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    Pour UNIMARC

    Par Philippe Le Pape , Bibliothèque universitaire de Toulouse

    On me demande de participer à une sorte de joute entre l'INTER- MARC et l'UNIMARC, en qualité de champion de ce dernier. Je trouve un tel débat bien étrange. A vrai dire, je n'en comprends ni l'utilité, ni ce qui le motive. D'abord, de quoi parle-t-on exactement ? Veut-on comparer l'INTER- MARC et l'UNIMARC en tant que formats d'échange, formats de saisie, formats de traitement ? (Et pourquoi diable se limi- ter à ces deux formats ?)

    Les formats MARC : formats de traitement ou d'échange ?

    En réalité, le format MARC d'origine a été mis au point par la Bibliothèque du Congrès des États-Unis en vue de l'in- formatisation de sa production biblio- graphique et de la diffusion de celle-ci. De fait, cet aspect de protocole d'échange supplante bien souvent, dans les nombreux formats MARC qui voient le jour à partir du début des années soixante-dix, la fonction de format de traitement. Rien d'étonnant quand on sait que la plupart des formats MARC sont l'œuvre d'agences biblio- graphiques nationales. Ces dernières n'envisageaient d'ailleurs nullement que leur format soit repris tel quel comme format de traitement ni de saisie dans les systèmes informatisés des au- tres bibliothèques de leur pays.

    Et l'UNIMARC ?

    L'UNIMARC advient en 1977. Il naît du mouvement général d'harmonisation in- ternationale des pratiques de catalo- gage développé dans le cadre de l'IFLA (1) . Ses objectifs sont exactement parallèles à ceux des ISBD, publiés par l'IFLA à partir de 1974, et que l'UNIMARC intègre d'ailleurs fidèlement. Actuelle- ment, la maintenance de l'UNIMARC et celle des ISBD (et, plus généralement, le travail d'édition de modèles interna- tionaux pour le catalogage) relève du même programme fondamental de l'IFLA, appelé UBCIM (2) et sis auprès de la Deutsche Bibliothek.

    Cependant, en 1977, les formats MARC en général, et singulièrement l'UNI- MARC, restent largement l'affaire des bibliothèques nationales. Ces dernières n'envisagent pas d'abandonner leurs formats respectifs pour l'UNIMARC, dont l'ambition se limitait à cette époque à s'imposer comme le format d'échange international, plutôt que comme le mo- dèle des formats MARC nationaux. C'est une sorte de « super MARC (c'est ainsi qu'il s'est appelé avant sa publication) à l'usage principal des échanges entre bibliothèques nationales.

    En se développant (révision de 1982, publication d'une deuxième version ma- jeure en 1987, parution en 1991 du format UNIMARC Authorities), l'UNIMARC est de- venu un format multimédia complet, uti- lisable indifféremment pour le traitement ou l'échange. Comme les principaux for- mats MARC, il est sorti du cercle restreint des bibliothèques nationales.

    Depuis 1991, l'UNIMARC est maintenu au sein de l'UBCIM par un Comité per- manent (3) , ce qui permettra une évolu- tion régulière et cohérente du format. Ce dernier sera dorénavant publié sous forme de classeur à feuillets mobiles, et ce à partir de la " version 1994 atten- due aux alentours du solstice d'été (4) .

    Évaluation qualitative de l'UNIMARC

    Les performances catalographiques de l'UNIMARC et de l'INTERMARC, puisqu'il faut les confronter, sont d'un niveau comparable. L'UNIMARC biblio- graphique est plus riche globalement que lINTERMARC bibliographique, mais c'est l'inverse pour les formats des no- tices d'autorité (l'UNIMARC manque en- core de quelques zones codées). No- tons au passage que l'INTERMARC est demeuré typiquement un format de bibliothèque nationale (et notre Biblio- thèque nationale de France crée les plus belles notices d'autorité du monde !). Sa diffusion comme format d'échange et/ou de traitement est ex- traordinairement limitée. Par ailleurs, c'est au sein de la BNF, et en fonction de ses besoins, qu'il évolue.

    L'UNIMARC souffre d'une réputation de faiblesse pour le traitement des docu- ments sonores, et en particulier pour le rendu des relations entre différents ni- veaux (par exemple : coffret de CD, CD, œuvre). Rien n'est plus faux. Bien au contraire, l'UNIMARC est, de tous les for- mats MARC, celui dans lequel les rela- tions de toutes sortes sont les plus dé- veloppées. Il est parfaitement possible de traiter en UNIMARC un ensemble à x niveaux, y compris celui du dépouil- lement analytique et ce, aussi bien - voire mieux - qu'en INTERMARC ou qu'en LCMARC (5) .

