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La relation bibliothécaire usager dans le réseau des bibliothèques internationales

1996
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    La relation bibliothécaire usager dans le réseau des bibliothèques internationales

    Par Pierre Pelou, Directeur Bibliothèque des Nations Unies à Genève

    Vers une nouvelle relation entre usagers et bibliothécaires

    L'usager de la bibliothèque a provoqué au cours des dernières années de sensibles modifications de comportements. De l'usager esclave à l'usager roi, il y a aujourd'hui un usager nouveau dont le profil va de la compétence scientifique à la maîtrise technologique. C'est dire si les relations professionnelles sont modifiées au sein de la bibliothèque. Le caractère international de nos établissements ajoute à ce profil de recherche générale une dimension éclatée où les cultures, les formations et les usages sont mélangés.

    C'est pourquoi, la relation générique entre le bibliothécaire et l'usager a pris une nouvelle direction sous l'influence non seulement de la culture personnelle des usagers et de leur degré de spécialisation mais aussi des nouvelles technologies de l'information dont la diffusion et la distribution imprègnent la société actuelle.

    Un bibliothécaire de référence revitalisé

    À l'assoupissement traditionnel de la référence bibliographique, un temps bousculée par l'arrivée des banques de données, fait place maintenant une référence concurrencée par la maîtrise nouvelle des usagers ou lecteurs. Le droit à une information directe et de qualité est devenu une exigence sans recul.

    L'accroissement des compétences de l'usager allié à une banalisation sans précédent d'une électronique qui s'introduit partout a provoqué la naissance d'un bibliothécaire d'un type nouveau. À la génération bibliographique des salles des catalogues, à celle électronique des banques de données, succède la génération multimédia de bibliothèques à la fois témoins et actrices d'une restructuration sociale et culturelle. Le bibliothécaire du troisième type appartient à la génération électronique de Negroponte à laquelle on aurait ajouté un zeste de Blade Runner revu par Edward Behr.

    Le bibliothécaire de référence nouveau obéit désormais à un cocktail de qualités rarement rencontrées à ce jour. Il faut dire qu'il a fort à faire devant des utilisateurs parfois plus compétents que lui, des techniques qui varient constamment et des réseaux dont l'accès confine plus au tennis qu'à la pêche à la ligne. La dialectique de la référence se caractérise maintenant par un cumul de connaissances thématiques, par une expertise technique des circuits de l'information et par un sens de l'accueil où l'interactivité le dispute volontiers à la convivialité. Il faut savoir naviguer.

    Le concept du tout informationnel qui a modéré le bibliographique par rapport au texte intégral a provoqué des revirements situationnels et structurels. L'information spécialisée est devenue un concept bibliothéconomique générateur de comportements différenciés. L'information-pouvoir a consolidé ou affaibli des citadelles établies et l'esprit de communication qui est au coeur même de notre métier nous a obligés à repenser notre manière de travailler, ou tout simplement à être présents dans nos bibliothèques.

    Dans les bibliothèques internationales, la dépossession des outils de référence au profit des usagers, via les CD-ROM et les OPAC, fut révélatrice des conflits de pouvoir. Les bibliothécaires de référence se sont sentis un temps dépossédés, certains mêmes obligeant les lecteurs à passer par eux, comme s'ils étaient les gardiens d'un temple à la dérive. Une autre éducation, pour ne pas dire formation, était devenue nécessaire. Progressivement, les attitudes ont changé. L'utilisateur compétent a engendré un nouveau bibliothécaire, sans que celui-ci ait nécessairement peur de se voir débordé, isolé ou contesté. Aux esprits les plus inventifs, curieux et avenants, ce fut une agréable promenade dans un univers bibliothéconomique nouveau. Aux esprits les plus frustrés, bloqués et capricieux, ce fut une redoutable épreuve dans une société impitoyable. Ne restent finalement à ces postes que ceux qui en ont acquis la maîtrise et le goût de concevoir cette collaboration associative de l'usager et du bibliothécaire comme une régénérescence de la profession.

    Un usager informationnel exigeant

    L'usager international est très particulier. Il est soit un fonctionnaire international, un délégué aux conférences ou un membre d'une mission permanente auprès des Nations Unies, soit un chercheur, un étudiant ou un membre des professions libérales. À la Bibliothèque des Nations Unies de Genève, ils se répartissent pour moitié entre ces deux groupes selon la volonté du fondateur originel, John D. Rockefeller Jr., qui souhaitait une ouverture publique de cette bibliothèque destinée à être « un centre international de recherche ».

    Or, l'usager international est exigeant. Il a un statut relativement privilégié qui lui donne assurance, détermination et goût de l'urgence. Au service standard de la bibliothèque, il faut ajouter la forme et une souplesse toute diplomatique, voire feutrée, auxquelles répondent des lieux historiques fréquentés avec discrétion.

    Les usagers internationaux se répartissent entre producteurs, informés, techniciens ou pressés. Aux producteurs d'informations spécialisés, revient l'apanage de l'expérience. Ils concourent par leur constante prestation à éclairer la bibliothèque sur la réalité vitale de l'Organisation, ses besoins immédiats liés à la conjoncture et aux événements mêmes de la collectivité internationale, des opérations du maintien de la paix. Ils sont les collaborateurs essentiels de la vie documentaire de l'ONU. Aux utilisateurs informés revient le mérite de faciliter l'accès à des réseaux d'information qui éclairent sur la complexité des nouvelles qui font la vie de l'Organisation. Ils forment une strate fondamentale de l'expérience documentaire. Aux techniciens d'un domaine spécialisé la Bibliothèque doit la connaissance des dossiers spécifiques, qu'il s'agisse des Droits de l'homme, du désarmement ou de l'environnement. Ils apportent la dimension cognitive de ceux qui savent de quoi l'on parle, à une date donnée. Ils sont à jour et ont une vision documentaire prospective. Aux utilisateurs pressés, il convient d'accorder une disponibilité et une flexibilité toute empreinte de calme et de mesure, une écoute attentive où l'urgence doit être appréciée avec circonspection.

