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    Par Éliane Maillé, Bibliothèque de Sucy-en-Brie

    La Lecture pour tous /

    Association pour favoriser une école efficace - Fédération des familles de France. - Armand Colin, 1993. - ISBN: 2-20001237-3. Prix : 78 F.

    Cet ouvrage tente de répondre à la question: est-il possible que tous les enfants sachent lire et écrire à la fin du cours préparatoire ?

    Les auteurs partent d'un constat simple : le quart de chaque tranche d'âge a des difficultés de lecture. Ce n'est pas nouveau mais on en a récemment pris conscience - et ceci en raison des liens entre illettrisme et problèmes économiques : de nombreux adultes sont en difficulté pour utiliser la lecture dans leur vie quotidienne, alors que parallèlement notre société multiplie les flux d'informations. On connaît l'importance de l'apprentissage de la lecture, mais il devient nécessaire de l'approcher différemment: c'est l'enfant qui est au coeur du problème et c'est lui que l'on doit observer.

    L'apprentissage se fait en trois temps :

    • * temps pré-scolaire : l'enfant est-il mis très tôt en contact avec les livres? Histoires qu'on lui lit, découverte de différents écrits en compagnie d'adultes, (affiches, objets usuels), directement ou non (autres personnes en train de lire): l'échange est à ce stade primordial. Il faut donc observer comment l'enfant découvre les usages sociaux et culturels de la lecture. En effet, certains enfants viennent seulement terminer" leur apprentissage en CP ;
    • * temps scolaire : il faut observer la durée consacrée à la lecture et à l'écriture en classe, la multiplicité des moments de lecture dans la journée et des supports (livres, affiches, recettes...) et enfin l'approche que l'enseignant a de chaque enfant (nécessité d'une personnalisation de l'échange);
    • * temps post-scolaire : l'enfant a-t-il la possibilité de prolonger le travail fait en classe ? et surtout, est-il soutenu par son entourage dans sa progression ?

    Les trois temps sont tous aussi nécessaires les uns que les autres : on a remarqué que les enfants en échec en fin de CP sont ceux à qui il a manqué le développement dans au moins un des temps (le premier ou le troisième). Cette nouvelle approche de l'apprentissage rencontre bien sûr des résistances. De la part des - appreneurs » qui ont parfois une vision négative d'eux-mêmes dans leur échec face à la culture écrite, présentée comme une forme supérieure d'achèvement (même si certains écrits plutôt utilitaires sont dévalorisés par rapport à d'autres plus «nobles»). La deuxième source de résistance est due aux structures d'enseignement, trop lourdes. Certains enseignants pratiquent encore l'enseignement " frontal d'un émetteur vers un groupe de récepteurs, ou se dispersent dans la querelle des méthodes d'apprentissage.

    Heureusement des solutions existent : il faut accepter de réfléchir sur les principes pédagogiques mis en oeuvre, sachant que le taux de réussite en fin de CP peut augmenter si les activités proposées sont adaptées aux besoins réels des enfants. Les enseignants doivent être les initiateurs de ce changement. En premier lieu ils agissent sur le temps 2 (scolaire) mais ils peuvent favoriser le développement du temps 3 (post-scolaire). Une expérience a été tentée à Colombes avec des animateurs (en relation avec les parents) dans un milieu socioculturel défavorisé et le bilan a été largement positif en fin d'année. D'autre part la mise en place des cycles d'enseignement (c'est le cycle 2 qui est ici concerné : grande section de maternelle/CP/CEl) apporte un plus grand respect du rythme individuel de l'enfant ; le développement des liaisons grande section/ CPest connu pour réduire les difficultés d'apprentissage en CP.

    Pour enrayer l'augmentation du nombre d'exclus du système scolaire, il faut agir à la base. D'où la création de la Fondation de l'école efficace (la FEE, sous l'égide de la Fondation de France). Le but de cette fondation est de détecte½ analyser et faire connaître des réalisations remarquables du système éducatif aidée en cela par une association qui milite sur le terrain, elle fait des propositions d'actions et appelle les décideurs, les médias, et les citoyens à soutenir l'action de la fondation.

    Cet ouvrage a été rédigé par une équipe de cinq chercheurs, spécialistes de la pédagogie. L'approche de chacun est un peu différente, les expériences qu'il relate aussi: l'intérêt de la lecture en est ainsi relancé. Les solutions suggérées ne semblent pas impossibles à mettre en place (peut-être aussi parce qu'elles ne sont pas nombreuses). Ceci dit, l'ouvrage s'adresse principalement aux enseignants de CP, éventuellement aussi aux enseignants des autres sections, aux décideurs des collectivités locales ou de l'État, et aux parents. Il est regrettable que le rôle des bibliothèques (municipales ou autres) ne soit qu'à peine évoqué...

    Cet ouvrage est bien documenté, avec des bibliographies en fin de chapitres et des annexes présentant les textes fondateurs. La lecture en est rapide (une centaine de pages). Il intéressera ceux qui connaissent peu le problème de l'illettrisme. Plus que les solutions à apporter qui concernent principalement les enseignants, c'est l'analyse des causes qui est susceptible d'interpeller tout un chacun, à commencer par ceux qui ont des enfants en âge d'être scolarisés en maternelle ou au CP.

    L'appel du 15 mai 1993 adressé à toutes et à tous est un peu trop lyrique, et l'appel au porte-monnaie un peu trop appuyé. Mais la FEE est cautionnée par un comité de parrainage et un conseil scientifique, comportant tout deux des personnes connues du public. On peut donc penser que cette fondation veut vraiment se donner les moyens de réaliser ses projets.