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La fonction documentaire dans les bibliothèques économique

1979
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    La fonction documentaire dans les bibliothèques économique

    Mlle Cuisset, Centre d'Enseignement Supérieur des Affaires

    A partir d'une carrière exercée depuis quelque quinze ans dans l'enseignement supérieur de la gestion, à partir aussi de ma fréquentation de centres de documentation d'organismes économiques privés ou publics, je vous livre quelques réflexions selon une démarche toute pragmatique.

    Le Centre d'Enseignement Supérieur des Affaires où j'exerce mon activité professionnelle est un corps administratif dont la déesse tutélaire est la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris et l'objectif, l'enseignement du management par le canal de quatre programmes : l'Ecole des Hautes Etudes Commerciales (2e cycle), l'Institut Supérieur des Affaires (3e cycle), le Centre de Formation Continue (formation permanente), l'Internat (préparation au doctorat).

    Vivre dans ce cadre a des conséquences sur notre perception et notre traitement du problème documentaire. Certaines de ces conséquences sont spécifiques, d'autres plus générales ; je vais en énumérer quelques-unes passant graduellement de la première catégorie à la seconde.

    • Le C.E.S.A. est un service de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris, ce qui veut dire que nous avons bénéficié d'une certaine continuité financière et d'une relative stabilité du personnel.

    • La gestion est le coeur de notre intérêt intellectuel ; l'économie, le droit, les sciences sociales sont des disciplines secondes :

    • - nous ne gérons qu'une petite unité documentaire au service de mille étudiants (C.F.C. exclu) et quatre-vingts professeurs permanents) ;
    • - la bibliothèque est intégrée à l'établissement, donc les communications et les informations y circulent mieux que dans une unité documentaire autonome ;
    • - en matière économique et plus encore en gestion, nous sommes en présence d'un langage relativement flou, fluctuant, influencé par l'actualité et les modes ;
    • - en économie et en gestion, surtout pour ceux d'entre nous qui ont à travailler sur les aspects appliqués de ces disciplines, le temps de survie de l'information est bref, il faut donc l'utiliser rapidement ;
    • - dernière remarque qui est une de mes idées reçues : l'opposition bibliothèque / centre de documentation est un faux problème, le lecteur recherche une information, peu lui importe a priori par qui et comment il parvient à cette information.

    Notre intérêt documentaire se portant sur l'utilisateur, c'est à partir de lui que cet exposé a été construit.

    A. CONNAISSANCE DES BESOINS DES UTILISATEURS

    I. La première des démarches consiste à connaître le mieux possible les catégories d'utilisateurs susceptibles de faire de la recherche et quel type de recherche.

    En me référant à ma pratique du C.E.S.A., je ferais quatre catégories :

    • - les étudiants qui ont un exposé ou un mémoire à préparer,
    • - les professeurs qui construisent ou mettent à jour un cours,
    • - les étudiants préparant leur thèse ou les professeurs faisant une recherche,
    • - les praticiens (anciens élèves et personnes étrangères à l'institution).

    Comment identifier cette clientèle potentielle ?

    • - soit par communication des effectifs d'enseignés et d'enseignants par les services administratifs. C'est le cas au C.E.S.A. ;
    • - soit par enquête continue par pointage et comptage des clients en 3 ou 4 catégories et extrapolation. C'est le cas dans les Chambres de Commerce.

    Pourquoi identifier les utilisateurs ?

    Au moins pour deux raisons :

    • - adapter la constitution et l'exploitation du fonds documentaire à la demande probable ;
    • - surtout pour prévoir de proportionner le temps, le volume, la profondeur intellectuelle de la recherche documentaire à l'importance du travail des clients.

    II. Ayant estimé la clientèle potentielle de l'unité documentaire, comment cerner ses besoins en documentation ?

    C'est une des questions les plus débattues et des plus difficiles à résoudre car, dans la majorité des cas, les utilisateurs ne connaissent pas ou expriment mal leurs besoins.

    Pourquoi faire des enquêtes de détection des besoins ?

    • - essentiellement, pour diriger l'utilisateur vers les documents nécessaires ; c'est l'approche individuelle ou micro-documentaire ;
    • - secondairement mais non accessoirement. Pour gérer le fonds documentaire en fonction des besoins réels de la clientèle prise globalement.

    Comment faire ces enquêtes de détection ?

