Index des revues

  • Index des revues

Politique de conservation et bibliothèques universitaires

1999
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    Politique de conservation et bibliothèques universitaires

    Par Denis Pallier, Inspecteur général

    La journée traite du patrimoine sous l'angle de la conservation, non de la mise en valeur. Dans le cas des bibliothèques universitaires, il est un peu difficile de dissocier l'un et l'autre. Pour traiter du sujet, sous l'angle de la journée, trois rubriques seront examinées :

    • 1. Brièvement, la notion de patrimoine dans les bibliothèques universitaires et ses bases réglementaires.
    • 2. L'état des lieux. La politique du patrimoine est particulièrement récente dans les bibliothèques universitaires. Dans leur prospérité relative, quelle est actuellement la part faite à la conservation ?
    • 3. Quelles pourraient être les bases d'une politique de conservation plus ample ?

    Patrimoine et bibliothèques universitaires

    La notion de patrimoine des bibliothèques est récente. Le terme a été utilisé officiellement pour la première fois dans le rapport intitulé Le Patrimoine des bibliothèques, remis en 1982 par l'inspecteur général Desgraves au Directeur du livre et de la lecture. Ce rapport identifiait les grands secteurs d'intervention : laboratoire de conservation, construction, reliure et actions d'entretien, restauration, reproduction photographique, catalogues, valorisation par des expositions, acquisition, coopération, formation. Il s'insérait dans un mouvement général en faveur de la conservation : rapport Ratcliffe en Grande-Bretagne et rapport Fabian en RFA (1983), lancement du programme PAC (Preservation and Conservation) de l'IFLA en 1986.

    Il n'existe pas de définition réglementaire du patrimoine écrit. Le décret du 9 novembre 1988 relatif au contrôle technique de l'État sur les bibliothèques territoriales a créé une nouvelle instance, le Conseil national scientifique du patrimoine des bibliothèques publiques (CNSPBP). Ce texte traite du contrôle des collections et, en leur sein, du contrôle des fonds anciens, rares et précieux. Une équivalence a été établie. Les termes retenus embrassent large. Les trois critères, indépendants (mais combinables), de l'âge, de la rareté et du prix rompent avec la définition précédente, où l'intérêt d'un fonds était fonction de son ancienneté. Ainsi, la protection patrimoniale s'applique aux documents plus récents qui forment une collection, et atteignent la rareté. On a en fait une définition pas tout à fait réglementaire, mais vaste, ouverte, évolutive, renvoyée aux propositions des bibliothèques et à l'avis d'un conseil largement professionnel (1) .

    Quelles bases réglementaires sont applicables au patrimoine des bibliothèques universitaires ? Leurs collections appartiennent au domaine public. Mais l'inaliénabilité et l'imprescriptibilité des fonds n'entraînent pas une politique de conservation (2) . Seuls les décrets relatifs aux bibliothèques interuniversitaires de Paris et à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg mentionnent une mission de conservation. La fonction de conservation en BU est évoquée par quelques circulaires seulement, celles qui concernent les CADIST (1983, 1992) et la circulaire plus générale du 22 juillet 1988 relative « au traitement des documents acquis et à leur mise à la disposition des lecteurs Ces « Recommandations de 1988 » demandent de conserver les collections patrimoniales dans des lieux adaptés, de ne pas les dissocier.

    Le contrôle de l'État s'applique aux actions patrimoniales suivant une note ministérielle de février 1990, mais surtout lorsqu'elles sont appuyées dans le cadre des contrats quadriennaux passés entre le Ministère et les universités. Le renouvellement des contrats donne lieu à contrôle. Par là, l'inspection peut apprécier les besoins et les opérations subventionnées (3) .

    Au total, la fonction est moins présente dans le cadre universitaire que dans le cadre administratif des bibliothèques publiques. On doit plutôt considérer la conservation comme un objectif sur lequel se rencontrent les établissements et le ministère de tutelle : maintenir les collections en état d'usage pour les générations futures, les priorités étant arrêtées par les établissements suivant leurs points forts.

