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    Petite histoire de notre déontologie

    Par Michel Albaric, op. Fr.

    1. De la fonction à la profession

    Proposition 51 du premier rapport Pingaud-Barreau (1) : « Ecole du livre: mise à l'étude de la création d'écoles du livre, comportant un tronc commun pour toutes les professions du livre : bibliothécaires, documentalistes, libraires et employés du livre, métiers de l'édition... ». Puisque le livre est notre objet commun, notre formation doit être commune. Cela apparaît aussi cocasse que de proposer un tronc commun de formation aux bouchers et aux vétérinaires puisque les animaux sont leur objet commun.

    Le bruit court, au Ministère de l'Éducation, de placer à la tête des bibliothèques universitaires des enseignants du cycle supérieur.

    Le journal Le Monde du 6 janvier 1982 informe que la C.G.T. s'arroge le droit de qualifier nos actes professionnels et vient de juger comme faute le fait que l'un de nos collègues de la R.A.T.P. a estimé devoir introduire quatre bandes dessinées dites « pornographiques dans une masse de 6 000 acquisitions annuelles.

    etc...etc...

    Ces trois exemples montrent que notre profession n'est pas reconnue comme un vrai métier, que notre compétence serait un abus de pouvoir, et en fin de compte que n'importe qui pourrait être bibliothécaire. A quoi tient cette attitude digne de figurer au dictionnaire des idées reçues.

    Dans ce contexte la question posée à Hénin-Beaumont par Jean Gattégno, Directeur du livre : « Etes-vous sûr que votre science légitime votre pouvoir?» est stimulante car elle nous reconnait science et pouvoir et nous oblige à répondre par une compétence responsable. La question n'implique pas une réponse négative, ne soyons pas masochistes, elle est au contraire de la part de la Direction du livre une invitation à un paisible sursaut d'honneur professionnel.

    Pourquoi le public n'est-il pas convaincu qu'il est nécessaire de recevoir une formation spécifique pour être bibliothécaire ? Le bénévolat pratiqué dans les bonnes oeuvres, laïques, religieuses, hospitalières, par des personnes dévouées mais peu averties de notre profession continue à ancrer cette idée dans les esprits, si bien qu'une grande partie de ce public ressent comme une exclusion corporatiste l'affirmation qu'être bibliothécaire n'est pas du bricolage. Nous ne sommes pas des peintres du dimanche ni des érudits locaux en retraite et les professeurs à qui l'on voudrait confier les bibliothèques universitaires n'ont pas reçu l'onction sacerdotale communiquant la science infuse de la bibliologie.

    L'histoire peut éclairer cette méprise du public. Méprise sur la compétence requise et parfois mépris de ceux qui exercent cette activité. Timon le Satirique écrivait déjà : « En Egypte on nourrit des hommes pour être sans cesse occupés de livres et pour discuter dans une cave» (2) .

    Sans remonter au déluge, ou à Ninive - mais là c'est le feu qui a sauvé la bibliothèque - les bibliothécaires du monde occidental étaient des érudits : Juste Lipse, Vossius, Naudé, Lessing, Cotton des Houssayës, et tant d'autres. L'érudition préparait à la fonction, sorte de couronnement de la vie intellectuelle. Un jeune homme ne se destinait pas à être bibliothécaire, mais sa science l'y conduisait, si bien que l'on peut dire que, jusqu'à la fondation de l'Ecole des Chartes en 1821, il n'y avait pas, du moins en France, de formation professionnelle pour les bibliothécaires. C'est au XIXesiècle que l'on passe de la fonction, confiée à un savant, à la profession pour laquelle des jeunes gens sont formés. D'une certaine manière ce métier est neuf.

    C'est la tradition de l'érudit conservateur des livres, inconsciemment reçue par l'opinion publique, qui fait penser qu'il suffit de n'être pas trop sot pour être bibliothécaire. « Chacun estimant que le bon sens est la chose la mieux partagée et qu'il n'est point à en désirer davantage», chacun estime aussi qu'il est apte à exercer, ce métier sans y avoir été préparé.

