Index des revues

  • Index des revues
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    L'informatique au service du public

    De la Bibliothèque nationale à la Bibliothèque nationale de France

    Par Daniel Renoult, Directeur de l'informatique et des nouvelles technologies Bibliothèque nationale de France

    (1) Utiliser unservice informatique, un micro-ordinateur, un Minitel est devenu en 1996 un geste usuel. L'informatique a pourtant mis quelques décennies avant d'être utilisée directement et facilement par le public. Le vocabulaire utilisé à son sujet permet de retracer toute une évolution : d'abord mécanisation, puis automatisation, ensuite informatisation, enfin système d'information, la technique a progressivement changé de domaines, de performances et d'ambitions. À travers l'exemple d'un grand établissement public culturel, la Bibliothèque nationale de France, nous voudrions montrer comment cette évolution s'est produite, et comment l'informatique a contribué à étendre et diversifier le service public.

    La Bibliothèque nationale de France, établissement public dépendant du ministère de la Culture, déjà aujourd'hui largement informatisée, mettra en service à partir de 1998 un nouveau système d'information. L'informatique y a fait ses premières apparitions à la fin des années 1960. Dès 1969 en effet l'édition de X Inventaire permanent des périodiques étrangers en cours reçus par 2300 établissements était publiée à partir d'un fichier informatisé de 40 000 titres qui a constitué plus tard le noyau du Catalogue collectif national des publications en série.

    En mesurant le chemin parcouru depuis plus de vingt-cinq ans, on observe que les techniques informatiques ont lentement transformé les services rendus aux lecteurs tandis que se sont sans cesse développées les applications destinées aux professionnels des bibliothèques. On ne se propose ici ni de retracer l'évolution des techniques elles-mêmes ni celle de l'organisation détaillée du travail dans la bibliothèque, mais plutôt de montrer à travers quelques étapes significatives comment l'informatique, longtemps cantonnée dans les bureaux (le « back office ») est devenue au fil des années un élément visible par les lecteurs (le 'front office»), jusqu'à devenir notamment avec le développement des accès à distance un des éléments du prestige de la Bibliothèque en France et à l'étranger.

    Au commencement était l'informatique bibliographique

    En 1970, ce ne sont ni les fonctions de communication des ouvrages, ni les modalités d'inscription des lecteurs qui font l'objet d'un projet informatique, mais les fonctions permettant à la Bibliothèque nationale de remplir ses missions d'agence bibliographique nationale. Dépendant de la Direction des bibliothèques, le Bureau pour l'automatisation des bibliothèques songe en priorité au traitement informatisé de la Bibliographie de la France: il s'agit alors d'en éditer automatiquement les fascicules, ce qui ne sera fait qu'en 1975, mais aussi de mettre en place un projet de réseau de catalogage qui concerne toutes les bibliothèques françaises. L'objectif principal est de rationaliser la production des catalogues, d'organiser la coopération bibliographique en France et par voie de conséquence (un peu lointaine sans doute d'améliorer les services rendus au lecteur. Alors qu'aux États-Unis se développe l'OCLC (2) , l'absence criante d'un catalogue collectif pour les livres préoccupe beaucoup les professionnels français.

    Dans les années 1970, l'informatique est entre les mains d'experts externes à la BN; les traitements s'effectuent à l'Isle d'Abeau dans un centre de calcul, le CETIB (3) , qui deviendra plus tard le SUNIST (4) ; l'accès au fichier de la Bibliographie de la France n'est possible que quelques heures par semaine, et l'essentiel du travail s'effectue en différé en interrogeant par numéro de notice. Il n'est pas encore question pour les lecteurs d'avoir accès au catalogue en ligne. Avant tout, on cherche à automatiser des procédures manuelles : édition de listes bibliographiques ou impression des jeux de fiches qui seront ensuite patiemment insérées dans les catalogues (5) .

    En 1975, alors que commence à paraître la Bibliographie de la France automatisée (6) , disparaît la Direction des bibliothèques. Il faudra attendre les années 1980 et le lancement d'un schéma directeur pour que la Bibliothèque nationale se dote de ses propres moyens informatiques.

