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Une offre de ressources numériques en ligne pour l'enseignement

2000
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    Une offre de ressources numériques en ligne pour l'enseignement

    Par Martine Comberousse, Coordinatrice scientifique du PNER Ministère de la Recherche

    Le e Programme numérisation pour l'enseignement et la recherche » (PNER) a été confié par le ministère de l'Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie à la Fondation Maison des sciences de l'homme dans le dessein d'examiner les conditions nécessaires au développement de la production et de la diffusion en ligne de sources numériques utiles à l'enseignement et à la recherche. Il se situe dans le cadre de la politique nationale en faveur de l'utilisation des nouvelles technologies de l'information dans le milieu éducatif et, également, du développement de l'industrie éditoriale éducative.

    L'une des grandes forces de ce programme, qui a débuté en janvier 1999 pour une durée de trois ans, est d'avoir pu déjà rassembler autour d'un objectif d'offre de contenus en ligne pour l'enseignement un grand nombre de partenaires conscients des enjeux stratégiques, culturels et industriels que représente le développement des usages des nouvelles technologies dans le cadre pédagogique.

    Des éditeurs scolaires, des éditeurs universitaires, des éditeurs électroniques, des syndicats professionnels, des établissements publics détenteurs de fonds, des diffuseurs pédagogiques, des opérateurs techniques, etc., ont depuis un an largement participé à la réflexion sur les grands axes du Programme : les aspects juridiques de la diffusion numérique, la nature et les conditions de l'offre éditoriale pour l'enseignement (enseignement scolaire et universitaire), les technologies qui accompagnent ces nouveaux dispositifs, ainsi que les pratiques pédagogiques et les usages qu'ont les enseignants, les élèves et les étudiants des ressources numériques. Sur ce dernier thème, deux études ont été réalisées, l'une sur les usages des documents numériques dans l'enseignement scolaire (écoles, collèges, lycées), l'autre sur les usages dans l'enseignement supérieur (1) .

    Les partenaires du PNER sont actuellement une trentaine, parmi lesquels, à ce jour, une quinzaine se sont engagés par un contrat de partenariat à participer concrètement aux expérimentations mises en oeuvre dans le Programme. Ils contribuent ainsi à la réalisation de la phase opérationnelle, qui consiste à tester finement dans quelques domaines les conditions de production d'une offre variée de ressources et les fonctionnalités pédagogiques qu'implique le recours aux contenus en ligne. Les expérimentations seront réalisées sur des sites d'enseignement, avec les enseignants, à partir de la rentrée 2000.

    Cependant, il ne faut pas se tromper, en matière de nouvelles technologies éducatives nous ne nous situons plus vraiment dans un contexte de précurseurs, d'innovateurs. Il convient donc d'orienter les expérimentations dans une optique de généralisation et de transformation réelle des pratiques pédagogiques et, en outre, de prendre en compte des fonctionnalités pérennes et évolutives en fonction des progrès technologiques.

    Les nombreuses expériences réussies d'introduction des TICE (technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement), par les enseignants eux-mêmes, dans les cours ou dans la classe témoignent de cet intérêt de plus en plus grand à l'égard des ressources numériques : plus de 600 expériences ont été répertoriées par le CNDP et le réseau des CRDP dans les écoles, les collèges et les lycées (2) - Il faut compter aussi sur la disponibilité de plus en plus large des équipements : un ordinateur pour 7 élèves au lycée, pour 5 dans les lycées professionnels, pour 15 au collège et pour 25 environ dans les écoles, très nombreuses. Cela ouvre aux enseignants la possibilité d'intégrer cet outil dans leurs cours.

    Dans le milieu universitaire (3) , l'enquête IPSOS réalisée il y a un an montre que l'ordinateur est devenu familier des étudiants pour les travaux de recherche d'information ou de stockage de données (66 °/o d'entre eux l'utilisent pour gérer leurs informations), et qu'ils s'en servent aussi bien chez eux qu'à l'université ou dans les bibliothèques (les deux tiers). L'implication et le dynamisme de certaines collectivités locales, des académies, d'un grand nombre d'établissements est manifeste pour soutenir ce mouvement d'utilisation des TICE.