    Comment, non pas nous défendre, mais dissiper cette erreur ? Là, la réflexion du corps professionnel des bibliothécaires sur sa déontologie (corps vivant et en croissance et non corps fermé et réservé) peut exercer une influence décisive sur l'opinion publique qui alors dira peut-être : « ah, il y a une éthique, c'est donc sérieux ! » (3) .

    2. Le changement de maître

    Les Bibliothécaires à Alexandrie formaient un cénacle de prêtres (4) , à Rome le corps était constitué d'esclaves ou d'affranchis (5) , puis au IIIe siècle, sous Varron, l'emploi de bibliothécaire devint une fonction publique (6) . Au temps de la splendeur de l'Eglise byzantine ils étaient à la tête des services administratifs, dans les monastères du haut Moyen-Age leur mission était de grande confiance - la bibliothèque faisait partie du trésor- (7) . Nous gardons en mémoire la vaste érudition de nos aînés de l'époque moderne. Que sommes-nous aujourd'hui ?

    Le livre est symbole de culture, mais il y a toujours eu une dérive de la culture au prestige, du prestige à l'ostentation, et de l'ostentation à la folie. Gabriel Naudé écrit au Président de Mesme YAdvis pour dresser une bibliothèque: « Si vous ambitionnez de faire esclatter votre nom par celuy de votre bibliothèque... pour donner un lustre perdurable à votre mémoire... pour vivre et dominer dans le souvenir des hommes ; il est besoin d'augmenter et de perfectionner... et donner insensiblement un tel et si avantageux progrez à vostre Bibliothèque... ». Sénèque dans le De Tranquillitate animi (8) se plaint non « de la passion qu'on montre pour les livres, mais de ce qu'on transforme les bibliothèques en objets de parade. Il arrive donc que beaucoup d'ignorants ont des livres, non pour s'instruire, mais décorer leur salle à manger... à côté des bains et des thermes, la bibliothèque est devenue l'ornement de toute maison qui se respecte. A quoi bon d'innombrables livres dont le propriétaire trouve à peine le moyen dans sa vie de lire les étiquettes?». Le premier passager de La Nef des fous de Sébastien Brant est le bibliomane.

    A objet de prestige, gardien de prestige. Il semble que la fonction de bibliothécaire accompagne la transformation du rapport qu'une société entretient avec les livres. Si cela est vrai, il faut tirer les conséquences de l'apparition de deux nouveaux éléments : la société sait lire, les livres sont innombrables. Le rapport au livre n'est plus sacré : chacun peut le toucher. Le bibliothécaire n'est plus le grand prêtre du Musée d'Alexandrie, ni l'érudit au service du Président de Mesme. Nous sommes complètement sécularisés et ce dont nous avons la charge n'est plus objet magique. Nos maîtres ne sont ni des Empereurs, ni des Rois, ni des Nobles, ni des Abbés; nos employeurs nous rétribuent non pour être à leur service personnel, mais pour être au service des lecteurs : les lecteurs sont nos maîtres, mais nous ne sommes pas leurs valets. L'histoire nous fait donc toucher avec force que notre fonction a basculé du service du propriétaire à celui du client.

    3. Deux fléaux : le vol et le faux

    Chargés de conserver un patrimoine pour le communiquer, nous avons à répondre de son intégrité et de sa véracité. Les collections sont toujours menacées par les guerres, les incendies, la vermine ; les voleurs ne sont pas des moindres déprédateurs. Dès l'antiquité la circulation des bibliothèques volées autour et au travers de la Méditerranée est intense, Athènes, Pergame, Alexandrie, Carthage, Rome, au gré des conquêtes et des victoires impériales. Les particuliers eux-mêmes se méfiaient de la voracité des couronnes et des tiares. La bibliothèque d'Aristote, léguée à Théophraste, fut cachée dans une cave dans la crainte que s'en empare le roi de Pergame. (9) .