    État des lieux

    Cadre historique

    En Allemagne ou au Royaume-Uni, les premières actions en faveur de la conservation ont concerné les bibliothèques d'étude et de recherche. En France, les premières initiatives ont été prises pour la Bibliothèque nationale et les bibliothèques publiques : soutien à la recherche, à l'entretien, à la restauration, reproduction, aide à la publication de catalogues, appui à la création d'associations régionales de coopération.

    Les bibliothèques universitaires conservent cependant des ouvrages anciens, identifiés par l'enquête de 1975 complétée en 1982. Leurs collections de manuscrits ont été évaluées en 1991. Un nombre limité de bibliothèques est concerné : les anciennes bibliothèques universitaires de Paris et les bibliothèques de grands établissements, la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, les BU de Montpellier, de Poitiers, de Toulouse... C'est un résultat de l'histoire des enseignements supérieurs, avec ses cas particuliers : les bibliothèques des écoles de médecine, la Bibliothèque d'art et d'archéologie, la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine.

    Sur la même base historique, on peut deviner où se trouvent les principaux fonds du XIXesiècle: dans les bibliothèques interuniversitaires de Paris et les bibliothèques de grands établissements, dans les BU des universités les plus anciennes, à Aix, Besançon, Bordeaux, Clermont, Dijon, Grenoble, Lille, Lyon, Montpellier, Nancy, Poitiers, Rennes, Strasbourg et Toulouse. Enfin, les bibliothèques des enseignements supérieurs sont aussi les principaux dépôts des collections scientifiques et techniques du xxe siècle, avec leurs caractéristiques propres : forte proportion de périodiques, de documents étrangers... Le champ de la conservation couvre des techniques applicables à des fonds récents. Dans ce cas, le lien entre maintenance et conservation devrait être un lien naturel.

    Des crédits nouveaux et spécifiques ont donc été affectés à la conservation, en appui des efforts propres aux établissements. Ce programme a débuté en 1988, après des actions de valorisation (aide à la réimpression d'ouvrages anciens, vidéodisques patrimoniaux de la Bibliothèque Sainte-Geneviève et de la Bibliothèque centrale du Muséum national d'histoire naturelle). L'enveloppe patrimoine a été abondée par la commission Miquel, qui l'a fait passer de 1 à 3 MF.

    L'offre aux bibliothèques avait été définie, en connaissance des expériences menées dans les bibliothèques publiques, par un dialogue Administration/Association des directeurs de bibliothèques universitaires. Le secteur de plus forte demande a été celui de la reliure et de la restauration (35 % des demandes), suivi du traitement (10 %, avec une part de vacations) dans un large champ de documents. L'aide aux ateliers de restauration a constitué une priorité temporaire à la suite du rapport Delrieu (plus une aide à des ateliers de reproduction). De même, l'aide à l'installation de réserves, en encourageant le regroupement de fonds, l'acquisition de meubles spécialisés et d'équipements (thermohygro-mètres, humidificateurs...), a tenu une place spécifique dans les premiers temps.

    Le poids de la micrographie était dès le départ plus faible que dans les BM (10 à 15 %). L'aide aux expositions (conception et matériel), à l'édition de brochures a représenté l'essentiel des actions de valorisation. L'aide aux acquisitions était exceptionnelle. Les formations se trouvaient généralement financées par ailleurs (4)

    L'objectif de l'opération était de favoriser une évolution de l'échelle des actions patrimoniales et de faire apparaître des programmes pluriannuels dans les établissements. À ce moment-là, un nouveau cadre de fonctionnement des bibliothèques universitaires s'annonçait. On entrait dans une période d'augmentation des crédits d'acquisition et de fonctionnement. Des mètres carrés nouveaux allaient être ouverts, les créations d'emplois reprenaient. Où en est-on avec la conservation dix ans après ?

    État actuel. Ce que l'on connaît : les dépenses

    L'Annuaire des bibliothèques universitaires rend compte des dépenses des services de documentation d'après l'enquête statistique générale annuelle. Un tableau (depuis 1990, le tableau 7B) fait apparaître les dépenses de conservation (5) en pourcentage des dépenses totales (personnel non compris).

