Conséquences de la Directive européenne sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique (2019/790)

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Question

Quelles pourraient être les conséquences de l'article 8 (utilisation d’œuvres et autres objets protégés indisponibles dans le commerce par les institutions du patrimoine culturel ), issu de la Directive sur le droit d'auteur, sur les bibliothèques françaises ?

Réponse

Date de la réponse :  04/12/2019

Vous souhaitez envisager les conséquences de l’article 8 (utilisation d’œuvres et autres objets protégés indisponibles dans le commerce par les institutions du patrimoine culturel), issu de la Directive sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique (Directive 2019/790), sur les bibliothèques françaises.

 

De prime abord, nous tenons à vous informer que nous ne sommes pas un service de réponse juridique et qu’en ce sens notre réponse ne peut se prévaloir d’une telle valeur.

 

Il est difficile de préjuger de ce que sera l’influence d’une directive européenne qui par nature imprime une direction mais laisse latitude aux États membres pour la traduire dans leur droit national.

 

Toutefois, voici les quelques éléments que nous pouvons retenir, sur la base principalement de l’exégèse de Maître Céline Fretel, développée sur  sa page Directive droit d'auteur dans le marché unique numérique: le point sur les mesures visant à faciliter l'accès aux contenus.

 

 

1. En Bref :

 

L’article 8 prévoit que les sociétés de gestions collectives peuvent consentir des contrats de licences non exclusives à des fins non commerciales avec une institution du patrimoine culturel en vue de la reproduction, la distribution, la communication au public ou la mise à disposition du public d’œuvre ou autres objets protégés indisponibles dans le commerce qui se trouvent à titre permanent dans la collection de l’institution, indépendamment du fait que tous les titulaires de droits couverts par la licence aient ou non mandaté l’organisme de gestion collective.

 

La bibliothèque pourrait être concernée par cet article (p.24-25) en tant qu’institution du patrimoine culturel. Il faut toutefois attendre la transposition de la directive dans le droit national pour connaître le contour de la définition retenue.

 

 

2. Octroyer la licence

 

Pour pouvoir octroyer une licence à une institution du patrimoine culturel, une société de gestion collective doit être suffisamment représentative et assurer une égalité de traitement à tous les titulaires de droits.

 

Céline Fretel précise l’idée de représentativité :

Les institutions européennes, si elles laissent aux États membres la liberté de définir les critères du caractère « suffisamment représentatif », précisent toutefois que les sociétés de gestion collective doivent présenter des qualités de rigueur, de bonne gouvernance, et de transparence dans leur gestion, « ainsi que la distribution et le versement régulier, avec diligence et exactitude, des sommes dues aux titulaires de droits individuels » (considérants 33 et 34)

 

Pour exemple, on pourrait citer comme société de gestion collective en France en rapport avec les bibliothèques :

  • la SOFIA (Société française des intérêts des auteurs de l’écrit)

  • la SACEM (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique)

 

Sur la base du paragraphe 2 de l’article 8 de la Directive (p.24), Céline Frétel ajoute que :

Lorsqu’il n’existe pas de société de gestion collective suffisamment représentative, les États membres doivent prévoir une exception aux droits d’auteur, afin de permettre aux institutions du patrimoine culturel de mettre à disposition à des fins non commerciales, des œuvres ou autres objets protégés indisponibles dans le commerce qui se trouvent à titre permanent dans leur collection à conditions de veiller au respect du nom de l’auteur

 

 

3. Quelles œuvres ?

 

La volonté de la Commission est que la notion d’œuvre soit la plus large possible. Sur sa page Directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique : les mesures en faveur de l’octroi de licences et de l’accès plus large aux contenus (articles 8 à 14), Franck Macrez l’expose ainsi :

 

Il s’agit donc d’une approche globale des œuvres indisponibles, contrairement à la législation sectorielle envisagée sur les  «livres indisponibles», ce qui tend à conserver une certaine homogénéité à l’intérieur de la matière. Le texte se veut inclusif et prend soin de préciser que sont en outre concernés «les photographies, les logiciels, les phonogrammes, les œuvres audiovisuelles et les œuvres d’art uniques [...]» (cons. 37). Néanmoins, les Etats membres sont invités à encourager un «dialogue sectoriel entre parties prenantes» (cons. 42), ce qui peut conduire à une prise en compte des spécificités des différentes catégories d’œuvres.

 

 

4. À quelles conditions ?

 

Pour que la licence puisse être octroyée, l’œuvre :

  • doit se trouver à titre permanent dans les collections de l’institution

  • doit être indisponible dans le commerce (ne pas être éditée, ne plus se trouver dans les circuits commerciaux classiques)

  • ne doit pas être protégée par la loi d’un pays tiers

  • ne doit pas être exclue expressément par les titulaires de droit

  • doit faire l’objet d’une publicité (au moins six mois avant toute utilisation) sur le portail de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (OUEPI)


 

Pour aller plus loin :