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Le démarrage du prêt direct scolaire dans le Tarn

1995
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    Le démarrage du prêt direct scolaire dans le Tarn

    Par Nicole Le Pottier
    Témoignages recueillis auprès de Yves Cluzel, Pierre Grandet, Anne-Marie Grimal, Christiane Laur, Lise-Marie de Saunhac (bibliothèque départementale du Tarn) et Edith Pinaud (SCD Toulouse II). Dans son journal, Paule Masson note en date du 24 mars 1968 : - « La BCP du Tarn est choisie pour expérience prêt direct scolaire (2 départements seulement ont été retenus cette année) [.. J Bravo ! Entre l'annonce de la nouvelle et l'expression de sa satisfaction, elle a fait la liste de ce que cela va apporter à la BCP : 2 bibliobus, 2 chauffeurs, 4 sous-bibliothécaires, 1 sténodactylo, 280 500 F de crédits d'achat de livres, 1 200 F pour location éventuelle d'annexes et équipement mobilier. On jubilerait à moins. Et défait, la participation de la BCP du Tarn à l'expérimentation du prêt direct scolaire apparaît avec le recul des années comme l'une des étapes décisives pour le développement de cet établissement, ne serait-ce que parce qu'il entraîna plus que le doublement du personnel. C'est ce que cet article tente d'illustrer. Il repose sur les souvenirs des collègues. Yves Cluzel, Pierre Grandet, Anne-Marie Grimai, Christiane Laur et Lise-Marie de Saunhac sont arrivés à la BCP à la faveur de « l'enveloppe personnel » du prêt direct scolaire, ils ont vécu, de façon active, la mise en place et en ont évoqué le souvenir devant un magnétophone quelque peu récalcitrant. Edith Pinaud, entrée à la BCP du Tarn plus tôt, s'est occupée de l'organisation des tournées (1) . Ce qu'ils ont raconté a été complété par les archives du service. Paule Masson, directrice de la BCP d'alors, avait l'habitude de consigner régulièrement par écrit les principaux événements du service. Les notations de ce journal précisent la chronologie, replacent l'expérience du prêt direct scolaire dans l'évolution générale de la BCP à cette période et, grâce à l'enthousiasme qui transparaît dans le style télégraphique même, rappellent la voix de Paule Masson disparue cette année. Dans des registres différents, les rapports annuels de 1970 et 1971 et les articles parus dans la presse locale à l'occasion de l'inauguration des bibliobus ont aussi été mis à contribution.

    Jules Verne et Charles Perrault

    Dans les souvenirs, le début, c'est la liesse sur le parking » à l'arrivée du bibliobus jules Verne. Pour Pierre Grandet, nouveau chauffeur, les choses ont commencé un peu plus tôt. « Quand on m'a annoncé qu'il fallait aller chercher le bibliobus à Paris, je me suis fait un gros souci. C'était la première fois que je montais à Paris ». Et puis, sortir un camion de Paris, c'était quand même délicat. Une tante parisienne qui l'aide à trouver le chemin de la carrosserie David, boulevard de l'Hôpital, à la sortie vers la nationale 20, et les deux jours obligatoires de délais de route se passent bien. Le camion, un Citroën 450, long de 8,50 m se présente le 29 juillet, rue Général-Giraud. « Tout le monde m'attendait sur le trottoir et a visité ce camion. Bon c'était Arrivée du bibliobus Jules Verne. Il est éblouissant note Paule Masson dans son journal. Un deuxième bibliobus identique, baptisé Charles Perrault, arrive le 12 septembre.

    Les noms, vraisemblablement choisis par Paule Masson, les couleurs vives, vert et orange, et le graphisme adaptés au public auquel ils sont destinés recueillent les suffrages. Mais « Il n'y avait comme bibliobus dans le Tarn qu'un petit Jl Peugeot même pas rallongé. Alors évidemment, le nouveau bibliobus qui arrivait, par rapport à ce petit véhicule, c'était la grande révolution. Il n'y avait en général pas de choix, ou du moins peu de choix dans celui-là. Alors que dans le nouveau bibliobus, il y avait environ 3 000 livres en accès direct, en choix direct. » Rendant compte de l'inauguration des bibliobus, qui eut lieu le 10 octobre 1970, la Dépêche du Midi relève la nouveauté et parle de « bibliobus d'un type spécial puisque, consacrés aux jeunes, ils sont basés sur le principe du choix direct sur les rayons ».

