Afin de pouvoir terminer sur des perspectives positives, j'ai préféré mettre en début de ce rapport moral 1979 les quelques réflexions pessimistes que je voulais faire. Les bibliothèques souffrent d'une lassitude et d'une maladie de langueur qui contrastent avec l'enthousiasme d'il y a quelques années. Devant la baisse régulière des crédits affectés dans tous les secteurs à la documentation, devant l'absence de politique cohérente et concertée attribuant une mission et une fonction claire et précise aux bibliothèques, devant surtout l'absence de réalisations pratiques puisque les conflits internes et l'hostilité générale ont stérilisés tous les projets, de nombreux bibliothécaires commencent à ne plus vouloir se battre contre des moulins et à se retirer à l'abri de leur clocher. Reconnaissons que l'action immédiate et concrète, au moins, semble payante et efficace. Dans la plupart des cas. on en retire des satisfactions immédiates qui facilitent le travail quotidien. Au-delà, on se heurte aux conflits d'intérêts, aux forces contraires, aux « magouilles » qui sont finalement paralysantes.
Laissez-moi regretter l'absence sur la scène nationale et internationale de ces collègues qui ont préféré la vie locale car. malgré tout, maintenir l'unité de la profession et un certain nombre d'actions communes au niveau national est essentiel. D'autant plus que notre société est soumise à des forces contraires tantôt centrifuges, tantôt centripètes qui s'exercent continuellement et en alternance. Actuellement les bibliothèques subissent des forces centrifuges qui poussent à l'éclatement.
Administrativement d'abord pour ceux que cela concerne, la décision de 1975 fait de plus en plus sentir ses effets, chaque Direction recherchant l'autonomie et entraînant derrière elle ses bibliothèques. son personnel, ses activités de coopération. De nombreux signes montrent qu'il n'y a non seulement séparation mais aussi conflit.
Dans un avenir proche il pourrait devenir impossible aux personnels de passer d'une bibliothèque à l'autre et il est à craindre que toutes les activités communes (formation, catalogues) disparaissent et soient même interdites. Ce qu'il y a d'inquiétant est que ces choses risquent d'entraîner volens nolens les bibliothécaires qui se dresseront en factions divergentes et opposées. Les Bibliothèaues universitaires contre la Bibliothèqfue nationale, la Bibliothèque nationale contre les Bibliothèques publiques et réciproquement. Cela se perçoit déjà sur certains problèmes de coopération qui devraient pourtant faire l'unanimité.
Il est certain que ces divergences nuisent à la profession et profitent aux autorités qui justifient ainsi leurs actions particulières. Nous n'avons pas su imposer par notre unité et notre conviction une politique des bibliothèques.
Est-il normal qu'il y ait ainsi une loi sur les bibliothèques publiques ignorant la Bibliothèque nationale, les bibliothèques universitaires et les autres bibliothèques ?
Même les bibliothèques privées sont sensibles à ce mouvement et subissent les difficultés de la coopération par manque d'une idée directrice et par repliement sur soi.
Les piètres résultats des entreprises de coopération de toutes sortes, nationales ou locales voire sectorielles ont conduit beaucoup d'entre nous à baisser les bras et à se renfermer.
Ces forces centrifuges agissent aussi sur les associations et l'on voit fleurir des regroupements par petites catégories, par petites régions, par affinités ou type de travail.
On pouvait espérer que l'éclatement administratif provoquerait un sursaut unitaire et compensatoire par un regroupement ailleurs - l'ABF pouvant être le lien privilégié de ce regroupement -, on assiste au phénomène inverse, une tendance à la scissiparité jusqu'à ce qu'un jour ces petits groupes de 40 à 100 personnes s'aperçoivent que trop faibles ils ont intérêt à s'unir. J'en vois des exemples dans la création de petites associations de catégories bien déterminées ou dans des menaces de scission de certains groupes régionaux, voire la création d'autres groupes régionaux. Même s'il y a des difficultés d'organisation et de relations, des insuffisances d'information, même s'il y a des intérêts propres à chaque groupe, ces mouvements sont-ils justifiés ?
N'y a-t-il pas au-delà de ces affinités et de ces intérêts, l'intérêt supérieur de la profession et le besoin plus important d'une défense généralisée de celle-ci ? Je lance ici un appel à l'unité car l'ABF est assez souple dans ses nouvelles structures pour répondre aux deux exigences. Et d'ailleurs peu importe la structure pourvu que la profession soit défendue de façon unanime ! Et puis il ne faut pas être manichéiste, choisir tout l'un ou tout l'autre. Il faut des activités locales dynamiques, il faut aussi un Bureau et un Secrétariat national. Le problème est de les faire vivre ensemble.
Je crois plus que jamais nécessaire un regroupement, afin qu'au moins sur le plan associatif l'unité, la coopération, la collaboration, la définition d'un commun objectif et de moyens communs soient maintenus.
Je vois les premiers symptômes rassurants de ce regroupement dans les réunions maintenant régulières des Présidents des sept associations professionnelles et la préparation d'une journée d'étude commune à l'automne 1980.
J'en vois aussi la preuve dans la délégation française au Congrès de l'IFLA à Strbské Pleso qui n'avait jamais atteint ce chiffre record de 35 personnes. Cette délégation était composée en grande partie de nouveaux membres qui j'espère continueront et pourront ainsi assurer le relais des anciens dans les différentes sections de l'IFLA. A ce sujet je voudrais vous annoncer que. des élections à la Présidence et à la Vice-présidence de l'IFLA ayant lieu cette année à Copenhague, les quatre associations et les institutions membres qui sont, il faut s'en réjouir, de plus en plus nombreuses, se sont mises d'accord pour créer un Comité français pour l'IFLA et pour présenter la candidature de Mademoiselle Bossuat au Bureau exécutif afin qu'il y ait un membre francophone.
Je vois aussi quelques signes rassurants dans les activités de l'ABF depuis mai 1978 :