    L'antiquité n'a pas le privilège du vol. Baluze achetant pour Colbert les manuscrits des bibliothèques religieuses de Clermont-Ferrand conservait au passage quelques pièces pour sa propre bibliothèque. Dans la préface du Catalogue général des Manuscrits (10) Couderc transcrit une correspondance du 21 août 1678 dans laquelle un agent de Baluze, M. de Marie, raconte qu'il vint à la bibliothèque des Dominicains de cette même ville et leur emprunta des manuscrits qu'il avait l'intention de ne pas rendre et de lui envoyer. La lettre qui accompagne l'envoi de ces livres se termine par cette recommandation : « ... ne la montrés, s'il vous plait, à personne ».

    « L'Affaire Libri » a remué le monde culturel français au milieu du XIXesiècle : Guillaume Libri, membre de l'Académie des Sciences, puisait dans les dépôts littéraires de la Révolution les manuscrits et les imprimés les plus précieux pour alimenter tant sa collection que sa bourse. Il fut condamné après un retentissant procès le 22 juin 1850.

    Le pillage organisé des bibliothèques ne fut donc pas une tentation mais un vice collectif et durable tant que pour défendre leurs biens certaines bibliothèques avaient obtenu et inscrit sur leurs portes, ou placé dans les livres une sentence d'excommunication contre les voleurs. C'est ce qu'avaient fait les Franciscains de Toulouse, tandis que les Dominicains de cette même ville, plus réalistes, enchaînaient leurs livres.

    L'excommunication était une pression morale, l'enchaînement des livres, qui n'a guère été pratiqué après le XVIesiècle, était un moyen matériel. Les détecteurs magnétiques d'aujourd'hui ne semblent pas plus efficaces et la surveillance des serviettes n'est pas un filtre absolu. Ceux qui ont imaginé les moyens préventifs et dissuasifs du vol ont-ils pensé la psychologie de nos voleurs ? Pourquoi vole-t-on des livres ?

    Les rois et les grands volaient parce que chaque manuscrit était quasiment unique, que les livres avaient une grande valeur et que jouait la loi du plus fort. Les étudiants volaient les livres parce qu'ils ne pouvaient les acheter, etc... Aujourd'hui, il y a des vols de natures très variées: « les emprunts définitifs» des professeurs d'universités que l'on retrouve après leur mort... (ça promet si on leur confie les fonds !), les étudiants qui au moment des concours font disparaître l'information qui serait nécessaire à d'autres concurrents, etc... Nous devrions mettre ce sujet au programme de nos réflexions professionnelles car nous avons la responsabilité morale de l'intégrité des fonds qui nous sont confiés. Le public est en droit d'attendre de nous, si ce n'est une parfaite efficacité en ce domaine, du moins une vigilance soutenue.

    Autant que le vol, la falsification des documents était une pratique courante : 34 colonnes du Dictionnaire d'Archéologie Chrétienne et de Liturgie sont consacrées à l'article Faux, Hincmar, au concile de Soisson en 853, doit s'occuper d'une telle affaire et fit devant les Pères conciliaires défiler une véritable galerie de faussaires : Macaire d'Anthioche, Donat, les Ariens, Nestorius, Félix d'Urgel qui aurait avec la complicité d'un bibliothécaire de Charlemagne falsifié le De Trinitate de Saint Hilaire pour faire triompher ses thèses, etc... (11) .

    Les bibliothécaires qui nous ont précédés devaient être des hommes de confiance, incorruptibles. Le faux en matière de chartes, par exemple, avait des conséquences réelles : qu'on se souvienne de la fausse donation de Rome au Pape par Constantin et la controverse qu'ouvrit au XVe siècle Laurent Valla sur l'autorité temporelle des Papes reposant sur cette pseudo donation.