    Ce problème mérite à lui seul un débat. En simplifiant, on peut envisager deux solutions :

    • - une enquête systématique, avec questionnaire et/ou entretien. Peu de ces enquêtes ont donné entière satisfaction à leur réalisateur, car, souvent l'objet de l'étude reste flou ;
    • - une enquête en continu, non scientifique, modeste quant aux renseignements obtenus et limitée quant au public touché car elle n'atteint pas les non-utilisateurs. Il s'agit alors de demander aux lecteurs, éventuellement aux documentalistes prenant en charge les utilisateurs, de bien vouloir remplir une fiche de demande de renseignements. On peut ainsi faire apparaître : les supports des questions (visite, téléphone, etc...), la typologie des utilisateurs réels, les domaines de recherche, la formulation de la question, les sources documentaires utilisées pour la réponse, le temps passé, etc...

    Je pense que cette pratique est lourde mais possible ; je la crois utile sinon indispensable. Comment gérer une fonction documentaire sans repères ?

    III. Le point suivant de mon exposé va servir de transition entre la connaissance des besoins des utilisateurs et la connaissance des outils documentaires : il s'agit de la méthodologie de l'assistance documentaire.

    Je n'ai pas l'intention, ni d'ailleurs la possibilité de traiter de la méthodologie de la recherche dans l'abstrait puisqu'elle est conditionnée par la politique documentaire que l'on veut mener :

    • - veut-on n'avoir que des relations personnelles avec les clients, rejetant les demandes par courrier et par téléphone ou l'inverse ? ;
    • - veut-on faire seulement de l'orientation documentaire ou préparer des dossiers documentaires à la demande ?

    Il y a maintes autres éventualités. L'essentiel est d'avoir réfléchi au « quoi » et « comment » de l'assistance documentaire, de l'avoir défini et fait connaître. Ceci pour l'utilisateur qui saura ce qu'il peut attendre de l'unité documentaire à laquelle il s'adresse. Ceci aussi pour les documentalistes qui pourront proportionner leur temps, leur effort aux promesses explicites ou implicites du centre.

    B. CONNAISSANCE DES OUTILS DOCUMENTAIRES

    Ayant perçu au moins approximativement les besoins des utilisateurs et sachant, grosso modo, ce qu'on attend d'eux, les documentalistes vont essayer d'employer au mieux les outils à leur disposition.

    Quels sont ces outils documentaires ?

    La liste énumérée maintenant n'est pas limitative, je compte sur l'imagination des bibliothécaires-documentalistes pour en avoir inventés d'autres :

    I. Les catalogues :

    • a) les catalogues d'ouvrages quelque soient leurs formes. Pas de commentaire.
    • b) les catalogues d'articles. Sont-ils indispensables ? Certainement, répondent les documentalistes des Chambres de Commerce ; pourquoi refaire un travail déjà réalisé dans les index et abstracts, disent les documentalistes des centres spécialisés. La question reste ouverte.

    II. Les sources secondaires sont de deux types :

    Les index et abstracts et les bibliographies.

    • a) des index et abstracts existent en économie et gestion comme dans d'autres disciplines mais ils me paraissent plus hétérogènes qu'en sciences exactes. Ce n'est pas le lieu le lister les index et abstracts ; par contre, je ferai remarquer qu'un bon bibliothécaire-documentaliste doit non seulement bien connaître le maniement de ces sources de références mais en savoir la fiabilité grâce à des questions aux utilisateurs sur leur degré de satisfaction.
    • b) les bibliographies. Celles qui sont publiées et celles qui ne le sont pas. Il faut utiliser les premières puisqu'elles existent mais il faut s'en méfier car elles sont souvent périmées et les utilisateurs ne font pas nécessairement de recherche sur la genèse des phénomènes économiques. Nous avons au C.E.S.A., vous aussi probablement, des dossiers bibliographiques où nous rassemblons, ou fur et à mesure de leur découverte, tout ce qui ressemble à une liste bibliographique substantielle sur des thèmes qui ont des chances de nous être demandés ; ce sont des matériaux bruts pour une construction ultérieure.

    III. Plusieurs centres de documentation, dont le nôtre, ont constitué des dossiers de sommaires de périodiques - surtout mensuels et trimestriels.

    Il s'agit ici de l'accès des documents par les titres de périodiques. Ces dossiers évitent de manipuler des kilos de périodiques pour trouver quelques références.

    Ils servent beaucoup aux professeurs et étudiants de doctorat, ils servent aussi au personnel de la bibliothèque pour rectifier des références incomplètes ou erronées.

    IV. Qui dit documentation, dit aussi orientation vers d'autres organismes mieux équipés, plus spécialisés.

    Cela suppose donc que nous disposions de fichiers et répertoires d'adresses.