    Achevé en juin 1982, ce schéma directeur met en priorité l'accent sur les fonctions bibliographiques et propose la mise en place d'un système transactionnel de gestion du catalogue. L'appel d'offres est lancé en 1983 et le groupement SEMA-GEAC est retenu par le Comité permanent du ministère de la Culture. L'application principale a pour objet les imprimés ; elle est destinée aux professionnels de la BN (catalogage des livres et des publications en série annoncées dans la Bibliographie de la France ou entrées par achats, dons, échanges ; gestion des fichiers d'autorité ; interrogeable en ligne, la base de données doit permettre aussi la consultation par les lecteurs). L'objectif de diffuser l'information bibliographique à la communauté des bibliothèques est affirmé.

    La Bibliothèque nationale acquiert alors ses propres matériels informatiques (Bull DPS7 et terminaux Questar à partir de 1984 puis machines GEAC et terminaux Sematro-nique) et se dote d'un service spécialisé qui passe de 3 personnes en 1982 à 20 en 1987. Dès 1988, les bibliothécaires cataloguent en ligne- les ouvrages entrés par dépôt légal, don ou achat. En même temps se mettent en place diverses bases de données (ISSN des publications en série françaises, phonogrammes, estampes), et des applications de gestion destinées à des services particuliers (service des ventes, service photographique, service des acquisitions, service des échanges internationaux).

    Pour éviter la prolifération des bases de données bibliographiques relatives aux collections spécialisées, initialement crées avec le logiciel Texto, la Bibliothèque nationale développe, à partir de 1985, une seconde application bibliographique (BN-OPALINE) en utilisant son ordinateur Bull DPS7. Réalisée par le service informatique de la Bibliothèque nationale, cette application prend en compte les spécificités du catalogage et des critères de recherche utilisés par les départements spécialisés. Ainsi après le démarrage fin 1987 du département des Cartes et Plans, suivront d'année en année les Estampes, la Phonothèque, la Musique, les Monnaies et Médailles, les Arts du spectacle et les Manuscrits occidentaux. Comme BN-OPALE, la base BN-OPA-LINEassure la gestion des entrées des notices bibliographiques, et la gestion des notices d'autorité.

    L'architecture des systèmes reste à cette époque très centralisée, le modèle étant des terminaux passifs reliés à des centres de calcul : celui du centre interuniversitaire de Rennes pour la première base de données des phonogrammes et vidéogrammes, celui du centre interuniversitaire de calcul de Grenoble pour la base de données des publications en série, celui de la DBMIST à l'Isle d'Abeau pour les estampes ou encore celui du ministère de la Culture qui héberge l'application budgétaire et comptable des établissements publics (Pyramide).

    Cette période reste également marquée du point de vue des bibliothécaires par une préoccupation permanente à l'égard de la cohérence bibliographique nationale, et de l'alimentation des catalogues de bibliothèques par une source nationale si possible unique (7) . Ce souci se traduit par des initiatives diverses qui cherchent à proposer d'autres services en tirant parti de la puissance des traitements informatiques. Ainsi les projets Libra, sous la tutelle du ministère de la Culture, ou SIBIL, encouragé par le ministère de l'Éducation nationale, se développent parallèllement à ceux de la Bibliothèque nationale, et divers réseaux tentent simultanément de se mettre en place. Fédérer ces initiatives suppose la normalisation des choix techniques et une forte coordination : cependant l'état d'avancement différent des projets, la diversité des objectifs poursuivis par les partenaires, la dispersion des autorités et des tutelles administratives ne permettront pas d'aboutir au catalogue unique tant espéré.

    Le lecteur entre en ligne

    Le 22 février 1988, dix terminaux sont installés dans la salle des catalogues et mis à disposition des lecteurs. Pour la première fois ceux-ci mesurent directement les bénéfices d'un service informatisé : ils peuvent en effet effectuer eux-mêmes leurs recherches sur les livres ou périodiques français entrés depuis 1975 et les livres étrangers depuis 1984, et interroger ainsi une base de 680 000 notices en ligne. Mais le recours au catalogue général imprimé et aux catalogues manuels reste le passage obligé pour accéder à la grande majorité des fonds, ce qui requiert de la part du lecteur une bonne connaissance des différents fichiers. Comme dans la plupart des bibliothèques anciennes, ceux-ci sont en effet complexes, se recouvrent partiellement, et leur apprentissage continue à faire partie de l'initiation du chercheur. En vue d'un service bibliographique plus complet, la question de l'intégration progressive des catalogues manuels dans BN-OPALE apparaît dès lors comme une prochaine étape. Un premier objectif est de remonter jusqu'en 1970 afin de mettre à disposition des lecteurs 1 300 000 notices bibliographiques, objectif qui sera atteint en août 1991. Grâce aux entrées courantes mais aussi à divers chargements complémentaires de notices antérieurement engrangées, et à l'apport de quelques bibliothèques extérieures comme la bibliothèque Sainte-Geneviève, BN-OPALE atteindra 2 millions de notices en 1996.

