Pour ce dernier rapport annuel, qui clôt mon mandat de président, laissez-moi tout d'abord vous annoncer une bonne nouvelle : notre association vient d'obtenir, par décret du 12 avril 1969, la reconnaissance d'utilité publique, sollicitée lors du dernier changement de statuts. Cette consécration nous permettra, dans l'avenir, du moins espérons-le, d'obtenir plus aisément des pouvoirs publics les appuis et les subventions nécessaires à notre action.
Notre activité en 1968, vous la connaissez grâce à notre bulletin, aussi permettez-moi de n'en rappeler que les grandes lignes.
La réunion générale du premier trimestre 1968 avait été consacrée à un exposé sur les progrès de l'automatisation dans les bibliothèques allemandes, où Mlles Guéniot et Le Nan nous avaient fait part des conclusions d'un voyage d'études qu'elles avaient eu l'occasion d'y faire.
Notre Congrès national s'est tenu à Clermont-Ferrand les 18 et 19 mai, dans des circonstances qui ont interdit à certains d'y assister, mais qui, cependant, n'ont pas empêché des débats fructueux de s'engager devant une assistance nombreuse. Les délégués congressistes parisiens, arrivés par le dernier train ayant circulé sur la ligne, ont regagné leurs foyers en car dans la nuit du dimanche, et nous ne sommes pas près d'oublier les péripéties de ce congrès ! Remercions encore Mademoiselle Chevallier, Monsieur Archimbaud et toute leur équipe de bibliothécaires et sous-bibliothécaires pour son organisation si sympathiquement réussie. Ce congrès se doublait d'un colloque des bibliothèques médicales consacré au problème des thèses de médecine, qui a obtenu le plus vif succès. Au reste, ceux d'entre vous qui n'ont pas pu assister, l'an dernier, à nos débats en trouveront l'écho dans la publication qui vous est proposée sur cette table, et qui est une innovation : les Actes du Congrès de Clermont-Ferrand constituent le premier numéro d'une collection nouvelle, les « Documents A.B.F. ».
Au retour du congrès de Clermont, est-il besoin de rappeler que les circonstances n'étaient pas propices à des activités normales ? Mais, par contre, dans les bibliothèques comme ailleurs, un grand besoin de réflexion, de communication et de participation a agité notre monde et conduit à ces « Assises nationales des bibliothèques » qui se sont tenues du 6 au 8 juillet, où l'A.B.F. a tenu sa place dans l'effort commun. Les Assises ont abouti à des motions qui seront, du moins je l'espère, le point de départ d'une action d'envergure pour donner à notre métier et à nos bibliothèques la place qu'elles doivent occuper dans le monde de demain.
Notre Association, comme d'habitude, a joué son rôle auprès des instances internationales, et une délégation nombreuse a assisté, du 18 au 24 août 1968, au 34e Conseil de la Fédération internationale des associations de bibliothécaires, à Francfort. Réunion assombrie par l'occupation de la Tchécoslovaquie survenue pendant le Conseil, ce qui a provoqué l'abandon de Moscou comme lieu du prochain Conseil : c'est en effet, à Copenhague que se réunira, cette année, la F.I.A.B.
Les événements de mai avaient, par ailleurs, empêché M. Raux d'assister en notre nom au congrès annuel du Verein Deutscher Bibliothekare, qui se tenait à Karlsruhe au début de juin, et auquel nous avaient très courtoisement conviés nos collègues allemands. Par contre, M. Lethève a pu nous représenter à la 67e réunion de l'Association des bibliothécaires suisses, qui s'est tenue à Fribourg les 21 et 22 septembre.
Des liens accrus ont été maintenus avec les autres associations françaises dans le domaine des bibliothèques et de la documentation. C'est ainsi que le Comité de liaison avec l'Association de l'Ecole nationale supérieure de bibliothécaires s'est réuni pour harmoniser les programmes d'activité ; par ailleurs des réunions communes ont été tenues avec l'Association nationale de la recherche technique et sa commission « Bibliothèques », dirigée par la très active Madame David.