    Par-delà ces quatre catégories d'utilisateurs internationaux, gravitent tous ceux qui ont des aptitudes, des besoins, des volontés créatrices et qui, selon une philosophie parfaite de l'appréciation documentaire, veulent avoir accès à ce qui techniquement est le mieux. Ils naviguent avec aisance dans les banques de données, sachant lesquelles leur sont utiles, comment elles sont constituées. Ils utilisent communément les CD-ROM de leur spécialité, sont familiers avec Internet et disposent pour la plupart d'ordinateurs personnels du type « Notebook qu'ils amènent dans les salles de lecture. Il est fréquent qu'à l'occasion de recherches menées conjointement ils apprennent aux bibliothécaires à se familiariser avec les outils électroniques disponibles, voire même à créer des instruments, des passerelles ou des interfaces qui sont ensuite utiles à la recherche documentaire de la bibliothèque. Véritables démiurges électroniques, ces utilisateurs qui pratiquent une technique de bon niveau sont des partenaires privilégiés qui accroissent les performances de la Bibliothèque. Pour eux, l'électronique a généralement supplanté le papier et chaque recherche effectuée doit être transférée sur disquette, chaque texte digitalisé et exploité directement sur ordinateur personnel.

    Une coopération nouvelle entre bibliothécaires et usagers

    Ce qui a fondamentalement changé dans l'usage d'une bibliothèque, c'est la disponibilité d'instruments technologiques très variés, le nombre des prestations en croissance constante et la connaissance vulgarisée ou experte que peuvent en avoir nos usagers. Dans le maquis de ces innovations, il faut savoir choisir et apprécier l'essentiel.

    La performance nouvelle des matériels et des logiciels désormais plus adaptables, modulables, confortables, diversifiés, procure aux deux acteurs documentaires que sont le bibliothécaire et l'usager une forme de coopération étroite qui va au-delà de la référence standard. Très souvent, on constate même que l'évolution de ces technologies va plus vite que notre capacité à en observer les règles et les procédures. Le temps d'adaptation est réduit, les matériels plus rapidement obsolètes, les logiciels courant de version en version. Du terminal au micro-ordinateur et maintenant à la station multimédia capable de sélectionner les applications internes, les sources extérieures et Internet via les réseaux internes, externes ou le réseau des réseaux. Tout un luxe diversifié de techniques et d'applications se précipite ainsi et nous précipite dans une formation permanente d'où la mode du « management » n'est nullement absente.

    Nous constatons à grand-peine que les bibliothécaires, qui ont une multitude de connaissances plus larges, vont souvent moins vite que leurs usagers dans la connaissance des technologies et des applications spécialisées qui leur sont nécessaires. Il y a là un fossé que nous sommes sans arrêt en train de combler. Ce qu'on exige aujourd'hui des bibliothécaires de référence, c'est d'être informés non plus sur les procédures, mais sur l'information elle-même, de la détenir. Cette nouvelle attitude implique que les bibliothécaires aient des réseaux d'information soigneusement constitués, une formation technologique à jour et un contact avec le public à la fois très ciblé et très proche. Ce comportement s'apparenterait à une diffusion sélective de l'information maxima, empreinte du concept informatif en texte intégral et obéissant à un tri sur les ressources et les technologies soigné et précis.

    Il est évident que le métier de bibliothécaire de référence est devenu, sous l'influence des nouvelles technologies de l'information et d'Internet en particulier, un défi difficile à soutenir qui remet en cause l'essence même de notre profession, appelée à se spécialiser de plus en plus.

    Vers un réseau des bibliothèques internationales

    La question à se poser est Y a-t-il un réseau des bibliothèques internationales ? La réponse est non. Plusieurs tentatives ont eu lieu qui n'ont pas donné de résultats concrets. L'Advisory Committee for the Co-ordination of Information Systems (ACCIS), aujourd'hui dissout, avait tenté de créer, via un Inter-Library Working Group, un réseau des principales bibliothèques internationales (ONU, BIT, OMS, Unesco, FAO, Banque Mondiale). L'action conjuguée du Corps commun d'inspection et de ce groupe fut analytique plus que synthétique et n'a pas amené de réels projets. En outre, l'autonomie de chaque agence de l'ONU a jus-qu'alors provoqué des politiques documentaires isolées, ACCIS comme le nouvel organe ISCC (Information Systems Coordination Committee, soit Comité de coordination des systèmes d'information), privilégiant le débat entre informaticiens ou responsables de systèmes par rapport à des besoins bibliothéconomiques immédiats.

    Je dois constater que les bibliothèques sont souvent tenues à l'écart des coordinations ou politiques de l'information au détriment d'organes techniques. C'est le cas par rapport à ACCIS ou ISCC. C'est le cas aussi avec l'Inter-Agency Meeting on Language Arrangements, Documents and Publications (IAMLADP) qui après avoir tenté d'associer les bibliothèques à ses travaux préfère traiter de ce qui fait son essence : les liens entre la traduction et la documentation conçue à l'ONU comme production de publications et de documents.

