Index des revues

  • Index des revues
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    De l'importance de la médiathèque en milieu hospitalier

    Par Claudie Guérin, coordinateur Coordinatrice des médiathèqueset centres de documentationAssistance Publique-Hôpitauxde Paris, Délégation à la Formation
    Par Myriam Revial,
    Par Raymond Poincaré,, Responsable bibliothèque de l'hôpital
    Lieu atypique, espace non médicalisé, donc neutre par rapport à la maladie, la médiathèque est le pôle culturel d'un établissement hospitalier. Elle a pleinement sa place dans le cadre de la politique d'humanisation de l'hôpital qui implique une prise en compte toujours plus grande des différents aspects de la personne hospitalisée.

    La a lecture à l'hôpital trouve ses origines au xviie siècle sous le vocable de " distraction des malades Elle s'est développée depuis plusieurs dizaines d'années de manière significative. Elle est désormais reconnue comme une composante de la qualité de l'accueil du patient. « Enfermé » entre les quatre murs d'une chambre, quel que soit son âge, la lecture peut en effet être pour le malade un formidable moyen d'évasion qui lui permet d'oublier un temps sa maladie, son angoisse et sa douleur. Le livre est aussi, l'espace d'un instant, l'occasion d'une relation privilégiée avec un médiateur, le bibliothécaire, un ami... Lire ou se faire lire un livre, participer à une rencontre, visiter une exposition sont autant d'éléments qui participent au confort du malade, voire à sa guérison. Quelles sont les missions d'une médiathèque à l'hôpital. Quelles activités y sont organisées. Quelles collaborations peuvent s'instaurer ?

    Les missions d'une médiathèque en milieu hospitalier

    La médiathèque a pour vocation d'être au service de l'éducation, de la culture et de l'information. Elle propose donc des documents de qualité destinés à informer, détendre, éveiller la curiosité... sans aucune forme de censure idéologique, politique ou religieuse. Elle fait partie intégrante de la stratégie de développement culturel de l'institution.

    Pour remplir de manière satisfaisante ses missions, les bibliothécaires, éventuellement secondés par des bénévoles placés sous leur responsabilité, doivent disposer d'un certain nombre de moyens : un budget d'acquisition permettant de renouveler régulièrement les collections, un espace bien localisé au sein de l'hôpital, facilement accessible et suffisamment grand pour accueillir patients et personnel... Les activités des professionnels se partagent généralement entre des permanences dans la médiathèque et le service aux patients en chambre.

    Les activités

    Actuellement, le lecteur peut emprunter un roman, une bande dessinée, un livre d'images, en français ou en langue étrangère, un guide de voyage, un livre en gros caractères... aussi bien qu'un magazine, un disque compact ou une cassette vidéo... Depuis de nombreuses années, les collections de documents se sont en effet étoffées et sont devenues très souvent multi-supports. Même si les conditions d'exercice varient fortement en fonction des hôpitaux, les médiathèques disposent d'un espace organisé pour accueillir les malades qui peuvent se déplacer. Accompagnés de parents ou d'amis, en groupe avec des éducateurs, des enseignants, des animateurs, des ergothérapeutes etc..., ils viennent lire sur place, écouter de la musique, emprunter des documents. Aller à la bibliothèque est un moment d'autonomie et de liberté particulièrement rare dans la vie d'une personne hospitalisée, soumise à des rythmes imposés.

    Dans la médiathèque, dans les chambres, dans les couloirs d'un service ou à la Maison de l'enfant, il n'est pas rare d'échanger avec un auteur, un illustrateur ou un artiste ou d'écouter une conteuse professionnelle ou encore de découvrir une exposition par exemple sur l'histoire du cinéma. Un séjour à l'hôpital peut alors être l'occasion de rencontres uniques et marquantes. Plus particulièrement pour ceux qui y passent plusieurs années de leur vie, voire toute leur vie, il est primordial de proposer des activités culturelles de grande qualité, adaptées aux situations spécifiques et qui impliquent les patients sur la durée. En 1997, par exemple, des adolescents de Raymond-Poincaré à Garches ont suivi des ateliers d'écriture cinématographique et réalisé un court-métrage sous la direction de professionnels de l'image et du son. Dans plusieurs hôpitaux de gériatrie (Clémenceau, La Collégiale, La Rochefoucauld, etc.) des lectures à haute voix, faites régulièrement par des comédiens professionnels, permettent à la fois de stimuler psychiquement les personnes âgées et d'engager un travail de resocialisation. Si les animations organisées par la bibliothèque sont l'occasion d'une ouverture indispensable sur le monde extérieur, elles sont aussi, en raison des rendez-vous réguliers qu'elle propose, des points de repère essentiels pour ne pas perdre pied dans cet univers uniforme et pour se projeter dans l'avenir.