    Comme pour les bibliographies, je dirai qu'il faut utiliser ce qui existe et la variété est grande mais qu'il faut aussi créer des outils plus à jour, qu'ils aient la forme de fichiers d'adresses ou de listes, communes ou non, de périodiques.

    V. Tous les outils documentaires cités jusqu'ici sont visibles, transmissibles, ce n'est pas le cas du dernier et non du moindre, je veux dire : la mémoire collective de l'équipe des bibliothécaires-documentalistes de l'unité documentaire

    Ainsi énumérés à la file, les moyens d'accès au contenu intellectuel des documents semblent représenter une charge financière, une contrainte de travail très lourdes ; la réalité est moins pesante puisque ces outils sont élaborés ou acquis sur une assez longue période de temps ; il s'agit ici encore de faire un choix.

    J'ajouterai que tous ces outils doivent être préparés, organisés de la façon la plus simple, la plus efficace possible afin qu'après une initiation, les utilisateurs puissent les exploiter sans aide ou presque.

    C. RAPPROCHEMENT DES OUTILS DOCUMENTAIRES ET DES UTILISATEURS

    Connaissant donc au mieux les besoins des utilisateurs, connaissant aussi au mieux les ressources documentaires disponibles, il s'agit maintenant pour 'les bibliothécaires-documentalistes de rapprocher les uns des autres par des opérations variées, concomitantes et, j'insiste, répétées car rien n'est acquis d'une fois.

    J'ai regroupé quelques moyens de rapprochement d'après leur nature : ceux à dominante humaine et ceux à dominante matérielle.

    I. Les ressources humaines :

    Ce sont celles auxquelles, personnellement, je tiens le plus car elles sont les plus agréables et les plus efficaces ou devraient l'être :

    • - le personnel doit être psychologiquement apte et formé à cette fonction documentaire (connaissance des disciplines et des techniques documentaires) ;
    • - le personnel doit aussi être physiquement disponible c'est-à-dire près des lecteurs et non derrière une porte que l'utilisateur de la bibliothèque hésitera toujours à pousser.

    l faut encore que les documentalistes aient une personnalité avenante, sachant maîtriser les relations inter-personnelles.

    II. Les ressources matérielles :

    Je vous fais grâce de propos sur l'accessibilité, sur l'ambiance agréable de l'unité documentaire, cela est si important que c'est évident.

    Je vais inventorier quelques moyens de promotion des services documentaires, mais vous en connaissez d'autres. Je vais les inventorier en ne tenant pas compte de leur coût mais en vous rappelant l'importance du couple coût/utilité aussi difficile qu'il soit à établir.

    a) La plus simple des choses à avoir est une notice descriptive de la bibliothèque, elle peut être affichée, distribuée, insérée dans une brochure. b) Elle peut se développer en un guide sur la bibliothèque ; bien des bibliothèques en possèdent. c) Pour les nouveaux venus, des visites commentées plus ou moins détaillées sont organisées elles sont souvent décevantes pour les deux parties. d) Une initiation à la recherche documentaire est parfois proposé aux utilisateurs, elle est d'autant plus efficace que les utilisateurs sont plus avancés dans leurs études. e) Parmi l'information continue qui est distribuée ou mise à la disposition des clients, il y a, bien sûr, les listes d'acquisitions et la liste des périodiques reçus. f) Les autres moyens d'information sont à moduler plus spécifiquement selon les destinataires ; je citerai :

    • - les bibliographies sur des thèmes d'actualité,
    • - les bulletins de sommaires qui sont habituellement réservés aux clients permanents,
    • - les notes d'information au contenu et à la périodicité variés,
    • - la diffusion sélective de l'information plus ou moins systématique.

    g) Il reste encore un moyen de rapprochement des utilisateurs et des documents, il suppose un long investissement mais c'est le moins coûteux et le plus efficace : c'est la bonne réputation de l'unité documentaire.

    Voilà ce que j'avais à vous dire sur la fonction documentaire des bibliothèques économiques. J'aurais pu le faire de façon plus savante en parlant de système, c'eut été facile puisque, de mon point de vue, la fonction documentaire est une fonction intégrée, j'aurais parlé des mêmes choses autrement.

    Finalement, je terminerai sur une profession de foi qui est aussi un voeu, en disant que bibliothécaires et/ou documentalistes, peu importe le vocable, nous sommes, nous devons être non seulement les gardiens d'une certaine forme de connaissance mais surtout les messagers de cette connaissance et aussi des pédagogues.