    L'UNIMARC, seul dans toute la famille MARC, propose en réalité deux mé- thodes pour traiter les relations entre entités bibliographiques : le lien à pro- prement parler, et la sous-notice ». Dans les deux cas, la construction fait appel à la technique de l'imbrication, typique de l'UNIMARC - ce qui lui vaut d'être regardée de travers, ou ignorée, par les concepteurs de logiciels. Mais qu'on ne dise pas que « ça ne peut pas fonctionner dans un système informati- sé Non seulement ça peut fonction- ner, mais ça a fonctionné à la perfection dans le logiciel du réseau LIBRA (1982- 1990), dont le format de saisie et de trai- tement était l'UNIMARC. Si « ça fonction- nait il il y dix ans dans ce système si décrié, et que les logiciels modernes n'y arrivent pas, c'est donc que LIBRA était sacrément en avance ? Sûrement. Ou alors, c'est que les concepteurs des lo- giciels actuels n'ont pas encore mesuré toute la richesse de ce procédé. Il est également possible de construire en UNIMARC des vedettes auteur-titre uni- forme, contrairement à ce qu'on entend dire. Là encore deux méthodes, suivant qu'on dispose d'un fichier d'autorité ou non. L'une et l'autre font appel à la technique de l'imbrication.

    En revanche, l'UNIMARC présente des lacunes quant aux codes de fonction pour les interprètes (musique et vidéo- grammes). Ce n'est pas un défaut struc- turel : il suffit d'enrichir la liste des codes de fonction.

    L'UNIMARC est un format « intégré », pre- nant en compte l'ensemble des types de documents. Ce n'est pas le cas de l'INTERMARC ni du LCMARC, qui présen- tent en réalité un format par support : INTERMARC(M), INTERMARC(S), INTER- MARC(A), etc. Dans ces formats, un même code installé à la même position de la même zone codée de longueur fixe prend des valeurs différentes sui- vant le type de document, ce qui est gênant dans un catalogue multimédia. L'UNIMARC au contraire rassemble dans une même zone codée de longueur fixe ce qui est commun à tous les types de documents, mais fait appel à des zones codées spécifiques pour ce qui est pro- pre à chaque support ou type de do- cument. L'intégration des différents for- mats LCMARC est en projet avancé, si- non en cours. Le futur format à définir pour le système informatique de la BNF sera lui aussi intégré, qu'il s'agisse d'une évolution de l'INTERMARC ou d'un format original.

    UNIMARC et UNIMARC

    En France, le problème de l'UNIMARC est que le format de référence n'est ja- mais appliqué, et la responsabilité prin- cipale en incombe - horresco referens - à la Bibliothèque nationale.

    La BN, dans son format de diffusion des notices de livres, abusivement appelé « UNIMARC », a délibérément appauvri la structure des champs « imbriqués » - comme par hasard, la partie la plus originale du format... Résultat : impos- sibilité d'insérer des sous-notices dans une notice principale, ce qui interdit les « dépouillements », indispensables au catalogage des enregistrements so- nores. Reste une possibilité de lier entre elles deux ou plusieurs notices, mais dans le CD-ROM BNF, les notices ci- bles » des liens ne sont jamais fournies (pas de notices de collection, pas de notices d'autorité, etc.).

    Il est certain que cette décision de s'écarter du standard, vraiment éton- nante de la part d'une bibliothèque na- tionale - l'une des plus importantes de surcroît, et des plus actives dans la pro- motion de l'UNIMARC au niveau inter- national - a favorisé un flou propice à l'à-peu-près. Et l'à-peu-près est l'enne- mi de la communication.

    Conséquence : les vendeurs de logi- ciels, quand ils ont introduit l'UNIMARC comme format de saisie dans leurs sys- tèmes, ont travaillé non sur le format international de l'IFLA, mais sur le for- mat du CD-ROM BNF, ou parfois sur une espèce de compromis entre les deux. Idem de leurs formats « UNIMARC » d'ex- portation. Par ailleurs, ils n'ont pas jugé utile de développer les liens entre no- tices : à quoi bon, puisqu'ils ne sont pas exploités sur le CD-ROM ? Et bien en- tendu, ils ont pris du retard par rapport aux non-livres », puisque les champs et procédures spécifiques ne sont pas inclus dans le format du CD-ROM BNF. Ah, chère BN, où as-tu la tête ?

    Diffusion de l'UNlMARC à l'étranger et en France

    L'UNIMARC, format d'échange interna- tional, jouit d'un statut de format natio- nal dans quelques pays (en Europe : Portugal, pays de l'Est). Par ailleurs, certains formats nationaux en sont des adaptations (IBERMARC en Espagne, les formats du Japon ou de l'Afrique du Sud). Il est le format officiellement pré- conisé par l'Union européenne pour l'échange et pour la réalisation de pro- jets bibliographiques internationaux eu- ropéens.

    En France, il est officiellement le format national d'échange d'information bibliographique (6) . Le fait est que depuis la publication en 1988 par le ministère de la Culture du Schéma directeur de l'information bibliographique, puis le début de la diffusion du CD-ROM de la BNF, l'UNIMARC fait partie du paysage. Les vendeurs de systèmes informatisés opérant en France ont mis leurs pro- duits en conformité avec l'UNIMARC, d'abord pour l'importation de fichiers, puis pour l'exportation, et enfin pour le catalogage interactif.

