Je voudrais vous remercier de m'avoir invité, c'est très agréable pour moi. Je ne sais pas si je suis très représentatif à ce titre de la plupart des chercheurs ; on a parlé beaucoup de la relation entre les bibliothèques et les chercheurs, je crois qu'il y a une certaine indifférence des chercheurs vis à vis des bibliothèques.
Ils sont satisfaits d'y trouver un certain nombre d'informations mais ils sont loin d'être prêts à participer au choix des acquisitions dont on a parlé et aux orientations de la bibliothèque et c'est certainement très regrettable.
Je voulais rappeler aussi que je suis chimiste effectivement parce que je crois que les chimistes sont de très grands consommateurs d'informations bibliographiques, et le nombre de revues, d'articles et de documents bibliographiques qui existe en chimie montre combien nous avons besoin d'informations.
Notre travail en documentation qui est essentiel à notre activité de recherche peut se classer en trois types de recherches bibliographiques, les bibliographies complètes sur un sujet nouveau qu'on veut aborder, le suivi de tout ce qui peut paraître dans un domaine dans lequel on travaille, et la recherche de données ponctuelles, comme en chimie, une température de fusion, un mode de préparation d'un composé ; et la manière de répondre à ces interrogations et les exigences propres à ces travaux de recherche sont différentes.
Le problème le plus important est sans doute celui du suivi et là nous recherchons des solutions qui soient commodes et qui soient exhaustives ; et pour nous commode, cela veut dire sur place et sur place le plus près possible de notre laboratoire de recherche. Il est important que nous puissions consacrer la majorité de notre temps dans notre laboratoire, donc la partie recherche de documents doit pour nous être faite le plus près possible et le plus vite possible.
Cette nécessité documentaire ne va pas très bien actuellement avec la diminution des crédits, en valeur constante je crois, des bibliothèques et nous a conduit à constituer nos propres sources de documentation et à être abonnés directement à un certain nombre de revues qui peuvent être des bibliographies ou des journaux d'informations primaires et c'est là que les choses se compliquent un petit peu puisque nous avons déjà au moins géographiquement deux sources d'information, la bibliothèque universitaire et le laboratoire et si j'insiste sur ce point c'est que cette constitution de points de documentation dans le laboratoire est sans doute un gaspillage de crédits parce que ces documents sont accessibles à un très petit nombre de personnes et quand le moindre livre coûte environ 250 francs dans le domaine scientifique il est très dommage qu'il ne soit utilisé que par un seul chercheur, ce livre spécialisé qui peut l'être plus largement.
Je crois qu'on parlait tout à l'heure de la possibilité de donner directement, aux bibliothèques une partie des crédits de recherche je pense que nous consacrons au laboratoire environ 5 % de nos crédits à l'achat de livres de documentation de vignettes CNRS, de photocopies.
Je serais personnellement très partisan de ce regroupement des moyens documentaires dans le cadre de la bibliothèque, mais je crois que c'est un voeu pieux car un des traits également de notre activité est son individualisme, le chercheur est un individualiste forcené et il a envie de posséder auprès de lui, en propre, le maximum d'éléments aussi bien techniques pour son travail, que de documentation, et là il y a certainement quelque chose de regrettable mais d'ancré très profondément par ce qu'on pourrait concevoir qu'après avoir lu, utilisé, les périodiques, ils puissent être mis en dépôt dans les bibliothèques universitaires.
J'ai essayé personnellement de promouvoir ce type de dépôt et de don à la bibliothèque et je me suis heurté de la part de mes collègues à ce sentiment de propriété, cette volonté de garder des documents qui, par ailleurs ne sont pas utilisés, c'est-à-dire dorment sur des rayons et sont en plus mal classés ; et là c'est un autre point et je pense qu'il serait intéressant que les bibliothèques universitaires fournissent une assistance aux laboratoires pour la classification de leurs documents parce que nous avons des sources de documentation qui finissent par devenir très nombreuses, nous avons énormément d'articles que nous avons fait photocopier qui ne sont pas classés ; on redemande sans doute sur une période de quelques années plusieurs fois le même article soit à la bibliothèque, soit au CNRS, il y a un gâchis absolument considérable ; et puis, comme il n'y a pas de catalogage, ces sources d'information restent confidentielles et à l'intérieur même d'une petite université comme Le Mans, il n'est certainement pas rare qu'on demande en prêt-inter à la bibliothèque section sciences des documents qui se trouvent à l'étage en dessous du bureau du chercheur qui les recherche. Cela c'est certainement un gros inconvénient.
