Avant devous décrire quelques-uns des projets coopératifs d'ARLIS/ UK & Ireland, c'est-à-dire la Société des bibliothèques d'art du Royaume-Uni et d'Irlande, je voudrais vous expliquer un peu l'histoire et la structure actuelle de notre association.
ARLIS/UK & Ireland a été établi en 1969 après la publication, dans le Library Association Record (1) , d'une lettre de Trevor Fawcett, bibliothécaire spécialisé en art à l'université d'East Anglia. Il se demandait si d'autres bibliothécaires d'art partageaient sa conviction qu'avec la coopération et la possibilité de discuter ensemble des problèmes communs du métier, on pourrait améliorer ces mêmes problèmes. Comment faire face à la cherté des livres d'art, aux variabilités de qualité, à la proportion importante de livres épuisés, au manque de têtes de collection de tant de périodiques qui se rapportent à notre sujet, aux problèmes pas seulement avec le mot imprimé mais aussi avec l'image ? Trente-sept bibliothécaires, venant pour la plupart de Londres et de ses environs, mais aussi de province, se sont réunis en avril 1969 à la Central School of Art and Design à Londres. Ainsi naquit ARLIS/UK & Ireland.
ARLIS est une association indépendante qui est différente de la vôtre parce qu'elle existe hors de l'association des bibliothèques du Royaume-Uni, bien qu'elle lui soit associée. Nous n'avons donc qu'une subvention de 150 livres sterling par an de cette association, mais nous sommes indépendants ! Parce que nous n'avons ni secrétariat ni autre aide administrative du dehors nous employons un administrateur à mi-temps et la plupart des activités de la société sont exécutées par les membres à titre bénévole.
Maintenant, après 27 ans, ARLIS compte 434 membres, soit 224 particuliers qui s'intéressent aux bibliothèques d'art et qui viennent du Royaume-Uni et d'outre-mer et 210 institutions qui s'occupent d'enseignement, d'édition, de recherche, etc. dans les domaines de l'art, de l'architecture, du design et de la création artistique en général. Ce chiffre représente en fait un nombre plus important de personnes. En plus, il y a 261 institutions abonnées à notre périodique international, Art Libraries Journal (2) .
Il y a eu, pendant ces 27 ans, beaucoup de projets de coopération, fruit du travail de divers comités permanents et de groupes temporaires. Ces groupes temporaires ont été constitués pour exécuter des tâches spécifiques telles que l'étude des collections de diapositives, ou la préparation et la rédaction de l'Art Library Manual (3) , publié en 1977 ; les comités ont été établis pour faire marcher les affaires de la société.
En 1972 ARLIS a établi un comité pour l'éducation, qui depuis organise chaque année un programme de cours et de visites sur des sujets intéressant les personnels des bibliothèques d'art. Celui-ci se déroule de septembre à juillet, et se clôt avec l'événement le plus important de l'année, le congrès annuel. Comme le vôtre, notre congrès se tient chaque année dans une ville différente afin d'impliquer des publics variés au niveau national. Les congrès traitent de thèmes divers, comme par exemple les périodiques d'art, l'histoire du design, l'éducation des lecteurs, la formation des bibliothécaires spécialisés en art. Le dernier congrès a eu lieu au moment où les écoles de bibliothéconomie dans le Royaume-Uni ont commencé à abandonner la formation des bibliothécaires-spécialistes. D'autres congrès ont abordé les problèmes d'acquisitions, les nouvelles technologies, la gestion des images visuelles et virtuelles. Dès le congrès de 1992 à Oxford, qui était en même temps la quatrième réunion européenne de la section des bibliothèques d'art de l'IFLA, nous avons créé chaque année un groupe de travail coopératif. Ce groupe est chargé de veiller aux préparatifs de ces congrès, en vue de partager l'immense travail d'organisation qu'entraîne une réunion, même si elle ne rassemble que cinquante personnes, sans parler de la centaine de délégués.
