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    Les médiathèques en hôpitaux de gériatrie

    Par Cécile Chrétien, bibliothécaires (Broca-La Rochefoucauld
    Par Hélène Couraudon, bibliothécaires (G. Clémenceau
    Par Monique Gandré, bibliothécaires (E. Roux
    Par Patricia Le Quinio, bibliothécaires (foffre-Dupuytren
    Par Sophie Mervelay, bibliothécaires (La Collégiale
    Par Michèle Villeneuve, bibliothécaires (Paul-Doumer

    Un hôpital de gériatrie est un lieu de vie au service de la personne âgée, un lieu d'accueil, d'accompagnement et de soins. Le maintien à domicile, l'amélioration globale de la santé des français et l'allongement de la durée moyenne de vie font que l'hôpital accueille des personnes de plus en plus âgées (entre 82 et 85 ans), physiquement diminuées et souvent seules. Dans un établissement où les malades vivent des mois, parfois des années, la qualité de vie, l'ambiance et les activités ponctuant les journées sont essentielles. Par ailleurs, le placement en institution accentuant le repli sur soi et la désorientation spatio-temporelle, dépressions, inactivité et déambulation s'installent fréquemment. Toutes ces données sont prises en compte dans la réflexion menée au sein de ces établissements, et la médiathèque, partie intégrante de la politique culturelle de l'hôpital, y est fortement associée.

    Quels services pour quels publics ?

    Comme toute médiathèque, celled'un hôpital de gériatrie doit offrirun fonds de documents variés, tantdu point de vue des supports que des contenus. Mais, pour s'adapter aux possibilités de lecture de son public, elle doit plus qu'ailleurs veiller à la typographie, au poids, à la taille et à la maniabilité des ouvrages qu'elle propose. Elle développe d'autre part plus particulièrement un fonds de livres en gros caractères, les personnes âgées ayant souvent des problèmes de vue. Même si cette production éditoriale s'est beaucoup diversifiée ces dernières années, le nombre et la variété des titres disponibles restent encore insuffisants, les catalogues proposant trop peu de documentaires par exemple. Dans les hôpitaux accueillant une majorité de malades en long séjour, les bibliothécaires se trouvent pour ces raisons parfois à court d'ouvrages... Par ailleurs, l'évolution des lectures des personnes âgées, due à la diversification des niveaux socioculturels, a aussi une incidence sur la politique d'acquisition. Il y a dix ans, la population était plutôt composée de couturières, d'employés de maison ou d'ouvriers, personnes ayant eu un parcours scolaire court et exercé des métiers ne facilitant pas la pratique de la lecture, que l'on considérait à l'époque encore souvent comme une perte de temps. Aujourd'hui, toutes les classes de la société sont représentées, les lecteurs ont la télévision dans leur chambre et se tiennent au courant de l'actualité. Même si une partie du public continue à emprunter des romans faciles à lire comme des romans sentimentaux ou historiques, des policiers ou de la littérature de terroir, une proportion non négligeable ayant un niveau d'études supérieures souhaite aussi lire des textes plus difficiles ainsi que des documentaires sur l'histoire et les sciences. Un autre fonds est aussi à privilégier, c'est celui des cassettes de musique et de livres lus. Même si cette forme d'écoute n'est pas nécessairement adaptée à tous les publics vivant en institution - elle demande un effort important de concentration et le lecteur de cassettes est encore pour de nombreuses personnes âgées un outil étranger -, elle est par contre fort utilisée par les malades déficients visuels ou aveugles, cette activité étant la seule possible pour eux. Les cassettes vidéo sont utilisées en général comme support à une animation et projetées en salle de spectacle ou dans les salles à manger communes.