    Le rattachement même des bibliothèques est en soi révélateur. Celle du siège de l'ONU à New York est rattachée au Département de l'information (DPI - Department of Public Information), celle de Genève à la Division des services de conférence et celles des agences spécialisées le sont tantôt auprès de directions administratives tantôt auprès de directions techniques, voire informatiques. Il m'apparaît en tout cas que le rattachement de la bibliothèque doit se faire auprès de ce qui fait l'essence même de l'ONU, à savoir les conférences dont les besoins sont majeurs pour la vie et le développement de l'Organisation. Les rattachements administratifs et techniques ne peuvent donner à la Bibliothèque qu'un rôle marginal jamais en prise par rapport à la vie réelle de l'Organisation.

    Un monde bibliothéconomique divisé

    C'est pourquoi le monde des bibliothèques apparaît divisé. Il y a trois raisons à cela : les rattachements de ces bibliothèques n'obéissent pas à une politique définie ; la notion de documentation est un concept qui exclut les bibliothèques des publications internes ; l'organisation technique, en particulier électronique, est un monde en soi qui n'accorde pas à l'information spécialisée le rôle qui devrait être le sien au sein des institutions des Nations Unies.

    À l'image de la collectivité internationale, les bibliothèques du système des Nations Unies n'ont pas de politiques documentaires coordonnées. Les travaux en cours de l'Inter-Library Task Force d'ISCC sont, par exemple, relatifs à la conversion technique de catalogues dans le format US MARC, mais ne contribuent pas à créer les conditions de cette indispensable coopération. J'ai souvent le sentiment que les questions sont abordées toujours par l'aspect technique plutôt que par une vision politique des contenus. La politique technique fait trop figure de pensée politique des établissements. C'est pourquoi les bibliothécaires apparaissent comme des techniciens professionnels isolés et non pas comme les acteurs privilégiés d'une politique d'information associée à la décision et au débat.

    Cet éclatement structurel des bibliothèques est confirmé par la création, le maintien ou le développement de multiples centres de documentation qui ont leurs fonds documentaires spécifiques doublant parfois la bibliothèque centrale et produisant de plus en plus des fichiers ou banques de données qui dupliquent ce qui existe par ailleurs. J'ai proposé à cet égard qu'à côté de la bibliothèque centrale soient développés des centres d'information spécialisés (CIS) qui, sur les thèmes du département (Droits de l'homme, désarmement, développement, réfugiés, etc.), élaborent le dépouillement systématique d'articles, la constitution de dossiers thématiques, en quelque sorte une microdocumentation dont l'originalité serait la précision intellectuelle des contenus plus qu'une macrodocumentation qui gère des objets ou des ensembles d'information. C'est cette complémentarité entre bibliothèque centrale et centres d'information spécialisés qui peut contribuer à améliorer la politique documentaire des institutions internationales.

    De l'usage des transporteurs électroniques

    L'installation ou l'accès à des réseaux fédérateurs internes et externes a pour conséquence une amélioration sensible des flux d'information à travers les établissements, mais en même temps une complexité dans la mise en place qui obère partiellement le bénéfice initial prévu. Nos techniciens sont souvent aux prises avec l'installation des applications sur le réseau interne rencontrant des difficultés à la fois pour faire fonctionner correctement les fichiers et pour former les bibliothécaires de référence à leur usage, ceux-ci étant déjà submergés par la masse de ce qu'ils doivent apprendre : serveurs internationaux et banques de données, multiples CD-ROM à l'approche et au contenu variables, réseau Internet, sans compter CC-Mail, WordPerfect ou encore LOTUS. Quand on songe que ce que doit connaître un bibliothécaire de référence, c'est avant tout les spécialités que sa salle de lecture recense ou abrite, on est perplexe devant la variété des techniques que désormais il doit posséder et intégrer.

    La découverte relativement récente d'Internet a provoqué parmi les bibliothécaires et les usagers un engagement remarqué. L'accès aux catalogues de la Bibliothèque du Congrès ou de certaines autres bibliothèques universitaires américaines a facilité la recherche documentaire comme le traitement de l'information. Toutefois, l'éclatement des sources et des services, les temps d'accès et globalement tout l'environnement d'Internet ont, après la fascination initiale, laissé quelque amertume ou du moins quelque interrogation sur l'usage qu'on pouvait dans une bibliothèque internationale faire d'Internet.

    Aussi l'usage des réseaux ou du réseau des réseaux a-t-il engendré des inquiétudes et des espoirs. Nous ne sommes pas encore sortis de cette phase initiale de développement qui devait nous conduire à être les utilisateurs privilégiés des réseaux en même temps que les producteurs nouveaux d'une information qui nous est propre. À la Bibliothèque de l'Office des Nations Unies à Genève, nous préparons actuellement la création de pages écrans sur Internet pour présenter notre Bibliothèque, la description de certains types d'informations originales concernant par exemple la Société des Nations, l'inscription de notre catalogue comme l'une des sources internationales déterminantes.

    Une production de banques de données éclatée

    Les producteurs de banques de données sont de plus en plus nombreux au sein de l'ONU. Les facilités de l'électronique permettent la création de fichiers spécialisés et la possession de ces mini-banques de données procure aux intéressés une sécurité informationnelle qui conforte positivement l'activité des départements. En outre, ces banques de données peuvent intégrer des fonctions de gestion permettant de créer un produit original.