    Retour en arrière

    Inaugurés le 10 octobre donc, les bibliobus commencent leurs tournées un mois plus tard. Bien sûr ce qui est un commencement pour les enfants est la fin d'une longue période de préparation. Le journal de Paule Masson permet d'en suivre les principales étapes. Les chauffeurs passent le permis transport en commun, les sous-bibliothécaires sont nommées, on transmet beaucoup de PV d'installation à la Direction pendant l'automne 1969 et c'est la crise du logement. La BCP du Tarn, comme beaucoup de ses semblables, est logée dans des locaux provisoires. Elle est abritée par l'inspection académique dans la cité administrative. Les crédits pour location éventuelle d'annexés qui figurent dans l'enveloppe du projet vont permettre la location d'un bureau préfabriqué. Le département paye l'implantation, la bibliothèque, le loyer, et l'objet est monté en juillet 1969 dans le parking de la cité administrative. Dans le même temps on équipe la petite cave de l'inspection académique pour accueillir les livres neufs.

    L'autre projet auquel travaille la directrice de la BCP dans ces mois-là, c'est à décrocher la construction d'un bâtiment. Les choses avancent de façon cahotante : en juin 1969, un inspecteur général de passage annonce que le dossier est au contrôle financier pour signature, le 10 septembre suivant construction : crédits bloqués... au début de 1970, c'est le soulagement : construction: feu vert donné le 23-1-70. Ça va mieux! »La BCP s'installera en octobre 1971 dans ses nouveaux locaux du Gô.

    La préparation du prêt direct scolaire s'effectue donc dans des locaux étroits et malcommodes. Il s'agit d'absorber une augmentation importante des collections. Une dotation particulière de livres est accordée par le ministère au titre de cette expérimentation. Ils arrivent en 1969. Ils faut les stocker et les traiter rapidement. On en trouve trace dans le rapport annexe de l'année 1969 : « Traitement des livres d'enfants. Gros travail, peu facilité par l'étroitesse des locaux occupés par la bibliothèque. Stockés en sous-sol, une grande partie de ces livres ont été collationnés, timbrés, équipés, inventoriés et pour beaucoup catalogués. Le personnel a fourni un très gros effort, d'autant plus méritoire que ce travail est monotone et fastidieux. »

    Même souvenir d'amoncellement aujourd'hui : « C'est 20 000 livres qui sont arrivés en 1969 ; nous n'étions pas encore là. Et que nous avons traités et équipés au printemps 1970. Enfin, on a dû commencer fin 1969 [...] Une fois, on avait reçu je ne sais pas combien de livres, les cartons étaient stockés dans le hall de l'inspection académique, il y en avait partout. Ces cartons, on les descendait à la cave de l'inspection académique, pour les stocker, on les équipait en bas parfois ,. Ceux qui, comme Édith Pinaud, étaient là en 1969, se souviennent des monceaux de caisses arrivant de la gare, de l'autre côté de l'avenue, un wagon entier de livres qu'il fallait traiter et qui ne suffiraient pas une fois le prêt lancé.

    Un service nouveau

    Au printemps 1970, c'est un nouveau service qui se met en place. «Les fonds étaient séparés. [Les bibliobus du prêt direct scolaire] ont fonctionné au départ uniquement avec des livres neufs qui faisaient partie de la dotation du ministère. L'ancien circuit fait par le bibliobus n'utilisait pas ces livres pour enfants. Et il faut dire qu'à l'époque le fonds de livres pour enfants de l'autre circuit était particulièrement pauvre. D'abord en titres, et aussi l'état physique des documents était vraiment, vraiment..., je ne dirais pas lamentable, mais laissait vraiment à désirer... Il y a eu un contraste très fort entre les collections de deux circuits. L'autre circuit, c'est celui du J7 qui pratique le dépôt mixte : 100 dépôts-caisses et 178 points de desserte dans lesquels les dépositaires viennent choisir sur les rayons.

    Au printemps 1970 toujours, au retour d'une réunion à Paris où les responsables des BCP entrant dans les expériences de prêt direct ont été conviés (2) , Paule Masson s'attaque à l'organisation. Dans le journal, une distribution des tâches est esquissée entre les trois véhicules dont disposera la BCP. Un des nouveaux bibliobus assurera le prêt direct scolaire dans les villes et les établissements importants, les CEG et les CES, l'autre tournera dans les petites communes, faisant le prêt direct aux enfants dans les écoles et aux dépositaires. Quant au J7, lui reviendront les tournées-caisses et les gros dépôts-rayons à desservir. On pense arriver à desservir ainsi environ 22 000 élèves toutes les six semaines. Après un voyage à Aurillac, où le prêt direct scolaire tourne déjà, Édith Pinaud commence à mettre sur pied le plan des tournées selon un rythme « cantalou » qui s'avérera très soutenu.