L'année 1980 a vu l'établissement de deux autres comités permanents d'ARLIS, dont l'objectif était d'encourager la coopération entre bibliothèques d'art dans le Royaume-Uni et en Irlande. Il s'agit d'un comité pour le catalogage et la classification, et d'un comité pour les ressources visuelles. Le premier a réalisé en 1988 un code pour les catalogueurs de livres d'artistes et, deux ans plus tard, pour ceux qui cataloguent les catalogues d'exposition. Ce comité a un rôle consultatif car il faut influencer l'uniformisation du catalogage et de la classification du point de vue de la bibliothéconomie d'art. Il est en contact avec entre autres les conseils d'administration de Dewey et d'autres comités importants. C'est un comité dans lequel siègent des représentants des principales bibliothèques ayant un intérêt pour l'art - la National Art Library, la Tate Gallery, la British Library - et aussi des représentants de plusieurs bibliothèques d'art plus petites.
Le Visual Resources Committee, c'est-à-dire le comité pour les ressources visuelles, fondé aussi en 1980, compte principalement des conservateurs de diapositives, mais aussi des conservateurs de films et ceux qui s'intéressent aux nouvelles technologies. En 1988 le comité s'est chargé de mettre les collections de diapositives du Royaume-Uni à l'étude et, avec une subvention de la British Library, a publié un rapport important sur cette recherche et aussi un répertoire exhaustif des collections. Actuellement ce comité travaille, encore sur une base coopérative, sur le droit d'auteur, surtout dans le domaine de l'image. Il a aussi commencé une série estimable de cours - sur le film, sur Internet, sur l'image numérique et sur les ressources visuelles pour l'étude du design. Après cette dernière réunion le comité a publié un répertoire utile de fournisseurs (4) .
Mais c'est peut-être le comité pour la coordination des ressources des bibliothèques d'art au Royaume-Uni et en Irlande, le National Coordination Committee, établi en 1978, qui a eu le rôle le plus important pour la coopération d'ARLIS. Au début il a dégagé un programme de projets coopératifs souhaitables : y compris un répertoire de bibliothèques d'art et un catalogue collectif de périodiques d'art, d'architecture, de design et de la création artistique en général. On a même envisagé un catalogue collectif de catalogues d'expositions d'art. En 1978 cette dernière idée a été considérée comme un projet perdu d'avance ; néanmoins en 1987 ARLIS a changé complètement d'avis. Lors d'une étude effectuée par ce comité en 1985 on a découvert que la bibliographie nationale (BNB) de cette année-là ne contenait qu'un tiers d'une sélection de 166 catalogues importants publiés en Grande-Bretagne. Un tiers de 166 ! - pendant la même année la bibliothèque de la Tate Gallery en a enregistré 2 000.
En 1987, après cette découverte inquiétante, le comité a proposé à la British Library un projet pour étudier une méthode afin d'améliorer cette situation. Il était évident que pendant que la Bibliothèque nationale continuerait de rassembler les catalogues les plus importants elle ne pourrait pas se consacrer aux publications les plus éphémères, qui fournissent tant de richesses aux chercheurs dans le domaine de l'art. Par conséquent la British Library a versé une subvention à ARLIS pour mener un programme de recherche sur la faisabilité de l'établissement d'un réseau de bénévoles qui réuniraient les catalogues des expositions d'art, ou au moins qui rassembleraient des informations sur l'existence de ces publications (5) . Or, entre septembre 1988 et la fin de l'année suivante, un réseau de personnels bénévoles travaillant dans des bibliothèques d'art dans tout le pays a cherché et catalogué des informations. (Nous définissions un catalogue d'art comme une publication contenant une liste des oeuvres d'art exposées à l'occasion d'expositions temporaires). Et ils ont même dans la plupart des cas récolté et les catalogues et les informations bibliographiques dans les différentes régions.
L'information a été transmise à la documentaliste chargée du projet et qui a créé alors une importante base de données. Les « collectionneurs bénévoles ont été formidables, et même les galeries et les musées qui produisaient ces catalogues nous ont surpris par le degré d'intérêt qu'ils ont témoigné. Mais dès le commencement du projet il y a eu des « trous dans le réseau, et il est devenu de plus en plus difficile de soutenir l'effort coopératif. Après quinze mois d'expérience nous avons été contraints de constater qu'un tel réseau ne pourrait pas se maintenir sans qu'une subvention permanente ne soit accordé qui permettrait de payer un coordinateur chargé de la collecte des informations.
On aurait pu en rester là. Malgré l'échec de cette tentative, un résultat inattendu a découlé de ces mêmes recherches d'ARLIS. La discussion sur les catalogues d'exposition, la création de la base de données, ainsi que la découverte de tant de catalogues importants, jusque-là négligés, toutes ces considérations ont permis de prendre conscience de l'importance des catalogues d'art tant à la National Art Library du Royaume-Uni qu'à la British Library elle-même. En effet, la National Art Library est la collection la plus importante en Grande-Bretagne pour la documentation de l'art et du design ; elle existe au sein du Victoria & Albert Museum à Londres.
