Ce volume de poèmes est le premier tome de l'oeuvre littéraire de Brigitte Richter publié par l'Association des amis de Brigitte Richter et l'association Donner à voir. Deux autres sont annoncés: l'un rassemblera les Nouvelles et Romans, et le dernier les Poèmes dispersés. Chacun connaît déjà les savoureux écrits pour enfants, en particulier, la Vie compliquée de Marie Chicote ou l'Arbre à chats, mais ce volume donne l'occasion de découvrir des aspects plus secrets de l'auteur du fantasque jardinier des bêtes. Un index par titres permet d'arpenter cet ouvrage, forêt de poèmes, et suite de différents recueils, où nous essaierons de donner quelques repères. Les deux premiers textes déjà publiés et épuisés - «Avant le jour" et «Le coeur gouverné"- sont des poèmes d'amour, ou d'amoureuse :
Ce n'est pas à grands pas
qu'on mesure son bonheur
A petites journées
avec des brins de pluie | . l
Les deux inédits suivants, De mémoire obscure » et « Pays d'enfance morte", sont empreints d'une anxiété qui constate que «Nous ne méritons pas l'infini qui nous hante Je me tiens sous le cercle aveuglant de mes jours l'autre moitié du temps dans l'ombre, déchirée
anxiété qui se rythme en forme de réquisit :
Où allez-vous ?
où que l'on aille
on va tout seul
dans les hauts murs de son histoire
anxiété qui s'encourage :
Ne pas savoir
Vivre comme en enfance
et croire encore un peu
qu'il n'est pas si ridicule après tout
de mesurer le monde à l'écart de mes bras
Métamorphoses, le recueil suivant aiguise encore plus la lame du désespoir :
La poésie attend sous le couteau
son sort de bête sans paroles
Paroles des chemins, recueil publié chez Corps Puce, est alors un grand bol d'air, poèmes d'une promeneuse plus ou moins solitaire... qui a sans doute en marchant repris sa fantaisie et composé les Branches de l'oiseau-lyre, avec un « dictionnaire des animaux connus et inconnus », proche du haïku parfois :
Qu'il fasse froid
qu'il fasse chaud [,.
Le chat jamais ne retire
son manteau
Le volume s'achève sur la note émouvante de six courts et derniers écrits de 1991 :
Aujourd'hui il faut s'attendre
que la mort vienne me prendre [...]
Est-il justifié de mentionner une oeuvre poétique dans un bulletin professionnel, sous prétexte que l'auteur était bibliothécaire? Il peut sans doute être capital pour un bibliothécaire d'être poète, la poésie étant éclair, jeu, méditation, lecture lente, guet de ce qui arrive...