Index des revues

  • Index des revues
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    Orienter, informer, identifier...

    Trois actions pour un métier, signaléticien

    Par Françoise Tannières, Graphiste, chef de projet signalétique Bibliothèque nationale de France
    Cette simplicité apparente cache un savoir-faire délicat, entièrement tourné vers le public, pour qui il doit rendre perceptible la circulation d'un bâtiment, expliquer en quelques mots ou en quelques signes le fonctionnement d'une institution ou encore l'organisation des collections dans une salle de lecture.

    Vignette de l'image.Illustration
    L'Accolade, signe qui rassemble et permet d'ordonner différentes propositions vers une seule

    La Bibliothèque nationale de France a fait appel, pour le bâtiment de Tolbiac, à une procédure de désignation du maître d'oeuvre de la signalétique générale par concours. Le lauréat, Jean Widmer-Visuel Design, a été désigné par un jury international parmi six équipes appelées à concourir. Essentiellement connu pour avoir réalisé les images de marque et la signalétique du Centre Georges Pompidou et du Musée d'Orsay, la signalétique de la Galerie du Jeu de Paume et du Conservatoire de musique et de danse de l'Opéra ou encore de la Cité de la musique à la Villette, Jean Widmer n'est pas un « novice en matière de marché public. Cependant, la taille du bâtiment de Tolbiac à elle seule dépasse l'ensemble de toutes les autres réalisations confiées jusqu'ici à l'équipe : 290 000 m2seront à équiper en signalétique, 5 000 portes devront être identifiées, plus de 80 ascenseurs devront être désignés, etc.

    Le marché de la signalétique générale a porté sur l'ensemble du bâtiment de Tolbiac, espaces publics, espaces du personnel, locaux techniques et desserte routière. Pour les salles de lecture, la prestation, au moment de la passation du marché, était limitée au traitement des banques d'accueil en salle. L'aménagement des salles de lecture et l'installation des collections Marc Sagaerts n'étaient pas suffisamment définis pour être intégrés dans les études générales. Cet aspect des études a été inclus, par la suite, dans le marché de Jean Widmer. Il fait actuellement l'objet d'études complémentaires.

    L'équipe de Visuel Design a abordé ces études à partir de deux types de documents : les uns sur l'architecture, les autres sur le contenu scientifique du projet. Les documents architecturaux décrivaient les matériaux utilisés par l'architecte pour les espaces du public et du personnel, les circulations verticales et horizontales, les accès du bâtiment ainsi que l'affectation et la répartition des espaces publics et personnels. Les documents de contenu scientifique portaient aussi bien sur la cohérence intellectuelle et le fonctionnement pratique des espaces réservés aux chercheurs et au grand public que sur le fonctionnement de la réception des documents du dépôt légal, sur le travail des personnels bibliothécaires ou encore sur les circuits de maintenance des documents et de leur stockage.

    Organisation des études avec les utilisateurs

    À partir de ces documents, une réflexion s'est engagée avec le groupe d'utilisateurs (constitué d'un représentant de chaque direction) désignés par la direction de l'établissement pour suivre les études de signalétique. Ces utilisateurs, privilégiés pour leurs connaissances des bibliothèques mais aussi de la nouvelle construction, ont suivi le projet de signalétique depuis la phase du concours jus-qu'à la fin de la phase des études détaillées.

    Le travail de Visuel Design avec les utilisateurs s'est nourri d'interviews hebdomadaires. Celles-ci ont permis de définir, pour la Bibliothèque de recherche, les pratiques actuelles de lecture des chercheurs dans le bâtiment de Richelieu et de les appliquer à l'organisation prévue pour leur installation à Tolbiac.

    Pour la Bibliothèque générale, réservée au grand public, le fonctionnement a été plus difficile à décrire puisqu'il constitue une pratique nouvelle pour la Bibliothèque nationale de France. Il a été conçu à partir d'expériences réalisées dans les bibliothèques publiques existantes ; cependant, les pratiques de lecture du public-lecteur de Tolbiac resteront sujettes à l'adaptation au bâtiment.

    De plus, le choix scientifique de répartition des collections dans des départements thématiques, spatialement séparés les uns des autres, du fait de l'architecture, nécessite une réflexion supplémentaire sur les besoins de recherche interdisciplinaire des lecteurs.

    Comment rendre autonome le publiclecteur? Quels sont les points d'orientation que la signalétique doit mettre en évidence pour lui permettre de se déplacer facilement ? Quelles sont les informations à donner pour permettre de comprendre le fonctionnement de la Bibliothèque ? Où doivent-elles être positionnées ? Existe-t-il des fonctionnements particuliers à un espace ?Telles sont les interrogations auxquelles le signaléticien s'est attaché à trouver des réponses.