    Vis-à-vis des autres bibliothèques, la Bibliothèque nationale, à l'exemple de la Bibliothèque du Congrès (Cataloging distribution service), cherche aussi à commercialiser sa base de données informatisées. D'abord sous la forme de bandes magnétiques, l'offre se diversifie : publiée sur cédérom, l'édition cumulative de la Bibliographie nationale française est vendue par abonnement. Ce cédérom deviendra un produit très apprécié des bibliothèques publiques, alors en pleine phase d'informatisation. Avec la banalisation de la micro-informatique et l'arrivée sur le marché de systèmes de gestion de bibliothèques respectant une structure de données normalisées, il suffit d'un simple PC associé à un lecteur de cédérom et d'un logiciel de chargement pour récupérer les notices du catalogue de la Bibliothèque nationale. Dans certaines bibliothèques, ce nouvel instrument de travail est mis à la disposition du public.

    Quelques bibliothèques sont alors connectées directement à la base de la Bibliothèque nationale : c'est le cas de la BPI (un terminal de consultation via Transpac), puis de la bibliothèque Sainte-Geneviève (dès 1989), et progressivement d'un certain nombre de bibliothèques universitaires qui utilisent directement BN-OPALE pour leur catalogue.

    La diffusion du Minitel offre aussi au lecteur de nouvelles possibilités : la base Leda pour les documents audiovisuels sera pour la Bibliothèque nationale l'une des premières à offrir ce nouveau service au public.

    Cependant, tandis que s'organise la diffusion des données du catalogue, la nécessité de diversifier et d'étendre et sans doute d'intégrer les applications informatiques se fait jour et un nouveau schéma directeur informatique est en préparation au moment où surgit l'annonce par le président de la République, le 14 juillet 1988, du lancement « d'une très grande bibliothèque, d'un type entièrement nouveau

    Il apparaît très vite que cette nouvelle bibliothèque qui, selon les termes de la lettre du président de la République au Premier ministre, "devra couvrir tous les champs de la connaissance, être à la disposition de tous, utiliser les technologies les plus modernes de transmission des données, pouvoir être consultée à distance et entrer en relation avec d'autres bibliothèques européennes -, sera très étroitement articulée, (8) avec la Bibliothèque nationale, puisque la BN « s'intégrera dans ce projet audacieux.

    Un projet nouveau et global

    On ne reprendra pas ici le récit des événements qui ont abouti en janvier 1994 à la création de la Bibliothèque nationale de France, fusion de l'ex-Établissement public de la Bibliothèque de France et de la Bibliothèque nationale. On sait que la mise en oeuvre de ce grand projet a été non seulement l'occasion de construire de nouveaux bâtiments à Tolbiac et à Mame-la-Vallée mais aussi une opportunité unique pour repenser globalement l'organisation de la Bibliothèque nationale et en étendre les missions. Alors qu'elle s'était au fil des ans de plus en plus tournée pour ses acquisitions vers les lettres, les sciences humaines et l'histoire de l'art, la nouvelle Bibliothèque nationale revient à l'encyclopédisme de ses origines. Au séculaire département des Imprimés vont succéder des départements thématiques : philosophie, histoire et sciences humaines (Dl), droit, sciences économiques et politiques (D2), sciences et techniques (D3), lettres et arts (D4). Par ailleurs l'ensemble de la chaîne de traitement des documents (acquisitions, dépôt légal, catalogage, reliure, etc.) est repensé. Enfin les services au public vont être considérablement développés tandis que les capacités d'accueil passent d'environ 600 à 2 000 places pour les chercheurs auxquelles vont s'ajouter près de 1 700 places pour le grand public.