    Les fonctions d'archiviste et de bibliothécaire n'étaient jadis guère distinctes, la falsification touchait autant les chartes que les livres. Notre profession s'est aujourd'hui déplacée vers la documentation. Jadis l'argument d'autorité était décisif : les médecins, les philosophes ou les Pères de l'Eglise étaient revêtus d'un prestige naturel qui rendait leurs avis indiscutables. Les falsificateurs de leurs écrits se donnaient à volonté des preuves péremptoires. Aujourd'hui c'est la force de la documentation qui étaye un avis ou une décision. Nos bibliothèques s'équipent d'ordinateurs : la manipulation des programmes des bases et des banques de données peut entraîner une véritable guerre par l'informatique. Nous aurons à manier ces ordinateurs, quels contrôles ou quelles pressions aurons-nous à subir ou à exercer ? Quel sera notre rapport à la vérité de l'information ? (12) .

    4. Censure ou pédagogie ?

    En 411 le sophiste Protagoras est banni d'Athènes pour avoir professé l'athéisme, tous les exemplaires de ses écrits furent confisqués et brûlés sr la place publique. (13) . Auguste fit brûler plus de deux mille volumes de prédictions ; Caligula bannit des bibliothèques publiques de Rome les oeuvres de Virgile et de Tite Live ; les ouvrages des Stoïciens furent jetés au feu. (14) .

    L'Eglise Catholique pratiqua sévèrement la censure et l'institutionalisa en créant, après le Concile de Trente, la Congrégation de l'Index. La première liste de livres prohibés fut publiée en 1562. Après la condamnation de près de 5 000 ouvrages le IIe Concile du Vatican en 1966 supprima cette institution et la remplaça par la Congrégation de la Foi qui ne statue que sur l'orthodoxie catholique.

    En France le pouvoir royal a proscrit d'innombrables textes : Anne Sauvy dans les listes des Livres saisis à Paris entre 1678 et 1701 (15) recense 1115 titres interdits ; le numéro 1 de ces listes est le Décret de N.S.P. le pape Innocent XI, contre plusieurs propositions de morale. Il ne s'agit pas d'une contre censure royale, mais d'une position gallicane.

    Eugène Morel dans La Librairie publique (16) cite la préface d'une liste d'ouvrages à l'usage dans les casernes : « Les livres immoraux ont été proscrits et aussi - ceux dont le caractère polémique, prosélytique, soit au point de vue des idées politiques et sociales, soit au point de vue des croyances confessionnelles, est manifeste, et ceux qui pourraient affaiblir le culte de la Patrie ou constitueraient une insulte aux institutions que le pays s'est librement données et que l'armée a le devoir de défendre - ».

    Cependant parmi toutes ces pratiques, Gabriel Naudé « détonne » singulièrement, certaines de ses propositions peuvent être tout-à-fait nôtres : « Une Bibliothèque dressée pour l'usage du public doit être universelle... (p. 22). Il n'y a rien qui rende une Bibliothèque plus recommandable que lors qu'un chacun y trouve ce qu'il cherche... (p. 23). Il n'y a point d'extravagance ou de danger d'avoir dans une Bibliothèque toutes les oeuvres des plus doctes et fameux hérétiques... (p. 38) ». Mais là Naudé fait une réserve à la communication : «sous la caution néanmoins d'une licence et permission prise de qui il appartiendra ». En 1946 on retrouvera un même ton de liberté dans L Art de former une bibliothèque (17) du célèbre critique Emile Henriot : « Il faut en prendre mon parti : n'être qu'un bibliothécaire... sans se préoccuper aucunement de persuader le lecteur éventuel que Stendhal est supérieur à Paul de Kock... car ceci, comme dit Barrés, est affaire d'éthique personnelle, et le lecteur doit garder sa nécessaire liberté ».

