M. Mac Colvin qui est l'un des plus ardents théoriciens de la lecture publique se propose dans ce petit livre un double objet. Indiquer comment la lecture publique est organisée dans un certain nombre de pays et, à la lumière des faits, préciser à nouveau ce que doit être « the right type of public library ».
La partie documentaire de l'ouvrage de M. McColvin ne résume pas seulement les informations que lui ont fourni statistiques, rapports officiels et études particulières. Très souvent il fait état de souvenirs personnels ayant été amené en tant que bibliothcéaire de la Cité de Westminster, président de la Commission de lecture publique de la F.I.A.B. et chargé de mission de l'U.N.E.S.C.O. à visiter de très nombreuses bibliothèques anglaises et étrangères.
« A tout Seigneur tout honneur». Le système de lecture publique du Royaume Uni est d'abord décrit en détails. C'est celui que l'auteur connaît le mieux et il est naturel qu'il invite le lecteur à s'y référer pour établir des comparaisons.
M. Mac Colvin expose ensuite les réalisations américaines et Scandinaves, ces dernières lui paraissant être les meilleures qui soient. Puis il passe en revue les pays européens : Pays-Bas, France, Allemagne de l'Ouest, Suisse, Italie, Yougoslavie, U.R.S.S. (pour laquelle il regrette l'insuffisance de son information), traite brièvement des Dominions et termine par un aperçu de ce qui est tenté dans certaines régions sous-développées d'Afrique ou de l'Inde. En un tableau d'ensemble sont ainsi réunies les précisions essentielles sur une vingtaine de pays. Il est très commode de les trouver groupées et le livre de M. Mac Colvin constitue de ce fait un ouvrage de référence auquel on aura maintes fois recours.
Un tel travail comporte forcément quelques inexactitudes et quelques lacunes. On pourra lire dans le Bulletin des Bibliothèques de France (1)
la mise au point que Mlle Chassé présente pour ce qui est de la France. De notre côté, nous avons été surpris que dans le fort instructif parallèle établi par M. Mac Colvin entre les bibliothèques des Etats-Unis et celles de Grande-Bretagne, afin de dégager leurs caractères distinctifs, il ne soit pas fait mention de la lecture des adolescents. Cependant, alors que nos collègues anglais ne se posent pas le problème, celui-ci se place au premier plan des préoccupations actuelles de nos collègues américains. Si les uns ne distinguent que des enfants et des adultes, les autres ménagent aux jeunes, aux « teens » une place intermédiaire privilégiée, ouvrant dans les « central libraries » et même dans les «branchs» des salles qui leur sont réservées, allant jusqu'à leur consacrer dans certaines grandes villes des bibliothèques particulières. Comparant les statistiques des deux pays, M. Mac Colvin s'étonne que la lecture des enfants soit proportionnellement beaucoup plus développée aux Etats-Unis qu'en Angleterre. C'est peut-être que, par le terme «juvénile», les Américains désignent les enfants et les adolescents, alors qu'en Angleterre ces derniers rentrent dans la catégorie des adultes.
La partie dogmatique de l'ouvrage est peut-être la plus intéressante. M. Mac Colvin est un champion convaincu de la Lecture publique. Il a à son sujet des idées précises et les expose avec tant de chaleur qu'il ne peut laisser ceux auxquels il s'adresse indifférents. La forme catégorique de certaines de ses affirmations appelleront peut-être des réserves. Lorsqu'il écrit que « sans le livre, sans une utilisation totale et intelligente de ce qu'il apporte, l'homme ne peut être ni utile, ni efficace, ne peut ni développer sa personnalité, ni conquérir sa liberté » (p. 218), malgré tout ce que la lecture est pour nous, nous nous souvenons de trop de grands hommes qui furent de piètres lecteurs, de trop d'illettrés paysans ou artisans dont nous avons admiré la valeur humaine, pour souscrire pleinement à un pareil jugement. Alors que nous nous sentons encore héritiers des civilisations orales du vieux monde méditerranéen, ne voyons-nous pas aujourd'hui, en l'un de ces recommencements auxquels se plait l'histoire, la science moderne mettre à côté du livre, avec le disque et la radio, le cinéma et la télévision, tous les moyens audio-visuels au service de la culture ?
M. Mac Colvin ne croit pas ? il le redit sans cesse ? à l'efficacité des bibliothèques dues à des initiatives privées et ne dépendant pas des pouvoirs publics. Il reconnaît qu'en France de telles bibliothèques ont joué et jouent encore un rôle très grand qui explique peut-être dans une certaine mesure le tardif développement de la Lecture publique. Mais il se refuse à en tenir compte puisqu'il les a négligées dans d'autres pays (où d'ailleurs elles n'ont sans doute pas la même importance). Cependant, lorsqu'il s'agit de l'Italie, c'est sur les efforts de la Société Umanitaria et des organisations similaires qu'il fonde tous ses espoirs (p. 138). Nous accueillons avec plaisir cette concession. La bibliothèque de lecture publique n'est pas pour nous the chance to read mais one chance to read.
Faut-il penser avec M. Mac Colvin (p. 293) que les bibliothèques créées ces dernières années par l'United States Information Agency et le British Council aient servi la cause de la lecture publique ? Elles ont certainement apporté la preuve qu'une bonne technique présente d'indiscutables avantages. Mais le programme qu'elles se sont donné a peut-être fait réfléchir certains en leur prouvant aussi que la bibliothèque peut devenir pour un gouvernement un excellent moyen de propagande. Par contre nous sommes pleinement d'accord avec M. Mac Colvin lorsqu'il demande à chaque pays de s'inspirer de réalisations qui ont réussi ailleurs mais de construire une organisation de lecture originale, répondant à ses besoins propres. Il est bien certain que des bibliothécaires français n'accepteront pas en bloc la définition que M. Mac Colvin donne de la bibliothèque de lecture publique, définition qu'il emprunte à Robert 1). Leigh (p. 224). La plupart en tout cas intervertiront l'ordre des facteurs, assignant comme premier objectif à la bibliothèque, l'enrichissement personnel de l'individu et non sa formation civique et sociale. Mais comme M. Mac Colvin l'écrit en substance dans un des derniers paragraphes de sa conclusion (p. 245) : « Peu importe le système adopté. Ce qui importe, c'est que tous les hommes puissent lire, facilement, librement. »