    « Des cadences démentes »

    Le planning des tournées impose un rythme sévère: « C'était un quart d'heure par classe et un quart d'heure de délai de route entre chaque école. Alors, on avait des cadences de travail..., c'était vraiment démenti...] L'obsession, c'était de ne pas finir la tournée. C'était constamment cette angoisse de ne pas arriver au bout [...] C'était le stress permanent. » Cette course contre le temps a marqué. Les chauffeurs se souviennent d'avoir roulé très vite sur les petites routes du Tarn. « C'était irréalisable. Alors ça nous a amené à des choses assez surprenantes. Par exemple, alors que l'on faisait du prêt direct et que normalement donc on devait avoir notre public en face, on arrivait à l'école une heure après la sortie des classes, c'est-à-dire qu'on n'avait plus d'élèves. Ce sont des situations qui sont arrivées de temps en temps. On rappelle un cas : « C'était la tournée de Larroque, à la limite du département du Tarn et Garonne. Et à l'école de Larroque, c'était six heures quand on est arrivés. Heureusement que l'institutrice habitait surplace. On a fait quand même le prêt, mais sans les élèves. On devait à l'époque passer à la bibliothèque municipale (3) pour rendre compte et dire qu'on était bien rentrés. On est arrivé [à Albi] à vingt heures. Paule Masson se faisant du souci, elle avait déjà téléphoné à la mère de Geneviève et à ma mère, pour voir si on n'avait pas oublié de venir. Et il avait fallu encore recharger ce soir-là, vider tous les livres anciens qu'on récupérait, recharger pour le lendemain parce qu'on repartait. On sortait quatre jours par semaine. »

    Les tournées s'enchaînent. On part tôt. Il fallait être là à l'heure de l'ouverture de l'école pour faire davantage de classes dans la journée. Il fallait partir à sept heures pour être à huit heures et demie à Mazamet (4) . » On rentre souvent tard. Et on brasse beaucoup de volumes dans peu de volume. on partait le matin avec le bibliobus plein de livres neufs. En cours de journée on les prêtait. On récupérait dans le même temps les vieux livres que l'on mettait dans des caisses que l'on entassait dans l'ancien garage provisoire de la cité administrative, des caisses qui arrivaient jusqu'à hauteur de plafond. Et en rentrant de tournée le soir, on descendait à la cave de l'inspection académique où étaient stockés les livres et on réapprovisionnait les bibliobus pour le lendemain. »

    « On donnait des livres neufs, il fallait rendre des livres neufs »

    Le prêt direct scolaire prend la relève de quelques dépôts d'écoles, mais surtout il agrandit considérablement le champ d'action de la BCP en desservant les villes, qui en étaient jusqu'alors exclues. Il touche presque la moitié de son public scolaire potentiel : 820 classes desservies sur 1 734 en 1970, 30 classes supplémentaires en 1971.

    Les modalités de l'offre sont nouvelles : "La grande nouveauté du prêt direct scolaire, ça a été la responsabilisation du lecteur. jusque-là, on fonctionnait sur le mode du dépôt, c'était le dépositaire qui était responsable de ses livres alors que là, on avait fait des inscriptions individuelles pour les enfants dans les écoles. Chaque enfant était responsable de son livre. Ce qui, sur le plan du travail, nous avait posé quelques problèmes, compte tenu des charges, puisqu'on avait jusqu 'à 15 ou 16 classes dans la journée. » Les conditions sont strictes : Quand on est repassé la deuxième fois, il a fallu regarder dans quel état les enfants rendaient leurs livres. La moindre tache, ou quelque chose, on faisait payer le livre. On était très exigeants. On donnait des livres neufs, il fallait rendre des livres neufs. Par la suite, ça a changé! » Ce thème avait inspiré la correspondante de la Dépêche du Midi à Cagnac-les-Mines retraçant la première tournée du jules Verne. À l'amour de la lecture que cette initiative ne peut manquer de développer, doit s'ajouter, encore confuse, certes, la joie du bibliophile, son amour et le respect du livre, et, nous le souhaitons vivement, à travers ce respect du livre, le respect d'autrui. Les écoliers de Cagnac, nous en sommes persuadés, auront à coeur de conserver à leur livre de bibliothèque cet aspect de neuf, de le rendre intact, sans tache d'encre ou de chocolat. »

    Les embarras du choix

    Le nombre de livres à laisser dans les écoles est aussi réglementé : » La règle, c'était un livre par enfant. Je me rappelle une école où il y avait six élèves. Eh bien on laissait six livres !