    Ces volontés d'autonomie ne vont pas dans le sens d'une harmonisation des techniques et des méthodes, la plupart de ces fichiers étant réalisés dans un environnement traitement de texte qui n'est pas toujours en adéquation avec les recherches documentaires standards. On n'évitera pas ces initiatives qui sont l'exacte image des possibilités électroniques. Mais il serait bon de créer une procédure coordinatrice qui évite les doubles emplois et permette de travailler selon les mêmes normes, que celles-ci soient appliquées totalement ou partiellement.

    Il en va de même pour l'introduction des données sur Internet. Chaque département s'ingénie à placer ses propres informations sur le réseau sans savoir si cellesci y sont déjà sous une forme précise et identifiée. Au sein des Nations Unies, plusieurs projets sont à l'étude qui ont toutes chances de dupliquer certaines autres initiatives publiques ou privées. Il va de soi qu'une coordination s'impose.

    Finalement, le maître mot de ce réseau en cours des bibliothèques internationales, c'est la coordination ; non pas l'intervention, mais l'harmonisation ; non pas l'interdiction, mais une ouverture calculée.

    Mosaïque culturelle et formation

    Dans ce nouveau contexte, bibliothécaires et usagers sont soumis à des formations de même nature ; les premiers gardent une vocation généraliste ou globale, les seconds une formation spécialisée et ciblée. Cependant, le facteur documentaire électronique a rendu les bibliothécaires plus spécialisés qu'ils n'étaient, plus généralistes qu'encyclopédistes. Quant aux usagers, ils ont tendance à élargir leur spécialisation sous l'influence des nouvelles technologies. Tous deux ont visiblement fait un parcours intéressant l'un vers l'autre, ce qui est finalement profitable à la recherche.

    L'originalité des Nations Unies, c'est leur diversité

    Qu'ils soient bibliothécaires ou usagers, tous les acteurs d'une bibliothèque internationale sont de culture et de civilisation extrêmement variées. C'est à une véritable mosaïque culturelle de compétences, de rythmes et de formations que nous sommes en permanence conviés. Si le respect de cette différence internationale est parfois difficile à gérer, il représente aussi la clé d'un travail en commun essentiel. L'ONU est en soi un microcosme de 185 États membres appelés à travailler ensemble pour une cause commune.

    Les compétences spécialisées sont hétérogènes ; les degrés et les durées de formation n'étant pas équivalents et la familiarité avec les outils électroniques très différente. Les formations de chacun n'obéissent pas aux mêmes règles, ne sont pas réalisées dans les mêmes conditions et selon les mêmes objectifs. Les langues sont différentes (22 langues au total sont parlées par le personnel de la Bibliothèque) et certains doivent travailler dans une langue qu'ils maîtrisent parfois difficilement. Il est convenu que, par-delà les six langues officielles de l'ONU (anglais, arabe, chinois, espagnol, français et russe), deux langues de travail sont pratiquées (anglais et français), l'anglais étant souvent langue de référence et langue électronique. Nos banques de données et catalogues électroniques sont en anglais par commodité et afin de ne pas compliquer le travail par une surcharge linguistique que certains ne pourraient maîtriser ou contrôler. Les rythmes enfin sont différents entre les acteurs internationaux et doivent être pris en compte dans l'évolution du travail et sa répartition. C'est pourquoi, un mélange des cultures est indispensable dans chaque équipe qui garantisse une progressive complémentarité et facilite par chacun la prise de conscience des différences et des richesses individuelles des autres.

    Cette question donne lieu aujourd'hui à tout un débat public. De Paris-Match au Nouvel Observateur, de Bernard Lugan à Jean-Claude Guillebaud, les thèses s'affrontent en un discours curieusement progressiste et moralisateur. Tandis que Bernard Lugan estime que « le principal problème de l'Afrique n'est pas économique, mais culturel que -les réalités africaines ne peuvent pas être approchées par l'européocentrisme », Lee Kuan Yew, père du modèle singapourien et son Premier ministre Goh Chok Tong opposent l'asiatisme confucéen à la conception occidentale des Droits de l'homme. Asiatisme conçu comme un dépassement de la modernité, il constitue un nouveau paradigme civilisateur où les droits de l'individu peuvent être restreints pour protéger les intérêts de la collectivité.

    L'ONU n'est évidemment pas l'image de cette tribune politique. Elle constitue une forme microcosmique et équilibrée d'une vie pluricivilisée : une mosaïque culturelle originale et active.

    L'harmonisation des formations

    Plusieurs étapes de formation sont devenues indispensables : formations linguistique ou technique ; formations initiale ou continue ; formations interne ou externe.

    À la première catégorie correspondent les formations linguistique ou technique. Les langues occupent une place généreuse à l'ONU. Elles sont aujourd'hui au centre de toute formation et l'Organisation fait un investissement important et constant pour faciliter le dialogue et la communication entre les agents. La formation technique vient ensuite qui prend deux voies, l'une liée à la gestion des équipes, l'autre à l'apprentissage de l'électronique, qu'il s'agisse des logiciels de base utilisés constamment dans l'Organisation, tels que WordPerfect ou cc-mail ou de logiciels plus spécifiques tels Lotus, Excel ou autres.

