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Colloque inter-régional des communes de moins de 5 000 habitants (Vals-Les-Bains, 17 septembre 1997)

1998
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    Colloque inter-régional des communes de moins de 5 000 habitants (Vals-Les-Bains, 17 septembre 1997)

    Dynamisme culturel et tourisme du monde rural

    Par Nelly Vingtdeux, Conservateur gênerai des bibliothèques, directrice BDP de l'Ardèche

    Ce colloque inter-régional organisé par la FNCC, et la BDP de l'Ardèche, soutenu par la DATAR et Conseil général de l'Ardèche et accueilli par la municipalité de Vals-Les-Bains a rassemblé une centaine de participants. Il visait à réunir élus et professionnels de la culture pour échanger des informations, des expériences, des initiatives, pour analyser des difficultés, pour élaborer des propositions autour de la culture considérée comme enjeu de développement pour le milieu rural Ce colloque fut enfin le théâtre d'un événement : celui de l'annonce de la création du club des communes rurales pour la culture.

    La FNCC

    Créée en 1960, la Fédération nationale des communes pour la culture est devenue, en 1993, Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture, afin de permettre aux Conseils généraux et Conseils régionaux de participer à ses activités. Presque toutes les grandes villes sont adhérentes à la FNCC, nombreuses sont également les villes moyennes et les villes de banlieues. Les communes rurales sont pour l'instant moins Conservateur gênerai des bibliothèques de la BDP de l'Ardèche. représentées ; elles font pourtant l'objet d'une réflexion et d'une attention constantes de la FNCC. Le colloque Dynamisme culturel et touristique du monde rural a voulu traduire cet intérêt que porte la FNCC au devenir culturel des si nombreuses communes rurales de France, et inaugure sans doute une période d'implication grandissante des communes rurales dans les travaux de la Fédération.

    La culture en campagne

    L'intitulé du colloque situe d'emblée cette initiative dans la problématique contemporaine du développement des territoires ruraux : d'une part parce qu'on ne se demande plus s'il existe ou non une culture rurale et ce qu'elle peut bien être : on la reconnaît d'abord, tout comme en ville, à son dynamisme, à son effet d'entraînement. D'autre part, parce que ce dynamisme culturel, cette faculté d'ouverture et d'adaptation des territoires et de leurs populations sont eux-mêmes des facteurs favorables au développement du tourisme qui. on le sait bien maintenant, est, à coté de l'agriculture, une activité économique à part entière des territoires ruraux. Ce qui s'affirme donc dans les campagnes, c'est cette synergie entre vitalité culturelle et activité économique. L'enjeu du colloque, c'est au fond, pour le dire en un seul mot, le développement global des pays ruraux, développement dont la culture est un levier et une garantie de sens.

    La patrie de l'exception culturelle

    L'été indien, cette année en Ardèche, a été particulièrement beau. Il fut donc très agréable de commencer ce colloque par quelques pas sous les marronniers du parc du Casino de Vals-les-Bains juste avant que Henri-Jean Arnaud, vice-président du Conseil général de l'Ardèche et maire de Guilherand-Granges ouvre les travaux en brossant un tableau des richesses et potentialités culturelles qui font la réputation du département. Christian Vanneste, conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais et Président de la FNCC, lors de son propos d'introduction, a rapidement posé le problème du thème du colloque.

    L'exception culturelle française est bien réelle : rare pays européen à avoir un grand ministère de la Culture dont le budget devrait enfin atteindre 1% de celui de l'Etat ; seul pays européen à avoir autant de communes (en majorité rurales), à connaître une telle dispersion de la population ; pays d'une extrême diversité de paysages, riche de nombreuses cultures et d'identités très nuancées. Cette diversité doit s'intégrer dans un équilibre national qui ne soit pas un immobilisme.

    Pour aider au mouvement des zones rurales françaises, le pays dispose également d'une grande variété d'échelons institutionnels qui sont autant de ressources mobilisables au service de la population : les communes. les départements, les régions. l'Etat et. maintenant, l'Europe.

    L'enjeu de cette mobilisation, c'est l'existence nécessaire d'une ruralité rénovée qui, du fait des révolutions des techniques de la communication principalement, ne sera pas forcément ce qu'on imaginait, il y a quelques années seulement.

    Cette mobilisation, et il s'agit là de la responsabilité expresse des élus. ne saurait se faire sans que les populations des villages, comme celles des banlieues, accèdent à une citoyenneté moderne dont la clé est précisément la culture : ouverture, acceptation de l'autre. capacité à l'information et à l'argumentation...

    Il importe donc que le désert culturel disparaisse et qu'il y ait dans chaque village au moins un point d'appui culturel : la bibliothèque. cela va de soi. le cinéma, la librairie. etc.

