(1) Chers Collègues, l'inscription sur cette médaille présidentielle que je porte affirme : « Le génie de l'homme est la propriété de chacun. " Quand nous, bibliothécaires, parlons de notre rôle-clef dans les bibliothèques - éduquer et informer le peuple - et que nous discutons du rôle des bibliothèques dans l'éducation permanente, nous parlons d'un processus dans lequel les bibliothèques à fonds publics de toutes sortes se sont toujours impliquées, dès l'invention des bibliothèques publiques, dans leur sens le plus large et le plus libéral.
Mais maintenant, nous parlons d'autre chose. D'une dimension très différente. Nous assistons aujourd'hui à l'émergence de la société de l'information. Une société dans laquelle le danger est grand de voir se creuser le fossé entre l'information « riche » et l'information « pauvre », où le rural et le citadin défavorisé deviendront de plus en plus désavantagés et marginalisés.
L'invention de l'imprimerie la révolution Gutenberg, comme on l'appelle parfois - a été, c'est vraisemblable, l'évènement le plus important de ce millénaire qui approche de son terme. Elle a entraîné la Réforme, qui a été en soi une révolution. Elle a stimulé la Renaissance et engendré la révolution industrielle. Dire de ce monde merveilleux, qui est le nôtre, qu'il n'a plus jamais été tout-à-fait le même depuis est, me semble-t-il, une litote.
Nos regards se portent vers un nouveau millénaire, et nous sommes au seuil d'une révolution qui promet d'être aussi profonde et d'avoir des conséquences aussi considérables que celle de Gutenberg. La transmission électronique de l'information peut créer une nouvelle société très différente de celle que nous avons connue. On peut lire dans le rapport Bangemann, publié en mai 1994 : « Dans le monde entier, les technologies de l'information et des communications génèrent une nouvelle révolution industrielle déjà aussi importante et aux conséquences aussi grandes que celles dupasse.
» C'est une révolution qui est fondée sur l'information, elle-même expression du savoir humain. Le progrès technologique nous permet maintenant de traiter, de stocker, de rechercher et d'extraire l'information et de la communiquer sous quelque forme que ce soit, orale, écrite ou visuelle, sans les entraves de la distance, du temps et du volume.
Cette révolution ajoute d'énormes capacités nouvelles à l'intelligence humaine et constitue une ressource qui change la façon dont nous travaillons ensemble et dont nous vivons ensemble. »
Et que cela nous plaise ou non, nous qui travaillons dans des bibliothèques à fonds publics sommes forcés de reconnaître que cette ressource, l'information, est une denrée commercialisable. En conséquence, beaucoup d'entre nous qui travaillons dans les secteurs traditionnels, à financement public, des bibliothèques et d'exploitation de l'information, pouvons connaître des émotions et des sentiments très divers, qui vont du simple inconfort, de la simple gène à quelque chose proche de la peur, voire de la peine.
L'éthique du service des bibliothèques publiques en Grande-Bretagne, ces 150 dernières années, a été fondée sur les principes d'accès libre et gratuit à la connaissance et à l'information pour l'individu, ressource qui procure la possibilité de bénéficier d'une éducation permanente, payée par la communauté au profit de l'individu, et même pour son enrichissement intellectuel personnel.
Comment cette éthique de toujours peut-elle s'accommoder du dogme de l'économie de marché, de l'information comme denrée commercialisable, d'une offre de services compétitifs, et du syndrome, observé d'abord en Nouvelle-Zélande, à savoir : « c'est l'usager.. qui paie Nous, dans le service public, sommes confrontés à une révolution de l'information engendrée par les forces du marché du secteur privé.
En pratique, quels en seront les effets sur notre société, notre communauté, notre famille?