    À la seconde catégorie correspondent les formations initiale ou continue. Elles sont exclusivement techniques. Ce sont des formations initiales ou approfondies aux banques de données, des formations à la documentation, au thesaurus, aux nouvelles technologies de l'information. En 1995, par exemple, nous avons réalisé avec l'Université de Genève et l'École supérieure d'information documentaire (ESID) un cycle spécialisé de formation sur les supports optiques et nous en préparons un autre en 1996 sur les CD-ROM/CDI. Progressivement, nous diversifions nos formations documentaires en fonction des besoins immédiats, des nouveaux recrutements et des orientations nouvelles que nous donnons à notre bibliothèque ou à nos centres documentaires.

    À la troisième catégorie correspondent les formations interne ou externe. Nous préférons par principe utiliser nos ressources internes, et en particulier le Centre de formation de l'ONU, pour réaliser nos apprentissages. Toutefois, le caractère nécessairement généraliste de ce centre n'englobe pas toutes les demandes spécialisées et nous complétons ces formations par des cycles extérieurs auxquels nous inscrivons nos agents (Groupe Romand de documentation). Nous créons aussi des cycles avec nos partenaires extérieurs, qu'il s'agisse d'associations ou d'universités. Ces formes de collaboration extérieure ont pour mérite de faire sortir nos agents d'une organisation dans laquelle ils ont déjà trop tendance à demeurer et de rencontrer d'autres partenaires ou professionnels.

    Toutes ces formations sont pour nous l'occasion de mettre à niveau nos agents, en créant des espaces nouveaux d'apprentissage, en s'adaptant aux rythmes culturels de chacun, favorisant ainsi naturellement une culture d'entreprise progressive.

    À l'heure actuelle, d'autres initiatives formatrices ont cours qui entendent favoriser cette culture d'entreprise. L'association, entre des cours de management et de nouveaux systèmes d'évaluation du personnel, engendre une autre vision de la gestion du personnel. En août 1994, nous avons eu à Talloires un « Spécial Workshop for the United Nations Office at Geneva » intitulé Managing the United Nations into the 21st Century et animé par Management Systems International and the Coverdale Organization for the United Nations Office at Geneva. Ce cours entendait former les directeurs à de nouvelles stratégies de documentation, à en faire des managers et des leaders d'un type nouveau. On voit ainsi les modes de formation s'organiser différemment et faire partie d'une culture anglo-saxonne adaptée à la fonction internationale et qui, à certains égards, rappelle le récent livre d'Edward Behr intitulé Une Amérique qui nous fait peur.

    L'Association internationale du bibliothécaire et de son lecteur

    Le fait que, sous l'influence des nouvelles technologies de l'information, le lecteur intervienne directement dans l'information et l'évolution du bibliothécaire de référence est une idée en soi intéressante. Les rapports lecteur/usager prennent ainsi une autre dimension, à la fois plus chaleureuse et plus coopérative. Dans cet esprit, le bibliothécaire a désormais trois fonctions essentielles, celles de producteur, de formateur et de médiateur.

    Le bibliothécaire producteur

    La création de banques de données a habitué le bibliothécaire à n'être pas seulement la personne du catalogue. Si le catalogue est le coeur scientifique de la bibliothèque, les banques de données thématiques en sont la respiration. À Genève, nous avons établi une politique d'assistance de certains départements opérationnels tel le Centre pour les Droits de l'homme. Nous avons créé pour ce centre trois produits complémentaires qui viennent illustrer l'histoire des Droits de l'homme à l'ONU en même temps que l'activité de ce Centre pendant les dix dernières années. Une bibliographie imprimée, un disque CD-ROM et un disque compact audio ont été produits entre 1993 et 1995.

    La bibliographie imprimée propose en cinq volumes l'ensemble des références issues du traitement bibliographique réalisé principalement par la Bibliothèque des Nations Unies à Genève sur la base des documents officiels que l'Organisation a produits de 1980 à 1989 inclus. Plus de 9 000 références ont ainsi été recensées qui éclairent d'un jour nouveau l'action que mène l'Organisation pour les Droits de l'homme dans le monde.

    L'ensemble des références a été extrait de la banque de données UNBIS (United Nations Bibliographical Information System). Une classification spécifique a été élaborée pour cette publication tant la notion des Droits de l'homme est diversifiée. Une sélection a été opérée pour ne retenir que les textes fondamentaux tels que : rapports des différents corps, groupes de travail, comités et conférences ; études d'experts et de rapporteurs spéciaux ; rapports du secrétaire général ; textes pour les séminaires et conférences des Nations Unies ; résolutions et décisions de l'Assemblée générale, du Conseil économique et social, du Conseil de sécurité, de la Commission des Droits de l'homme et de la Sous-Commission sur la prévention de la discrimination et la protection des minorités ; les rapports périodiques, lettres et notes verbales des gouvernements ; les comptes rendus des organisations non gouvernementales ; l'information reçue des agences spécialisées et des organisations intergouvernementales ; les séries périodiques. Seuls les documents à faible diffusion ou confidentiels ont été exclus de cette bibliographie qui représente déjà en l'état un corpus important.

    Les références bibliographiques ont été rédigées en anglais. Et les utilisateurs peuvent se reporter aux documents disponibles dans les langues officielles de l'Organisation chaque fois que la traduction en a été faite. Des index auteurs et sujets ont été conjointement publiés, facilitant l'utilisation de cette bibliographie ainsi qu'une liste des abréviations et une liste des symboles ou cotes des documents.

