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Contenus et structures des formations professionnelles

1995
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    Contenus et structures des formations professionnelles

    Par Jean-Claude Annezer, Bibliothèque interuniversitaire de Toulouse

    Contexte et programme

    Le congrès de Vichy et le séminaire de Clermont-Ferrand ont avivé les interrogations sur le (s) métiers (s) en fonction de l'évolution des missions des bibliothèques. Si la formation est au coeur des dispositifs de recrutement, est-elle aujourd'hui capable d'assumer l'évolution et la diversification des fonctions ?

    Trois manières d'y répondre : le recensement des métiers (DISTB), l'évaluation du DCB (ENSSIB), la formation des bibliothécaires (IFB).

    La commission s'est réunie cinq fois, d'octobre 1994 à avril 1995. Elle a examiné successivement la maquette des études proposées à l'ENSSIB (deux réunions), la formation des personnels de catégories C (une réunion), l'enquête sur les métiers (une réunion), le dossier de la formation offerte aux bibliothécaires par l'IFB (une réunion).

    Points forts et points faibles

    Nous avons voulu sortir d'un système où on pense en termes de diplômes et essayer de penser en termes de métiers, afin d'ébaucher des propositions qui tiennent compte du terrain (les pratiques, les représentations, les transformations d'un métier résolument adaptatif). En interrogeant l'organisation, le développement et les outils des formations professionnelles, leurs ajustements aux techniques nouvelles (le bibliothécaire technicien?) à l'évolution du public (le bibliothécaire médiateur, informateur, formateur ?), nous avons voulu être à l'écoute de ce qu'on peut appeler la " culture professionnelle du (des) métier (s), avec les valeurs, les principes et les convictions qui lui donnent cohérence (la notion de service occupe une place fondamentale dans ce champ).

    Nous n'avons pas suffisamment abordé les contenus des formations pour les catégories C ; nous en avons surtout parler de manière structurelle et statutaire. Quant aux catégories B nous n'avons pas eu le temps d'aborder les contenus et les modalités des offres de formation.

    Lignes forces

    Les formations professionnelles doivent aujourd'hui développer chez les étudiants la capacité d'adaptation et un véritable savoir technique et professionnel en relation avec ce qui est le « noyau dur » des métiers : connaissance des publics, connaissance et gestion des fonds documentaires, connaissance de l'environnement administratif, juridique, social et culturel.

    Nous plaidons pour la nécessaire conciliation de l'unité des métiers des bibliothèques et de la diversification de leurs spécialités. Nous rejoignons ici le président du Conseil supérieur des bibliothèques quand il affirme dans son rapport 1994 (p. 107) : « La déstabilisation des formations n'a pas que des causes occasionnelles. Au-delà des adaptations immédiates exigées par les nouveaux statuts, l'incertitude qui plane sur la définition des métiers des bibliothèques est beaucoup plus due à la diversification de leurs tâches faisant appel à des compétences et à des techniques de plus en plus spécialisées. Il importe de se garder de toute formule qui, pour répondre directement aux circonstances, négligerait le fond du problème et sa complexité ».

    Nous plaidons aussi pour que l'enquête sur les métiers, réalisée par la DISTB, soit étendue aux bibliothèques relevant des collectivités territoriales, sur les mêmes bases et en cohérence avec le travail effectué pour la fonction publique d'État.

    Nous constatons que la réforme des statuts a revalorisé la carrière de conservateur mais laissé entier le problème des catégories B qui, comme dans d'autres secteurs de la fonction publique (instituteurs / professeurs des écoles, infirmières, assistantes sociales, ...) exercent des métiers de plus en plus qualifiés sans évolution correspondante de leur rémunération ou de leur statut hiérarchique. Si cette évolution est difficile à maîtriser (elle est liée à l'allongement des scolarités et à l'accroissement général du niveau de formation), ses conséquences sont aiguës dans le domaine des bibliothèques, puisque la formation initiale prévue pour les assistants est des plus minimales. Cette situation a aussi des répercussions pour les catégories C où la sur-qualification de personnels n'ayant pu trouver un emploi à leur niveau crée un malaise supplémentaire.

    La formation professionnelle initiale et continue nous semble, encore trop souvent, vécue comme une contrainte et non comme un enrichissement : déception de ne pas se voir livrer des personnels « clés en main » à l'issue d'une formation initiale, « bricolage pour l'accueil des stagiaires dans les établissements, difficulté de recrutement de personnels qu'il faut envoyer en formation initiale post-recrutement (conservateurs territoriaux), grappillage de stages de formation continue, statut imprécis des intervenants professionnels. C'est particulièrement grave dans une période de mutation où les modalités de mise en réseau et la réflexion sur les services évoluent rapidement. L'absence de transparence des dispositifs ne fait rien pour arranger les choses. La création de postes de responsables de plans de formation, si elle est une bonne réponse, n'est possible que dans de grands établissements disposant d'un personnel nombreux.