Je parlais de l'exhaustivité. OUI.
Nous souhaitons effectivement que nos sources de documentation soient les plus exhaustives possibles car il n'est pas question de refaire ce qui a déjà été fait. Et ça c'est un problème très, très difficile.
Il y a quelques jours encore, un de mes collègues s'apercevait après deux ans de travail que des japonais avaient travaillé cinq ans auparavant dans ce domaine. Cette exhaustivité ne peut pas, à mon avis, être obtenue avec une seule source de documentation, par exemple, les Chemical Abstracts à eux seuls ne suffisent pas et je suis personnellement un ardent défenseur du Bulletin Signalétique qui ne couvre pas exactement les mêmes journaux que les Chemical Abstract et qui est un complément ; et en ajoutant des périodiques comme Current Contents et peut-être quelques autres, je crois que cela doit constituer pour nous, et cela constitue, la base de nos besoins en documentation pour le suivi de nos domaines d'activité.
La présence d'un certain nombre de journaux originaux, les journaux primaires, est quand même indispensable. Le problème c'est de savoir, compte-tenu de leur coût, quels sont les titres qu'il faut choisir et d'arbitrer entre les désirs des uns et des autres, mais je pense que cela reste indispensable parce qu'avec quelques journaux, quelle que soit, je suppose, la discipline, on arrive à couvrir le plus important, l'essentiel et on se reporte aux revues bibliographiques pour trouver les autres références.
Un point de détail peut-être, mais auquel nous sommes assez sensibles dans notre travail à la bibliothèque, c'est celui de la photocopie parce que autrefois lorsque la photocopie n'existait pas, je présume que l'on passait un certain temps à la bibliothèque à lire des articles, à en tirer 'la quintessence et à prendre des notes sur ce qui était essentiel, mais nous sommes devenus très « paresseux » et maintenant nous souhaitons avoir dès que le titre même d'un article retient notre attention, très souvent, nous souhaitons avoir une photocopie de cet article et là il y a une exigence de qualité de la photocopie, son contraste par exemple pour ne pas se fatiguer trop les yeux, des problèmes de dimension pour que tout le texte soit pris dans une même page si possible, des problèmes également de reliure.
C'est un point de détail mais les chercheurs n'aiment pas beaucoup qu'on relie les périodiques parce que cela rend la photocopie beaucoup plus difficile et peut nous priver d'un mode de travail qui est devenu pour nous extrêmement banal et pratiquement on fait certainement deux fois plus de photocopies qu'il ne serait nécessaire mais c'est une habitude très ancrée ; et là le problème du coût en Sciences ne se pose pas, tout au moins n'apparaît pas, puisque c'est le laboratoire en général qui paie ses photocopies, ce n'est pas le chercheur lui-même contrairement à ce qui se passe je crois dans certaines disciplines littéraires par exemple, ce qui fait qu'il n'y a pas de frein à cette consommation de photocopies.
Une des caractéristiques aussi essentielle de notre manière de travailler en documentation, c'est que je pense qu'on travaille très mal. Il n'y a aucune formation donnée aux étudiants en matière de bibliographie, sauf quelquefois par des enseignants qui en général ont des habitudes extrêmement mauvaises et qui ne savent pas travailler.
J'ai été très intéressé par ce que disait Monsieur Diligent tout à l'heure et je constate tous les jours qu'à peu près les seules sources d'informations que savent utiliser 'les chercheurs ce sont les revues bibliographiques et je pense aux Chemical Abstracts pour les chimistes par exemple, et les journaux primaires, mais il y a une méconnaissance de l'utilisation des documents de type encyclopédique et quand on parlait tout à l'heure de l'encyclopédie Kirk-Othmer, eh bien, je souhaiterais personnellement qu'on acquière cette encyclopédie au Mans, cela ne sera pas possible sans doute, mais je sais que si on demandait leur avis à la plupart de mes collègues, ils en ignoreraient jusqu'à l'existence.