    Le disque compact CD-ROM (Compact Disk Read Only Memory) a repris sous une forme interactive et conviviale la Bibliographie des Droits de l'homme publiée sous une forme imprimée en 1993 et qui recouvrait dix ans d'activité de l'ONU en cette matière (1980-1989). Il l'a reprise en l'actualisant dans un premier temps jusqu'au 15 octobre 1993.

    Issues de la banque de données UNBIS (United Nations Bibliographical Information System), les 12 000 références bibliographiques de ce disque sont disponibles en anglais. Grâce à un thesaurus adapté, elles peuvent également l'être par sujets en français et en espagnol. L'usager peut ainsi aller de la référence au texte intégral du document, celui-ci étant notamment disponible dans les bibliothèques centrales de l'ONU, les quelque 330 bibliothèques dépositaires à travers le monde, les centres d'information des Nations Unies ou les services des publications de ces organisations.

    La structure des informations contenues dans ce disque obéit aux onze catégories qui ont servi à l'ONU de classification au traitement des documents sur les Droits de l'homme : Droits de l'homme ; droits civils et politiques et administration de la justice ; droits économiques, sociaux et culturels ; autodétermination des peuples ; discrimination ; droits des individus et des groupes particuliers ; droit au développement et autres questions sur les Droits de l'homme ; violation et menaces pesant sur la jouissance effective des Droits de l'homme ; rôle et travail des Nations Unies dans le domaine des Droits de l'homme ; travail de diverses organisations et institutions pour le renforcement de la promotion et de la protection des Droits de l'homme. Sur ces différents thèmes généraux, on trouve treize types de documents produits par les Nations Unies, depuis les rapports annuels ou des sessions des commissions, comités ou groupes de travail jusqu'aux publications en vente en passant par les traités ou les résolutions.

    Le disque compact audio offre une sélection d'extraits de documents sonores les plus représentatifs choisis dans les archives de la Radio Suisse Romande.

    Hommes d'État, diplomates, philosophes, juristes, universitaires et représentants d'organisations non gouvernementales, de pays et de cultures différentes, situent et analysent l'importance historique de la Déclaration des Droits de l'homme et son influence profonde sur la pensée et l'action des individus et des gouvernements partout à travers le monde.

    À côté du discours d'ouverture prononcé à Vienne par Boutros Boutros-Ghali à la Conférence mondiale sur les Droits de l'homme le 14 juin 1993, on peut entendre les grandes voix de ceux qui ont dessiné l'histoire des Droits de l'homme, présidé à sa naissance, en ont défendu l'idée avec détermination. On trouvera sinsi et dans l'ordre celles d'Eleanor Roosevelt, René Cassin, Fernand Dehousse, Jaime Torres-Bodet, James Roosevelt, Jacques Muhlethaler, Léopold Sédar Senghor, Jeanne Hersch, Pierre de Senarclens, Jean-Paul Sartre, Bacre Waly N'Diaye, Daniel Mayer et Victor Andres Belaunde.

    Ces différentes déclarations sont ponctuées par des moments musicaux des concerts internationaux donnés à l'occasion de la célébration de la « Journée des Nations Unies ", le 24 octobre, qui rappelle la date d'entrée en vigueur de la Charte des Nations Unies et de la création officielle de l'Organisation des Nations Unies (24 octobre 1945).

    Désormais, nous continuons à mettre à jour annuellement le CD-ROM sur les Droits de l'homme. En janvier 1995, nous avons sorti une édition qui recense les documents jusqu'au 31 octobre 1994 et nous avons commencé à introduire le texte intégral en digitalisant les 95 instruments internationaux des Droits de l'homme. Nous préparons pour janvier 1996 une nouvelle édition qui inclura le texte intégral de tous les documents des Droits de l'homme publiés au cours de l'année 1995 ainsi que les titres des documents en français ; cette dernière étape étant réalisée en collaboration avec l'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT) et la Banque internationale d'information sur les États francophones (BIEF).

    Le bibliothécaire formateur

    Les bibliothécaires sont devenus formateurs et formés en même temps. C'est en ce sens qu'ils se rapprochent de nos usagers les plus constants. Ils sont formateurs de leurs collègues et de leurs usagers dans les disciplines techniques. Ils sont formés de manière permanente afin de suivre l'évolution des applications, des services et des techniques mises en oeuvre. Cette nouvelle dialectique de la formation est à la fois positive et négative. Elle est positive chaque fois que cette formation peut s'exercer dans de bonnes conditions, c'est-à-dire selon une organisation du travail qui facilite une réelle progression des connaissances. Elle est négative chaque fois qu'elle s'exerce dans un milieu ou un environnement instable, auprès d'un personnel modérément motivé, préoccupé par autre chose et comportant un personnel temporaire qui par définition varie périodiquement.

    Cependant, le concept nouveau de la formation c'est que bibliothécaire et usager sont en formation permanente et le seront sans arrêt. Ils sont désormais condamnés à évoluer avec les techniques qui conduisent les services qu'ils utilisent. C'est une nouvelle donnée à intégrer, le rapprochement entre bibliothécaire et usager étant plus évident compte tenu de cette quête perpétuelle d'information et de formation.

    Le bibliothécaire médiateur

    À côté d'une production d'information ciblée, la Bibliothèque prend un autre visage. Elle devient acteur de l'information, véhicule et médiateur sur des thèmes et des produits qu'elle crée pour son public et pour un public élargi.

    À la Bibliothèque de l'Office des Nations Unies à Genève, nous avons par exemple créé en 1995, et selon une philosophie similaire à celle appliquée pour les produits sur les Droits de l'homme, différentes éditions destinées à célébrer le 50eanniversaire des Nations Unies.