    La censure est l'un des plus importants chapitres de l'histoire des mentalités (18) . Tous les pouvoirs, politiques, idéologiques, moraux, religieux, esthétiques, l'ont exercée et l'exercent encore. La censure est un phénomène social complexe qui relève à la fois de l'instinct de puissance en tant qu'il veut instaurer un dogmatisme triomphant et en tant qu'elle est le reflet d'une somme de sensibilités individuelles qui peuvent être blessées ou scandalisées par ce que véhicule tel ou tel écrit ; nous aurons donc aujourd'hui' à réfléchir sur les données contemporaines de cette question et à élaborer un comportement professionnel adapté à notre époque et à sa sensibilité (19) .

    Il n'y a pas de doute que les fondateurs des bibliothèques populaires au XIXesiècle aient eu l'intention de réformer les moeurs : « La bibliothèque communale, guide des familles pour l'éducation et l'instruction des enfants, vient éclairer les classes laborieuses et combattre le colportage des mauvais livres, fléau des campagnes. On ne peut prévoir l'heureuse influence qu'une bonne bibliothèque peut exercer sur l'avenir des communes» écrit en 1850 Jules Radu, fondateur de la société des bibliothèques communales (20) . L'auteur anonyme, vraisemblablement un ecclésiastique, de La Bibliothèque de Saint-Gervais (21) partage le même souci en fondant sa bibliothèque paroissiale : combattre les « production impies et licencieuses qui portent dans toutes les classes de la société le germe de l'incrédulité et de la corruption... ».

    Qui pensait bibliothèque publique, pensait éducation du peuple. et surtout éducation morale. « Morale » a disparu de notre vocabulaire et « éducation» s'est transformée en pédagogie. « Les achats d'une bibliothèque ont aussi une visée pédagogique qui est la responsabilité propre du bibliothécaire... son critère est d'instruire », telle est la position de notre collègue Jacquette Reboul (22) .

    Le bibliothécaire n'est pas neutre: « Il convient de détruire fermement l'idée trop souvent répandue du neutralisme du bibliothécaire... tout acte culturel est signifiant» (p. 70), «Le bibliothécaire doit-il rester un témoin objectif ou participer à part entière, en tant que citoyen, que professionnel, qu'homme à l'élaboration de la culture ? » (p. 68). Là encore le dilemne est clairement posé par J. Reboul : de la conception généreuse mais qui nous paraît aujourd'hui un peu naïve de nos collègues du XIXesiècle, nous sommes passés à une question très aigüe sur nos pratiques professionnelles dans le domaine de l'éducation.

    5. Savoir vivre

    Avec constance les bibliothécaires, nos aînés, qui ont écrit sur leur profession soulignent la qualité des rapports que l'on doit avoir avec les lecteurs : sens du service et courtoisie.

    Cotton des Houssayes, en 1 780, mettait au nombre des qualités du bibliothécaire « cette exquise politesse qui lui conciliera l'affection de ses visiteurs» (23) .

    Constantin a deux superbes pages dans le manuel de Bibliothéconomie de la collection Roret : « Un des devoirs les plus pressants d'un bibliothécaire est l'obligation d'accueillir et de satisfaire aux questions les plus triviales, aux demandes les plus insignifiantes et indiscrètes, avec autant de prévenances et d'indulgence qu'aux plus savantes» (24) . Graessel (25) tient l'amabilité pour l'une des trois qualités que l'on est en droit d'exiger du bibliothécaire.

    Cette courtoisie peut-elle être imposée par un code ?

    Enfin, si l'on se réfère au premier code de déontologie, le Serment d'Hippocrate, on constate la place importante faite aux relations entre collègues. D'abord le souci de transmettre aux jeunes la science et l'expérience de la profession. Ce sera le souci que nous aurons de la formation de nos jeunes collègues. Mais au travers du Serment d'Hippocrate on découvre aussi une solidarité de corps - l'aide aux collègues nécessiteux ou à leur famille, et l'estime réciproque. Il faut oser nous dire que certaines formes de concurrence au cocottier ne sont pas honorables et que ceux qu ont saisi la brioche au sommet du mât de cocagne ne sont pas forcément des arrivistes ou des incapables. Dans une concurrence professionnelle nécessaire, du moins ne nous flétrissons pas par des coups bas.

