Index des revues

  • Index des revues

Que nos échanges dépassent les problèmes conjoncturels !

2001
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    Que nos échanges dépassent les problèmes conjoncturels !

    Par JEAN-MARIE SEVESTRE, Président du Directoire de la librairie Sauramps à Montpellier. Président du Syndicat de la librairie française'

    QUOI DE PLUS NORMAL QUE VOUS VOUS INTÉRESSIEZ à ceux qui travaillent étroitement avec vous à longueur d'année et à connaître leur point de vue sur votre métier.

    Je vous remercie, cher Gérard Briand, cher Président, chère Annie Dujol, de m'avoir convié à organiser cette table ronde pour laquelle les trois métiers, en amont du vôtre, sont ici réunis.

    Dans le temps qui nous est imparti, nous voulons à la fois indiquer nos points de vue, mais également profiter de cette occasion, moment rare, pour dialoguer avec vous : vos questions seront les bienvenues.

    Une fois n'est pas coutume, le libraire prend la parole avant l'éditeur.

    Vous me permettrez d'entrer rapidement dans le vif du sujet qui a préoccupé nos instances professionnelles tout au long de cette année.

    Si nous travaillons de concert avec vous, bibliothécaires, nous ne pouvons que regretter les années 1980 où une dynamique, non retrouvée depuis, a entraîné nos professions à parler ensemble, à s'écouter pour faire progresser la diffusion de ce qui nous tient à coeur, je veux parler du livre.

    La rapidité avec laquelle nos métiers ont évolué vous empêche de passer le temps nécessaire à la compréhension de nos problèmes respectifs. Le temps, toujours lui, vous manque pour fréquenter les librairies et pourtant n'aurions-nous pas là de nombreuses occasions pour parler de livres ; nos professions sont enrichies par ces discussions lorsqu'elles existent.

    Le vif du sujet aujourd'hui, c'est bien l'existence même de la librairie dans la chaîne du livre. Comment, face au déferlement des chaînes, la librairie va-t-elle résister ? N'est-il pas déjà trop tard ?

    Je ne le crois pas si nous prenons soin de faire évoluer nos structures. C'est l'intérêt premier pour vous comme pour nous que nos librairies vivent bien. Que deviendrait le paysage culturel de la France si ne subsistaient pas des hommes et des femmes qui, à travers le livre, défendent la diversité culturelle. Que deviendraient vos rayonnages si disparaissaient les libraires et que vous n'ayez pour interlocuteur que des grossistes ou des hypermarchés ?

    Nos librairies, et vous le savez bien, ont besoin de marges financières pour s'implanter sur des emplacements commerciaux stratégiques, du personnel qualifié et suffisamment nombreux, un stock de qualité en fonds et en nouveautés. Cela nécessite souvent des sacrifices. Lorsque vos marchés nous échappent, ce sont des emplois qui disparaissent dans nos villes. La sécurité de nos emplois dépend de vos engagements.

    Le projet de Madame Tasca que nous défendons avec ténacité va dans le sens que nous souhaitons.

    Nous avons décelé pourtant un manque d'enthousiasme des bibliothécaires ; si les arbitrages en cours ne sont pas faits, nous passerons, vous aurez comme les éditeurs votre part de responsabilité. En effet, si ce projet n'aboutit pas dans les prochaines semaines, les échéances de 2002 viendront vite. La chance que nous avons aujourd'hui ne se représentera pas de sitôt.

    Beaucoup d'entre vous nous soutiennent face à leurs élus en particulier. Je vous demande aujourd'hui d'engager avec nous vos forces afin que dans quelques années, nous n'assistions pas à une véritable catastrophe, alors que la loi de 1981 a été nécessaire pour soutenir un réseau.

    Les libraires ont besoin de vous pour donner le goût du livre et de la lecture aux nouvelles générations qui fréquentent vos établissements.

    Les libraires ont besoin de vous pour soutenir les créations exigeantes qui ne passeront pas à la postérité sans vous certes, mais sans nous non plus.

    Que nos échanges dépassent les problèmes conjoncturels car en fait, et ce sera ma conclusion, nous sommes vraiment dans le même bateau.

    Pour défendre les livres, pour défendre ceux qui les font, ceux qui les vivent, ceux qui les soutiennent, tout simplement ceux qui les aiment.

    Avec la passion qui nous caractérise, avec rage quelquefois, mais avec toujours beaucoup de respect pour les livres, et aussi beaucoup de respect du travail des uns et des autres.