Mais l'activité de notre association se développe désormais essentiellement par l'action de ses sections par catégories de bibliothèques, et de ses groupes régionaux. C'est donc du développement harmonieux de nos sections que je veux maintenant vous parler. Et tout d'abord vous dire pourquoi nous avons songé à créer une section des Bibliothèques nationales et universitaires, qui nous manquait. Cette lacune nous est apparue quand, au congrès de la F.I.A.B. à Francfort, nos collègues suisses ont proposé des réunions dans un cadre régional européen - Europe de l'Ouest, pour être plus précis - pour débattre de problèmes similaires qui se posent, notamment aux bibliothèques universitaires. Nous n'avions pas d'organisation pour nous permettre de répondre à cette très intéressante initiative, que nous avions appuyée. D'autre part, le mouvement de mai nous avait montré qu'à la Bibliothèque nationale même, les rencontres entre collègues ne sont ni plus fréquentes ni plus faciles qu'avec des collègues d'autres bibliothèques. Des réunions d'information et de discussion semblaient souhaitables. C'est pourquoi nous augurons le meilleur avenir des deux nouvelles sections, et notamment de celle des Bibliothèques universitaires, appelée certainement à jouer un grand rôle en raison des problèmes épineux que soulève pour nos collègues, l'organisation nouvelle des Universités.
Certains collègues nous ont fait part, toutefois, de leurs appréhensions : les bibliothèques universitaires, fractionnées, s'orientent de plus en plus vers la spécialisation, de même que de nombreux départements de la Bibliothèque nationale. Ils suivaient avec beaucoup d'intérêt le travail et les réunions des sous-sections des bibliothèques spécialisées et les trouvaient plus utiles que des réunions entre universitaires, par exemple. Mais nous leur répondrons en les priant de relire nos statuts : tout membre de l'Association a le droit de suivre l'activité de tous les groupes et de toutes les sections. Ces subdivisions de l'A.B.F. ne sont que des cadres destinés à faciliter l'étude de certains problèmes ; ils ne doivent empêcher personne de suivre les activités de son choix, et c'est ainsi que nous les comprenons.
La section des bibliothèques spécialisées déploie, en effet, une activité des plus profitables, en grande partie grâce à Mme Feuillebois, dont l'énergie fait merveille. Ces activités, vous les suivez en lisant notre bulletin. Je voudrais seulement insister ici sur les liens que la section et les sous-sections ont su nouer avec les éditeurs et libraires, d'une part, avec les autres associations intéressées par les mêmes problèmes, d'autre part : les réunions communes avec l'Association nationale de la recherche technique, par exemple, ont donné de part et d'autre pleine satisfaction. Quant à l'utilité des sous-sections, je n'en veux pour preuve que l'assiduité des participants et la variété des tâches entreprises.
N'ayons garde d'oublier la Section des bibliothèques-musées des arts du spectacle qui, grâce à M. Veinstein et à Mlle Giteau, contribue à faire connaître les bibliothécaires dans des milieux assez éloignés de la profession.
Enfin, la section des Bibliothèques publiques a, elle aussi, continué de déployer l'activité que nous connaissons tous, et d'assurer notamment le Cours de formation professionnelle, dans le cadre de la Bibliothèque municipale de Neuilly, grâce à l'obligeance de M. Coulomb. C'est pour nous une grande satisfaction que de voir des cours identiques démarrer en province, et dès cette année, à Lyon, grâce à nos groupes régionaux qui trouvent là l'occasion de donner une nouvelle preuve de leur vitalité.
Voici donc maintenant l'A.B.F. bien assise sur ses bases, avec ses grandes sections dont nous avons décidé qu'elles auraient leur correspondant au Conseil, chacun des trois vice-présidents devant assurer le lien avec une des sections.
Parallèlement aux sections, les groupes régionaux se développent harmonieusement : groupe de Lorraine à l'activité toujours exemplaire, réunissant toutes les catégories de bibliothèques, groupe d'Aquitaine, groupe de Bourgogne, groupe d'Ile-de-France qui multiplie les contacts, sous l'active impulsion de M. Baudin.
