Comme son titre l'indique, ce livre nous propose une analyse de la lecture en milieu rural, mais ses auteurs ont voulu la placer sous un angle inhabituel. Dans une longue introduction, Raymonde Ladefroux nous explique qu'il s'agit avant tout d'un travail d'anthropologue et non d'un travail de statisticien. Les auteurs principaux (cartographe, géographes, anthropologue) n'ont pas voulu caractériser le monde rural par rapport à une profession ou à une catégorie socioprofessionnelle précise. Ils se sont fixé des critères géographiques et morphologiques objectifs : la faible densité démographique, la présence du milieu naturel et l'éloignement des services et des équipements. Ces trois critères définissent un mode de vie et une relation spécifique au territoire.
Ayant balisé ainsi l'espace analysable, ils posent plusieurs questions "Quelle est l'influence spécifique de la distance physique aux équipements (librairies, bibliothèques...) sur l'approche du livre?" ; «l'uniformisation actuelle des modes de vie (transport, communication...) entraîne-t-elle l'uniformisation des pratiques de lecture dans ce milieu ou bien la spécificité des terroirs a-t-elle encore une emprise sur ses habitants ? »
Les enquêtes ont été menées dans six " pays bien déterminés : Puisaye, Pays de Caux, Tonnerrois, Biterrois viticole, Pays bigouden et Baronnies. Les communes ont été sélectionnées soit pour leur composition sociale proche mais avec des variations de contextes géographiques et culturels, soit en raison de compositions sociales différentes mais situées dans un même type d'espace.
L'ouvrage s'articule ensuite en deux parties bien distinctes : la première porte sur l'intensité des pratiques de lecture par la transcription d'extraits des très nombreux entretiens effectués auprès de cette population. C'est le côté le plus sensible du livre, le plus humain car il nous fait toucher du doigt les interdits qu'ont dû transgresser ceux qui sont devenus lecteurs, les difficultés sociales, familiales, financières (hommage à la lectrice qui jeune était obligée de lire à la clarté de la lune) ainsi que les lacunes encore énormes, les zones d'ombre.
En fin de livre, une bibliographie sélective sur la lecture et sur les sites étudiés avec une nouvelle série de tableaux complètent cette étude. C'est un ouvrage extrêmement attachant malgré l'aridité première du sujet, et surtout rempli d'informations précieuses pour tous ceux qui s'intéressent à la sociologie de la lecture ou tout simplement au monde rural.