    D'une manière générale, cette réorganisation profonde, l'élargissement des missions et le changement d'échelle de l'établissement, qu'il s'agisse de bâtiments, de lecteurs, de volumes d'acquisitions annuelles (environ 93 000 monographies qui s'ajoutent aux entrées du dépôt légal) justifient la conception d'un nouveau système d'information qui ne soit plus centré sur les seules fonctions bibliographiques mais permette à la Bibliothèque nationale de France d'accomplir l'ensemble de ses objectifs.

    Après l'étude des besoins (1990), et l'élaboration du schéma directeur (1991-1993), est mis au point un cahier des charges ambitieux. Corrigé et revu pour tenir compte des observations du Conseil supérieur des Bibliothèques et des remarques issues de la mission confiée à Philippe Bélaval (1993), ce cahier des charges sera soumis à un appel d'offres international, et le marché emporté par la société Cap-Sesa (aujourd'hui Cap-Gemini) en association avec IBM. Notifié en janvier 1995, ce marché qui comprend plusieurs tranches se traduira par la mise en service du nouveau système en 1998 pour sa version initiale et en 1999 pour sa version finale. Le marché d'équipement, notifié en septembre 1996, a été emporté par un consortium piloté par la société Bull.

    Tel qu'il se prépare aujourd'hui, le futur système d'information s'organise en 21 sous-systèmes, répartis en quatre grands domaines :

    • 1. Gestion des ressources : comptabilité, personnel, bureautique, manifestations et colloques ;
    • 2. Gestion physique des documents : magasinage, conservation, bâtiments et équipements ;
    • 3. Services bibliothéconomiques internes : entrées (dépôt légal, acquisitions, dons, échanges), catalogage, numérisation ;
    • 4. Services au public : billetterie, inscription des lecteurs, contrôle des accès, information du public (bornes interactives), demandes de communication, prêts et emprunts à d'autres établissements, fourniture de documents à distance, consultation à distance.

    Sur le plan technique le parti pris architectural est à l'opposé du système actuel. L'architecture client/serveur à trois niveaux comprend 14 serveurs centraux, 47 anté-serveurs de routage, et environ 3000 postes de travail. L'ensemble est intégralement relié par un réseau local à haut débit (ATM à 155 mégabits), ce qui permettra un haut niveau de qualité de service, notamment pour consulter les documents numériques multimédias.

    Par rapport au schéma directeur de l'ancienne Bibliothèque nationale, les domaines fonctionnels couverts sont très élargis. Si les fonctions bibliographiques conservent toute leur place, d'autres activités majeures comme la conservation font désormais partie des applications du nouveau système. Par ailleurs le souci de réutiliser chaque fois que possible les informations disponibles (données bibliographiques, données administratives) d'un domaine à l'autre aboutit à une grande intégration du système permettant beaucoup de cohérence, et évitant les redondances dans le traitement de l'information. Cette intégration fonctionnelle (exemplaire notamment pour le circuit de la communication puisqu'elle associe catalogue, demande du lecteur, gestion du magasinage) se double d'une forte intégration technique, l'appel d'offres global permettant de doter la Bibliothèque nationale de France d'un parc informatique homogène à tous les niveaux.

    On soulignera enfin et surtout que les services rendus au lecteur avec le soutien de l'informatique sont considérablement accrus. Parmi ceux-ci, citons entre autres la réservation des places et des documents à distance, la consultation des catalogues intégrée avec la demande des documents en magasin, l'accès direct aux collections numérisées (textes, images), ou encore la possibilité pour les lecteurs d'utiliser leurs propres micro-ordinateurs pour accéder à certaines fonctions du système.

    L'achèvement du catalogue informatisé

    Parmi les objectifs assignés au futur système d'information, la réalisation d'un catalogue unique des documents imprimés et audiovisuels, coeur d'une bibliothèque dont les collections patrimoniales sont conservées en magasin, achèvera l'oeuvre commencée à partir des années 1980 en mettant à la disposition des lecteurs un catalogue d'environ 7 millions de références.