    En moyenne nationale, ce pourcentage de dépenses de conservation évolue assez peu :

    Vignette de l'image.Illustration
    Pourcentage de dépenses de conservation

    On constate un maximum de 4,35 % en 1992. Malheureusement, le minimum sur dix ans se trouve dans la statistique la plus récente. En 1996, le pourcentage des dépenses de conservation est tombé à 3,26 %. Alors qu'on avait jusqu'ici un mouvement en dents de scie avec une faible amplitude, la conservation a perdu plus de 1 % entre 1995 et 1996.

    Les dépenses de référence ont bien sûr considérablement évolué. Quelques jalons traduisent la forte croissance des dépenses des bibliothèques universitaires (en MF.) :

    Vignette de l'image.Illustration
    Dépenses de référence des bibliothèques universitaire

    Sur cette base, on avait donc 25,6 MF de dépenses de conservation en 1995, contre 7,5 MF en 1987, soit 3,5 fois plus. Mais l'enveloppe conservation est tombée à 22 MF en 1996, alors que les bibliothèques universitaires ne souffraient d'aucune pénurie.

    Toutes les bibliothèques ne sont pas également concernées. La moyenne des dépenses de conservation tourne autour de 3 % dans les services communs de documentation en région (2,38 % en 1996). Elle varie de 3,5 à 4 % suivant les années dans les SCD de Paris (3,66 % en 1996). Elle a atteint progressivement 8 puis 9 % dans les bibliothèques interuniversitaires de Paris (mais retombe à 7,18 % en 1996). En 1996, les dépenses de conservation se partageaient ainsi : en région, 11,4 MF ; à Paris, 3,6 MF pour les BU et 7 MF pour les BIU.

    Au sein de chaque catégorie, les efforts ne sont pas égaux. Si on fixe la barre des dépenses souhaitables pour la conservation à 4 % des dépenses totales, six bibliothèques interuniversitaires de Paris sur neuf la dépassent habituellement ; sept SCD parisiens l'atteignent ou la dépassent, ainsi que seize établissements provinciaux. Au total, le tiers des bibliothèques universitaires atteignent ou dépassent ce seuil. Il est un peu difficile de commenter plus les résultats des BIU de Paris. Les dépenses de conservation les plus élevées se situent dans un trio Bibliothèque d'art et d'archéologie, Bibliothèque Sainte-Geneviève et Bibliothèque de la Sorbonne. Les faibles pourcentages d'autres BIU peuvent surprendre. Les BU littéraires et juridiques les plus anciennes de Paris semblent plus attentives à la conservation. En région, on trouve au-dessus de 4 % les composantes des anciennes BIU et des universités fondées au XIXesiècle (Dijon, Toulouse), mais aussi un groupe de ce que l'on appelait les jeunes universités. C'est en région qu'on observe les dépenses les plus faibles : en 1996, dix bibliothèques universitaires affichaient moins de 1 % de dépenses documentaires (en mettant à part les services inté-rétablissements sans collections).

    Ce que l'on connaît : les actions soutenues

    Les directions en charge des bibliothèques des enseignements supérieurs ont laissé à la Direction du livre et de la lecture et à la Bibliothèque nationale de France la responsabilité de développer les études et recherches en matière de patrimoine. Il n'existe pas de bureau spécialisé dans la Sous-direction des bibliothèques et de la documentation. Cependant, l'administration centrale mène des actions qui touchent au patrimoine. Plusieurs visent à la mise en valeur de fonds (convention avec l'Institut de recherche et d'histoire des textes sur la reproduction des manuscrits, corpus iconographique d'histoire du livre, programmes de conversion rétrospective). En matière de conservation stricto sensu doivent être mentionnés la présence du Ministère auprès du Centre de recherches sur la conservation des documents graphiques (CRCDG) et l'outil original que constitue le Centre technique du livre de l'enseignement supérieur (CTLES). Créé pour servir de poumon documentaire aux bibliothèques saturées de la Région Île-de-France, le CTLES donne l'exemple de conditions de conservation exemplaires et conduit les établissements à analyser l'état et l'usage de leurs fonds.