    Le disque compact audio intitulé Les Nations Unies et la Genève internationale : Du Palais Wilson au Palais des Nations a été établi sur la base des archives sonores des phonothèques de la radio Suisse Romande. Nous avons pu sélectionner parmi les nombreux enregistrements de cette époque conservés sur disques ou bandes magnétiques, des voix qui ont marqué leur temps, fait surgir des interrogations, posé les grandes questions de la coopération internationale, participé aux grandes conférences qui ont habité Genève et en ont fait une ville d'accueil pour la résolution des grands conflits internationaux.

    Le disque compact que nous avons réalisé à l'occasion du 50eanniversaire de l'ONU embrasse toute la période qui va du discours d'Albert Thomas en 1919 sur la création de la Société des Nations jus-qu'à des réflexions plus contemporaines sur le rôle des Nations Unies aujourd'hui. S'agissant de la SDN, on y entend par exemple les déclarations d'Aristide Briand, de Nicolas Titulescu, d'Adrianus Pelt ponctuées par les évocations de Marcel Sués sur la dernière assemblée de la Société des Nations ou par les analyses d'Antoine Fleury. Pour l'ONU, et par-delà l'allocution de son premier secrétaire général, M. Trygve Lie, sur l'espoir lié au travail que les Nations peuvent réaliser ensemble on y découvre ou on se souvient de la genèse de la Charte des Nations Unies lue par le grand acteur américain Edward G. Robinson, de la structure de l'ONU, des bilans politiques, économiques et sociaux, des actualités qui en ont ponctué son déroulement et son action. Enfin, les Nations Unies ne pouvant être ce qu'elles sont sans l'action des autres agences spécialisées, on y montre les figures et témoignages révélant ce que furent à leur début le Bureau international du Travail, le Haut Commissariat aux réfugiés ou la Commission économique pour l'Europe. On peut entendre dans ce CD-audio vingt-huit personnalités s'exprimer à des titres divers sur l'importance de l'action internationale, ses interrogations et ses espoirs, sa vie et son histoire.

    David Hiler, historien et collaborateur à la Tribune de Genève, dans le livre qui accompagne et complète le disque, situe en outre les évocations sonores dans leur époque. Cinq thèmes sont développés dans le livret d'accompagnement : la Société des Nations, l'Invention de l'ONU, l'ONU à l'épreuve de la guerre froide, la Décolonisation transforme l'ONU, Crise et nouveaux espoirs.

    Le film vidéo intitulé Il était une fois les Nations Unies: 50 ans vers la paix est né d'une réflexion conjointe entre l'Office des Nations Unies à Genève et la Télévision Suisse Romande (TSR). Ce film montre quel fut le déroulement des activités de l'ONU pendant ces 50 ans et en quoi l'Organisation a pu être utile dans la résolution des conflits internationaux. Établi sur la base des archives sur films ou vidéos collectées tant à la TSR qu'au sSiège de l'ONU à New York ou dans différentes agences spécialisées, ce film prend appui sur l'histoire internationale pour révéler le présent. Mieux, il utilise les images du présent pour interpréter l'histoire événementielle.

    Le scénario de ce film établi par Catherine Charbon, journaliste/réalisatrice à la TSR, prend pour point de départ les images d'une Europe ravagée par deux conflits amenant la décision des alliés de créer une alliance pour la paix universelle La signature de la « Charte des Nations Unies à San Francisco le 26 juin 1945 détermine un cheminement long et complexe. L'ONU aura pour mission de gérer des situations difficiles qui, de la partition de la Palestine en 1947 à la chute du mur de Berlin en 1989, l'amèneront à affronter entre autres le Blocus de Berlin en 1948, la guerre de Corée en 1950, la crise de Suez en 1956, la guerre entre l'Iran et l'Irak en 1982. La présence des premiers casques bleus sur le canal de Suez déterminera une politique nouvelle d'intervention de l'ONU qui fera des missions du maintien de la paix, de Somalie en Angola, du Cambodge en ex-Yougoslavie, de la Palestine au Rwanda, une étape déterminante de l'action des Nations Unies dans le monde. À quoi l'ONU a-telle servi pendant cette période sinon à faciliter la résolution des conflits internationaux, à être le lieu privilégié des conférences et des débats ? Elle aura permis d'accompagner la décolonisation et le développement, d'éradiquer les grandes épidémies, de donner un cadre de travail aux hommes, d'éduquer et d'alphabétiser les peuples, de considérer l'alimentation et la nutrition comme un droit fondamental de l'Homme, d'assister les réfugiés mettant en évidence le concept nouveau de l'humanitaire. Des Droits de l'homme aux droits humanitaires, telle est la nouvelle conception d'une action de l'ONU sur le terrain. Ce parcours historique immédiat est ponctué par des interventions d'Emmanuelle Laborit et des césures d'enchaînement inspirées à partir de l'Arbre de paix créé par Roger Pfund pour une autre manifestation genevoise commémorant également le 50eanniversaire des Nations Unies : Forum des peuples pour la paix.