    Les élèves avaient-ils le temps de choisir ? Pas vraiment. « On ne pouvait pas parler de choix. Pour deux raisons. D'abord les enfants étaient un peu désorientés. Ils n'avaient aucune pratique du choix parce que, même si dans les villes certains enfants devaient déjà fréquenter les bibliothèques, beaucoup n'en avaient aucune expérience, puisque le bibliobus, traditionnellement, ne faisait pas de prêt direct dans le département. Donc ces enfants-là ne savaient pas choisir. On avait été amenés à matérialiser dans les bibliobus les fameux niveaux de lecture (CP, CEI, CE2, CM...J. Les enfants n'avaient pas le temps de choisir, comme toujours, il y avait des enfants plus rapides, mais la plupart n'avait pas le temps de choisir. Ensuite, nous, nous n'étions guère disponibles pour conseiller dans la mesure où le système de gestion individuelle pour chaque élève rendait le travail de contrôle absolument dément. Le quart d'heure entier était mobilisé là-dessus. »

    Toujours le temps qui file : «Je me souviens de cela "dépêchez-vous, dépêchez-vous" ; on faisait le gendarme. En même temps, il y avait obligation pour les enfants de choisir. Ils étaient obligés d'avoir un livre, sinon ça se passait mal, je suppose, avec l'instituteur après. Il fallait qu'ils aient un livre. »

    Avec le recul, l'éventail des livres attribués par le ministère paraît bien traditionnel, surtout ceux pour les adolescents. « C'étaient des classiques, mais cela n'avait pas grand rapport avec l'actualité éditoriale, même de l'époque. On a eu vraiment des dotations parfois assez inadaptées au public. » Ils n'ont toutefois pas l'allure traditionnelle des livres de bibliothèque ". On a renoncé aux reliures de toile rouge ou verte en usage dans les dépôts, la plupart n'ont pas été couverts, certains ont été plastifiés par une firme bien connue.

    Bientôt on met les albums à plat

    Les enfants remplissent leur contrat : d'octobre à décembre 1970, en un seul passage, les 18 812 inscrits empruntent 17 840 ouvrages. Les bibliobus qui ont alimenté 12 ou 15 classes dans la tournée rentrent vides le soir. Les rayons sont de plus en plus clairsemés, alors on utilise les vieilles recettes. Les albums étaient placés sur la tranche et il y en avait plein, plein, plein. Et, à peine trois mois après, il n'y avait plus de livres à donner, alors on les a mis à plat. Ça garnissait davantage. »

    Les livres sont renouvelés toutes les six semaines environ, soit quatre fois par an. Dans l'intervalle, les enfants devraient les faire circuler. "Il Yavait un peu contradiction. C'est-à-dire que, l'enfant étant responsable de son livre, les échanges n'avaient pas lieu. Parce qu'on réclamait un livre précis à l'enfant quand il reve-nait dans le bibliobus. On lui réclamait lelivre qu'on lui avait prêté. Ça voulait direqu'il avait bien son livre pour le passagedu bibliobus et donc ça limitait le prêtentre élèves. »

    Les enseignants prennent peu de part à la chose en général, 2,3 % des livres empruntés en 1971 sont des ouvrages destinés aux enseignants. Les relations avec la BCP, quand elles existent, se font en dehors des tournées. Certains utilisent la possibilité qui leur est offerte de venir chercher des livres à la centrale. Depuis 1968, la BCP a développé une politique d'animation importante, assumée par Édith Pinaud, sous-bibliothécaire « chargée des fonctions d'animatrice de lecture publique (5) » Elle travaille, entre autres, avec le milieu scolaire.

    Dans les collèges

    La desserte des collèges, qui figurait aussi au menu de l'expérience du prêt direct scolaire, a posé beaucoup de problèmes. En 1971, les collèges desservis pesaient moins par leur nombre (cinq) que par leurs effectifs (135 classes). « C'était monstrueux. Le collège de Castres: 1 200 élèves. On y passait presque deux jours. On partait à plusieurs bus. » L'accueil n'était pas toujours chaleureux. « On gênait en plus, cela m'avait frappée. On nous avait priés de nous mettre sur le trottoir devant le collège, là, route de Brassac. Parce qu'on gênait la gymnastique, dehors ! En fait, nos principes de desserte, des inscriptions individuelles comme dans les écoles, gênaient les professeurs. L'enseignement dans les collèges est quand même très différent; il n'y a pas un professeur par classe. Donc c'étaient les professeurs de français, a priori, qui devaient accompagner les élèves. Les plannings étaient particulièrement difficiles à faire. Je sais que très souvent une classe ne venait pas, le professeur de maths refusait d'accompagner parce que ça n'était pas son travail. D'où des relations pas très bonnes avec les enseignants, et puis des problèmes énormes aussi de pertes de documents. Cela nous a découragés, on a renoncé assez vite à desservir certains collèges. »

    Au bout du compte ?