    Les formations initiales des conservateurs d'État des bibliothèques, placées sous la tutelle de cette sous-direction, prennent en compte la conservation (autant que faire se peut en formation initiale). On doit noter la place de la conservation dans les programmes de formation continue en 1998. Quatre stages sont offerts par l'ENSSIB, deux stages généraux (conservation et mise en valeur des collections patrimoniales ; première approche des fonds de livres anciens dans les établissements patrimoniaux) et deux stages spécialisés (identification des estampes du XVIeau XIXesiècle ; identi fication des techniques photographiques de 1914 à nos jours). L'IFB aura offert cinq stages, deux au premier semestre (constituer le patrimoine contemporain : bibliophilie et livres d'artistes ; prendre en main un fonds patrimonial) et trois au second semestre (conserver, traiter, valoriser le patrimoine en BU ; traiter un fonds de manuscrits moderne ; image ancienne et nouvelles technologies).

    La partie la plus visible du dispositif patrimonial de l'enseignement supérieur, ce sont les actions prises en charge dans le cadre des contrats quadriennaux passés avec les universités. S'y ajoutent des actions spécifiques pour les bibliothèques de grands établissements hors contrat. Cette enveloppe patrimoine s'élevait à 4 MF en 1997.

    Pour les contrats en cours, les demandes portent principalement sur la restauration ou le traitement des collections (restauration : quinze actions en 1997, treize en 1998 ; traitement : six actions en 1997, une en 1998; en 1997, deux demandes spécifiques découlaient de dégâts des eaux). Toutes les autres opérations se comptent à l'unité : mobilier spécifique (meuble pour microfilms), installation de traitement d'air dans les magasins, microfilmage, numérisation, matériel d'exposition. Il n'y a pas de blocage chronologique, aucun type de document n'est exclu. Faute de nouvelles demandes, il n'y a pas de nouvelles rubriques (par exemple désacidification) par rapport à 1988. Les demandeurs sont en règle générale des établissements actifs en matière de conservation, suivant les statistiques générales.

    Au total, l'action de l'administration centrale n'est ni dissuasive ni incitative, elle semble avoir pour mot d'ordre frappez et on vous ouvrira ».

    Pour une politique de conservation plus ample

    La plupart des bases de départ sont communes aux bibliothèques françaises :

    • L'évolution technique, évolution des supports et des capacités de stockage, les perspectives offertes par la numérisation. On peut penser que c'est un secteur où la coopération nationale se développera.
    • La tendance à externaliser les prestations (reliure, restauration, édition, microreproduction). La question des ateliers en bibliothèque a été peu évoquée aujourd'hui. Cela correspond peut-être à une prise en compte différente du secteur privé. En ce qui concerne la reliure, ces relations se sont construites depuis le colloque de Nancy en octobre 1993 et la fondation en 1994 de l'Institut français pour la reliure de bibliothèque, instance de concertation entre relieurs et bibliothécaires. L'enquête sur la reliure dans les bibliothèques organisée par la Direction du livre et de la lecture a examiné les pratiques et les attentes des bibliothèques (quant aux coûts, aux délais, aux devis). Elle montre que 60 % des bibliothèques municipales et 89 % des bibliothèques universitaires font appel à l'extérieur.
    • Le statut du patrimoine, objet d'une préoccupation réelle (sensibilisation, formation), sans que des plans soient affirmés au niveau national. Un ouvrage récent a noté, à propos des bibliothèques territoriales, que l'époque n'était plus aux visions quantitatives et homogènes. Était soulignée l'irréductible singularité des collections conservées (6) . Il semble bien que la collection soit devenue le critère principal des actions patrimoniales, avec bien sûr la capacité de mobilisation d'un établissement, le rôle des personnes et des traditions.

