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La british Library et les services destinés aux bibliothèques

1996
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    La British Library et les services destinés aux bibliothèques

    Par Brian Lang, Directeur British Library

    (1) Je voudrais d'abord vous dire combien je suis content d'être ici. C'est un grand privilège d'être invité à faire une présentation à cette conférence et je tiens à remercier mes collègues de la Bibliothèque nationale de France, particulièrement mes amis Jean Favier et Phi-lippe Bélaval qui m'ont fait venir. Je suis heureux également de parler aux Congrès de l'Association des bibliothécaires français. Je sais que, tout comme l'Association des bibliothécaires britanniques, l'ABF attache beaucoup d'importance à la qualité professionnelle des services de bibliothèques. Ceci est une très bonne chose, à une époque où le rôle des bibliothécaires devient de plus en plus difficile mais aussi de plus en plus reconnu.

    Aujourd'hui, nos deux gouvernements apprécient mieux que par le passé, le rôle des bibliothèques dans l'infrastructure nationale. On reconnaît de plus en plus l'importance des bibliothèques et des bibliothécaires dans le développement de l'économie nationale, l'amélioration de l'enseignement et l'enrichissement culturel. Le bâtiment dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui est une preuve de l'importance que le gouvernement français attache aux bibliothèques. Ce magnifique nouveau bâtiment est pour la France une reconnaissance de l'apport des bibliothèques mais aussi de la fierté du pays pour ses bibliothèques. L'investissement massif dans ce bâtiment confirme aux bibliothécaires français que le gouvernement veut développer les bibliothèques.

    Comme vous le savez sans doute, nous au Royaume-Uni, nous construisons également une bibliothèque nationale. Notre nouveau bâtiment à Saint-Pancras n'est pas aussi grand que celui de Tolbiac, mais, quand il ouvrira, il sera le symbole du rôle mondial que la Grande-Bretagne doit jouer en littérature, science, technologie et arts. Je reconnais que notre projet a suscité des controverses. Son architecture a fait l'objet de critiques mais, maintenant que le bâtiment est presque achevé, il commence à recevoir des louanges de la part de critiques sérieux spécialisés en architecture. La construction du bâtiment a été considérablement retardée - nous aurions dû ouvrir il y a trois ans - et a coûté plus que ce qui était prévu. Mais quand le bâtiment ouvrira vers la fin de l'année prochaine, je suis sûr que ses utilisateurs apprécieront l'amélioration des services permise par les locaux, les meilleures conditions de conservation pour les collections anciennes, et tout simplement son plus grand confort.

    Ce n'est pas une coïncidence si plusieurs bibliothèques nationales sont actuellement en construction, ou viennent d'être achevées, dans de nombreux pays du monde. L'Allemagne construit un nouveau bâtiment pour sa bibliothèque nationale à Francfort, les Danois construisent à Copenhague, les Japonais construisent un grand bâtiment à Kansai. Non seulement parce que tous ces pays ont d'importantes collections anciennes mais aussi parce qu'ils reconnaissent que les nouveaux services fournis par la bibliothèque exigent des locaux adaptés.

    Il peut paraître paradoxal que ces bâtiments soient construits à une époque où on nous dit que la révolution numérique de l'information rendra les bâtiments inutiles. On nous dit, d'une part que le livre est mort, d'autre part que l'information est transportée numériquement et que, par conséquent, les bibliothèques traditionnelles et les bâtiments sont inutiles. Or, vous savez que le livre n'est absolument pas mort, les publications traditionnelles imprimées sur papier s'accroissent chaque année. La nouvelle technologie n'a nullement remplacé la technologie qui nous a bien servi pendant plusieurs siècles. Des salles de lecture dans laquelle des lecteurs ont un accès direct aux sources primaires resteront nécessaires. Une étude effectuée récemment en Grande-Bretagne a montré que 86 % des demandes de publications dans les sciences humaines concernaient des documents parus depuis plus de huit ans.

    Que signifie alors la révolution numérique pour la bibliothèque traditionnelle ? Il semble bien que les services électroniques vont accroître la demande des salles de lecture traditionnelles. Une bibliothèque qui rend son catalogue accessible en ligne fait de toute façon une bien meilleure publicité pour ses collections auprès de ses lecteurs présents ou potentiels. Il est sans doute vrai que certains lecteurs qui n'utilisent la bibliothèque que pour son catalogue à des fins de recherches bibliographiques n'ont plus besoin de venir à la bibliothèque, mais beaucoup d'autres lecteurs viendront pour ce qu'ils ont vu annoncé dans Inter-net.