    Parallèlement, la rédaction du Journal de Genève et Gazette de Lausanne a élaboré un livret qui accompagne la vidéocassette et prend place dans un coffret commun. Mettant en valeur l'aspect genevois pour le replacer ensuite dans le contexte du Système des Nations Unies, il traite des grandes questions politiques et de l'avenir de l'ONU. Quatre analyses sont ainsi présentées : les idées, les hommes, les lieux et les événements. Aux idées qui ont fait et font l'ONU, de mettre notamment en valeur les apports proprement européens de la sécurité collective. S'agissant des hommes, on évoque les secrétaires généraux de l'Organisation, illustrant les convenances du langage diplomatique et ses conventions. Genève, lieu historiquement symbolique de l'ONU induit toute une vie, une culture et une présence architecturale et technique particulières. Les événements clés montrent une infographie spécifique, véritable carte raisonnée des conflits actuels.

    On concevra dès lors que ces deux produits complémentaires éclairent d'un jour nouveau la problématique de l'histoire internationale et en révèle les faces oubliées ou méconnues. Prenant pour prétexte l'immensité et la richesse des archives sonores et audiovisuelles, elle entend en tirer des expressions inédites et originales. C'est pourquoi, ces produits sont des éditions nouvelles réalisées à Genève par la Bibliothèque des Nations Unies, la Phonothèque de la Radio Suisse Romande, le Service de la documentation et des archives de la télévision Suisse Romande et les rédactions de la Tribune de Genève et du Journal de Genève et Gazette de Lausanne.

    À ces deux produits spécifiques s'adjoindra à la fin de la présente année un CD-ROM/CDI réalisé par la Société Archime-dia en collaboration avec l'Institut universitaire de hautes études internationales de Genève intitulé « Les Nations Unies : un rêve en devenir ». Le scénario de ce disque a été conçu autour des grands thèmes suivants : histoire, structure, réalisations, avenir de l'ONU, depuis la guerre froide jusqu'aux réformes proposées par les organisations non gouvernementales.

    Ce sont ainsi trois produits qui sont réalisés ou pour le dernier en cours de réalisation et qui constituent ce que nous avons appelé de manière générique « L'histoire immédiate des Nations Unies ». Nous convions ainsi non seulement nos usagers, mais aussi le grand public, à une lecture différente de l'histoire immédiate grâce à l'association de compétences variées et complémentaires qui de l'archiviste au journaliste, du bibliothécaire au réalisateur, de l'historien au photothécaire, définissent une méthodologie archivistique active interprétant le temps qui passe, le situant dans une problématique et une analyse actuelles.

    Ce faisant, nous entendons mettre en valeur la richesse des fonds de l'Institution, des archives internationales des organes qui l'ont précédée et de celles des médias genevois, véritables partenaires et coproducteurs de ces éditions multimédia.

    Cette approche moderne de l'histoire contemporaine correspond à la démarche récente des lieux de détention de l'information (archives, bibliothèques, phonothèques, filmothèques et vidéothèques) qui vont désormais au devant du public et ne se contentent plus de répondre aux seuls besoins qu'il exprime. Ils donnent ainsi des sources et des fonds archivés une lecture médiatique, généralement issue de l'électronique, offrant par là même une approche documentaire de l'Histoire.

    Conclusion

    Si la relation bibliothécaire usager a dans le réseau des bibliothèques internationales une évidente originalité, elle suit également l'évolution générale de l'électronique et du numérique. À côté des bibliothèques commencent à naître des cafés d'un genre nouveau : des Internet Café, Global Café ou Cybercafé. Deux ont été ouverts début septembre à Genève, trois autres sont prévus à Paris, Londres et Turin. Au Sport Palace de Genève, on peut accéder à la quinzaine de micro-ordinateurs disponibles pour 16 francs suisses de l'heure ; la société MAB Bureautique assurant la maintenance et le suivi technique dudit lieu.

    Ces initiatives publiques rejoignent il est vrai les réflexions de Nicholas Negroponte dans son livre L'Homme numérique publié en 1995 chez Robert Laffont, qui nous introduit à l'ère de la postinformation où l'information est extrêmement personnalisée. « La véritable personnalisation est à notre portée... l'information à la demande va dominer la vie numérique. Nous allons demander explicitement et implicitement ce que nous voulons, quand nous le voulons.

    Avec l'évolution publique de ces nouvelles technologies, dont la moindre n'est pas l'annonce de l'ouverture le 24 août dernier du nouveau système d'exploitation de Microsoft Windows 95 qui donne accès à un service d'information et à Internet, le rôle des bibliothèques est en train de changer singulièrement de sens. Finalement, les bibliothèques ne seront sauvées que si nos bibliothécaires de référence savent écouter cette personnalisation ou individualisation des usages, si les bibliothèques savent devenir des "cafés accueillants et ouverts à toutes les formes de la vie individuelle. Cette attitude va exiger de notre part une nouvelle révolution culturelle marquée par un dynamisme transcendant les normes et les barrières que nous avons l'habitude de nous dresser à nous-mêmes. Curieusement, après avoir vécu en 1968 l'avènement d'un homme planétaire puis unidimensionnel dominé par la personnalité de Marcuse, nous sommes entrés en 1995 dans l'ère de l'homme symbiotique puis numérique défini par Negroponte ; ce qui nous ramène à ce bon vieux McLuhan et à son village global. Ces nouveaux disciples canadiens tels Derrick De Kerckhove, directeur du « McLuhan Programm », nous invitent maintenant à repenser l'ère McLuhan à la lumière de la société de l'information.

    De la bibliothèque au « café de l'unidimensionnel au numérique, tel est semble-t-il notre nouveau paysage informatif et nos nouvelles références, une autre réflexion pour les prochaines années sur nos missions et notre rôle au sein d'une société éclatée, personnalisée, voire de plus en plus individualiste.