    Il est certain que les politiques de conservation, tout comme les politiques d'acquisition, auxquelles elles sont liées, se décident au niveau des établissements. En 1996, les bibliothèques ont investi 22 MF pour la conservation, par rapport à 4 MF de programmes financés par l'administration centrale. Néanmoins le cadre d'action des bibliothèques d'enseignement supérieur a des aspects spécifiques. Par comparaison avec les bibliothèques publiques, les bibliothèques universitaires ont l'avantage d'une relative homogénéité et d'une tradition de fonctionnement en réseau. En revanche, l'université n'est pas un acteur comparable aux villes, dont la montée en puissance technique a pu s'accompagner de politiques patrimoniales. Le patrimoine universitaire ne relève pas vraiment de l'ère des commémorations célébrée par Nora. Il ne répond qu'exceptionnellement à une demande identi-taire dans l'université. L'université utilise les collections anciennes, rares et précieuses sans leur fournir d'avocat. Ainsi que le montrent les statistiques des bibliothèques universitaires pour 1996, les priorités d'accueil et d'équipement l'emportent assez naturellement sur la conservation.

    Quelles propositions peuvent être faites en faveur des politiques de conservation ? Pour ma part, j'en formulerai deux.

    Légitimer les pratiques

    Les sources techniques se sont multipliées. Sur la base des exposés précédents une question se pose : sont-elles discutées ou mises en valeur? En 1983, le volume Conservation et mise en valeur des fonds anciens, rares et précieux des bibliothèques françaises, publié par la Direction des bibliothèques, des musées et de l'IST et la Direction du livre et de la lecture, a constitué le premier essai de synthèse commune. La DLL avait étudié un code de prescriptions techniques en accompagnement des lois de décentralisation. À défaut de code, elle a diffusé à partir de 1984-1985 des notes d'information sur des points techniques particuliers à la conservation et à la restauration des documents, éléments d'harmonisation des méthodes de traitement des collections.

    Les deux comités techniques du Conseil national scientifique du patrimoine des bibliothèques publiques (CNSPBP) ont prolongé cette activité. Un comité était chargé d'examiner les dossiers des documents précieux proposés à la restauration, confrontant des approches au départ très différentes entre privé (maximaliste) et public (historien et minimaliste). L'autre a formalisé les principes de la restauration des documents graphiques (La Restauration des livres manuscrits et imprimés, principes et méthodes, DLL/BnF, Pro Libris, 1992). Une telle coopération CNSPBP/DLL/BnF, réservoir d'expertise, s'est matérialisée à nouveau tout récemment, en août 1998, par la publication du recueil Protection et mise en valeur du patrimoine des bibliothèques, diffusé aux bibliothèques territoriales, aux bibliothèques universitaires, aux agences de coopération, aux centres de formation... et disponible en principe sur un site Internet. C'est un recueil de recommandations à l'usage des gestionnaires qui doivent rendre compte aux collectivités. Ont été privilégiés l'environnement (contrôle, entretien), la prévention (conditions de la communication, protection), le renforcement (reliure), les modalités d'accès (reproduction), les conditions de la mise en valeur et de la restauration. S'y ajoutent les mesures d'urgence en cas de sinistre.

    D'autres sources à caractère instrumental pourraient être citées, entre autres la nouvelle version des principes de sauvegarde et de conservation des documents de l'IFLA dans le cadre du programme PAC (IFLA Principles for the care and handling of library material, 1998). C'est un document concis, centré sur la préservation, sans aborder la restauration. L'ouvrage publié au Cercle de la librairie en 1995 sous la direction de Jean-Paul Oddos, La Conservation, principes et réalités, est à la fois théorique et applicatif. On y trouve en effet des chapitres généraux (historique, rôle des administrations, économie de la conservation). Mais il offre pour la première fois des modèles de programmation d'un plan de conservation.

    La publication de 1983 s'était accompagnée de journées en Région. Des journées théorie et pratique » sembleraient particulièrement opportunes aujourd'hui.

    Publier et quantifier des objectifs de conservation

    Le danger qui guette constamment la fonction de conservation, c'est la clandestinité. Coûteuse, sélective, la conservation devrait être une action continue. Elle peut sembler une mode épisodique. Elle paraît en fait la revendication périodique d'une minorité.