    Le « marché » de l'éducation est, pour les acteurs des nouvelles technologies, qu'ils soient producteurs de contenus ou offreurs de technologies, un territoire immense et en pleine croissance : la « clientèle » potentielle représente plus de 12 millions d'élèves et 2 millions d'étudiants, 1,3 million d'enseignants dans le scolaire et près de 80000 dans l'enseignement supérieur. Mais ce marché éducatif est particulier, car il est très dépendant de la puissance publique prescriptive (définition des programmes et des méthodes) et répond mal à un modèle commercial classique. Le débat qui agite l'Université sur la « marchandisation » de la formation reflète bien cette tension que la « nouvelle économie » d'Internet fait naître.

    Concernant l'offre de ressources, la situation est également assez avancée. Certains secteurs ou disciplines disposent sur Internet d'un ensemble très conséquent de contenus de nature variée. On recense, par exemple, plus de 10 000 documents numériques pour les mathématiques, signalés dans l'ébauche de portail éducatif mis en place par le CNDP.

    L'étude réalisée pour le PNER sur les fonds numérisés met bien l'accent sur les secteurs les mieux représentés pour l'enseignement scolaire, comme les oeuvres littéraires (dans la limite des 70 ans sur lesquels porte le droit d'auteur), l'histoire, les sciences de la vie et de la terre... Mais elle relève aussi des lacunes, en philosophie, en oeuvres théâtrales, en archives sonores ou en collections audiovisuelles scientifiques, en ressources pour l'enseignement technique, etc.

    Néanmoins - et c'est l'objet du PNER de les traiter - de nombreuses interrogations demeurent, dans la perspective d'une banalisation des usages des documents numériques. Elles portent surtout sur les conditions et l'environnement juridiques, économiques, industriels et pédagogiques de cette utilisation des ressources. Ainsi, depuis le début du Programme, un certain nombre de questions reviennent sans cesse, par exemple :

    • Comment les éditeurs, en particulier les éditeurs scolaires, vont-ils s'insérer dans une économie d'Internet où la gratuité est actuellement la règle (en tout cas dans le secteur éducatif et de la connaissance) ?
    • Quelles seront pour les professionnels de l'offre éditoriale les nouvelles manières de produire et de fournir des contenus utiles aux enseignants, alors même que ceux-ci produisent de plus en plus leurs cours directement sur le Web ou les partagent entre collègues dans des listes de diffusion ?
    • Comment les établissements publics, en particulier ceux qui possèdent des gisements documentaires immenses, vont-ils s'y prendre pour diffuser ces richesses du patrimoine dans le milieu éducatif ? Quel est leur rôle à côté des éditeurs du secteur privé ? Actuellement, des freins juridiques sont fréquemment opposés à une numérisation des collections hors du domaine public, mais d'autres voies, comme la coproduction, se développent.
    • Les « e-books » ont-ils une place dans les écoles ? Au-delà de l'effet de mode, ce nouvel outil portable, loin d'être achevé, peut-il présenter un intérêt dans le contexte éducatif sans générer de nouvelles inégalités ? Que pourrait être un « cartable électronique » ? ?
    • Comment respecter le droit des auteurs dans la production multimédia éducative (qui entraîne une multiplication des contrats et autorisations à obtenir, surtout pour les images) et dans l'exploitation large des sources numériques dans le milieu éducatif ?
    • Toutes les études montrent que, pour les enseignants, le facteur temps constitue un frein à l'introduction des nouvelles technologies dans leur enseignement. Une année au moins est nécessaire pour la préparer, sans compter les périodes indispensables de formation. Ensuite, dans l'application, le temps est également une clé de la réussite à laquelle le découpage des cours ne convient guère. Le suivi des élèves et des étudiants devient plus important, plus individualisé, sans doute plus contraignant. Comment les enseignants peuvent-ils y faire face dans le cadre horaire serré qui est le leur ?

    L'approfondissement de toutes ces questions se fait au sein des divers groupes de travail mis en place par le PNER, et autour des expérimentations d'offres en ligne de ressources numériques et d'usages qui se dérouleront dans les établissements d'enseignement durant l'année scolaire 2000-2001. Ces expérimentations permettront d'analyser in situ les processus d'utilisation des contenus numérisés, les mécanismes de l'offre ainsi que les cadres juridique, financier et organisationnel à mettre en place pour un dispositif général d'offre et de diffusion en ligne des contenus pour l'enseignement.

    1. Études intégralement accessibles sur le site du PNER : http://www.pner.org retour au texte

    2. La liste en est fournie à l'adresse suivante : http://cndp.fr/tice/ retour au texte

    3. Extrait du bilan de l'enquête ETC, menée par le ministère de l'Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie. Voir le site : www.educnet.education.gouv retour au texte