    Le Catalogue collectif de France (CCF) a commencé à se constituer sous la houlette de la Bibliothèque de France (BNF dorénavant) en UNIMARC. Depuis 1988, la formation à ce format s'orga- nise. Deux manuels pratiques de cata- logage en UNIMARC ont été publiés en France en septembre 1993.

    Conclusion

    En France, l'enjeu de l'harmonisation des formats bibliographiques n'est compris que depuis peu de temps, trop peu pour qu'on puisse se permettre d'introduire la confusion dans les es- prits et dans les fonctionnements en changeant de préconisations. L'UNI- MARC est le format officiel d'échange d'information bibliographique, qu'il le reste !

    A vrai dire, peu importe que le format de traitement dans tel ou tel système soit exactement semblable à tel ou tel format MARC, pourvu qu'il accepte (tout) l'UNIMARC en entrée et le restitue fidèlement en sortie. Il faut pour cela qu'il autorise une analyse minutieuse de l'information bibliographique.

    Quant au format de saisie (qui n'est pas forcément le format de traitement), il semble préférable que les bibliothèques françaises utilisent l'UNIMARC (plus ou moins guidé, suivant le talent du logi- ciel), puisque les outils pédagogiques et de référence existent, et que cela tend à devenir une pratique commune.

    Dans tous les cas, le terme « UNIMARC» ne devrait s'appliquer qu'au format in- ternational publié par l'IFLA. Biblio- thécaires, exigez le véritable UNIMARC ! C'est d'ailleurs une garantie contre les éventuels changements de préconisa- tions susceptibles d'intervenir en France.

    Quoi qu'il en soit, « être en UNIMARC » ou « être en INTERMARC » n'est pas pour un logiciel une garantie de perfor- mance : le même format peut être ex- ploité plus ou moins bien selon les lo- giciels. C'est pourquoi confronter l'IN- TERMARC et l'UNIMARC, deux formats au demeurant assez proches, me- semble un débat stérile. L'un et l'autre permet- tent la mise en forme de l'information bibliographique en conformité avec les règles françaises. L'un et l'autre définis- sent des notices d'autorité. L'un et l'au- tre définissent des relations entre en- sembles ou sous-ensembles biblio- graphiques, parmi lesquelles : les relations entre partie composante et do- cument-hôte, les relations hiérarchiques entre niveaux d'un ensemble de type « monographie en plusieurs volumes ».

    Or, ces relations sont; rarement mises à profit dans les logiciels biblio- graphiques. Il me semble donc essen- tiel, qu'on en pince pour l'INTERMARC ou pour l'UNIMARC, d'obtenir des mar- chands de logiciels qu'ils appliquent dans leurs bases de données les rela- tions en question. Cela suppose en par- ticulier une reconnaissance des diffé- rents niveaux bibliographiques (notam- ment : publication en série, monographie, partie composante). Cela suppose également la possibilité d'éta- blir de véritables liens, concrétisés dans la base de données, entre deux ou plu- sieurs notices, permettant la naviga- tion d'une notice à l'autre.

    En outre, il faut que les utilisateurs de systèmes informatisés prennent conscience de l'absolue nécessité, dès lors que le catalogue prend une cer- taine importance, de fichiers d'autorité liés à la base de données (attention à la langue de bois des vendeurs !).

    Enfin, il faudrait que la Bibliothèque na- tionale de France, dont les compé- tences comprennent depuis la publica- tion du Schéma directeur la fourniture de notices bibliographiques sur support informatisé aux bibliothèques fran- çaises, cesse de considérer qu'elle ne travaille que pour elle. Pourquoi ne pas créer un club des utilisateurs des ser- vices bibliographiques de la BNF ?

    Équinoxe. Mars 1994

    1. International Federation of Library Associations and Institutions. En français : Fédération interna- tionale des associations de bibliothécaires et des bibliothèques. retour au texte

    2. Universal Bibliographie Control and Internatio- nal MARC En français : CBUMI, Contrôle biblio- graphique universel et MARC International. retour au texte

    3. Permanent UNIMARC Committee, composé de sept membres permanents (Allemagne, Croatie, États-Unis, France, Portugal, Royaume-Uni, Russie) et douze correspondants. retour au texte

    4. C'est la Lituanie, nouvelle venue à l'UNIMARC, qui aura la primeur de cette nouvelle version : elle sera présentée en juin à l'atelier UNIMARC de Vilnius. retour au texte

    5. Le LCMARC, descendant direct du MARC primitif, est le format de la Bibliothèque du Congrès des États-Unis (LC pour Library of Congress). retour au texte

    6. Arrêté du 3 novembre 1993 relatif au format d'échange des données bibliographiques. Journal officiel du 27 novembre 1993, p. 16388. retour au texte