Index des revues

  • Index des revues

Observatoire de l'information bibliographique et documentaire

1995
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    Observatoire de l'information bibliographique et documentaire

    Bilan 1994-1995 et pespectives

    Par Dominique Lahary, Bibliothèque départementale de prêt du Val-d'Oise

    C'est latroisième année d'activité d'un groupe de travail qui s'est d'abord intitulé Commission Information bibliographique et s'est rebaptisé il y a un an, un peu pompeusement j'en conviens, Observatoire de l'information bibliographique et documentaire. Dix à quinze personnes participent plus ou moins activement à ses activités. Délibérément transversal, il comprend des professionnels de bibliothèques publiques, universitaires ou spécialisées et de la BNF. Parmi eux, la présidente de la FULBI (1) , Françoise Boissière, et une représentante de la DDSR (2) de la BNF, Isabelle Boudet. La composition du groupe a évolué et peut évoluer encore : il est ouvert à qui accepte de mettre son expérience et sa compétence en service de l'association.

    Huit séances de travail ont eu lieu depuis le dernier congrès, et nous avons participé à trois entrevues : à la BNF avec Mar-celle Beaudiquez, à la Phonothèque nationale et à la DLL. Nous avons également échangé beaucoup de documents et avons fondé une rubrique que nous voudrions régulière dans le Bulletin d'informations, sous le titre Le coin de l'Observatoire ».

    Trois centres d'intérêt

    La matière étudiée cette année par l'Observatoire peut être présentée selon trois centres d'intérêt : l'information bibliographique traditionnelle, les réseaux et la normalisation.

    Par information bibliographique les bibliothécaires ont généralement entendu, dans le premier âge de l'informatisation de leurs établissements qui est en train de s'achever, soit la fourniture de notices, et éventuellement leur gestion locale, soit les instruments de signalisation et de localisation (bases indexées et catalogues collectifs). C'est à ces thèmes, et surtout au premier, que nous avions consacré le n° 163 du Bulletin d'informations de l'ABF paru il y a tout juste un an. Nous avons poursuivi nos travaux dans ce domaine, notamment par nos entrevues à la BNF et à la Phonothèque nationale. Nous avons également pris une initiative dans le domaine des échanges bibliographiques dans les réseaux de BDP (3) .

    Tout cela était bel et bon, un tantinet technique et gentiment intéressant. Mais nous n'avions certainement pas senti, en fondant cette commission il y a trois ans, que nous tomberait sur la tête la grande révolution du tournant du millénaire, qui ne sera pas la conquête de l'espace, comme nous l'ont fait croire naguère nombre d'auteurs de science-fiction, mais la révolution de l'information. Ce n'est qu'en juin 1994 que nous avons entre nous prononcé le nom aujourd'hui incontournable d'Internet, et que nous avons proposé au Bureau national de rebaptiser notre groupe.

    D'où notre second centre d'intérêt : les réseaux. Il s'agit d'Internet bien sûr, mais aussi, beaucoup plus largement, de tout ce qui rend et rendra de plus en plus nos bibliothèques communicantes coordonnées, entre elles-mêmes et au-delà. Une séance a été consacrée dès octobre 1994 à l'usage d'Internet et de ses outils, avec la participation de Michèle Rouhet. Et nous n'en avons bien sûr pas fini avec ce dossier.

    Enfin, au croisement de ces deux thèmes, nous nous sommes penchés sur l'évolution de la normalisation. Parce que les bibliothèques doivent de plus en plus échanger entre elles, mais aussi avec le reste du monde, le champ de la normalisation s'étend et celle-ci devient de moins en moins spécifique aux seuls bibliothécaires. Deux séances de travail ont été consacrées à ces questions, l'une avec Michel Melot, en sa qualité de président de la commission « Documentation » de l'AFNOR, sur la réorganisation de celle-ci ; l'autre, plus technique, avec Catherine Lupovici, qui nous a notamment entretenus de l'évolution de la codification des caractères, de SGML et de Z39.45, ce qui paraît encore naturellement mystérieux pour la plupart d'entre nous mais pourrait bien constituer demain notre pain quotidien comme aujourd'hui l'ISBD, UNI-MARC ou RAMEAU (4) .

    La révolution de l'information, et notamment son application aux bibliothèques, pose bien évidemment de redoutables questions juridiques, dont il est permis de penser qu'elles recouvrent en grande partie des questions économiques. Reconnaissons-le, c'est par incompétence que nous n'avons pas encore osé traiter nous-mêmes de cet important sujet, mais cette lacune a été heureusement comblée par la journée d'étude organisée pour l'ABF à la demande d'EBLIDA par Françoise Dan-set le 24 février dernier (5) . Les intervenants de cette journée, qui n'étaient, et c'est heureux, pas tous des bibliothécaires, mais aussi des éditeurs ou des juristes, ont apporté des éléments d'information et de débat fort important. Qui voudrait résumer brutalement les problématiques sous-jacentes à ces débats pourrait peut-être se contenter deux questions :

    • les frontières entre les métiers (d'auteur, d'éditeur, d'agence documentaire ou de bibliothécaire, etc.) vont-elles se déplacer ? Chacun jure que non et en tient pour la fixité des métiers, tout en soupçonnant les autres de chercher à empiéter sur son domaine ;
    • que va-t-on faire payer et comment ? Aux deux extrêmes, s'affrontent les tenants d'une généralisation de la diffusion tarifée avec passage d'un paiement à l'objet au paiement à la vue (pay per view), et ceux qui entendent qu'au moins les bibliothèques puissent poursuivre leur mission de mise à disposition démocratique des moyens d'information et de connaissance.