    De plus, les services électroniques permettent des recherches autrement plus efficaces. Les lecteurs peuvent non seulement chercher plus rapidement et commander plus de documents, mais aussi identifier de nouveaux documents susceptibles de les intéresser et les demander dans les salles de lecture. Je pourrais continuer, mais à la British Library nous nous préparons à avoir plus de demandes dans nos salles de lecture.

    Si vous le permettez, je voudrais faire une dernière remarque sur les projets de construction français et anglais. Je trouve remarquable et, je dois dire, bienvenu, que pendant que nos deux bâtiments se construisaient, il n'y a pas eu la moindre rivalité entre mes collègues britanniques et français sur le style des bâtiments ou, ce qui est peut-être encore plus remarquable, sur qui ouvrira le premier. Il n'y a jamais eu la moindre suggestion d'une compétition pour savoir qui arriverait le premier. Je vous dis tout de suite que je ne fais pas cette remarque parce qu'il est clair depuis quelque temps que Tolbiac ouvrira avant Saint-Pancras. Au contraire, je fais référence avec grand plaisir aux relations chaleureuses qui existent entre le personnel de la British Library et celui de la Bibliothèque nationale de France. Cela fait plusieurs années maintenant que nous nous rendons mutuellement visite, échangeant des informations et partageant des conseils. J'espère que l'assemblée ici réunie verra dans ces échanges une preuve du haut niveau de qualité professionnelle existant entre les bibliothécaires britanniques et français.

    La British Library et la Bibliothèque nationale ont collaboré à un grand nombre de projets spécifiques. En 1988, nous avons sorti un CD-ROM pilote en commun qui a par la suite été suivi de la publication de nos bibliographies nationales sur CDROM utilisant le même logiciel. Nous avons également collaboré au projet appelé CD-BIB qui avait pour but de développer des normes communes pour les bibliographies nationales sur CD-ROM. La Bibliothèque nationale est actuellement responsable du projet sur les « Auteurs avec la British Library et d'autres participants. Il s'agit du programme COBRA, subventionné par la commission européenne. Le dernier projet en date qui réunit la Bibliothèque nationale de France et la British Library est BIBLINK, commencé en avril dernier. BIBLINK va améliorer le développement des services bibliographiques nationaux en établissant des normes communes pour la transmission de données entre les éditeurs de documents électroniques et les bibliographies nationales. Je pense que ce projet commun va nous aider à définir, à contrôler et à mettre en valeur la masse de documents actuellement publiés sous forme électronique.

    Parmi les services coopératifs, un des projets les plus significatifs a été celui connu sous le nom d'EDIL qui avait pour but d'améliorer la fourniture de documents électroniques. Dans ce projet étaient impliqués pas moins de trois partenaires français : l'INIST, le ministère de l'Enseignement supérieur et France-Télécom.

    Cette année, nous collaborons au projet sur l'Afrique, faisant partie de la Biblioteca Universalis à l'initiative du G7. Ce projet, dirigé par la Bibliothèque nationale de France, a rassemblé dans un contexte numérique unique les documents concernant l'Afrique provenant des collections de sept bibliothèques nationales participantes. Chaque partenaire produit des exemples de textes, d'images et de sons sous forme numérique à partir de leurs collections africaines. En travaillant ensemble, les bibliothèques nationales ont créé une collection virtuelle des ressources dans ce domaine.

    En ce qui concerne les services de la British Library utilisés par la France, le plus important est la fourniture de documents. Hormis les Britanniques, la France est le client le plus important de la British Library. Elle a été notre client numéro un pour la fourniture des documents durant les cinq dernières années. L'année dernière, presque cent onze mille demandes ont été envoyées de France et le chiffre s'accroît régulièrement. Je m'attends à ce que la demande française augmente encore, en particulier avec le développement de nouveaux services d'information bibliographique de la British Library, notamment ceux qui permettent de mettre à jour et d'informer les utilisateurs et qui sont spécialement liés à la fourniture du document. Ce nouveau produit très innovant s'appelle INSIDE. Il est disponible actuellement sur CD-ROM et va l'être sous peu en ligne et sur le WEB. INSIDE Science plus et INSIDE Social Science and Humanities plus sont deux CD-ROM contenant une base de données interrogeable. Le service de veille documentaire est totalement intégré avec la commande et la fourniture du document, et la gestion locale des demandes incluant la fourniture du document en deux heures, droit d'auteur payé, à partir de notre Centre de fourniture de documents du Yorkshire.

    Maintenant les utilisateurs peuvent aussi accéder à la richesse de l'information bibliographique de BLAISE, notre catalogue informatisé, grâce à une interface WEB qui n'exige aucune connaissance ou formation préalables ; il peut être ainsi utilisé par des utilisateurs de base aussi bien que par des bibliothécaires et autres professionnels de l'information.

