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    Carrefour I. Les reprints

    Rapport de synthèse

    Par Monique Lambert

    M. Labarre, Président du Carrefour, introduisait le sujet en faisant remarquer que la reproduction des ouvrages épuisés, rare auparavant, s'était développé depuis quelques années. Ce phénomène permet de combler des lacunes dans les bibliothèques anciennes et de rendre mieux accessible la documentation rétrospective aux bibliothèques nouvelles. Il évite également l'usure dûe aux manipulations pour des éditions rares et précieuses ou fragiles, et contribue ainsi à une meilleure conservation des originaux.

    Mais, arguant de l'étroitesse du marché, les éditeurs de "reprints" font souvent faire des tirages si restreints que le reprint est vendu au moins aussi cher que l'original sur le marché d'occasion, quand on peut l'y trouver. Il existe même des "reprints" publiés à des fins purement bibliophiliques. Pourtant les "reprints" ne sont pas tellement onéreux en eux-mêmes.

    Il faut également distinguer deux types de "reprints"; ceux qui reproduisent des éditions anciennes pour leur valeur documentaire, souvent peu fiables car l'on ignore l'exemplaire qui a été reproduit; et ceux qui reproduisent des ouvrages de référence du XIXe et du XXe siècle, dont le défaut majeur est souvent de perpétrer des ouvrages vieillis et dépassés, empêchant ainsi que l'on fasse des rééditions mises à jour. Ceci constitue également un problème pour l'édition normale, dans le cas de l'offset.

    Cependant il est possible de faire oeuvre originale, soit en regroupant une documentation dispersée (par exemple un ouvrage avec ses différents suppléments, ou plusieurs articles d'une revue jamais réunis en ouvrage, ou encore différents articles sur le même sujet), soit en complétant la reproduction d'une édition par une mise à jour, l'adjonction de préface, tables et index pour des ouvrages qui en étaient dépourvus.

    Deux éditeurs de "reprints" intervinrent ensuite. Jean-Michel Place, spécialisé dans la reproduction des petites revues littéraires de la fin XIXe et du début du XXe siècle, fit l'historique du "reprint" qui est un terme américain. Ce phénomène s'est développé aux Etats-Unis, après la deuxième guerre mondiale, à partir de 1950 quand les bibliothèques américaines disposaient de crédits énormes et d'immenses magasins, vides de livres, à la suite des créations massives de bibliothèques universitaires faites à cette époque.

    Les éditeurs de "reprints" se livraient alors une concurrence acharnée pour conquérir ce fabuleux marché. Leur méthode consistait à créer un catalogue comportant le maximum de titres, à susciter des souscriptions, et reproduire des séries d'ouvrages et surtout des revues remplissant les rayonnages, à des prix très onéreux et avec un tirage des plus restreints (300 ex.).

    Quand Jean-Michel Place décide de fonder sa propre entreprise, il entend utiliser des méthodes différentes, à savoir: augmenter les tirages (3.000 ex.), baisser les prix de vente, produire des "reprints" de très bonne qualité. Par exemple, La Révolution surréaliste qui regroupe en un volume une collection dispersée de numéros fort rares, dont le 1er tirage à 5.000 ex., vendu 150 F, a été épuisé en 6 semaines, et qui a fini par atteindre un tirage de 14.000 exemplaires.

    Guy Durier, lui, ne produit des "reprints" que depuis un an et s'est spécialisé dans le domaine architectural. Il commence pr reproduire des textes introuvables pour les étudiants en architecture ou trop chers: Les Travaux publics et les mines, ou les Comptes fantastiques d'Haussmann suivi des Finances de l'Hôtel de Ville, par exemple. Il insiste sur les problèmes tech-niques posés par le "reprint" bien fait: recherche et reconstitution d'une édition complète, difficulté de reproduire les illustrations, compression du prix de revient difficile si l'on veut la qualité. Il préfère un bon brochage cousu par cahier de 16 à une reliure industrielle, et s'efforce de vendre son "reprint" à un prix inférieur d'un tiers à celui de l'original trouvé en librairie. Ses méthodes de vente sont les mêmes que celles de Jean-Michel Place : contacts personnels avec les libraires et les bibliothécaires, et démarchage à domicile essentiellement.

    Pour amortir un "reprint", il faut vendre 600 exemplaires. Il est manifeste que le choix des ouvrages à reproduire procède chez eux d'une volonté éditoriale et non commerciale. Puis, Mme Veyrin-Forrer et Mme Dupond-Molliné ont exprimé les souhaits des bibliothécaires en matière de reprints. Elles présentèrent en effet des projections commentées d'exemples de "reprints" posant des problèmes bibliographiques et illustrant ce qu'il ne faut pas faire: confusion entre date de publication et date d'impression, suppression du frontispice, de l'épître liminaire, des ornements décoratifs de la page de titre, voire même disparition de la page de titre ancienne remplacée par une autre moderne, ou bien un titre d'édition moderne qui est en réalité le sous-titre de l'édition ancienne, augmentation du nombre de volumes du "reprint" par rapport à l'original, ou changements et erreurs dans la pagination. Récemment une amélioration a été constaté et une partie de ces défauts a disparu.

    Enfin M. Tanazacq démontra que l'utilisation de la micrographie, à la place du "reprint", est particulièrement bien adaptée à la duplication des textes épuisés. Les qualités spécifiques des microformes sont, en effet, le gain de place et de poids ; la concentration de l'information ; lafacilité de communication; l'unité de format; la souplesse du système; la faiblesse des coûts de production très inférieure à celle du "reprint"; l'absence de stock puisque la microforme-mère a été réalisée et permet de faire des duplications à la demande ; les mises à jour facilités ainsi que les adjonctions de postface, introduction ou index en microfilmant simplement des feuilles dactylographiées; enfin la possibilité de reproduire facilement les illustrations, y compris en couleurs, ce qui est exclu pour les "reprints" (les musées nationaux ont entrepris dans ce domaine, une vaste politique de micro-édition sur microfiches).

    Mais les micro-éditeurs français sont peu nombreux (18 importants) et le nombre de titres de micro-éditions disponbibles limité; le parc de matériel de lecture dans les établissements documentaires français est faible. Endin, si la solution micrographique est plus souple que celle du "reprint", elle ne permettra jamais le contact physique avec le document que l'on peut "feuilleter", et il sera toujours délicat, sinon, impossible, de mettre des microformes "en usuel".

    En conclusion de ces cinq interventions et des débats qu'elles ont suscités, divers points ont été dégagés :

    • - le choix de l'ouvrage à reproduire dépend essentiellement des bibliothécaires, des chercheurs et des libraires, dont le rôle est fondamental dans ce domaine ;
    • - le "reprint" ne sclérose pas toujours la recherche; il la facilite souvent au contaire ;
    • - la nécessité d'exiger des "reprints" de qualité, à un prix raisonnable, en utilisant les méthodes pratiquées par les deux éditeurs français de "reprints" présent au Carrefour.

    Enfin il semble nécessaire de créer une commission chargée d'étudier notamment les problèmes suivants :

    • - garanties à exiger par une bibliothèque lors du prêt de l'un de ses ouvrages en vue d'une reproduction, et établissement d'un cahier des charges ;
    • - nombre d'exemplaires du "reprint" qu'une bibliothèque, ayant prêtée son ouvrage, est en droit de réclamer ;
    • - cas des ouvrages importants, non encore tombés dans le domaine public, épuisés et non réédités, et qu'ils est pourtant impossible de reproduire dans l'état actuel de la législation.