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La médiathèque de l'Institut français de Barcelone

1996
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    La médiathèque de l'Institut français de Barcelone

    Un chemin culturel en partage

    Par Marc Sagaert, Services documentaires de l'Institut français de Barcelone

    Un important réseau culturel

    Le réseau culturel français à l'étranger est riche et dense. Il existe depuis plus d'un siècle. Au coeur de ce réseau, les établissements culturels (instituts français, centres culturels, centres de coopération linguistique et éducative, Alliances françaises) ont tous pour mission et pour ambition la promotion de la langue et de la culture françaises dans les pays qui les accueillent.

    Un grand nombre de ces établissements sont dotés de bibliothèques (environ 300). Celles-ci sont d'importance très variable, disparité qui s'exprime aussi bien au niveau des collections, du nombre des personnels que des services rendus.

    Depuis quelques années cependant, un Bureau des bibliothèques et des centres de ressources a été créé au ministère des Affaires étrangères, une politique active de modernisation et de développement de ces bibliothèques a été entreprise sous la houlette de Renée Herbouze, son responsable.

    La Médiathèque de l'Institut français de Barcelone est un des services qui ont bénéficié récemment d'une restructuration d'ensemble.

    Un lieu revisité

    À Barcelone, l'Institut français dresse en plein coeur de la ville les sept étages de son imposante façade due à l'architecte catalan Coderch, et devant celle-ci la superbe sculpture de Guinovart : un livre ouvert.

    Depuis le premier décembre 1994, l'ancienne bibliothèque vétuste a laissé place à une Médiathèque moderne qui, signalée dès l'entrée par d'élégantes vitrines, constitue avec la galerie l'avant-poste d'un des plus importants établissements culturels du réseau, soit 8 000 m2 déployés.

    L'Institut français de Barcelone offre donc aujourd'hui, une image en rapport avec son passé prestigieux (1) ; il est également une vitrine du savoir-faire français en matière de bibliothéconomie (2) -renouvellement des équipements, mise à jour des collections, création d'un centre de ressources informatisé sur la France contemporaine, etc. - et d'animation culturelle.

    Une politique d'animation offensive

    La restructuration de l'ensemble a privilégié deux lieux destinés aux animations :

    • un espace d'exposition où ont été présentées en 1995 plus d'une dizaine d'expositions picturales et graphiques en particulier autour de l'écrit ;
    • un espace modulable qui permet l'organisation ponctuelle de rencontres (avec Gérard-Georges Lemaire en février 1995, avec Roger Chartier au mois de novembre 1995, par exemple), de présentation de revues (Exposé en février 1995, Revue d'Europe au mois de juin 1995, par exemple), ou qui, plus simplement, accueille écrivains et journalistes pour une conférence de presse comme celle de Jean Rouaud en février dernier ou celle de Daniel Pennac au mois de mars.

    Ces manifestations sont organisées en liaison étroite et obligée avec les différents services de l'Institut. La Médiathèque est ainsi le centre de convergences de toutes les activités.

    De la concertation interne à la collaboration en réseau

    De l'exposition accueillie à l'exposition réalisée, de l'animation légère au projet d'envergure, les possibilités qui s'offrent à nous sont innombrables. Notre programmation culturelle ne doit pratiquement rien au hasard. Il convient en effet pour éviter toute « gratuité de tenir compte de l'actualité culturelle française mais aussi de proposer des animations susceptibles de s'inscrire dans le paysage culturel barcelonais, catalan ou encore espagnol.

    Dans ce cadre, actions communes et partenariats sont essentiels. C'est d'une part l'occasion privilégiée d'un dialogue avec nos amis catalans et espagnols. C'est d'autre part le moyen de garder un contact permanent avec la France, que ce soit avec les institutions culturelles ou avec nos collègues français.

    La collaboration permet en outre la mise en oeuvre de projets plus ambitieux, avec un plus fort impact et une audience élargie tout en maîtrisant les coûts de réalisation.