    Rapportée à l'exercice effectif du métier à ses différents niveaux hiérarchiques et fonctionnels, l'architecture des formations manque de cohérence : les dispositifs actuels présentent des offres juxtaposées qui résultent d'un héritage, plus ou moins rénové, des anciens statuts (ENSSIB, reconversion des CRF, formation ABF, ...) et de créations récentes correspondant aux nouveaux statuts (IFB, formation CNFPT post-recrutement). Il nous semble que chaque structure présente son offre de façon assez autonome et manque de moyens (ou peut-être de volonté ?) de l'insérer dans une architecture cohérente. Cette fragmentation est gênante en elle-même ; elle est, à plus long terme, inquiétante pour l'unité de la profession. L'articulation entre formation initiale et formation continue est également loin d'être transparente : modules communs, ce qui peut être intéressant pour faire coexister des personnels à différents stades d'expérience, mais insatisfaisant si cela répond à un seul souci d'économie ; maquis de plus en plus touffu des offres de formation continue. Sur le terrain cela aboutit à une opacité dommageable.

    Le flou règne aussi sur les relations entre les formations de bibliothécaires et l'environnement extérieur. On peut en distinguer des signes à différents niveaux : l'articulation entre formation théorique et formation professionnelle est difficile à cerner, ceci se reflète dans le malaise de l'ENSSIB. L'articulation avec d'autres métiers (documentation, administration des collectivités territoriales) semble plus dictée par un contexte d'intégration (IUT, CNFPT) que résultant d'une réflexion sur une ouverture dont nous réaffirmons la nécessité.

    La recherche d'une cohérence est enfin handicapée par le flou des objectifs. Si aujourd'hui nous sommes quasiment tous d'accord sur l'obsolescence des formations antérieures (CAFB ancienne formule), nous manquons d'instruments pour définir des objectifs nouveaux. Dans ce contexte, le recensement des métiers (et des compétences) est un outil de travail important et prometteur. Au-delà de l'observation des évolutions professionnelles, on ne peut éluder des interrogations fondamentales sur les missions des bibliothèques, sans la définition desquelles toute évaluation d'un système de formation est dépourvue de sens.

    S'il est nécessaire de mettre de la transparence dans les contenus des formations (quels objectifs, quelles modalités d'évaluation et de validation ?), il convient aussi de s'interroger sur les formateurs, sur le transfert des connaissances, sur l'efficacité des situations d'apprentissage par rapport aux situations d'exercice du métier. Former ou enseigner, telle est la question ! Nous sommes d'accord pour penser qu'un programme d'études (ou de formation) doit être un ensemble cohérent de contenus et de situations d'apprentissage mis en oeuvre de façon progressive à partir d'objectifs explicitement définis (c'est le cas pour l'IFB). Mais il y a aussi tout le climat de l'établissement, les comportements des enseignants, la qualité de leurs relations avec les étudiants, leurs méthodes et leurs styles d'enseignement qui interviennent dans l'acquisition, non seulement des savoirs et des savoir-faire, mais surtout des valeurs et des représentations du métier.

    Dans un système de formation ouvert, communicant et participatif, l'évaluation (le mot « audit » fait-il si peur ?) n'est pas vécue comme une intrusion « insupportable mais comme une chance, un facteur de revitalisation.

    Recommandations

    La commission souhaite que le recensement des métiers des bibliothèques réalisé par la DISTB, soit étendu aux territoriaux et soit accompagné d'un véritable « référentiel » des formations.

    Il conviendrait de procéder à un inventaire des formations existantes (pour chaque niveau, et type d'établissement) : qui fait quoi, pour qui, avec quels résultats...? Les contenus fondamentaux (» noyau dur » des métiers) continuent-ils d'être enseignés ?

    Il faut encourager les professionnels des bibliothèques à s'investir dans l'enseignement universitaire en tant que professionnels, afin que se développe un véritable partenariat entre enseignants et professionnels. Ce sont les professionnels qui, par leur connaissance du terrain, font évoluer la formation ; ce sont les enseignants, ceux qui ont pris la peine de réfléchir sur le métier et qui ont une réelle pratique pédagogique, qui permettent un exercice du métier adapté aux enjeux de l'heure et de demain.

    Il faut que les bibliothèques continuent à accueillir les stagiaires se préparant au métier, de façon plus cohérente et plus professionnelle. Une enquête sur les stages : modalités, contenus, évaluation... serait bienvenue.

    De nombreuses bibliothèques mènent une politique volontariste en matière de formation continue de leur personnel. Serait-il envisageable de dresser un inventaire de leurs pratiques et de leurs expériences ?

    Les différents concours d'entrée dans la profession sont de moins en moins professionnels, alors même que la formation post-recrutement est jugée insuffisante ou inadaptée. Il convient de les reprofessionnaliser.

    Composition de la commission

    Membres permanents 94/95 : Jean-Claude Annezer (coordinateur, BIU Toulouse), Jean-Pierre Brèthes (CRF Poitou Charente Limousin), Anne Dujol (BIU Montpellier), Isabelle Dussert-Carbone (IUT Paris), Marie-Thérèse Jarrige (BMIU Clermont-Ferrand), Joëlle Muller (Médiathèque CSI La Villette), Caroline Rives (JPL Paris).

    Invités : Claudine Belayche (présidente de l'ABF), Pierre Bruthiaux (formation élémentaire ABF), Bertrand Calenge (IFB Vil-leurbanne), Anne Kupiec (IUT Médiadix).

    Correspondant occasionnel : Dominique Lahary (BDP Val-d'Oise).