    Je voudrais insister sur les relations de travail entre la British Library et le British Council qui a toujours été, pour nous, un agent extrêmement productif. Le bureau du British Council à Paris a particulièrement bien réussi à mettre les ressources de la British Library à la disposition des utilisateurs français. Cela est dû en grande partie au professionnalisme des bibliothécaires, à leur connaissance des bibliothèques françaises et à leur capacité à traduire les demandes (parfois floues) exprimées par les utilisateurs en identification précise et fourniture de ce dont ils ont réellement besoin.

    Je pense que nous pouvons faire beaucoup plus. Ceci parce que les bibliothèques ne peuvent fournir une gamme complète de services à leurs utilisateurs qu'en coopérant entre elles. Nous pouvons coopérer dans la fourniture mutuelle d'information bibliographique grâce aux catalogues en ligne, grâce à des mécanismes de recherche mutuellement accessibles et différents types de fourniture de documents mais nos utilisateurs ne pourront profiter pleinement des ressources des bibliothèques, notre potentiel ne pourra être réalisé pleinement tant que nous n'atteindrons pas une relation plus constructive avec les éditeurs et autres détenteurs de droits.

    Un des défis rencontré par une bibliothèque nationale est non seulement l'acquisition de matériel sous forme électronique, mais l'organisation de l'accès à ces documents ainsi qu'aux documents imprimés ayant été numérisés. Les détenteurs de droits cherchent naturellement à s'assurer que ces documents déposés (et ceci quelle que soit la notion de dépôt sous forme électronique) ne seront pas utilisés d'une façon qui compromette leur investissement financier ou la reconnaissance de l'auteur en tant que créateur. Pour essayer d'améliorer cette situation, la British Library a lancé un grand projet de recherche appelé CITED (Copyright in Transmitted Electronic Documents - droit d'auteur sur la communication des documents électroniques). Ce projet a été financé par la commission européenne et ses objectifs sont de définir un modèle pour assurer l'accès, la surveillance, la protection, les modifications textuelles et le paiement des droits. Des sociétés françaises ont joué un grand rôle dans ce développement et les partenaires comprennent la Sagem, spécialiste de la sécurité informatique, Télésystème et la grande société informatique Bull.

    Ce type de modèle est utile jusqu'à un certain point et n'a pas besoin d'être traduit dans la réalité. Ici aussi, les collègues anglais et français ont coopéré dans la construction d'un modèle de démonstration grandeur nature qui montre que certains aspects du modèle CITED fonctionnent réellement. Cela s'est fait dans un projet d'éducation à distance appelé COPICAT (Copyright Ownership Protection in Computer Training - protection du droit d'auteur dans l'apprentissage de l'informatique). Pour ce projet, la British Library a travaillé avec Euritis basé à Mar-seille et à Nanterre. CITED a si bien réussi que la commission européenne a financé un grand projet appelé COPEARMS afin de vérifier si le modèle CITED peut être utilisé dans toute l'Europe. Cela devrait avoir une grande importance non seulement pour les bibliothèques nationales mais pour toutes les bibliothèques car celles-ci vont pouvoir permettre l'accès du public à un grand volume de documents électroniques qui risqueraient d'être bloqués par des contraintes contractuelles et financières. Encore une fois, la British Library développe ce" projet avec Euritis et avec le Centre d'études et de recherches de Toulouse qui a jus-qu'ici travaillé principalement sur des applications militaires et aérospatiales.

    Je parle de ces projets, alors que j'ai décrit les relations entre les collègues bibliothécaires français et britanniques, car la diversité des différents partenaires qui y sont impliqués montre que des institutions autres que des bibliothèques bénéficieront de leurs résultats positifs.

    Ce ne sont que quelques projets concernant les bibliothèques et le monde de l'information auxquels la British Library et les Français ont collaboré. Un grand nombre de bibliothèques et leurs utilisateurs dans les deux pays et à travers le monde vont en bénéficier. Aujourd'hui, l'accent est mis sur la coopération entre les bibliothèques, conséquence logique des nouvelles technologies et des tendances naturelles des bibliothèques qui collaborent afin de mieux servir leurs utilisateurs.

    Souhaitons longue vie à cette tendance. Souhaitons longue vie à la collaboration entre nos deux bibliothèques nationales. J'espère que la British Library continuera, pendant longtemps encore, à fournir de nombreux services aux bibliothèques de France et à leurs utilisateurs français.

    1. Texte traduit par Mireille Chauveinc, BNF. retour au texte