En 1985 un groupe de travail composé du personnel des deux bibliothèques s'est interrogé sur la possibilité d'améliorer l'acquisition et le catalogage des catalogues d'expositions d'art. Il est apparu que la British Library n'attribue qu'une notice à toute une série de catalogues d'exposition plus petits, c'est-à-dire de moins de 32 feuilles. Il n'est donc pas possible d'accéder à ces publications que sous le nom du musée ou de la galerie qui les publient. En d'autres termes ni le nom de l'artiste, ni les lieux successifs où les manifestations se sont tenues, ni malheureusement le thème de l'exposition ne donnent accès à ces publications. À la National Art Library, par contre, il y a maintenant une estimation importante de la valeur de tous les catalogues d'exposition d'art pour les chercheurs, et les informations sont enregistrées avec toutes les entrées possibles.
Les deux bibliothèques ont discuté d'un plan vraiment nouveau. Dans un premier temps la British Library a déposé les catalogues les plus petits, qu'elle reçoit en dépôt légal, à la National Art Library pendant une période d'essai de cinq ans. Ensuite la National Art Library les catalogue avec ses méthodes très détaillées et finalement elle verse ces données dans la nouvelle National Bibliographie Database, qui ouvrira, on l'espère, dans un proche avenir. Il n'est pas prévu de publier ces données dans la bibliographie nationale pour le moment à cause de la différence des standards de catalogage (à la National Art Library, par exemple, on utilise US Marc - à la British Library c'est naturellement UK Marc !). Mais les notices vont être disponibles, sur une option, sur l'OPAC de la British Library. Et on envisage aussi une étude de marché autour de la publication d'un supplément qui recenserait les catalogues d'art, et qui ressemblerait au catalogue collectif qu'ARLIS avait inclu, sur sa liste de projets coopératifs souhaitables, il y a presque vingt ans, et qu'il avait alors, en fin de compte, abandonné.
Après 12 mois de discussions et de difficultés, les conseils d'administration du Victoria & Albert et de la British Library ont donné leur accord. S'il nous faut garder les catalogues appartenant à la British Library comme une collection distincte, et leur donner des conditions de consultation dans nos salles de lecture, nous attendons actuellement le commencement du projet.
C'est un petit pas pour la bibliothéconomie d'art, mais c'est un pas pour nous tout de même! Une telle coopération entre la communauté des bibliothécaires d'art et ceux de la British Library aurait été impossible il y a dix ans ; c'est possible aujourd'hui seulement parce qu'on a réalisé à la Bibliothèque nationale qu'il n'est pas possible de tout faire et de tout collectionner. Il vaut mieux partager le travail avec des collègues dont on peut utiliser la spécialisation et la motivation, ce qui manque dans une bibliothèque plus générale.
Maintenant, je voudrais vous décrire encore un projet du National Coordination Committee, qui a commencé il y a 20 ans. En 1977 ARLIS a publié un catalogue collectif de périodiques d'art, d'architecture et de design. Cette édition était bien petite, et elle avait été faite par un bibliothécaire d'art de Hull au nord de l'Angleterre qui a demandé à ses collègues à travers le pays des informations sur les périodiques dans leurs bibliothèques respectives. La troisième édition est parue en 1984 avec 6 500 titres (6) . Dès lors, il était évident que la quatrième édition serait un projet pour lequel il faudrait chercher une autre méthode de réalisation. Cette fois ARLIS a contacté la National Art Library au Victoria & Albert Museum, qui était en train d'installer dans son catalogue le module de séries. Le conservateur principal de cette bibliothèque a consenti à ce que le catalogue collectif soit mis au point dans sa bibliothèque, en utilisant comme base les données déjà enregistrées avec tous leurs détails bibliographiques. Cette décision nous a permis d'avoir accès aux informations sur les 1 700 titres reçus actuellement dans la National Art Library, et aussi aux 6300 titres morts. C'était déjà un grand progrès, parce que les éditions précédentes du catalogue collectif souffraient du manque de descriptions bibliographiques, qui sont tellement nécessaires dans une oeuvre de cette ampleur. Après avoir entré toutes les informations sur les périodiques de la National Art Library, on a sollicité des listes de périodiques des autres grandes bibliothèques d'art à Londres - la British Architectural Library, la bibliothèque de la Tate Gallery, et celle du British Film Institute. Notre idée était de créer dans la mesure du possible une base de données exhaustive à laquelle on puisse ajouter des informations provenant des bibliothèques régionales, sans avoir besoin de chercher beaucoup de précisions bibliographiques en plus.