    Les études avec les utilisateurs ont permis à l'équipe de Visuel Design de mettre en évidence les mouvements de circulation du public, de déterminer pour chaque mode de fonctionnement l'endroit précis où le lecteur aurait besoin d'information, d'imaginer les dispositifs signalétiques à installer et de commencer à traduire les informations dans le « langage signalétique des pictogrammes, fléchages directionnels, etc.

    Vignette de l'image.Illustration
    Accès et codification des salles haut-de-jardin et rez-de-jardin

    Vignette de l'image.Illustration
    Recherche sur les pictogrammes

    Vignette de l'image.Illustration
    Recherche sur le directionnel

    Réponses signalétiques pour une architecture

    Le bâtiment imaginé par Dominique Perrault est construit autour d'un jardin en creux. Les espaces se déroulent en anneaux concentriques ayant pour centre le jardin ; le premier anneau est réservé aux espaces du public, salles de lecture, accueils, espaces colloques, restaurant etc. ; le deuxième anneau est destiné au personnel, des ateliers de maintenance et de réception des documents y sont installés ; le troisième anneau est aménagé en espaces techniques. Sur l'esplanade, quatre tours en verre d'une hauteur de 80 mètres marquent les quatre angles de la place, sur sept niveaux, elles abritent les services de l'administration et les bureaux du personnel bibliothécaire, les onze autres niveaux étant réservés aux magasins de stockage des documents.

    La symétrie du bâtiment, la position circulaire des espaces autour du jardin, les volumes immenses et indifférenciés, l'organisation thématique identique des deux niveaux de salles de lecture, tout ici perturbe et désoriente. Dès l'extérieur, aucune entrée principale n'accueille le public, mais deux rampes permettent de descendre vers les deux accueils généraux, qui se répondent comme des miroirs. Les repères de la ville disparaissent pour ne laisser place qu'au seul point de repère : le jardin.

    Une première analyse de l'architecture a permis aux signaléticiens d'évaluer les besoins fondamentaux d'orientation à l'intérieur du bâtiment. Dans cette architecture nouvelle, le visiteur peut perdre facilement le sens de l'orientation, la signalétique va l'aider à se situer par rapport à l'extérieur. Elle nomme les deux entrées de la bibliothèque par l'Est et l'Ouest et propose un sens de circulation en introduisant, pour désigner les salles de lecture, une codification alphabétique, de la lettre A à la lettre X, les lettres désignant dans un mouvement spiroïdal chaque entrée depuis la première salle de la Bibliothèque générale jusqu'à la dernière salle de la Bibliothèque de recherche. Sur les bannières d'identification d'entrée de salle de lecture, un nom de personnalité évoquant les disciplines traitées dans la salle est rattaché à la codification alphabétique. Les disciplines et l'appartenance à un département thématique sont indiquées en deuxième lecture.

    Dans chaque hall d'accueil, des éléments directionnels placés au croisement des circulations permettront aux publics de se repérer. Une table d'orientation expliquera les deux niveaux de salles de lecture, les départements thématiques et les disciplines de chaque salle. Devant chaque service une stèle" l'identifiera par un pictogramme et donnera des informations sur son fonctionnement.

    Des bornes informatiques interactives prendront le relais de l'information et de l'orientation en diffusant sur leurs écrans d'appel des plans de situation permettant au public-lecteur de se diriger vers les activités qu'il souhaite.

    Le travail avec l'architecte

    Dominique Perrault, architecte de la bibliothèque, a eu pendant toute la phase des études signalétiques un rôle de conseil. L'intégration de la signalétique dans les volumes architecturaux a été soumise à son avis, aussi bien pour le choix des matériaux de réalisation des dispositifs que pour leurs implantations dans le bâtiment. La présence forte du bois, du métal tressé, de l'inox et du verre a influencé l'équipe de Visuel Design pour la réalisation de certains équipements, comme pour la réalisation de bannières en mailles métalliques tressées sur lesquelles seront fixées, en lettres métalliques découpées, les informations sur les salles de lecture ou encore le choix du verre comme support d'autres informations.

    Pour les salles de lecture, les tables, les rayonnages, les meubles à plans ou fichiers ont été dessinés par Dominique Perrault. L'interaction entre l'architecte et le signaléticien est encore plus forte puisque la signalétique vient s'appuyer directement sur le mobilier, elle devient partie intégrante du travail de l'architecte.

    Validation des phases de travail

    Pour chaque phase de travail, Visuel Design a présenté à la direction de l'établissement, les propositions graphiques des dispositifs signalétiques. Celle-ci a donné son accord pour la poursuite des études. Ces réunions ont servi en outre à fixer définitivement certaines options de fonctionnement ou de dénomination d'espaces nécessaires pour la signalétique. Des propositions ont pu faire l'objet de réserves avant validation et, dans ce cas, le comité directeur a demandé la réalisation et l'installation in situ de prototypes, avant de donner son accord. Chaque dispositif critiqué par le comité directeur a été repris en termes d'études et les demandes de modifications ont été intégrées dans la phase suivante.

    Vignette de l'image.Illustration
    Identification de la salle de lecture