    Le prêt direct scolaire a pris une place importante dans la vie de la BCP. En 1971, pour sa première année complète, il représentait 36 % des points de desserte, tandis que les dépôts en alimentaient 63 % (11% caisses, 52% rayons). Il est devenu le principal moyen de desserte des établissements scolaires mais pas le seul, il y avait encore 359 dépôts scolaires. La même année 69 492 livres furent déposés, tandis que 61 405 livres étaient prêtés (6) . Il a déterminé l'orientation « scolaire de la BCP pour longtemps. La circulaire de 1978 amorçant le retrait des écoles n'a pas eu beaucoup de retentissement. Les écoles d'Albi ont reçu des livres de la BCP jusqu'à la veille de la décentralisation.

    Le personnel est passé de quatre à dix, tandis que l'introduction du prêt direct adultes en 1973 n'a apporté que deux postes supplémentaires. Un facteur décisif donc pour le développement de la BCP qui, de plus, a pu déployer ses activités dans des locaux neufs, adaptés et suffisamment grands à partir de 1971. « C'est la participation à ce genre d'expérience qui a permis cela. Paule Masson était toujours prête à lancer ça. Quand on lit la correspondance, comme on l'a fait pour préparer le cinquantenaire, c'est flagrant. Elle avait de bons rapports avec le ministère et elle a toujours su saisir les occasions. (7) L'autre période de développement a été la prédécentralisation, trois années pendant lesquelles le personnel a doublé encore une fois.

    Pour les équipages du Jules Verne et du Charles Perrault, dont la plupart des membres sont encore à la BCP du Tarn, ce fut un temps de course contre la montre sur des routes souvent étroites, avec son cortège d'histoires de bibliobus embourbés, de stationnements dans des rues de villages si étroites que les riverains ne pouvaient pas ouvrir leurs fenêtres tant que le bus était là, de parties de badminton pendant la pause de midi, quand les deux bibliobus partaient dans le même coin du département. Ils gardent peu de souvenirs du jour de l'inauguration mais se rappellent bien les jours précédents. « Pendant la période des vacances et jusqu'à l'inauguration, Paule Masson avait demandé à ce que les bibliobus soient à l'abri, parce qu'on n'avait pas de garage à l'inspection académique. Alors, on les a mis dans les hangars d'avions au Séquestre. On est allé les chercher quatre jours avant l'inauguration pour les laver, bien les bichonner... Puis l'autre chauffeur [Pierre Grandet] m'a dit: "Viens, au lieu de sortir par le côté du Séquestre, on va faire un tour de circuit automobile (8) ." Alors, on fait le tour du circuit, puis on arrive à la passerelle. jean [SouliéJ était devant. Les hublots d'aération étaient ouverts. Il devait se douter que ça devait être juste, car il avançait doucement. Moi, j'étais derrière, je klaxonnais, mais il ne m'entendait pas. Il est passé et les deux hublots... cassés. Quatre jours avant l'inauguration. Bien sûr on a monté une petite histoire parce qu'alors Paule Masson n'aurait pas été contente. Des hublots ont été commandés en urgence à la carrosserie David qui nous a expédié ça par le train du soir. Ils ont payé le pris d'un billet, ça a coûté très cher. Le carrossier nous a monté ça rapidement et tout a été prêt pour l'inauguration. »

    1. Elle n'était pas là lors de la séance magnétophone, ses souvenirs ont été recueillis plus tard. retour au texte

    2. Voir l'encadré page 34 L'expérience du prêt direct scolaire ». retour au texte

    3. Paule Masson dirigeait aussi la bibliothèque municipale d'Albi ; elle avait succédé à son père à ce poste. À l'époque où elle lançait le prêt direct scolaire, elle s'efforçait de compenser l'insuffisance des locaux de cette bibliothèque en développant un réseau d'annexes de quartiers. retour au texte

    4. Tout à fait au sud du département. retour au texte

    5. Étape vers un statut de bibliothécaire de lecture publique qui ne vit jamais le jour. retour au texte

    6. Ces chiffres sont toutefois difficiles à comparer, les livres déposés circulant vraisemblablement plus que les livres prêtés. retour au texte

    7. La BCP du Tarn fait partie des créations de 1945. retour au texte

    8. L'aérodrome d'Albi-Le Séquestre jouxte un circuit automobile sur lequel a lieu le Grand prix automobile d'Albi tous les ans en septembre. retour au texte