Il faut bien en convenir : ces années soixante, qui se targuent d'avoir inventé la jeunesse, n'étaient pas tendres pour la bibliothèque ! Plus «yéyé», il est vrai, c'était la discothèque qui l'emportait sur la plupart des fronts, et c'était plutôt ma première surprise-party» que célébrait le commerce d'alors, au titre des initiations fondatrices et des conquêtes majeures de l'Humanité Le lycée, lui non plus, ne faisait guère de place à la bibliothèque : champs clos de savoirs indifférents à la ressource extérieure, il n'abritait en ses murs que de misérables bibliothèques de classes, sans plus de rayonnement que de rayonnages, qui m'ont laissé le souvenir triste de fictions dont le pire ressentiment que j'éprouve à leur égard n'est pas toujours qu'elles eussent été, horresco refferens, 'traduites de l'anglais !
Entre ses deux clôtures, pourtant, celle de l'ancien collège de jésuites que la République avait plutôt sclérosé, et celle de cette "culture jeune» qui prétendît dans ces mêmes années s'emparer du monde, il y eut bien la bibliothèque. Elle était municipale». C'était à Lyon, par-delà les lenteurs de la Saône, un bâtiment, détrôné depuis, étrangement encastré dans la Primature des Gaules, avec d'immenses rangées de tables de bois ciré, vaste réfectoire des nourritures du coeur et de l'esprit. Pas de signe extérieur de jubilation, en cette ville qui cache ses trésors, aucune liberté guidant le Peuple», aucun symbole sur le flacon qui donnât idée des ivresses. Ce qui se passa à l'intérieur, les dimanches après-midi, bénéficie de la protection de la vie privée. Quelques indices seulement: