Index des revues

  • Index des revues

Introduction au carrefour "censure et auto-censure"

1982
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    Introduction au carrefour "censure et auto-censure"

    Par Josette Granjon

    L'intitulé du carrefour ouvre la porte à une vaste discussion dont les limites sont difficiles à cerner, puisqu'elles touchent à la fois aux institutions dans lesquelles nous travaillons et aux attitudes qui sont les nôtres dans l'exercice de notre profession. A cela, il faut ajouter les attitudes de notre public, et d'une manière générale, toutes les pressions qui peuvent s'exercer dès qu'on admet que la bibliothèque est une institution culturelle en même temps qu'un service public.

    Quand on parle de censure, on pense d'abord à la censure qui peut s'exercer sur le choix des livres et autres documents présents dans la bibliothèque, c'est-à-dire à la constitution des fonds.

    Ce n'est là pourtant que le premier domaine concerné. Une fois le fonds constitué, son exploitation est un autre champ d'action sur lequel s'exerce la censure.

    Il est important d'en prendre conscience si l'on veut approfondir notre réflexion sans la limiter à l'éternelle question du choix des livres.

    Il y a des censures qui sont indépendantes de notre volonté, il y en a d'autres dont nous sommes directement responsables. Si l'on considère la première question, celle du choix des livres, il est évident qu'en deçà de notre propre action s'exerce sur le public une première et énorme censure ; je veux parler de l'édition et plus encore de ce qui est porté réellement à la connaissance du public dans l'édition à travers les médias et la publicité. De quelles informations dispose le public pour effectuer lui-même ses choix dans la production éditoriale ? Il y a là, nous le savons tous, une première censure qui appelle des réponses de notre part si nous voulons jouer ce rôle de service public qui nous tient tant à coeur.

    Il y a d'autre part les moyens dont nous disposons: il faut affirmer bien fort qu'une carence de moyens implique nécessairement une censure plus importante.

    Quoiqu'il en soit, vient le moment où nous pratiquons nous-mêmes telle ou telle censure, puisque en tout état de cause, nous sommes obligés de faire des choix dans la constitution de nos fonds.

    Se posent alors le problème des pressions que j'évoquais tout à l'heure, et celui de l'auto-censure, pente naturelle de tout individu marqué par son histoire personnelle et par le contexte dans lequel il agit.

    Il s'agit moins de proclamer qu'aucune censure ne doit s'exercer, que de chercher à comprendre comment et pourquoi elle s'exerce en sachant qu'elle est parfois voilée derrière de bons sentiments, derrière cette fameuse notion de « mission éducative» longtemps utilisée. peut-être comme alibi par les bibliothécaires.

    «Tendre vers l'objectivité», difficile miroir aux alouettes des bibliothécaires. A cette idée nous avons préféré au G.I. F. celle de pluralisme, de confrontation et de débat.

    Il ne peut y avoir de choix idéal, de même, il ne peut y avoir d'action culturelle, d'animation idéales.

    Il s'agit donc plus de réfléchir à la façon dont nous pouvons démonter les phénomènes de censure, pour permettre au public d'exercer lui-mêmê son sens critique sur les oeuvres qui lui sont présentées.

    Une quarantaine de bibliothécaires participaient à ce carrefour. Le débat, très ouvert, s'est orienté dans différentes directions. Les bibliothécaires ont approfondi les questions soulevées en introduction, mais aussi en ont fait surgir d'autres qui n'étaient pas sans intérêt pour leur réflexion.

    En particulier, la plus ou moins grande facilité d'accès au document, posée comme risque de censure supplémentaire a permis de mettre en évidence l'importance de cette étape dans notre travail : la classification (refuge facile ?), l'organisation matérielle du fonds dans la bibliothèque, la conception des catalogues, sa mise à jour, etc...

    Une autre question ; dans quelle mesure les fantasmes des bibliothécaires sur les besoins de leur public influencent-ils le choix des livres ? a permis de relativiser la question des censures liées au type de public auquel on s'adresse (enfants, hôpitaux, C.D.I., etc...) qui, sans être à ignorer, sert parfois d'alibi.

    Plus traditionnelle, mais éclairée par ces différentes approches, la question du choix nécessaire à l'intérieur d'un budget donné a débouché sur le problème des fonctions de la bibliothèque, en privilégiant la notion de confrontation tant dans la constitution des fonds que dans leur exploitation, par l'animation en particulier.