    La saisie informatique des multiples fichiers manuels de la Bibliothèque nationale est apparue dès 1984 comme un préalable indispensable à la réalisation de cet objectif. La conversion rétrospective, commencée en 1991, est donc en cours d'achèvement. Il s'agit d'un des grands chantiers scientifiques du projet, égal à ce que fut naguère l'entreprise de Léopold Delisle (9) . Étalée sur cinq ans, et découpée en deux phases donnant chacune lieu à des appels d'offres de saisie et de contrôle pour huit ensembles de fichiers ou catalogues, la conversion rétrospective a permis de traiter successivement le catalogue général auteurs (232 volumes) et son supplément (1 024 tiroirs de fichiers), les publications des collectivités auteurs et les ouvrages anonymes, les publications périodiques, les actes administratifs et judiciaires, les actes royaux, les actes administratifs et religieux, le catalogue de l'Histoire de France, le catalogue de l'histoire de Paris, le fichier des parlementaires français, les catalogues de ventes publiques, etc.

    Les lecteurs pourront interroger l'ensemble du fonds par auteurs, par grands domaines disciplinaires ou mots du titre et de nombreux critères d'accès. Ils disposeront d'un instrument de travail d'une puissance sans précédent qui leur offrira une grande richesse de fonctionnalités (navigation, tri des résultats, déchargement de données, etc.).

    La numérisation au service de la recherche

    Constitué de 100000 textes (livres et périodiques) et de 300000 images, le fonds numérisé de la BNF constitue aussi l'une des innovations les plus attendues par les lecteurs.

    L'idée directrice du projet de numérisation n'est pas de rassembler des documents numérisés au fil des demandes des lecteurs, mais bien de constituer une collection cohérente de documents de référence en particulier dans le domaine de l'histoire des sciences, de la littérature et des langues. Les textes choisis appartiennent à la culture européenne pour la plupart, et 75 % sont en français. À peu près la moitié sont des textes du XIXe siècle ou antérieurs. Les images proviennent du fonds de la Bibliothèque nationale de France, mais aussi d'autres institutions comme le CNRS avec lesquelles des conventions particulières ont été signées.

    Numérisés essentiellement en mode image pour des raisons économiques mais aussi pour respecter la forme originale de documents patrimoniaux, les textes ont été reproduits à partir des originaux ou plus fréquemment (60 % des cas) à partir de microfilms ou de microfiches réalisés parfois spécialement pour la circonstance. S'agissant des images, la photographie a été systématiquement choisie comme support intermédiaire de numérisation.

    Stockés sur supports optiques, ces documents numérisés (équivalent de 30 millions de pages) seront accessibles à partir des postes de travail de la bibliothèque : postes de lecture simple permettant de consulter le fonds tout en accédant également à d'autres données (réseaux de cédérom), mais aussi postes de lecture assistée par ordinateur (PLAO) offrant des services plus élaborés. Dotés en effet d'un bouquet de progiciels spécialisés (traitement de texte, logiciel de reconnaissance optique des caractères, logiciel de traitement des images), ces postes destinés aux chercheurs leur permettront de constituer leur propre corpus, de le traiter éventuellement avec leurs propres logiciels, de le conserver en machine pendant une semaine. Un service d'édition à la demande permettra d'obtenir des impressions sur papier ou des copies numériques des documents.

    Comme dans d'autres secteurs culturels ou scientifiques, les limitations au développement de ce type de service sont avant tout juridiques et commerciales, plus que techniques.

    Le Catalogue collectif de France

    Dès le lancement du projet de très grande bibliothèque, l'objectif d'un catalogue de toutes les bibliothèques françaises, sorte de métacatalogue, était affirmé. Plusieurs études menées depuis 1989 (analyse de besoins, schéma directeur stratégique, études de scénarios) ont abouti en 1994 à un schéma directeur opérationnel du Catalogue collectif de France (CCF), et en 1996 à un appel d'offres.

    Dans un premier temps (1998), il s'agira d'offrir à tout usager distant via un poste de consultation banalisé un répertoire national des bibliothèques et des centres de documentation, comportant une descriptions précise des principaux fonds et de leurs modalités d'accès. Si le catalogue d'un établissement est consultable à distance, l'utilisateur pourra y accéder à partir de sa session de travail.