Nous ferions bien de méditer ces paroles de Francis Bacon, contemporain de Shakespeare, paroles dont la justesse avisée a parcouru les siècles jusqu'à nous, grâce à Gutenberg : « Celui qui n'appliquera pas de nouveaux remèdes doit s'attendre à de nouveaux maux: car le temps est le plus grand innovateur. »
Sir John Potter, maire de Manchester, en inaugurant, en 1852, la première bibliothèque publique libre et gratuite, résultat de l'Acte de 1850 sur les bibliothèques publiques en Grande-Bretagne, déclara très clairement que cette institution était destinée « ... aux besoins du savant et de l'étudiant de toute classe ».
Je fais cette citation pour que nous ayons présent à l'esprit le contexte historique dans lequel les bibliothèques à fonds publics se sont développées, leur éthique originelle, et pour nous rappeler que ces bibliothèques publiques ne fournissent pas simplement de l'information, mais concernent l'éducation sous toutes ses formes, les possibilités de s'instruire, de renforcer ses compétences, d'accéder à l'éducation permanente sous tous ses aspects.
L'éducation et la formation ont un rôle critique à jouer en soutenant l'accès à une société de l'information globale, et cela a été reconnu dans maints documents politiques du Royaume-Uni, c'est à la fois un rôle d'inspiration et d'information qui élève les niveaux de conscience et de compétence dans toutes les couches de la société et de la population active, et on continue à soutenir l'éducation permanente au rythme de l'évolution rapide de la technologie et de ses applications potentielles.
Nous nous décrivons comme une profession, la profession des bibliothèques et de l'information. Mais sommes-nous, authentiquement et de tout notre coeur engagés dans cette définition? Des observateurs ont dit de nous, qui sommes dans le secteur public de la bibliothèque et de l'exploitation de l'information, que nous étions sur la défensive, que nous traînions un peu les pieds, pour ainsi dire. Je suggérerais que, psychologiquement, nous sommes beaucoup plus près du sol encore, peut-être jus-qu'à genoux.
Mais nous appartenons au domaine des livres et du beau parler, et de la dissémination de l'information, devrions-nous rappeler la vibrante déclaration de la Passionaria, la grande oratrice républicaine de la guerre civile en Espagne : « Mieux vaut mourir debout que vivre à genoux. Camarades, debout!»
Ayons donc confiance et le sentiment de notre propre valeur. En conséquence relevons les défis de cette nouvelle société de l'information. L'information, le savoir, son exploitation, l'éducation permanente sont notre territoire naturel.
Dans ce contexte, j'espère que la voie dans laquelle nous nous sommes engagés dans le comté de Cumbria aujourd'hui peut présenter un certain intérêt pour vous. C'est une initiative menée par le service des bibliothèques publiques. Nous l'appelons le Projet Genesis.
Vous avez tout d'abord besoin de savoir quelques éléments sur le comté de Cumbria (2) .
En termes d'éducation :
Cependant, les inscriptions dans le comté à « l'université ouverte de Grande-Bretagne sont de 25 % supérieures à la moyenne nationale.
C'est pourquoi nous avons une réelle demande pour des études supérieures mais une désertion de jeunes talents.
En résumé, le comté de Cumberland, c'est une région très isolée, avec très peu de possibilités en matière d'éducation. Avec des industries traditionnelles du charbon, du fer et de l'acier qui ont pratiquement disparu, elle dépend de ses industries nucléaires, de l'agriculture et du tourisme. Ses infrastructures sont médiocre, son tourisme est presque contre productif, consistant en des excursionnistes d'un jour, des touristes avec sac à dos : ce n'est pas le haut de gamme du marché du tourisme en terme de pouvoir d'achat. D'année en année, le comté perd ses meilleurs jeunes talents. Tout cela a donc un impact considérable non seulement en matière d'éducation, mais aussi en termes économiques et sociaux. Voilà le problème.
Nous choisissons d'en relever le défi.
Un défi supplémentaire, cependant, réside dans la difficulté qu'ont les autorités locales et les autres agences publiques à transmettre l'information aux usagers locaux et aussi à permettre aux individus et aux représentants des communautés locales d'accéder à l'information sur les services publics : de demander, de chercher aide et conseils, et même de pouvoir se plaindre efficacement.
