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    Le catalogue, signe du changement

    Par Christian Ducharme, Professeur IFB de Villeurbanne

    Si l'on observe l'évolution des catalogues des bibliothèques, on mesure à quel point l'informatique a modifié le travail des bibliothécaires. Du catalogue papier, le plus souvent sur fiche, on est passé au catalogue informatisé, consultable sur terminal. Malheureusement, une informatisation souvent hâtive a engendré quelques pertes : plusieurs catalogues souffrent d'une absence de fichiers d'autorités. Mais si l'on a parfois sacrifié la qualité, ce n'était pas sans raison : l'objectif premier était de faciliter la gestion des prêts de documents. L'informatisation du catalogue a alors permis la constitution d'une base commune pour les bibliothèques d'un même réseau et d'un accès à distance au catalogue collectif (le plus souvent par Minitel). Les systèmes documentaires sont devenus les nouveaux outils des bibliothécaires et, si le contenu des catalogues ne donnent pas entière satisfaction, leur gestion ne pose plus de problème.

    Au fil des années, dans ce nouveau contexte, un format de données bibliographiques s'est imposé : le format MARC. Que la bibliothèque ait opté pour LC-MARC, INTERMARC ou UNIMARC, le bibliothécaire a appris à manipuler ce format normalisé. Ce format lourd, rigide, très descriptif et précis (1) » appartient désormais aux bibliothèques et son apprentissage est devenu essentiel pour les bibliothécaires. Il s'agit certainement d'une évolution importante du métier.

    Dans le même temps, le document numérique a fait son entrée dans les bibliothèques. D'abord avec le cédérom : BN-OPALE pour récupérer des notices, Électre pour faciliter les acquisitions et Myriade pour localiser un titre de périodique. Aux cédéroms bibliographiques se sont ajoutées d'autres bases de données factuelles et plein texte. Puis, la collection s'est enrichie de cédéroms multimédia. Et des bibliothèques ont commencé à numériser des documents : numérisation de fonds locaux ou anciens, de tables des matières ou de dossiers de presse. Un document d'un autre type a pris place dans la bibliothèque nécessitant d'autres organisations de travail, d'autres savoir-faire. Certaines bibliothèques ont mis en place un accès au réseau Internet leur permettant d'interroger les catalogues de bibliothèques avec Telnet, d'effectuer des recherches bibliographiques à l'aide d'un client WAISou tout simplement de naviguer d'un Web à l'autre. En plus du catalogue informatisé, les bibliothécaires doivent maintenant gérer un ensemble de documents numériques qui modifient les stratégies de recherche d'information et, de ce fait, les incitent à revoir le développement des services dans la bibliothèque.

    Autant le cédérom se conforme aux règles d'édition connues par les bibliothécaires, autant les documents stockés sur le réseau Internet leur posent un sérieux problème de contrôle bibliographique. En effet, les documents sur le réseau Internet sont dynamiques plutôt que statiques : ces documents apparaissent, sont mis à jour et disparaissent facilement. Ils sont aussi copiés et remaniés de sorte qu'on ne peut plus distinguer l'original de la copie. Mais il est impossible d'ignorer les documents stockés sur les différents serveurs de ce réseau. Le nombre de sites Web augmente chaque jour. Sur ces sites, des milliers de pages sont stockées et comportent une masse importante d'information. Comment harmoniser l'accès à ces documents et la consultation du catalogue de la bibliothèque ?

    Les nouveaux catalogues

    À l'ère des nouveaux catalogues va-t-on conserver le format MARC? Si l'on admet que le capital de la bibliothèque réside dans son catalogue (2) il est préférable de garder ce format : il assure l'indépendance entre les données bibliographiques et le système de gestion de bibliothèques. Les systèmes documentaires passent mais les données restent... De plus, le format MARC a été étendu pour gérer les documents numériques accessibles sur Internet : tout document sur Internet possède une adresse, ce que l'on appelle l'URL (Uniform Resource Locator). Ainsi, on a ajouté au format MARC le sous-champ$u au champ 856. Ce champ répétable peut contenir l'URL d'un document (par exemple : 856$uhttp://www.enssib.fr /Enssib/bbf/bbf-96-l/som96-l.html pour la table des matières du numéro 1 du BBF de l'année 1996). Il est donc possible d'enrichir son catalogue de documents qui se trouvent sur le réseau Internet. (Imaginons qu'une bibliothèque possède un important fonds sur la guerre de 14-18 et qu'elle l'ait numérisé. La Bibliothèque nationale de France possède plusieurs photographies sur ce sujet : il serait judicieux d'établir un renvoi d'orientation (. voir aussi ) à cette collection de documents en créant un lien à la page HTML appropriée du site Web de la BNF.)