    Le premier pas sur ce "chemin culturel en partage » est bien sûr la concertation avec nos collègues du réseau des instituts français en Espagne. La liaison s'opère d'elle-même avec les instituts français de Sara-gosse et de Bilbao, puisque nous intervenons régulièrement pour des missions de conseils et d'expertises dans la modernisation et le développement des services documentaires de ces deux instituts.

    C'est souvent dans le domaine documentaire que les échanges sont les plus évidents (accueil de stagiaires de l'Institut de bibliothéconomie de Barcelone ou des départements documentation des Universités françaises).

    Il est en revanche plus difficile de mettre en place des actions culturelles communes avec les institutions catalanes ou avec les institutions culturelles françaises. Il s'agit dans le premier cas de bien connaître le paysage documentaire et culturel du pays d'accueil, dans l'autre de mener des opérations « à distance ce qui n'est pas toujours chose aisée. C'est pourquoi les opérations les plus faciles à mettre en place sont souvent des opérations intégrées transfrontalières. Nous présentons ici quelques exemples de collaborations fructueuses qui ne sont, espérons le, que le début du tracé de notre « carte des complicités ".

    Méditerranée

    Au mois de novembre 1995, Barcelone est devenue pour quelques jours, la capitale de la Méditerranée. Rencontre des pays de l'Union européenne et forum civil Euromed s'y sont déroulés.

    La Médiathèque a eu le plaisir de présenter à cette occasion, pour la première fois en Espagne, une exposition (peintures, gravures et aquarelles) du peintre algérien Mohammed Khadda, artiste qui a occupé une place majeure dans l'émergence de la peinture algérienne contemporaine.

    » Mohammed Khadda : la paix pour alphabet» est le titre que nous avons donné à cette exposition. Une façon de relire les alphabets libres et universels de ce maître de l'École du signe - qui peint en 1971 un de ses tableaux les plus remarquables intitulé «J'ai pour totem la paix » - à une époque où les « impulsions désespérées et meurtrières ravagent la terre algérienne. Une exposition « Khadda » devant également être présentée, quelques mois plus tard, au domaine départemental du Château d'O à Montpellier, la publication d'un catalogue commun a été projetée par nos deux institutions. Grâce à l'amitié de Naget Khadda, veuve de l'artiste, et à la complicité de Gilles Greck (3) , ce projet a très vite remporté l'adhésion du Conseil général de l'Hérault. Réalisé à Barcelone, le catalogue a été édité en langue française. Un cahier séparé a également été imprimé, pour permettre la traduction des textes en catalan en vue de la diffusion du catalogue en Catalogne.

    M. Bencheikh, poète et écrivain, professeur à la Sorbonne, a aimablement prêté son concours à cette manifestation en rédigeant un texte destiné au catalogue, mais aussi en présentant l'exposition lors de son inauguration à Barcelone, inauguration conjointe avec l'exposition d'un autre peintre algérien, Rachid Koraïchi, dans la galerie de l'Institut français. L'opération a eu beaucoup de succès à Barcelone et à Montpellier où elle a été très suivie.

    L'exposition a bénéficié d'une belle couverture médiatique tant en France qu'en Espagne. Signalée dans différentes revues catalanes, ainsi que dans les quotidiens El Périodico et El Pais, elle a été présentée dans la Guia del Ocio, l'officiel des spectacles barcelonais. Enfin, Maria Lluisa Bor-ras, célèbre critique d'art espagnole, lui a consacré un article dans La Vanguardia (4) . L'Institut du monde arabe organisant à son tour une exposition Khadda (au mois de mars) a utilisé notre catalogue, en vue de la publication d'une nouvelle édition enrichie.

    L'institut d'Estudis Ilerdencs (Lerida) prévoit enfin de présenter l'exposition Khadda dans son superbe édifice du XVIe siècle, dans le courant de l'année 1997.