    Faire le chariot

    Pour les patients qui ne peuvent pas se déplacer, la médiathèque se fait itinérante chaque semaine. Passant de chambre en chambre, cette bibliothèque en réduction » doit répondre à des besoins extrêmement variés et imprévisibles et la sélection des documents à emporter est tout un art. « Faire le chariot c'est aussi s'adapter au fonctionnement des services, ne pas gêner et savoir se faire accepter par l'équipe soignante tout en stimulant le patient. Sa ponctualité et sa régularité sont très importantes car le bibliothécaire est pour certains la seule visite de la semaine. « On ne passe pas uniquement pour prêter, on lit aussi beaucoup » (1) . En pénétrant dans ce lieu privé qu'est la chambre d'un malade, une relation individuelle forte s'établit. Ce travail au chevet du patient est à la fois difficile et très impliquant puisqu'il confronte le bibliothécaire avec la maladie, la souffrance et parfois la mort. On comprend dès lors combien le partenariat avec les différents acteurs de l'hôpital est indispensable.

    Le partenariat

    Le partenariat avec les différents acteurs du soin a été renforcé par l'ouverture dans les années 1980 des médiathèques au personnel. Comme celles des autres hôpitaux français, elles étaient jusqu'alors essentiellement destinées aux patients. Qu'ils soient administratifsou soignants, les agents sont desutilisateurs réguliers des servicesde la médiathèque et ils réalisentenviron 2/3 des emprunts dedocuments. Plusieurs facteurs peu-vent expliquer cette importantefréquentation. Nombre d'agentsn'ont pas la possibilité matériellede se rendre dans les biblio-thèques municipales en raison deleurs horaires professionnels, sou-vent incompatibles avec les heuresd'ouverture de ces dernières. Lamédiathèque, localisée sur le lieude travail - dont on croise les res-ponsables à la cantine -, joue unrôle important dans le développe-ment de la culture générale desagents d'un hôpital. En proposantdes fonds de documentation pro-fessionnelle de préparation auxconcours, elle participe égalementà la formation continue des per-sonnels.

    Avec le recul, il est possible d'avancer que l'ouverture des médiathèques aux agents a non seulement permis un développement plus large de la lecture à l'hôpital mais aussi eu des incidences intéressantes sur l'action menée auprès des malades. Connaissant mieux les ressources du lieu, un soignant est plus sensible au passage du bibliothécaire avec son chariot de livres, il informe plus naturellement de l'existence de la médiathèque un malade qui s'ennuie et rapporte plus facilement un livre abandonné sur une table de chevet. Les collaborations avec les équipes soignantes, les éducateurs, animateurs, ergothérapeutes, orthophonistes, psychologues... sont une nécessité pour le bibliothécaire. Cet échange est d'autant plus important que proposer un livre à un malade n'est pas toujours un acte anodin. Peut-on tout lui laisser lire ? Doit-on le « protéger » ? Est-il souhaitable qu'il trouve à la médiathèque des informations sur sa maladie, alors que son médecin ne lui a peut-être pas fournies ? Dans certains services de pédopsychiatrie par exemple, le médecin peut ne pas souhaiter qu'un adolescent anorexique lise tel ou tel livre : une discussion fort intéressante peut naître entre le médecin et le bibliothécaire. Le choix des documents proposés aux personnes hospitalisées touche, on le voit, à des questions d'ordre éthique d'où l'importance des groupes de réflexion transversaux.

    C'est parce que les médiathèques à l'hôpital sont des lieux où l'on touche à des questions essentielles et où l'impact de l'écrit apparaît peut-être de manière plus évidente que le travail qui y est mené mérite d'être plus largement diffusé. Elle peut, en effet à sa manière, participer à la réflexion générale que mènent les professionnels sur le rôle de la lecture.

    Vignette de l'image.Illustration
    Le réseau de lecture publique de l'AP-HP en 1998

    "Nous sommes convaincus de l'importance et de la nécessité de la lecture à l'hôpital. Le livre facilite relations et échanges. À travers lui, on peut se dire beaucoup de choses sans parler. Proposer un livre, même à un tout-petit, c'est favoriser une rencontre qui peut mettre - momentanément peut-être - un terme à une solitude bien particulière. "

    1. Isabelle Nicolas, responsable de la bibliothèque de l'hôpital Jean Verdier (Bondy) retour au texte