    Bien sûr lorsqu'on évoque la culture en zone rurale, on pense immédiatement au patrimoine bâti, qu'il soit agricole, religieux, historique. industriel. Il ne s'agit pas seulement de préserver et de restaurer ce patrimoine ; il s'agit aussi de l'animer et de le faire approprier par les habitants même du lieu. Ici tout est imaginable et tout. ou presque a d'ailleurs déjà été imaginé... aussi convient-il maintenant d'imaginer les possibilités et les ressources des réseaux de communes sur des sujets ou des activités communes.

    L'un des mérites de ces colloques de la FXCC est d'offrir la parole à tous les participants et de ne pas craindre la confrontation. C'est ainsi que l'assistance s'est répartie, après l'introduction de Christian Vaneste, en trois ateliers dont les sujets étaient les suivants :

    • 1/ Valorisation du patrimoine et tourisme culturel
    • 2/Festivals : entre événementiel et permanence
    • 3/ Dynamique locale et projet artistique

    Chaque atelier a permis à un ou des intervenants (élus ou opérateurs culturels) d'exposer une initiative particulière en rapport avec le thème de chacun des ateliers. Ces exposés ont chaque fois permis de lancer des débats dont la liberté de ton a été remarquable. Le repas, dans le parc, sous un soleil qui rendait les assiettes éblouissantes, offrit l'occasion de redistribuer les rencontres et les conversations et d'étudier de près le patrimoine gastronomique local. Le vin des coteaux du Vivarais, bien charpenté, offrit à tous l'exemple en actes d'une ressource locale aux capacités d'animation riches et nuancées.

    Valorisation du patrimoine et tourisme culturel

    De cet atelier, présidé et animé par Xavier Louy. maire-adjoint à la culture de Sarlat-la-Canda (Dordogne). il ressort une nécessité essentielle : le patrimoine niral (très important en termes de bâti. de paysages, d'identités) après avoir été conservé et restauré doit absolument être animé, c'est-à-dire approprié localement puis mis en valeur et communiqué.

    Le processus de valorisation du patrimoine est lui-même un processus complexe qui requiert une concertation croissante entre élus. initiative locale. opérateurs culturels. spécialistes et techniciens. Cette valorisation passe également par une bonne appréciation des niveaux de compétence des collectivités locales : le département. par exemple. est le niveau adéquat pour l'inventaire. le recensement. le conseil, l'aide à la mise en oeuvre de projets locaux.

    Le tourisme culturel lié à la découverte du patrimoine local présente une gamme large d'activités et de centres d'intérêts (cyclotourisme. gastronomie, musées, artisanat) il convient donc d'appréhender ce mouvement touristique dans une perspective de décloisonnement des milieux et des objets.

    Le développement du tourisme lié à la valorisation du patrimoine passe aussi par un accroissement de la qualité de l'offre qui signifie très souvent une professionnalisation des divers secteurs du processus : protection. restauration, accueil, communication, commercialisation, etc.

    Les résidents secondaires d'un territoire doivent être une cible des efforts de revitalisation, d'une part parce qu'ils fréquentent euxmêmes le lieu, d'autre part parce qu'ils le font souvent bien connaître.

    Festivals : entre événementiel et permanence

    Cet atelier était présidé par Dominique Chambon, Président de la commission culture du Conseil régional Rhône-Alpes. Les débats ont montré que les festivals sont un élément fondamental aussi bien de la pratique que de l'offre culturelles en milieu rural. La multiplication des initiatives de terrain impose aux collectivités locales de définir des critères d'évaluation. La région Rhône-Alpes, par exemple. privilégie les projets porteurs de rayonnement de l'identité régionale, les projets qui structurent dans le temps leur activité, les projets, enfin, qui induisent une dynamique locale.

    Les opérateurs locaux, présents dans le débat. reconnaissent cette nécessité d'établir des critères, mais déplorent que ces critères fonctionnent trop souvent à priori et non à partir d'une réelle évaluation des résultats. si bien que sont souvent difficilement prises en compte les initiatives émergentes. La difficulté d'une première mise en oeuvre au départ démobilise l'initiative et peut stériliser un territoire.

    Chacun est donc tombé d'accord sur la nécessité de faciliter la rencontre entre porteurs de projets et responsables politiques, sur la nécessité aussi de coordonner au niveau régional les activités des porteurs de projets, et de les amener, là où cela est possible, à coopérer.

    Dans tous les cas, il importe que les rapports entre opérateurs culturels et collectivités soient d'abord régis par la concertation puis organisés sur la contractualisation qui permet à la fois un échafaudage dans le temps des projets, mais aussi une souhaitable évaluation des réalisations.