    Qu'en est-il du catalogage ? Un des avantages du format MARC est de pouvoir communiquer et surtout récupérer des notices. Le contrôle de la qualité du catalogue devient alors une activité très importante si on ne veut pas se retrouver avec trop d'incohérences. Si la bibliothèque récupère des notices, le bibliothécaire en catalogue moins. Mais est-ce à dire que la constitution du catalogue lui donne moins de travail ? Certainement pas s'il veille à sa qualité et surtout s'il veut mettre en place un catalogue multimédia.

    Le catalogue multimédia

    Pour exploiter toutes ses ressources, le catalogue multimédia doit comporter de nombreux liens. On peut identifier trois types de liens : des liens entre les notices, des liens à des documents numériques produits par la bibliothèque et des liens à des documents distants accessibles par le réseau Internet.

    • 1. Les liens entre les notices nous viennent de la notion d'hypertexte. Cette notion a fait le succès de l'application Web sur Internet. On peut facilement imaginer d'établir dans un catalogue des liens entre un auteur et ses oeuvres (3) , entre les oeuvres d'un même sujet, mais aussi des liens d'ordre sémantique (liens provenant des renvois d'orientation et des relations hiérarchiques prévues dans le langage documentaire utilisé). Ces liens doivent d'ailleurs pouvoir s'effectuer en partie automatiquement par le système, sous le contrôle du bibliothécaire.
    • 2. Le deuxième type de liens est celui entre une notice et un objet : fichier texte, image, extrait sonore ou vidéo numérisé, cédérom. Ces liens demandent un peu d'intelligence de la part du logiciel documentaire. Ce dernier doit être capable d'effectuer une requête à une base de documents, elle-même gérée par un logiciel (gestion électronique de documents par exemple) et être en mesure de donner la main à une autre application pendant le temps de la consultation d'un document numérique (un cédérom par exemple).
    • 3. Le dernier type de liens est celui vers un document situé sur le réseau Internet. Comme nous l'avons vu plus haut, ce type de lien est maintenant possible. Le poste de l'usager doit être connecté au réseau par une liaison permanente. Il ne s'agit pas de lancer un script de connexion via un modem à 28 000 bps en passant par le réseau téléphonique. Mais de plus en plus de bibliothèques ont des liaisons permanentes (soit reliées directement à un fournisseur du réseau, soit en passant par l'université de leur région).

    L'intérêt du catalogue multimédia est évidemment d'offrir l'accès au plus grand nombre de ressources possibles. Une recherche débute par la consultation du catalogue (information secondaire). Mais les notices bibliographiques sont liées à des documents numériques (information primaire). L'usager peut donc consulter directement l'information de son poste de recherche et juger plus rapidement de sa pertinence. Il navigue dans la collection de cédéroms, de documents numérisés par la bibliothèque et des documents externes sans effort particulier. Le bibliothécaire (nouveau catalogueur) a préalablement tracé les chemins de son parcours.

    Un catalogue ouvert (Z39.50)

    Depuis toujours, les bibliothèques ont cherché à regrouper leurs ressources documentaires. La création de catalogues collectifs, le prêt entre bibliothèques ou le partage du dépouillement de périodiques, comme le projet CD-RAP (4) , sont des exemples de cette volonté. Offrir la possibilité aux usagers de compléter leur recherche en interrogeant d'autres catalogues de bibliothèques sans les obliger à apprendre une multitude d'interfaces différentes, voilà ce que permet l'implantation de la norme Z39.50. Cette norme, qui s'appuie sur le concept de client-serveur, permet d'interroger des ressources hétérogènes et distantes grâce à l'utilisation de requêtes normalisées (5) . Un client Z39.50 envoie une requête à un serveur qui effectue la recherche et renvoie les résultats. Le poste client n'a qu'à les interpréter et les afficher à l'écran. De plus, il est possible d'interroger simultanément plusieurs catalogues. S'il n'a pas été possible d'uniformiser les OPAC, les bibliothèques ont maintenant l'occasion de s'affranchir totalement de l'utilisation des autres OPAC en utilisant la norme Z39.50. Tout milite en faveur de cette norme. Les catalogues des bibliothèques nord-américaines sont en train d'intégrer cette norme et les plus grands fournisseurs de logiciels de bibliothèques annoncent la sortie imminente d'un client Z39.50 et, bien sûr, de la compatibilité de leur produit à Z39.50. Et on pourrait encore aller plus loin : pourquoi n'existerait-il pas un serveur Z39.50 qui regrouperait tous les catalogues des principales bibliothèques publiques françaises ?