Si la principale autorité locale est distante de 150 km de l'endroit où vous habitez - c'est la distance entre Barrow et Carlisle, les deux principales villes de Cumbria - il est extrêmement difficile de créer un sentiment d'identité et de communication partagée.
Ainsi donc avons-nous des défis majeurs en matière d'éducation, face aux problèmes économiques et sociaux, et le défi aussi de développer une stratégie afin de créer une démocratie participative régionale dans les communautés de Cumbria.
Une partie de ce défi est d'aborder les problèmes de communication et du transport de la quatrième ressource : l'information. Drucker voit trois ressources-clef dans toute organisation : les gens, les infrastructures, le financement; il constate ainsi que la quatrième ressource qui lie toutes les trois entre elles est l'information.
Notre vision dont nous voulons qu'elle devienne réalité, nous l'avons appelé le projet Genesis. Parce qu'il marquera une renaissance des chances pour le Cumbria au XXIe siècle et dans le nouveau millénaire, son sous-titre est le Projet d'éducation permanente du comté de Cumbria.
Qu'est-ce que cela implique et comment y parviendrons-nous ?
Cela donnera des chances en matière d'éducation à tous les niveaux, indépendamment de la localisation de l'institution académique ou de l'école.
Et ce que nous recherchons, c'est une nouvelle sorte d'université, une nouvelle façon de dispenser l'enseignement supérieur dans le Cumbria et au-delà, au XXIe siècle. Une université du peuple, exactement comme le service de bibliothèque publique a été considérée pendant plus de cent ans comme l'université du travailleur ». L'actuel réseau à financement public des bibliothèques scolaires, universitaires et publiques peut être le socle sur lequel se bâtit cette nouvelle forme d'université, si nous saisissons les occasions qu'apporte la révolution de la transmission de l'information, si nous proclamons l'éducation et non les loisirs comme notre priorité, si nous considérons nos fonds en livres comme un investissement pour l'information.
Vous pensez que cela n'arrivera pas?
Cela arrivera avec ou sans nous. Si c'est sans nous, cette révolution - » sera menée par ceux qui n'ont pas de culture ou d'engagement dans ce que nous appelons l'éthique du service des bibliothèques publiques, éthique qui maintient que l'accès à l'information et aux connaissances, l'enrichissement culturel et intellectuel du citoyen, sont des droits démocratiques, inséparables valeurs traditionnelles des bibliothèques publiques. Si nous ne saisissons pas cette chance, cette éthique s'effritera et finira par se perdre. Si nous avons confiance en notre vocation en tant que professionnels, si nous maintenons notre credo dans le service public et gardons la vision de notre culture professionnelle et nous y conformons toujours, dans le futur, alors nous y arriverons.
Notre rôle, à l'origine, au XIXe siècle, était l'éducation et l'information du peuple. Nous avons maintenant une ouverture. Il nous faut la saisir, saisir les occasions qu'apporte la technologie de l'information et les adapter à notre valeur-clef traditionnelle de l'éducation permanente à la poursuite de l'éducation dans son sens le plus libéral. Mais cette ouverture ne durera pas longtemps. Il nous faut saisir cette chance maintenant. Et qui mieux que William Shakespeare, le plus grand écrivain de langue anglaise, peut rappeler aux bibliothécaires l'importance des temps particuliers et de la chance? Ses mots ont parcouru les siècles jus-qu'à nous grâce à la magie de l'imprimé. Il fait dire dans jules César:
« Il y a une marée dans les affaires des hommes/ Elle porte au succès, prise à son flux/ Mais, celui-ci manqué, le voyage de vivre/ Echoue dans les misères et les sable.! Nous sommes aujourd'hui à marée haute/ Prenons le flot tant qu'il est favorable/ Ou ce qui est risqué sera perdu. » (3)