    Francophonie

    Préparée en un temps record (moins de deux mois), l'exposition Regards sur le théâtre belge de langue française au XXe siècle est un autre exemple de coopération mais cette fois à plusieurs niveaux, les Universités de Barcelone (Université Autonome et Université Centrale), d'une part, les Archives et Musée de la littérature de la Bibliothèque royale de Belgique avec le soutien du Commissariat général aux relations internationales de la Communauté française de Belgique, d'autre part.

    Grâce aux contacts établis avec deux lectrices de la communauté française de Belgique à Barcelone, dont l'une animait alors un séminaire sur le théâtre belge, nous avons eu l'idée de proposer à notre public et aux étudiants de ces départements, une exposition documentaire originale sur cent ans de création théâtrale de langue française en Belgique (travail photographique de Nicole Hellyn - mise en scène et portraits - présentation d'ouvrages et de documents audiovisuels). Manière pour la Médiathèque de l'Institut français de rendre hommage à quelques-uns de ces auteurs les plus remarquables, de Maurice Maeterlinck à Michèle Fabien, et occasion aussi, pour reprendre les termes de J.-C. Pompougnac, directeur de l'Institut français, de "saisirla francophonie dans sa version européenne et de lui donner toute sa dimension culturelle (5) ». Présentée à Barcelone au mois de février, l'exposition a continué sa route à Sara-gosse où elle a été organisée au mois de mars (Médiathèque de l'IFS).

    Le catalogue édité à cette occasion par les Archives et Musée de la littérature offre une brève monographie des onze dramaturges présentés ainsi que le relevé des créations et de la première publication de leurs pièces. Le dossier est complété par des indications bibliographiques sur les ouvrages actuellement disponibles de ces auteurs.

    Printemps de la photo

    « La Primavera Fotografica est un moment important de la vie culturelle barcelonaise qui réunit depuis quinze ans, date de sa création, des initiatives publiques et privées.

    L'Institut français propose pour la huitième édition de cette biennale internationale, qui regroupe cette année les travaux de 400 artistes, deux manifestations « hors les murs (Alain Fleisher à la Fondation Mirô, Jérôme Schlomoff au Pavillon Mies Van der Rohe), tandis que dans la Médiathèque et dans la galerie est présentée une création originale des photographes suisses Muriel Olesen et Gérald Minkoff et de l'écrivain Michel Butor.

    Michel Butor aime franchir les méridiens Il partage parfois ce nomadisme avec peintres et photographes. Ses dernières pérégrinations l'ont conduit avec Muriel Olesen et Gérald Minkoff sur les terres indiennes du sud-ouest des Etats-Unis. Des impressions complices sont nées de ce récent voyage qui a engendré « la flèche au coeur » rassemblant des images saisies par l'objectif ou trouvant abri sous la plume.

    Pour donner plus d'ampleur à cette manifestation nous avons proposé à la revue artistique et littéraire espagnole Barcarola un dossier reprenant les temps forts de cette oeuvre à trois voix - les textes de Butor étant édités en bilingue (français/ espagnol) - et présentant en outre le texte intégral d'une conversation radiophonique inédite où les artistes s'expliquent sur leur création (6) . Ce dossier est paru dans le numéro 50 de Barcarola, revue que nous avons pu présenter en présence de Michel Butor, de Muriel Olesen et de Gérald Minkoff au moment de l'inauguration de l'exposition.

    Invasions cathares à Barcelone

    Nous reprenons ici le titre de l'article paru dans le quotidien catalan Avui, du vendredi 1er mars 1996 et présentant les différentes animations sur l'Aude, pays cathare, à Barcelone. Une autre collaboration aussi sympathique qu'efficace a été menée depuis deux ans avec le Conseil général de l'Aude sur le thème : l'Aude, pays cathare, sujet qui intéresse particulièrement les Catalans.