    Si l'histoire nous a aidés à mieux saisir notre situation professionnelle actuelle, brièvement et avec le sourire de la distanciation, je souhaiterais vous faire partager mon utopie, une utopie qui ne concerne que nous. Je rêve que nos Associations apolitiques et a-confessionnelles, ne soient plus démocratiques ! On a assez dit que l'absence d'appartenances idéologiques, religieuses, politiques étaient déjà une appartenance pour que nous soyons les uns et les autres assez respectueux de nos engagements personnels. Je veux dire que nous devons essayer, dans notre profession, de prendre nos décisions non à cette majorité démocratique mais tendre vers l'unanimité. L'unanimité n'est pas une réduction au plus petit dénominateur commun, cette tension construit le véritable consensus. Aussi nos convictions personnelles peuvent être des moteurs d'action mais jamais elle ne seront imposées ni même proposées. Imposer par une quelconque voie nos idéologies reviendrait à une pratique de la censure. La déontologie est une sorte d'accord aux contours mal définis en raison de l'évolution des cultures et des mentalités, se prêtant mal à des formulations juridiques. Il s'agit vraiment d'un esprit plus que d'une loi. Un code risquerait de nous geler dans le béton de la lettre ou de l'orthographe. J'ai la conviction, en citant un peu de travers Valéry Larbaud, que nous sommes tous au service du vice impunissable de la lecture.

    1. Livres-Hebdo, 20 oct. 1981, n°42, p. 93. retour au texte

    2. D.A.C.L, II, 839 retour au texte

    3. cf. M. Albaric. - Le désir d'une déontologie dans Documentalistes, sciences de l'information, vol. 16, n° 4, juillet-août 1979. - pp. 171-172. retour au texte

    4. Strabon, XVI. retour au texte

    5. Daremberg et Saglio, I, 707. retour au texte

    6. Code Théod. XXIX, ix - Petit Radel, p. 15. retour au texte

    7. D.A.C.L, II, 839. retour au texte

    8. c. IX. retour au texte

    9. Strabon, XIII, 1 - Paulus Aemilius, XXVIII. retour au texte

    10. t. XIV. retour au texte

    11. Devrisse. - Hincmar... t. I, p. 175 svt - P.L., CXXV, 527 retour au texte

    12. M. Albaric. - La documentation, un service responsable dans Bulletin d'information de l'A.D.E.B.D., n° 14, novembre 1978, p. 12 - id. - Nécessité d'une éthique dans la recherche id., n° 19-20, 1981, p. 53). retour au texte

    13. Diogène Laerte, IX, 52. retour au texte

    14. Daremberg et SaGLIO, T. III, 1 233 B. retour au texte

    15. La Haye: Nijhoff, 1972. retour au texte

    16. Paris: A. Colin, 1910 - p. 175. retour au texte

    17. Paris: Delagrave, 1946. - p. 10. retour au texte

    18. cf. H.-J. Martin. - Livres, pouvoirs et société... - Genève : Droz, 1969. retour au texte

    19. cf. M. Albaric. - Déontologie et censure id., n° 16, nov. 1979. - pp. 16-23. retour au texte

    20. Jules Radu. - Nouvelles méthodes, lecture écriture calcul... - Paris : chez l'Auteur, 1866. retour au texte

    21. Lille: L. Lefort, 1831. retour au texte

    22. Pour une éthique du bibliothécaire dans Mélanges de la Sorbonne, I, 1980, p. 16. retour au texte

    23. Devoirs et qualités du bibliothécaire... - Paris : E. Baudelot, 1951 - p. 16. retour au texte

    24. L.-A. Constantin, Bibliothéconomie ou nouveau manuel complet... - Paris: libr. encyclo. de Roret, 1841. - pp. 26-27, 91. retour au texte

    25. Manuel de bibliothéconomie. - Paris: Welter, 1897. - p. 146. retour au texte