    Les bibliothèques de recherche sont individuellement responsables de la conservation de leurs collections, comme part des ressources collectives d'un pays. Le concept a été constamment affirmé depuis les années 1980 aux États-Unis et en Europe. L'objectif est de maintenir ces collections en état d'usage pour les générations futures. Cela suppose des activités de protection, pour garantir l'accès des documents qui figurent dans les collections ou bien qui y entrent. Mais on sait qu'il y a peu d'activités dans une bibliothèque qui n'affectent d'une manière ou d'une autre la longévité des documents. Un effort global comprend l'attention à l'environnement atmosphérique. Il inclut les méthodes de transport des documents par le personnel, la photocopie, la qualité des reliures, des rayonnages, l'adaptation de l'éclairage... On peut énumérer une longue liste d'actions.

    Sont-elles bien identifiées et confrontées à une échelle commune ? Il semble que des recommandations peuvent être faites en ce sens :

    • 1. Que chaque bibliothèque universitaire établisse ses objectifs de conservation, avec un état des activités en cours : description des éléments actuels, des projets à court terme. Ce mémento, décrivant les orientations générales et les priorités, serait destiné à la tutelle et aux autres bibliothèques dans une perspective d'échange de pratiques.
    • 2. Que chaque bibliothèque rassemble régulièrement une série de statistiques documentant l'activité de conservation par année. Les données à recueillir devraient être : l'effectif concerné, les dépenses de conservation et le pourcentage représenté par ces dépenses par rapport au budget de la bibliothèque, le nombre de documents traités (avec des catégories : traitement complet, emboîtage, maintenance...), le nombre de documents donnés à relier, le nombre de documents désacidifiés, le nombre de transferts réalisés sur microformes. De tels comptes rendus existent. La Bibliothèque d'art et d'archéologie en fournit le modèle.
    • 3. Une attention particulière doit être portée à l'environnement. Cela s'applique d'abord aux documents uniques et à ceux pour lesquels l'établissement a une responsabilité particulière : air filtré, conditionné, attention à la température et à l'humidité, conditions particulières de mise à disposition.
    • 4. Un effort financier minimal est nécessaire. Dès le début des années 1980, cet effort avait été évalué par les bibliothèques de recherche américaines à 4 % des dépenses totales, ou 10 % des dépenses d'acquisition documentaires. Cet effort dépend en fait de l'état des collections (part des documents rares et précieux, part des papiers acides). À titre de référence, en 1996, les dépenses de reliure et d'équipement des documents représentaient environ 17 % des dépenses d'acquisition des bibliothèques municipales françaises (7) .

    Une action au moins minimale, menée sur le long terme, paraît un moyen d'affirmer la fonction de conservation, à l'instar des autres fonctions des bibliothèques universitaires. Une action légitimée et mieux quantifiée paraît aussi la base d'un nouveau dialogue entre les bibliothèques universitaires et leurs tutelles en faveur de la conservation.

    1. Cf. i Bibliothèques, culture et patrimoine 9, in : Les Bibliothèques en France 1991-1997, sous la dir. de Dominique Arot. Paris, éd. du Cercle de la librairie, 1998. retour au texte

    2. L'étude la plus récente sur l'appartenance des collections des bibliothèques au domaine public a été fournie par le professeur Henri Comte : « Désherbage et domanialité », in : Désherber en bibliothèque, manuel pratique de révision des collections, par Françoise Gaudet et Claudine Lieber. Paris, éd. du Cercle de la librairie, 1996. retour au texte

    3. Jean-Luc Gautier-Gentès : Le Contrôle de l'État sur le patrimoine des bibliothèques des collectivités et des établissements publics : aspects législatifs et réglementaires. Institut de formation des bibliothécaires, 1998, p. 47-54. retour au texte

    4. On a donné un compte rendu de ces actions dans le volume 11 des Mélanges de la bibliothèque de la Sorbonne, « Les fonds anciens des bibliothèques des enseignements supérieurs : premiers résultats d'un programme "patrimoine imprimé" », p. 17-32. retour au texte

    5. Jusqu'en 1987, l'intitulé était i dépenses de reliure ». retour au texte

    6. « Bibliothèques, culture et patrimoine », étude citée, p. 172-174. retour au texte

    7. Bibliothèques municipales. Bibliothèques départementales des départements d'outre-mer. Bibliothèques départementales de prêt. Données 1996. Paris, Direction du livre et de la lecture, 1998, p. 39. retour au texte