    Cette année, expositions, rencontres, concerts, vidéorama se sont déroulés tout au long du mois de mars à l'Institut français, la Maison du Languedoc-Roussillon et la Maison de la France. Dans ce cadre, la Médiathèque a eu plaisir à collaborer cette année encore avec la bibliothèque départementale de l'Aude en accueillant son exposition documentaire intitulée Le catharisme source d'inspiration des écrivains regroupant une sélection de 140 ouvrages sur ce thème. Une bibliographie sélective a été mise à la disposition du public. "Impressions cathares », une exposition du photographe Gérard Sioen a par ailleurs été présentée dans le même temps à la Médiathèque.

    Un dialogue des passions

    Chaque exposition fait l'objet de l'impression d'un carton illustré, en forme de marque-page et suivant une même ligne graphique. C'est un peu la mémoire de nos saisons. Chaque manifestation engendre une nouvelle mise en scène de nos espaces. C'est autour de photos de l'agence Magnum que la Médiathèque a fait au mois de janvier... son cinéma. Au mois de février, à l'occasion de notre opération sur le théâtre belge, un rideau de scène ayant été placé à l'entrée, l'espace est devenu théâtre.

    L'animation culturelle est pour nous aussi bien la simple mise en valeur des collections (en particulier des nouveautés) que la mise en oeuvre d'une opération d'envergure. C'est toujours pour notre petite équipe de quatre personnes - qui n'oublie bien évidemment pas pour autant dans l'ordinaire des jours l'accomplissement indispensable des tâches bibliothéconomiques et documentaires - une préparation particulière et donc un surcroît de travail.

    Ces animations attirent cependant un public nouveau et dynamise l'équipe qui trouve là une motivation supplémentaire. Encore faut-il que l'action soit réussie, ce qui n'est jamais gagné d'avance, un avion manqué, l'arrivée tardive d'un catalogue pouvant mettre à mal le projet le mieux préparé.

    Croiser les regards de la création et des hommes, c'est une histoire d'opportunités parfois, de témérité souvent. Ce peut-être aussi une histoire d'amitié.

    Approche sans cesse renouvelée de la présentation de notre pays et de ses évolutions, à travers notre langue, notre culture et notre histoire révélées dans le contexte francophone, européen ou euroméditérannéen, l'échange culturel est un peu un dialogue des passions, dialogue avec le pays qui nous accueille, mais aussi dialogue transfrontalier ou inter-région. Coeurs vivants des Instituts culturels, les services documentaires s'animent de ces échanges. C'est là une partie de leur vocation, de leur mission.

    1. À l'époque franquiste, divers cercles artistiques « de résistance » dont le célèbre cercle Maillol - se sont créés à l'Institut français permettant ainsi à des musiciens, des poètes, des écrivains ou des plasticiens catalans de se retrouver, de débattre et d'exposer. retour au texte

    2. Comme le rappelait Michel Melot lors d'une intervention à Madrid, au début de l'année : - Les bibliothèques ne doivent pas renoncer à leur spécificité française: ne pas se convertir en simple centre d'information et de prêt mais au contraire maintenir leur caractère de lieu de rencontre, de débat culturel, d'exposition, de fête du livre, dans des espaces agréables où l'on va pour se reposer un peu... retour au texte

    3. Chargé de mission pour les Arts plastiques au Conseil général de l'Hérault. retour au texte

    4. Il est très peu fréquent, écrit Maria Lluisa Bor-ras, de voir à Barcelone des oeuvres d'artistes du Maghreb; raison de plus pour souligner cette double présence algérienne. Mohammed Khadda (1930-1991), une excellente rétrospective de peintures, d'aquarelles et de gravures du fondateur de . l'École du signe - qui le situe comme représentant indiscutable de la naissance de la peinture moderne de son pays / . / . retour au texte

    5. Extrait de la préface au catalogue de l'exposition. retour au texte

    6. Entretien avec Jean Perret pour Espace 2, Radio Suisse Romande, chez l'écrivain à Lucinges (Haute-Savoie), le 6 novembre 1991. retour au texte