résultats avec ce genre de commissions temporaires : celles-ci font appel à un véritable engagement personnel, à des contributions plus nombreuses et plus variées, à une participation plus large des adhérents. Finies l'assurance d'un ordre du jour immuable et la conviction que le président et le secrétaire général feront de toute façon le travail : un plus grand nombre d'adhérents pourraient apporter une réelle contribution.

    Une telle organisation aurait renforcé le rôle du Conseil national comme instance de décision et non plus comme assemblée chargée d'écouter une demi-douzaine de personnes faisant des rapports et divisée en deux : ceux qui parlent et ceux qui écoutent. Elle aurait également contribué à développer une meilleure coopération et une meilleure compréhension entre les différents secteurs de la communauté des bibliothèques écossaises. Elle aurait constitué une mesure positive et démocratique, donnant le contrôle des affaires de l'association à un plus grande nombre d'adhérents. J'étais très favorable à ce projet, ce qui n'est pas étonnant, car j'en étais l'auteur. La Commission de la politique et des ressources de l'association m'a écouté poliment, avec intérêt mais sans conviction. Un esprit quelque peu cynique aurait souligné que cette commission étant composée des présidents des sections que je voulais abolir, je courais à l'échec. Mais je ne suis pas cynique, et je ne mettrai pas l'absence de soutien de la Commission sur le compte de la défense d'intérêts personnels. Je pense toutefois qu'il est parfois difficile pour ceux qui, comme les membres de cette commission, sont à l'intérieur même d'une structure, de mesurer à quel point ils sont à l'intérieur et à quel point les autres adhérents se sentent éloignés, étrangers et impuissants.

    Je reste encore convaincu que nous n'utilisons pas au mieux les membres du Conseil national et que le manque d'intérêt de tant d'adhérents pour les affaires et les activités de l'Association vient, en partie du moins, du sentiment qu'ils ont de n'y exercer aucune influence. Je vous rappelerai à ce propos la suppression du groupe Ouest comme un exemple d'indifférence et de désaffection à grande échelle. Mon projet était, en fait, une tentative pour amener davantage de collègues à s'investir personnellement dans des activités professionnelles et pour impliquer plus d'adhérents dans le contrôle démocratique du fonctionnement de l'Association. Je pense donc qu'il s'agit d'une idée qui vaut la peine d'être considérée. Quoiqu'il en soit, pour reprendre les célèbres propos de Victor Hugo, rien n'a moins de force qu'une idée dont l'heure n'est pas venue. Mais cette heure devrait bien arriver !

    NDLR : Les titres, tout comme les coupures, sont le fait de la rédaction,

    1. Siège de la Library Association. retour au texte

    2. Brian Osborne est écrivain. retour au texte