Et je crois que là une réponse que pourraient apporter les bibliothèques universitaires, mais ce que vous avez dit me rend pessimiste, c'est de prendre en charge cette formation et de la prendre en charge dès le stade étudiant, c'est-à-dire dès la formation première, peut-être pas dans le premier cycle, mais dans le second cycle, et je me demande si à la lumière de la mise en place de nouvelles formations il ne serait pas nécessaire de prévoir en accord avec les établissements, les conseils de gestion des UER, la possibilité de prévoir dans les programmes une formation à la bibliographie, le terme de bibliographie n'étant peut-être pas adéquat, à la documentation en général, car ce à quoi sont confrontés les étudiants qu'ils restent dans le milieu universitaire ou chercheur ou qu'ils soient dans le milieu industriel, ce sera toujours et d'abord un problème de documentation et ils sont particulièrement désarmés dans ce domaine et ça c'est extrêmement dommage.
Mais comme les chercheurs, les enseignements-chercheurs n'ont pas conscience pour la plupart, de ces lacunes et sont polarisés par l'intérêt qu'ils portent à la matière même qu'ils enseignent, je suis peut-être assez pessimiste et je comprends ce que vous disiez tout à l'heure en parlant du peu de succès qu'avaient vos propositions de formation dans ce domaine.
Je crois qu'il ne faut pas se décourager et que c'est un point qui est essentiel si l'on veut que les sources bibliographiques soient mieux utilisées et donc que les chercheurs et les étudiants bénéficient de compétences dans ce domaine qu'ils n'ont pas et qui leur manquent.
Et ceci m'amène un petit peu à l'avenir c'est-à-dire que pour l'instant nous en sommes restés bien sûr un petit peu aux objets et aux documents bibliographiques imprimés. Il y a en ce moment un certain nombre de choses qui se mettent en place, on en a parlé ; des moyens informatisés, des interrogations on-line, des développements d'autres supports comme les microfiches et je crois que ces systèmes, ces nouveaux systèmes, constituent une grande partie de l'avenir et que nous seront obligés d'utiliser ces sources de documentation très bientôt, et je crois qu'il serait nécessaire qu'une information et une formation soient données, dans ce domaine à tous les chercheurs universitaires. Et aussi aux étudiants, et ce serait probablement la bibliothèque qui serait le lieu privilégié de cette information.
Je crois d'ailleurs que nous souhaitons vivement que les bibliothèques universitaires soient équipées le plus vite possible de terminaux car ça permettrait de répondre certainement beaucoup plus rapidement à nos besoins de documentation.
Et le facteur rapidité est une de nos exigences les plus fondamentales. Nous avons tous la hantise d'avoir une information dans la demi-journée et il est bien évident que si la source de l'information ne se trouve pas à la bibliothèque ; eh bien un prêt-inter pourra prendre quatre semaine, six semaines et c'est tout à fait incompatible dans certains cas, c'est ce qui se passe aussi dans le domaine du matériel. On commande un matériel ou on commande une information dont on a besoin et comme elle n'est pas disponible immédiatement, quand elle arrive quelques semaines après on a complètement oublié et on est passé à autre chose et finalement tout le monde y a perdu son temps parce que l'information n'était plus utile.
C'est peut être un trait propre aux disciplines scientifiques mais je crois que c'est quand même une exigence que l'on rencontre chez tous les chercheurs.
Je pense que j'ai fait à peu près le tour de ce que je voulais vous dire. C'était peut-être un petit peu confus mais je dois dire que tout ce que l'on a dit et tout ce que j'ai vu depuis le début de la matinée, en fait va tout à fait dans le sens de ce que pensent la plupart des chercheurs.
Nous avons besoin des bibliothèques et je crois que tout le monde souhaite plus de crédits bien entendu ; je crois qu'il faut aussi une meilleure utilisation de ces crédits, une assistance au catalogage, un regroupement des moyens documentaires, c'est essentiel ; et il faut aussi une formation aussi bien pour l'utilisation des moyens documentaires actuels que modernes et aussi que ces moyens documentaires modernes soient mis en place rapidement dans les Universités. Je crois que c'est un souhait qu'on peut avoir.