    Un catalogue aux couleurs d'HTML : l'Intranet

    L'utilisation des protocoles d'Internet pour la conception de son système informatique est en vogue. Pourquoi les bibliothèques ne suivraient-elles pas ce courant ? Il paraît possible d'implanter un serveur HTTP (6) dans une bibliothèque et de créer son système d'information autour de celui-ci. Cette solution comporte des avantages. D'abord, on offre à ses usagers la même interface à l'interne qu'à l'externe (c'est-à-dire la même application sert à l'interrogation de son catalogue ainsi qu'à la consultation d'Internet). La norme HTML évolue et elle permet d'élaborer des applications de plus en plus agréables. Les bases de documents numérisés s'y intégreront facilement et il existe déjà des applets (7) pour la consultation de cédéroms.

    Ensuite, les coûts d'un tel projet peuvent s'avérer avantageux. C'est d'ailleurs un des arguments mis en avant par les fournisseurs de solutions Intranet. Les économies proviennent de deux facteurs. D'une part, la mise en oeuvre d'une solution Intranet coûterait moins cher que les solutions classiques et les applications seraient plus faciles à maintenir. D'autre part, il est possible d'utiliser les network computer, sorte de terminaux dédiés à la consultation des applications Internet, au lieu de micro-ordinateurs. Ces terminaux coûteraient moins cher que les PC et leur maintenance matérielle serait plus facile. On fait en quelque sorte un pas en arrière en adoptant ces machines, mais on opte aussi pour la simplicité. C'est un choix que plusieurs bibliothèques ont fait à une certaine époque en mettant à la disposition du public des minitels plutôt que des terminaux ou des micro-ordinateurs pour la consultation de leur catalogue. Et les raisons invoquées étaient justement le prix et la simplicité d'utilisation de ces petits terminaux.

    Le catalogue a besoin d'un réseau...

    Pour mettre en place un catalogue multimédia, il faut construire un réseau interne solide. Il ne faut surtout pas essayer de faire des économies à cette étape : l'infrastructure du réseau doit supporter des débits importants. On ne doit pas avoir peur d'investir dans la fibre optique et dans des concentrateurs ATM : ce sont des atouts importants pour les installations à venir. La technologie ATM semble être la seule vraiment adaptée au traitement des données multimédias.

    Par ailleurs, le concept de client-serveur n'est pas un gadget : il est à la base du succès de la plupart des services que l'on retrouve sur Internet. La séparation entre les applications mises entre les mains des usagers pour la consultation de ressources documentaires (logiciel client) et les applications qui regroupent, classent et organisent les données pour les rendent accessibles à travers un réseau local ou distant (logiciel serveur) est certainement une des meilleures évolutions du monde informatique. D'autant plus qu'elle s'accompagne d'une normalisation des protocoles de requêtes et des méthodes d'accès aux données.

    Le rôle du bibliothécaire

    De tout temps, le rôle du bibliothécaire a été de repérer, sélectionner, traiter les ressources documentaires, de les signaler dans son catalogue afin de les rendre disponibles aux usagers de la bibliothèque. Ce travail de repérage de l'information a toujours demandé une bonne connaissance des sources et du milieu de l'édition. À cela s'ajoutent maintenant la connaissance et l'art de manipuler des documents numériques. Certains de ces documents s'assimilent au document papier par la similarité de leur processus éditorial, d'autres, comme les documents répartis sur les serveurs du réseau Internet, sont beaucoup moins tangibles. Le métier de bibliothécaire requiert de plus en plus la connaissance des outils informatiques qui lui permettent de repérer, d'évaluer et de préparer la mise à disposition des documents numériques. S'agit-il d'un nouveau métier? Il a pourtant toujours la même mission : favoriser le meilleur accès à l'information sous toutes ses formes.

    1. Claude Aubrie, "Les logiciels documentaires-, Les nouvelles technologies dans les bibliothèques, sous la direction de Michèle Rouhet, Paris, Cercle de la Librairie, 1996, p. 287. retour au texte

    2. L'idée que le catalogue représente le capital de la bibliothèque est tirée de l'ouvrage d'Alain Jacquesson L'informatisation des bibliothèques, Cercle de la Librairie, 1995. retour au texte

    3. Cette fonctionnalité est aussi appelée. rebondissement - : suite à une recherche, on clique sur un terme de la notice pour obtenir les notices indexées avec ce terme, sans passer par l'écran de recherche. retour au texte

    4. CD-RAP, répertoire d'articles de périodiques sur cédérom, dont la bibliothèque municipale de Lyon est éditeur scientifique et dont l'auteur est producteur. retour au texte

    5. Pierre-Yves Duchemin, L'Art d'informatiser une bibliothèque, Paris, Cercle de la Librairie, 1996, p. 150. retour au texte

    6. HTTP : protocole de communication à la base de l'application Web. retour au texte

    7. Applet : petit programme s'intégrant au navigateur qui permet la réalisation d'une fonctionnalité. retour au texte