    Le second service offert à l'usager concernera la mise à disposition d'un vaste catalogue virtuel, permettant de localiser les ouvrages les plus importants des bibliothèques françaises. En 1999, le CCF permettra de consulter le catalogue collectif des bibliothèques universitaires et bien sûr celui de la Bibliothèque nationale de France. L'année suivante, l'offre sera complétée par l'ouverture aux catalogues d'une cinquantaine de bibliothèques municipales aux fonds anciens très riches.

    Avec le CCF, les chercheurs trouveront en particulier un instrument incomparable de localisation des ouvrages étrangers, ou encore des fonds anciens. Ainsi une opération spéciale de conversion rétrospective des fonds anciens des bibliothèques municipales financée dans le cadre du projet BNF a permis de saisir 2,5 millions de notices de fonds anciens.

    Outil de localisation, le CCF devrait offrir lors de son ouverture plus de 15 millions de notices bibliographiques. Il sera bien entendu accessible sur Internet et élargira considérablement les possibilités de fourniture de documents à distance pour les chercheurs français et étrangers.

    Lecteurs exigeants, consommateurs éclairés ?

    Avant même la mise en service du nouveau système d'information, prévue en avril 1998, le lancement des chantiers de la Bibliothèque nationale de France s'est traduit par l'ouverture de nouveaux services. L'exemple le plus significatif pour les lecteurs est sans doute l'apport de la base de données Sycomore (10) qui, depuis 1991, a permis d'informatiser la communication des livres et des périodiques et de gérer le récolement des imprimés. Ouvrant la voie au futur système d'information, cette application permet de traiter aujourd'hui 4 000 communications quotidiennes pour une moyenne de 1 200 lecteurs par jour. Elle est pour les bibliothécaires une source précieuse d'informations sur les demandes et comportements du public ; elle est pour les chercheurs un moyen de mieux utiliser la bibliothèque avec le concours de l'informatique. Grâce à Sycomore, le chercheur peut en effet demander lui-même communication des documents, s'affranchissant ainsi de la rédaction manuscrite des bulletins, et des risques d'erreur qu'elle comporte. Depuis décembre 1994, un poste de travail unique permet de passer directement de la consultation du catalogue BN-OPALE à la demande de communication, préfigurant une des fonctions du futur système d'informations.

    Parmi les retombées des chantiers de la BNF, signalons encore la diffusion en 1996 du produit de la conversion rétrospective du catalogue général sous la forme d'un jeu de cédérom, rassemblant plus de 3,2 millions de notices bibliographiques. Soulignons par ailleurs que la Bibliothèque nationale offre déjà sur Internet (www.bnf.fr.) toute une gamme de services : informations historiques et pratiques, expositions virtuelles, accès aux bases de données BN-OPALE et BN-OPALINE, accès au catalogue des documents du Haut de jardin ; à l'occasion de l'ouverture au public a été mise en service une visite virtuelle de la nouvelle bibliothèque. Ce souci d'offrir au public des services nouveaux se poursuivra en 1997 : sans attendre la mise en service du poste d'accès aux documents numérisés, la BNF devrait présenter en avant première à ses lecteurs un échantillon de 3 000 textes numérisés et 10000 images sur Internet (11) .

    L'ouverture en décembre 1996 du niveau grand public de la bibliothèque de Tolbiac (le « Haut de jardin ) a constitué un événement très attendu. Sur le plan informatique, il est remarquable que les services offerts (bornes d'information renseignant le public en temps réel, billetterie et contrôle des accès, catalogue des ouvrages en libre accès, consultation de bibliographies sur cédérom en réseau) soient considérés comme allant de soi ». Aujourd'hui en effet proposer au lecteur et en libre consultation un catalogue sur cédérom offrant toutes les possibilités de recherche, des plus simples (auteurs, titres) aux plus complexes (équations de recherche utilisant les opérateurs booléens), correspond au service qu'attendent des usagers de plus en plus accoutumés à la présence de l'informatique dans leur vie quotidienne.