    Trois objectifs

    À la refondation de notre commission sous le nom d'Observatoire de l'information bibliographique et documentaire, nous nous sommes fixés trois objectifs : la veille, l'information, l'action. Nous avons conscience de ne les avoir atteints que très partiellement.

    La veille est un objectif essentiel. Il nous faut suivre à la fois l'évolution des techniques, des pratiques et des usages. Nous en sommes restés dans ce domaine à un certain artisanat : collecte d'information, au gré des possibilités de chacun, et séances techniques. Beaucoup de papier circule entre nous (c'est dire si nous sommes encore archaïques), et quand un membre du groupe se rend à une journée d'étude, il met en commun informations et documents qu'il a glanés.

    Il nous faut contribuer à la nécessaire information de la profession dans un domaine en évolution rapide, et qui est peu familier à nombre d'entre nous. Il s'agit d'abord de faire de la vulgarisation, mais aussi de participer à la recherche et à la réflexion. C'est à ces deux fins que nous avons créé dans le Bulletin d'informations de l'ABF h rubrique Le coin de l'Observatoire ».

    Mais veille et information ne suffisent pas : il faut aussi agir, c'est-à-dire notamment, pour une association, peser sur les instances de décisions. Nous nous sommes trouvés à cet égard bien modestes. Dans ce chapitre, nous ne pouvons ranger à notre actif que trois entrevues : nous avons discuté avec des partenaires institutionnels (6) .

    Trois méthodes

    Cinq de nos réunions ont consisté en séances de discussion. Cette méthode est indispensable. Nous confrontons nos informations et nos analyses nous laissant parfois aller à des remises en causes radicales sur lesquels nous revenons parfois bien vite, tant il est nécessaire, dans la période où nous vivons, d'être à la fois audacieux et prudent, tant il est nécessaire et difficile de distinguer ce que, dans nos pratiques et nos conceptions, nous devons abandonner et ce à quoi nous devons rester fidèles. Nous ne sommes pas toujours d'accord entre nous, que nos oppositions soient d'ordre intellectuel ou reflètent la diversité de nos établissements, de leurs moyens, besoins et priorités, et c'est heureux. Mais la séance de discussion trouve aussi ses limites, qui sont, restons modestes, celles des compétences et expériences de chacun d'entre nous. Le danger, c'est de tourner en rond.

    Autre méthode : l'audition d'un expert. Nous avons successivement invité Michèle Rouhet, Michel Melot et Catherine Lupovici. Ces initiatives se sont révélées fécondes. Elles permettent de faire le tour d'une question et de bénéficier des compétences d'un spécialiste.

    Nous nous sommes enfin mutuellement invités, ce qui permet à chacun de développer mieux sa pensée que dans une simple discussion. Ces textes présents et à venir pourront en partie fournir matière à publication.

    Quelques perspectives

    Même s'il nous est arrivé d'avoir le sentiment de tourner en rond, la légitimité de l'existence de l'Observatoire ne paraît pas devoir être mise en cause. Au contraire, les questions traitées par celui-ci sont amenées à prendre une importance grandissante. Nous sommes cependant passablement impressionnés devant l'énormité de la tâche à accomplir. Déjà, la matière traitée dans le numéro 163 du Bulletin d'informations paraissait importante. En changeant symboliquement son nom, l'Observatoire a étendu son objet à des questions absolument vitales pour l'avenir de la profession, mais d'autant plus difficiles à maîtriser qu'elles sont en évolution rapide.

    Aussi devons-nous nous atteler à une indispensable réorganisation. Il est clair que le fonctionnement de l'ancienne commission Information bibliographique, qui a été maintenue quasiment à l'identique en 1994-1995 (avec quelques renforts), ne peut demeurer en l'état. L'Observatoire doit se donner les moyens de faire face (même partiellement et imparfaitement) à des missions de plus en plus importantes : meilleure répartition du travail, groupes spécialisés, organisation plus systématique, veille des techniques, pratiques et usages, concertation avec d'autres associations et organismes.