Dans ce résumé, auquel nous ne voudrions pas donner l'allure d'un palmarès, signalons cependant que le Groupe Lyonnais s'est distingué par deux initiatives : l'une est de se lancer dans une grande tâche d'intérêt commun pour tous les bibliothécaires, et c'est la traduction en français de la Classification décimale Dewey, dont plusieurs classes ont déjà paru, et que vous connaissez tous maintenant. L'autre, c'est d'avoir été le premier groupe - mais nous savons qu'il y en aura d'autres - à organiser hors Paris un cours élémentaire de formation professionnelle, à l'image de ceux qui fonctionnent depuis longtemps à Neuilly. Remercions donc vivement Madame Guillien de sa très féconde activité. Et nous attendons maintenant le groupe du Nord, qui va se manifester prochainement, du moins nous l'espérons. Quant au Groupe des « Pays de la Loire », il vient de se créer ici même et nous nous félicitons de cette heureuse initiative. La régionalisation est un des grands problèmes nationaux et nul doute qu'en se lançant dans cette voie, l'A.B.F. n'aille dans le sens de l'avenir.
Mais en dehors de nos sections et de nos groupes, il est certains problèmes d'intérêt commun qui doivent être étudiés en dehors de toute question d'appartenance à une région ou une catégorie de bibliothèques : c'est pourquoi des groupes de travail, simples rassemblements de collègues intéressés par ces problèmes, doivent équilibrer l'organisation trop rigide que je viens d'esquisser. Le premier auquel nous avons pensé est celui qui étudiera les problèmes de conservation, problèmes envisagés d'ailleurs sous l'optique la plus large, et dont a bien voulu se charger M. Labarre. Ce groupe ne sera pas le seul : la création d'un groupe de travail sur l'informatique m'apparaît très nécessaire et nous permettrait de travailler en liaison avec les groupes similaires de l'A.N.R.T. et de l'A.D.B.S. Certains collègues, notamment dans les bibliothèques publiques, peuvent estimer que ce problème ne les touchera pas avant de longues décades : qu'ils se méfient, la technique marche vite et ils risquent de se trouver dépassés plus rapidement qu'ils ne le soupçonnent ! C'est pourquoi l'A.B.F. a tenu à sensibiliser ses adhérents à ces problèmes, non point que nous ayons l'ambition de comprendre ce qui se passe à l'intérieur d'un ordinateur, mais parce qu'il y a là un nouveau moyen qui nous est donné et dont il faut apprendre à se servir.
Je voudrais terminer sur nos publications. Tout d'abord l'Annuaire, sorti au printemps dernier, trop près du mois de mai pour que sa distribution normale n'en ait pas quelque peu souffert - et je voudrais répéter à tous nos collègues qu'ils ont droit à leur annuaire gratuit, et que nous leur demandons simplement, s'ils ne peuvent venir le prendre à nos bureaux, 5 F pour les frais d'envoi.
Notre Bulletin d'informations a régulièrement publié ses quatre numéros sous une couverture bleu canard. D'autre part, la revue de la Section des bibliothèques publiques, « Lecture et bibliothèques » a continué de paraître ; vous la connaissez, c'est la tribune libre des bibliothèques publiques, un organe très vivant qui a déjà une clientèle dans les autres pays de langue française, et notamment en Afrique. La même section a publié, en 1968, le Cours élémentaire de formation professionnelle. Ce cours, tiré à 250 exemplaires, était épuisé dès la fin de l'année. C'est pourquoi nous préparons actuellement une deuxième édition mise à jour, que nous tirerons en offset à 500 exemplaires, avec l'espoir de ne pas avoir à le rééditer avant deux ans.
Comme je vous l'ai dit, le Groupe Lyonnais publie d'autre part sa traduction française du Dewey, qui constitue une édition provisoire de l'ouvrage définitif, qui sera imprimé aux Etats-Unis par la Forest Press, qui détient les droits d'auteur.