    Actuellement, on peut estimer qu'en moyenne 10 % des malades empruntent des documents mais, si ce chiffre peut paraître peu important, il faut souligner que ces malades, non déments donc conscients de leur situation, sont ceux qui ont d'autant plus besoin d'occuper leur esprit. La bibliothèque touche beaucoup plus de monde si l'on comptabilise la population de ceux qui entrent « par hasard (lorsqu'elle est bien localisée et accessible) et de ceux qui participent aux animations régulièrement organisées : écoute de cassettes audio et vidéo, lecture à haute voix, clubs de discussion autour de beaux livres que l'on feuillette ensemble, revue de presse, jeux concours, expositions... Parfois, certaines activités sont l'occasion, très appréciée, de rencontres intergénérations avec les enfants des centres de loisirs des hôpitaux ou des classes primaires voisines. Dans ce lieu, le malade vient également pour rechercher le contact, l'échange, la discussion, exprimer son découragement, ses angoisses - comme la peur de ne plus revenir chez lui par exemple - mais aussi partager ses bons souvenirs. La médiathèque est un espace particulièrement convivial et chaleureux, offrant à la fois culture et détente. Animateurs, orthophonistes, psychomotriciens, ergothérapeutes, etc. constituent pour elle des partenaires privilégiés, chacun apportant son savoir dans l'objectif commun d'améliorer les conditions de vie quotidienne des résidents.

    La lecture, un acte thérapeutique ?

    En matière de lecture, peut-on parler de thérapie ? Si l'on considère les bienfaits que cette activité apporte aux patients, il reste peu de place au doute. La lecture, par la stimulation de l'activité intellectuelle qu'elle suscite, constitue bien un facteur participant au ralentissement du processus de vieillissement. Sa fonction d'évasion procure aussi un mieux-être moral et psychologique reconnu. Par ailleurs, des activités comme les ateliers de lecture à haute voix aident à une resocialisation car ils favorisent des rencontres et des échanges entre les patients. Il n'est pas rare que des malades de chambres pourtant voisines ne se connaissent pas. Dans cet univers clos, pouvoir se déplacer jusqu'à la bibliothèque est très important. Le kinésithérapeute, qui rééduque son patient à la marche, peut choisir de l'y conduire. Il le familiarise avec le trajet et la lecture participe ainsi à la conservation de l'autonomie. Le bibliothécaire, dans son travail de médiation, offre d'autre part l'occasion d'un lien, d'un contact, d'une valorisation du malade âgé. En s'adressant à lui - et non au proche ou au soignant (en particulier si le malade est en fauteuil roulant) - le bibliothécaire transforme la relation triangulaire malade-personnel-famille. Il engage avec lui une discussion sur les livres qu'il a lus, qu'il a aimés ou non, lui offre une liberté de choix et contribue à favoriser une prise de décision... autant d'attitudes qui concourent à lui conserver son individualité et son statut social. Le malade en long séjour considère alors la bibliothèque comme un lieu où il devient actif, que ce soit en venant régulièrement pour participer au nettoyage des livres par exemple ou en y faisant part de ses connaissances et de ses « critiques littéraires ». Ce mode de relation et de communication aidera aussi le malade en moyen séjour à se réinsérer dans la société lors de son retour à domicile. Le passage hebdomadaire du chariot de livres dans les chambres participe également au soin. Pour le malade alité, la venue du bibliothécaire est d'autant plus importante que les visites qu'il reçoit sont rares, voire parfois inexistantes. Cette grande solitude, due au fait que les hôpitaux sont souvent excentrés et difficiles d'accès et que les familles - décédées ou déjà très âgées - ne sont parfois plus en mesure de se déplacer, est très difficile à supporter. La régularité du passage et la permanence d'une même personne assurant ce service sont essentielles car elles constituent un repère temporel et affectif dans le quotidien de l'institution. » Faire le chariot contribue d'autre part à renforcer les liens entre le bibliothécaire et le personnel. Les soignants, souvent lecteurs eux-mêmes, peuvent s'avérer d'excellents relais. Conscients de l'importance de cette activité pour le malade, ils n'hésitent pas à faire appel à la bibliothèque quand l'un d'eux souhaite qu'on lui fasse la lecture au chevet ou quand un autre, déprimé, pourrait trouver quelque plaisir à lire ou écouter de la musique... Dans un mode de vie collectif, ce contact individuel, cette écoute attentive, ce temps passé dans cette relation à deux est acte thérapeutique.

    On voit combien la médiathèque joue un rôle important dans tout établissement gériatrique, même s'il est indispensable qu'elle réfléchisse en permanence aux formes que peut prendre son action face à une population de plus en plus dépendante et sur laquelle il serait intéressant d'étudier plus précisément l'impact de l'écrit. Des pistes de travail prometteuses... +