    Nous continuerons à alimenter la rubrique Le coin de l'Observatoire, et venons de décider de nous livrer dès maintenant à la préparation d'un numéro spécial du Bulletin d'informations qui pourrait paraître dans un an. Il serait très différent du numéro 163 consacré à l'information bibliographique, seuls quelques articles de mise à jour feraient le point sur ce qui a changé depuis sa parution dans les domaines qui y étaient abordés. Le reste du numéro serait consacré au développement des réseaux et à l'évolution de la normalisation, avec le souci de mettre au coeur de nos recherches et de nos préoccupations ceux qu'on désigne aujourd'hui sous l'abominable vocable d'utilisateurs finaux (finauds ?) (7) , c'est-à-dire les publics. Enfin, pourquoi ne pas réorganiser une diffusion électronique et télématique de l'information en organisant un véritable service Minitel et en branchant l'ABF sur Internet ?

    Enfin, nous gagnerons à être plus offensifs dans le domaine de l'action, en faisant notamment des propositions précises en matière de fourniture d'information bibliographique, d'organisation des réseaux relevant de la compétence nationale, et de normalisation. Pour ce faire, il n'est pas interdit de chercher à agir dans un cadre interassociatif, voire interprofessionnel.

    Une problématique pour l'avenir de la profession

    Nous pourrions esquisser, en nous appuyant notamment sur nos travaux de cette année, une problématique permettant de penser les mutations actuellement à l'oeuvre.

    L'idée principale pourrait être la fin de certaines spécificités. C'est facile à démontrer dans le domaine informatique : nous vivons la fin des systèmes propriétaires (8) , et la standardisation ira peut-être jusqu'à celle de l'interrogation documentaire (c'est l'objet de la norme Z39.50). Mais on peut aussi soutenir que ce sont les spécificités des doctrines, disciplines ou méthodes des bibliothécaires qui pourraient ne plus être remises en cause : l'autarcie, c'est la mort. Cela ne signifie pas forcément qu'elles se dissolvent : elles peuvent aussi féconder le monde de l'information.

    La fin des spécificités est la condition des mises en réseaux généralisées, incluant les bibliothèques mais les dépassant bien évidement : il n'y a plus de système clos. Le dépassement de l'offre de la seule collection locale n'est plus limité au prêt entre bibliothèques : tendentiellement, toute information accessible en ligne est diffusable.

    Standardisation et réseaux amènent les bibliothèques à recomposer leur offre qui ne s'appuie plus exclusivement sur leurs collections propres, même si la disparition de celles-ci relève du songe creux. Et à recomposer leur façon d'appréhender l'informatique. Définitivement, l'informatisation des bibliothèques ne se limite plus à celle de catalogues et de la gestion de leurs stocks.

    C'est la révolution dans la révolution : dans la révolution de l'information, les bibliothèques sont tenues de faire leur propre révolution, ou plus exactement de participer à la révolution commune. Mais sachons raison garder et résister aux délires technicistes ou utopistes. D'une part, il nous faut conserver le sens : rien ne vaut que pour les publics. D'autre part, tout le monde ne va pas au même rythme. C'est normal, car les besoins et moyens divergent. C'est aussi parfois inquiétant, car des fractures, ou des déchirures, risquent de ce produire.

    Oui, une révolution est en marche. Mais elle ne conduira pas au paradis. Elle charriera, comme toujours, le pire et le meilleur. Restons sur terre, et travaillons pour que le meilleur l'emporte sur le pire. Même d'une courte majorité.

    1. FULBI : Fédération des utilisateurs de logiciels de bibliothèque. retour au texte

    2. DDSR : Direction du développement scientifique et des réseaux, en charge notamment de l'Agence bibliographique nationale. retour au texte

    3. Le 19 juin, à l'invitation de l'ABF, de l'ADBDP (Association des directeurs de BDP) et de la FULBI, des représentants de logiciels équipant des BDP ou des bibliothèques dépositaires de BDP, de la BNF et de la DLL et bien sûr des bédépistes utilisateurs de divers logiciels ont élaboré la Recommandation 995 sur la fourniture de données locales dans les échanges de notices bibliographiques accompagnant le prêt ou le dépôt d'exemplaires. Le Coin de l'Observatoire rendra compte de ce standard quand sa version préliminaire aura été validée par les parties intéressées. retour au texte

    4. Le compte rendu des séances avec Michel Melot et Catherine Lupovici est disponible sur simple demande accompagnée d'une enveloppe timbrée à ABF - Observatoire de l'information bibliographique et documentaire - 7, rue des Lions-Saint-Paul - 75004 Paris. retour au texte

    5. Voir le compte rendu détaillé dans ce présent numéro. retour au texte

    6. C'est un mois après le congrès que s'est déroulée la réunion du 19 juin signalée en note 3, exemple d'action incontestablement réussie. retour au texte

    7. Merci à Marie-Joëlle Tarin, de l'Observatoire, de m'avoir rappelé que final devient finals au pluriel, la forme finaux n'étant que tolérée. Ainsi, l'honneur des utilisateurs est sauf. retour au texte

    8. Le bon usage régi par le Journal officiel recommande de proscrite l'adjectif propriétaire au profit de spécifique, mais personne ne parle comme ça. retour au texte