Nous venons de terminer l'entrée dans la base des notices des périodiques de la British Architectural Library, et on attend celles du British Film Institute. La bibliothèque de la Tate Gallery n'a aucune liste complète de ses périodiques mais elle nous donnera ultérieurement des informations, avec leurs détails bibliographiques, sur les titres dont elle possède seule une souscription au Royaume-Uni. Nous avons demandé dans le bulletin bimensuel d'ARLIS, l'ARLIS News-sheet (7) , les contributions des bibliothèques régionales, et nous avons ajouté aussi beaucoup de données provenant surtout des nouvelles universités. Et les listes continuent d'arriver.
Le catalogue automatisé de la National Art Library, qui est maintenant disponible sur Internet (http://www.nal.vam.ac.uk/), inclut ce catalogue collectif, dont ARLIS publiera aussi une édition papier ou sur microfiche. Dans ce projet coopératif ARLIS fournit et les données communiquées par ses membres, et une subvention pour l'entrée en ligne ; la National Art Library offre son expertise et fournira le rédacteur de la quatrième édition, qui viendra de son équipe. Il a fallu aussi passer entre ARLIS et le musée un contrat qui n'est pas encore signé, mais qui précise les responsabilités des deux institutions.
La politique d'ARLIS est de s'assurer que chaque périodique est répertorié et que chaque périodique est disponible dans le pays. Après publication du catalogue collectif, le National Coordination Committee a encore maints projets importants à achever. Il faut examiner le dépouillement des périodiques d'art dans les principales bibliographies spécialisées : ArtLndex, Art Bibliographies Modern, Bibliographie d'histoire de l'art, Design & Applied Arts Index, Architectural Publications Index, etc. Il faut leur signaler les titres qui manquent, et les encourager à les ajouter à leurs listes. Il faut convaincre la National Art Library et la British Library de la nécessité de souscrire aux titres qui ne sont dans aucune bibliothèque. Il faut aussi produire des listes de titres possédés par une seule bibliothèque, prévenir ces mêmes bibliothèques du danger d'annulation ou de la mise au rebut de ces titres, et les persuader de les déposer dans les bibliothèques nationales au lieu de les jeter. C'est facile d'avertir les autres bibliothécaires d'art de la disponibilité de ces titres par une annonce dans X ARLIS News-sheet. Il est par ailleurs nécessaire d'identifier les périodiques rares ou épuisés et d'encourager la publication de substituts, en fac-similés ou sur des supports alternatifs de substitution, pour préserver les originaux et augmenter l'accès aux publications.
Voilà deux projets coopératifs d'ARLIS qui se sont avérés un succès formidable. Malheureusement ARLIS a mené une autre expérience qui n'a pas encore rencontré une telle réussite. Au Royaume-Uni nous avons un système officiel, Library and Information Plans, dont plusieurs traitent d'un sujet pointu. L'objectif est qu'un grand nombre de bibliothèques spécialisées dans le même domaine puissent partager leurs fonds et leur expertise pour créer quelque chose de beaucoup plus important pour tous leurs utilisateurs. ARLIS a mis en place un tel projet, le Visual Arts Library and Information Plan ou VALIP. Nous avons employé un expert-conseil qui a examiné la situation dans laquelle se trouvent les bibliothèques d'art, avec leur nombre croissant d'utilisateurs, leurs budgets qui se réduisent et leurs besoins de comprendre et d'employer les nouvelles technologies. On a mené une étude en distribuant des questionnaires aux bibliothécaires d'art. À l'issue de l'enquête on a rédigé un rapport (8) dans lequel on faisait les recommandations suivantes :
La Commission vient de naître et nous comptons sur une décision imminente concernant notre VALIP. La Library and Information Commission va-t-elle finalement permettre à VALIP de s'épanouir avec tout l'enthousiasme que notre association de bibliothécaires d'art peut y porter? Je crois qu'en ce moment nous avons besoin de chance ainsi que de courage !