    L'ensemble des participants s'est enfin interrogé sur les moyens de la politique culturelle de l'Etat à l'égard des communes rurales : ne conviendrait-il pas, par exemple, que les DRAC renforcent le rôle des conseillers qui appuient et soutiennent déjà les initiatives locales, par des personnels chargés spécifiquement des relations avec les petites communes dépourvues de tout personnel culturel, mais dont le dynamisme en ce domaine mérite de rencontrer les compétences nécessaires à faire aboutir les projets les plus divers ?

    Dynamique locale et projet artistique

    Ce troisième atelier était présidé par André Chassaigne, conseiller général, maire de St-Amand-Roche-Savine (63) et Président de la Commission du développement culturel du Parc naturel régional Livradois-Forez. Toute dynamique locale globale, se sont accordés à dire les participants, s'inscrit dans un réel développement culturel. Ce développement culturel concerne le cadre général de la vie et dépasse donc la dimension strictement municipale de même qu'il doit pouvoir s'associer au développement économique et social.

    Un projet artistique et culturel doit être durable, global, ouvert, proche des gens et coopératif ou partenariat, en terme de coopération de communes notamment. Sur ce sujet, Maurice Weiss, premier-adjoint au maire de Saint-Agrève (07) a expliqué comment la décision avait été prise de faire du développement de la bibliothèque municipale le socle de la politique culturelle de la municipalité. Ouverte en 1994 avec embauche d'une professionnelle, la bibliothèque s'inscrit dans un "Pays-lecture" qui l'associe, pour des animations, des formations et les inscriptions des lecteurs aux bibliothèques de Tence (43) et de Chambon-sur-Lignon (43). Soucieuse de développer son offre documentaire, la bibliothèque prévoit aujourd'hui, par l'intermédiaire du programme des autoroutes de l'information développé en Ardèche, de se connecter à des bibliothèques plus importantes. C'est là une façon très concrète de lutter contre l'enclavement informationnel.

    Un projet n'est durable que s'il rencontre l'adhésion de tout un pays et de tout son public (âges et catégorie socioprofessionnelles confondues). Bien sûr, certains arbitrages sont difficiles à prendre lorsque cohabitent des populations assez hétérogènes (néo-ruraux). Un arbitrage pris ne dispense naturellement pas de la nécessité de continuer de convaincre.

    Dans cette perspective de transversalité des publics, un projet culturel doit associer autant que possible entre eux les divers aspects de la vie culturelle (livre, théâtre, musique, etc.).

    La mise en oeuvre d'un projet culturel est souvent complexe, elle doit allier une réelle sensibilité artistique ou une bonne connaissance des milieux culturels et une certaine compétence en matière d'organisation et de financement. La question se pose donc souvent de l'opportunité de l'emploi d'un professionnel.

    Un Club culture pour les communes rurales

    Cette question de l'emploi d'un professionnel ne doit pas éclipser celle, cruciale, de la formation des élus, des fonctionnaires territoriaux et des bénévoles.

    Les débats de la journée ont été particulièrement riches et étayés sur des expériences concrètes nombreuses et originales. Il ressort que le dynamisme culturel ne procure pas seulement un supplément d'âme au monde rural ; il est aussi un des leviers essentiels de son développement, soit par les activités économiques directement induites (tourisme), soit par l'attraction que ce dynamisme peut exercer sur des entreprises en quête d'installation, soit enfin par la formation, l'ouverture, la capacité de loisir que ce dynamisme procure à la population. Le dynamisme culturel est donc aussi ce qui permet l'inscription du monde rural dans une démocratie moderne, ouverte, active et partagée.

    L'ensemble des acteurs culturels dans le monde rural devra maintenant suivre avec attention les travaux du club des communes rurales pour la culture, dont la naissance au sein de la FNCC, a été annoncée solennellement à l'issue de ce colloque par Gérard Poteau, secrétaire général de la Fédération. Cette déclaration faite en Ardèche, département rural dont le dynamisme culturel est un atout majeur pour sa qualité de vie, son rayonnement et son économie, est importante : ce club comble une lacune en proposant une instance de réflexion et de concertation qui fait bien souvent défaut aux élus des communes dans le domaine de la culture. Il ne fait pas de doute que la mise en commun d'expériences, d'expérimentations, de bilans, de ressources matérielles ou informationnelles, de formations, que l'accès partagé enfin à des réseaux de toutes sortes, seront autant d'atouts et de moyens pour permettre aux élus d'impulser ou de soutenir avec confiance des initiatives culturelles qui offrent à la vie des populations rurales non seulement une qualité plus grande, mais encore un avenir.