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    Réponses

    Par Dominique Lahary, Bibliothèque départementale du Val-d'Oise

    L'Institut deformation des bibliothécaires de Villeurbanne (INFB) publie dans son vademecum semestriel Formations en bibliothèque d'intéressants articles de fond. Dans la livraison du premier trimestre 1994, trois textes retiennent l'attention :

    • Gérer la réforme des statuts », par Jean-Louis Pastor (département des ressources humaines de la Bibliothèque nationale) ;
    • «Les centres régionaux de formation-, par Christine Girard (directrice de Médiaquitaine, CRFde Bordeaux) ;
    • Nostalgie, quand tu nous tiens ", par Nadine Herman (Direction de la formation du CNFPT).

    Si l'article de Christine Girard, qui dresse un état des lieux et plaide pour une articulation nationale des formations entre les CRF, l'iNFB, l'ENSSIB et le CNFPT, ne soulève guère d'objection, les deux autres textes ont suscité réactions et débats.

    Digérer la réforme des statuts ?

    Réponse à Jean-Louis Pastor

    Le responsable des ressources humaines de la BN parle d'une bonne réforme dont la fonctionnalité est masquée par la période transitoire ». Et de reprendre une interprétation fonctionnelle des nouveaux corps et cadres d'emplois, déjà esquissée dès 1992 dans le supplément n°2 2 (mars 1992) dans Lettres, le périodique de la direction du Livre et de la lecture.

    C'est ainsi que les conservateurs auraient -vocation à diriger des réseaux et assumeraient la "responsabilité scientifique des collections ; que les bibliothécaires seraient « responsables de services, annexes, antennes, petites bibliothèques - ; que les bibliothécaires adjoints spécialisés seraient les experts du traitement intellectuel des documents individuels » ; qu'enfin les bibliothécaires adjoints, appelés à effectuer le traitement intellectuel de documents simples seraient plus particulièrement chargés de l'orientation générale de l'usager et de l'encadrement de l'accueil ».

    L'ensemble ne manque pas de cohérence. Mais il ne s'agit que d'une construction a posteriori, une sorte de palimpseste, reformulation plus nerveuse de définitions statutaires qui sentent trop leur littérature grise. Cette démarche peut se comprendre d'un point de vue de gestionnaire : il faut bien trouver un usage à l'outil dont on vous a doté et que vous n'avez pas choisi. Elle ne saurait tenir lieu de justification de l'architecture, dont on fait une lecture possible parmi bien d'autres, bâtissant un modèle de répartition du travail et des responsabilités qui ne correspond pas forcément à toutes les situations ni à tous les besoins.

    En attendant que les organes créent les fonctions, l'État persiste à ne faire qu'un usage limité de la nouvelle architecture en refusant de recruter au niveau bac + 2, privant d'une partie de ses débouchés potentiels les formations qu'il a lui-même consacrées au détriment du CAFB. Quant aux collectivités territoriales, elles ont, dans une confusion généralisée, chacune leur conception de l'utilité des différents cadres d'emplois.

    Mais on ne peut qu'approuver Jean-Louis Pastor lorsqu'il plaide pour une politique de recrutement équilibrée sur toute la pyramide statutaire », et lorsqu'il propose la fusion du corps d'inspecteur de magasinage avec celui des bibliothécaires-adjoints. Pareille suggestion, qui présenterait malheureusement l'inconvénient d'accroître encore l'amertume des fonctionnaires demeurés en B-type au terme de la période transitoire, vaut également pour la fonction publique territoriale. Elle permettrait. si l'on ouvre d'avantage l'accès par concours interne (30 % au plus dans la fonction publique territoriale contre 50% dans la fonction publique d'État), d'offrir un débouché pour les agents de catégorie C tout en consacrant les carrières accessibles à bac + 2 comme les véritables héritières de celles des bibliothécaires adjoints et sous-bibliothécaires d'avant la réforme.

    La nostalgie n'est plus ce qu'elle était

    Réponse à Nadine Herman

    On peut lire sous la plume de Nadine Herman un vibrant et convaincant hommage au CAFB pour services rendus à la lecture publique dans les années 1970 et 1980. Mais c'est pour mieux fustiger ensuite la résistance au changement », le repli sur soi des bibliothécaires qui, incapables de penser l'avenir en dehors des CAFB manquent de « confiance dans le programme des diplômes technico-professionnels L..J et [...] dans les contenus des formations post-recrutement dont le CNFPT a la responsabilité ».

    Nadine Herman a certainement raison de souligner le rôle joué par le CAFB dans la construction identitaire d'une profession - jusqu'ici salaria-lement peu différenciée, en tout cas dans les communes. La réforme statutaire a fait l'effet d'une bombe, dispersant les formations et provoquant une nette différenciation des échelles indiciaires. L'effet de nostalgie était inévitable : l'époque où nous étions tous unis sera toujours considérée comme un âge d'or.

    Mais faudrait-il que les bibliothécaires s'extasient devant l'actuel paysage de la formation professionnelle pour le seul motif qu'il est nouveau ? L'affaire peut être résumée simplement: désormais, presque tous les oeufs de la formation au métier de bibliothécaire, dans ses versions territoriales, sont placés dans le panier des formations post-recrutement. Or ce panier est, à juste titre, menacé. Ce système, qui n'est pas propre à la filière culturelle, est si insupportable pour les collectivités que le ministère de l'Intérieur prépare pour la session parlementaire de printemps un projet de loi réformant la fonction publique territoriale, dont un des éléments essentiels devrait être une réforme de ces formations dites «initiales d'application Celles-ci pourraient être allégées et/ou dispersées dans le temps. Si l'on ne veut pas que le métier disparaisse, il faudra bien remettre la formation professionnelle à sa place naturelle : avant le recrutement ou avant le concours interne.

    Plus que de la nostalgie, c'est donc de l'inquiétude, voire de la rage qui saisit les bibliothécaires devant le gâchis qui s'annonce, tandis que, comme c'était prévisible, le système de recrutement est en partie grippé : une quinzaine seulement de conservateurs territoriaux a été nommée et a commencé sa scolarité à l'ENSSIB, sur 53 lauréats du concours dont les résultats ont été proclamés le 1er juillet 1993.

    Nadine Herman conclut son article en faisant référence à l'enjeu européen appelant de ses voeux des dispositifs comparables de formation et une « réflexion sur les métiers ». Or, la France fait en Europe figure d'exception avec son système de formation post-recrutement. Chez nombre de nos voisins, on dispose de diplômes professionnels, et pas seulement de niveau bac + 2. Voilà donc un puissant aiguillon de nature à empêcher les décideurs en la matière d'être «incapables de penser l'avenir en dehors... du système actuel.