    L'accès aux bases de données et répertoires édités sur cédéroms fait maintenant partie de l'offre documentaire conventionnelle d'une bibliothèque, et l'on remarque en effet que les comptes rendus des dernières parutions de cédéroms figurent désormais autant dans la presse générale ou de loisirs que dans les magazines consacrés aux technologies nouvelles. Le public s'étonnerait presque de ne pas encore trouver davantage de merveilles technologiques à sa disposition. À considérer la totalité des services rendus, l'évolution est pourtant notable. On soulignera aussi que, grâce à l'informatique et à la numérisation, le département audiovisuel en Haut de jardin offre déjà un niveau de service très évolué : le lecteur peut en effet à partir d'une consultation du catalogue obtenir lui-même communication d'un document sur un micro-ordinateur en libre accès. Dès l'ouverture, il accède ainsi à 500 films, 10 000 documents sonores et près de 50 000 images numérisées.

    Il lui faudra encore patienter un peu plus d'une année et attendre 1998 pour pouvoir utiliser le nouveau système d'information et les moyens de travail correspondants. Au demeurant ceux-ci ne seront plus de simples terminaux passifs mais de véritables postes d'accès aux services offerts par la bibliothèque : d'un même poste il sera possible de consulter l'ensemble des références du catalogue, de réserver un document, de travailler sur des données numérisées, d'effectuer une recherche sur des bases de données distantes. Hier destinataire indirect des services de l'informatique, le lecteur en est aujourd'hui le bénéficiaire principal et de plus en plus autonome par rapport aux technologies qu'il manipule.

    On peut évidemment s'interroger sur les limites de cette évolution. Préparé par les médias à des innovations spectaculaires et permanentes, le grand public exige une service très complet tant du point de vue technique que scientifique. Accoutumés à l'usage des bases de données et consommateurs éclairés de micro-informatique, les chercheurs attendent des services publics d'information qu'ils évoluent aussi vite que les technologies. Certes la bibliothèque presse-bouton appartient à l'utopie, et nombreux sont les chercheurs à reconnaître le rôle primordial des bibliothécaires pour leurs recherches, mais des services publics comme les bibliothèques nationales devront sans doute faire preuve dans les années qui viennent d'une très grande réactivité à l'égard des évolutions en cours notamment dans le domaine des réseaux. Il y a là un défi nouveau que les conservateurs et les informaticiens devront relever ensemble.

    Pour l'heure la Bibliothèque nationale de France prépare déjà les prochaines étapes de son informatisation qui concernera les collections spécialisées (Arsenal, arts du spectacle, cartes et plans, estampes, manuscrits, monnaies et médailles, musique, Opéra) lesquels constituent des départements essentiels d'un ensemble unique au monde.

    1. Cet article est paru dans Histoires d'Archives, recueil d'articles offert à Lucie Favier par ses collègues et amis. Reproduit avec l'aimable autorisation de la Société des Amis des Archives de France. retour au texte

    2. Ohio Collège Library Center, devenu ensuite Online Computer Library Center : initialement catalogue des 54 bibliothèques universitaires de l'Ohio, puis élargi aux États-Unis et enfin à de nombreux pays, ce catalogue collectif est devenu la plus importante base de données internationale. retour au texte

    3. Centre de traitement informatique des bibliothèques, ouvert en 1976. retour au texte

    4. Serveur universitaire national pour l'information scientifique et technique. retour au texte

    5. En 1985, au moment où l'informatisation a permis d'arrêter l'intercalation des fiches, on en comptait environ 1 million par an. retour au texte

    6. Les suppléments ou séries spécialisées (publications en série, publications officielles, musique, atlas, cartes et plans) devront attendre 1983 pour pouvoir être à leur tour produits à partir d'enregistrements informatisés qui seront engrangés pour le futur catalogue. retour au texte

    7. Cette idée est notamment défendue par la Fédération internationale des associations de bibliothécaires (IFLA) qui cherche à promouvoir le concept de Contrôle bibliographique universel. retour au texte

    8. Lettre de François Mitterrand, président de la République, à Michel Rocard, Premier ministre (août 1988). retour au texte

    9. Administrateur général de la Bibliothèque nationale de 1874 à 1905, à l'initiative duquel fut lancé le Catalogue général des livres imprimés (publié de 1897 à 1981). retour au texte

    10. Système de communication des ouvrages et du récolement. Cette application, basée sur une architecture client/serveur, a été développée sous un système de gestion de base de données relationnelles (Sybase) et fonctionne sous environnement Unix sur du matériel Hewlett Packard. retour au texte

    11. Expérimentation du Système de pilotage de l'accès aux documents numérisés (Espadon). retour au texte