Enfin, et je suis sûre que cette nouvelle vous intéressera, nous venons de sortir le n° 1 de la collection « Documents A.B.F. », qui comprend les actes du congrès de Clermont-Ferrand. Cette collection, modeste dans sa présentation, ne doit nullement se limiter dans notre esprit aux actes de nos congrès, désormais trop volumineux pour prendre place dans le Bulletin. Nous pensons y publier des conférences d'initiation à l'informatique, des documents issus du travail de nos groupes et sections, et d'une façon générale tous documents pouvant être utiles à nos collègues. La forme modeste de cette collection permettra, nous l'espérons, la parution rapide et la diffusion large demandées par la nature des textes publiés. Si le nouveau Conseil en est d'accord, un Comité des publications, agissant en relation étroite avec le Bureau, se chargera de ce secteur de notre activité.
Et puisque je viens de faire allusion au Conseil que vous allez réélire, je voudrais vous donner quelques explications sur la liste présentée à vos suffrages. Nous savons que diverses critiques se sont fait jour dans le passé sur l'espèce de cooptation par laquelle se recrutait le Bureau ; en outre, l'esprit du temps, la remise en cause de toutes les institutions, ont fait que le Bureau a vivement souhaité offrir cette fois à vos suffrages une liste présentant plusieurs noms de candidats pour chacun des postes du Bureau. Hélas ! Il a fallu y renoncer, et cela pour deux causes : l'une, que les candidats ne se manifestent pas d'eux-mêmes, les personnes sollicitées ayant souvent d'excellentes raisons - d'ordre professionnel ou familial - pour se dérober, au moins dans l'immédiat ; l'autre, que nos collègues hésitent à se porter les uns contre les autres, surtout s'ils appartiennent à la même catégorie de bibliothèques et par conséquent se connaissent et s'estiment mutuellement ; et s'ils n'appartiennent pas à la même catégorie de bibliothèques, ils peuvent alors craindre que le choix ne se fasse en fonction du type de bibliothèque - ce qui serait fâcheux, car le Bureau est au service de l'ensemble de la profession. Serions-nous donc condamnés à la cooptation ? Je ne veux pas le croire, et je laisse le soin au nouveau Conseil de résoudre dans trois ans le difficile problème.
Et puisqu'il s'agit ici du dernier rapport que je vous présente, mon mandat, renouvelé une fois, étant expiré, vous me permettrez de terminer par des remerciements et des souhaits. Je quitte la présidence sans regrets, tout à fait persuadée qu'un mandat de trois ans, renouvelable une fois, représente une formule sage, qui permet de réaliser une oeuvre tout en assurant, le moment venu, l'indispensable changement d'optique sans quoi toutes les institutions se sclérosent. Et je pense même qu'il serait sage d'étendre le bénéfice de cette mesure aux présidents des groupes et sections. J'ai beaucoup appris à l'A.B.F. Si je lui ai donné beaucoup de mon temps dans bien des matières, je lui dois mon recyclage et une source d'intérêt constamment renouvelé pour notre métier. Mais je tiens à le dire ici, si j'a pu aider à son harmonieux développement, c'est grâce au bureau exceptionnel qui a bien voulu y travailler avec moi sans compter son temps ni sa peine : c'est à Mlle Bossuat, à Mlle Pelletier, à Mlles Morin et Lambert, avec lesquelles le travail a toujours été agréable et même joyeux, que je tiens à manifester toute la gratitude que mérite leur exemplaire dévouement à notre association. C'est aussi aux animateurs des groupes et sections, qui ont oeuvré à qui mieux mieux et continueront, je l'espère, pour donner au public une image dynamique de notre profession, qui en avait bien besoin. Et si j'ai un voeu à exprimer en passant la main à un président plus jeune, ce voeu, qu'il vous appartient à tous et à chacun de réaliser, c'est de garder à notre association son unité. Quelle est son originalité, sinon de grouper sans aucune distinction tous ceux qui travaillent dans une bibliothèque et même tous ceux qui s'intéressent à notre profession ? Le métier est un, en dépit de ses aspects infiniment divers. Si l'esprit d'initiative dans tous les domaines doit pouvoir se manifester, il faut aussi, il faut surtout préserver cet esprit d'union, car nous sommes mal connus et peu nombreux encore. Continuons d'offrir un front commun et de tout mettre en oeuvre pour le développement de toutes les catégories de bibliothèques.