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    L'institut du monde arabe

    Par J. LEROY, Conservateur chef de projet de la médiathèque.

    1 - Présentation de l'Institut du Monde Arabe.

    Après de nombreux contacts diplomatiques, l'Institut du Monde Arabe a été fondé en juin 1980 par la France et 19 des 22 Etats arabes (Algérie, Arabie Saoudite, Bahrein, Djibouti, Emi-rats Arabes Unis, Irak, Jordanie, Koweit, Liban, Libye, Maroc, Mauritanie, Oman, Qatar, Somalie, Soudan, Tunisie, Yémen Arabe, Yémen Populaire) dans le but d'apporter au public français et européen une meilleure connaissance du monde arabe. L'Institut est une fondation de droit français, reconnue d'utilité publique en octobre de la même année dont l'originalité est une gestion commune par l'ensemble des partenaires. Dirigé par un Conseil d'Administration présidé depuis juillet 1985 par M. P. Gui-doni, comprenant 6 membres (3 français et 3 arabes, les Etats étant représentés à tour de rôle), l'Institut dispose également d'un organe consultatif le "Haut-Conseil" qui outre les membres du Conseil d'Administration, comprend 6 personnalités cooptées sur une proposition du Gouvernement français, et un représentant de chacun des Etats fondateurs. Plusieurs départements constituent l'Institut :

    • le Musée qui recevra en dépôt les collections d'art arabo-islamique du Louvre,
    • la Médiathèque,
    • deux départements techniques : Informatique et Audiovisuel, ainsi qu'un certain nombre d'autres départements : Publication, Relations Culturelles, Relations Extérieures, Manifestations...

    Le siège de l'Institut est en cours de construction. Sur 26 000 m2, 3.600 m2 sont réservés au Musée, 1.600 m2.à la Médiathèque ; le reste de la superficie se répartit entre l'auditorium, les halls d'accueils, le restaurant, les parkings et les circulations très importantes en proportion dans ce bâtiment construit par Jean Nouvel, Pierre Soria et Martin Robain ; situé entre la Seine et la Faculté des Sciences de Jussieu, à l'angle du Bd Saint-Germain et la rue des Fossés Saint-Bernard.

    La Médiathèque comprend :

    • * Une Salle d'Actualité, de 350 m2 où seront organisés rencontres, débats, expositions ;
    • * Un espace image-son, de 160 m2, où à partir de 10 postes de consultation, il sera possible :
      • de feuilleter des séries de photographies sur 22 pays et 10 thèmes, stockées sur vidéo-disque,
      • de visionner un film documentaire ou d'écouter un document sonore...
      • un point d'écoute pour les nouveautés musicales,
      • un mur T.V. du Monde Arabe.

    Sont également prévus dans cet espace :

    • la Bibliothèque : 1.100 m2 sur 3 niveaux où les collections d'ouvrages et de documents imprimés seront présentés en libre-accès à côté des places de lecture pour les ouvrages du fonds général, dans la tour de livres pour les ouvrages du fonds de prêt et les périodiques.
    • la Documentation : 150 m2, répondra à des demandes plus précises exigeant des dossiers complets soit sur des problèmes de fond, soit sur des sujets d'actualité...

    II - La Politique d'Echanges

    Compte tenu de la structure originale de l'institution, il est apparu comme une nécessité absolue d'impliquer les Etats arabes partenaires de l'I.M.A... Il ne s'agit en effet pas d'un institut sur le monde arabe, mais du monde arabe. C'est dire que rien de durable ne peut être fait en matière culturelle sans la participation des pays arabes : participation financière évidemment, au budget de construction dont près de la moitié est payée par les Etats arabes, au budget de fonctionnement auquel chaque pays participe selon les mêmes règles de versement qu'à la Ligue Arabe, mais aussi participation aux activités progressivement mises en place.

    En ce qui concerne précisément la Bibliothèque, la collecte des documents a été entreprise à compter d'octobre 1982, par le biais d'achats en France, dans les pays occidentaux, dans les pays arabes également puisque nous rassemblons de manière prioritaire la littérature contemporaine en langue arabe, les dictionnaires, manuels, lexiques ainsi que les publications officielles...

    Nous avons très vite été confrontés, en matière de documents provenant des pays arabes à un certain nombre de difficultés qu'il me paraît intéressant d'exposer brièvement ici :

    Situation de l'édition et de la diffusion :

    * Importance de la production :

    Deux pays se détachent nettement : le Liban jusqu'à ces toutes dernières années, avait une grande vitalité dans ce domaine ; à côté de l'édition originale se réalisaient aussi un bon nombre de reprints, et l'Egypte qui vient toujours largement en tête par l'abondance de sa production.

    Pour les autres : quelques centaines de titres par an pour l'Algérie, le Maroc, le Koweit, la Jordanie, l'Arabie Saoudite, moins encore pour la Somalie, les deux Yémen, le Soudan. Une évolution se manifeste incontestablement dans des pays comme l'Arabie Saoudite ou le Koweit, dont le nombre de titres augmente sensiblement depuis quelques années, soit dans le domaine technique, soit dans celui de l'islamologie. '

    elnformation sur cette production :

    Peu de bibliographies nationales ; quand elles existent : Tunisie, Algérie, Egypte, Jordanie, Irak... elles paraissent avec un retard parfois important. Les catalogues d'éditeurs sont souvent incomplets ou comportent au contraire des références depuis longtemps épuisées ( à l'instar d'ailleurs de certains éditeurs spécialisés occidentaux). Sans régularité dans leur parution, ils restent toutefois d'autant plus indispensables qu'ils demeurent le seul outil existant. Disons qu'il faut les manier avec prudence.

    Soulignons aussi un phénomène propre au monde arabe et dont il faut tenir compte pour la constitution de collections : beaucoup d'écrivains arabes contemporains publient dans des revues littéraires avant d'être édités par un éditeur commercial (cf le 19ème siècle français). C'est donc une source importante d'oeuvres parfois de premier plan qui ne figurent pas dans les catalogues.

    Rappelons également que dans plusieurs pays, l'édition et la diffusion relèvent de l'Etat qui est en situation de monopole (c'est le cas de l'Algérie); dans d'autres cas, la production officielle (Ministères, Administrations, mais aussi institutions, Universités...) est la seule qui dispose de réels moyens pour se faire connaître.

    De plus, beaucoup de publications d'organismes publics ou assimilés ne se diffusent que gratuitement ou par échange.

    Enfin les éditions à compte d'auteur ou rélisées par des artisans qui tirent à quelques centaines d'exemplaires et qui n'établissent évidemment pas de catalogues, ne sont pas à négliger car elles représentent une production souvent originale et qu'une bibliothèque comme celle de l'I.M.A. se doit de recueillir.

    Comment sur de telles bases, bâtir une politique d'acquisition, quant on sait qu'à cette situation, s'ajoutent des difficultés matérielles sérieuses :

    • impossibilité parfois pour une institution d'encaisser des fonds même quand elle est éditrice,
    • problèmes de paiement, de change,
    • lenteurs de courrier, d'acheminement de paquets ; tout ceci pousse à la fréquentation de manifestations du type "Foire du Livre" du Caire, de Bahrein, mais c'est une procédure qui ne permet d'acquérir que ce qui est édité commercialement.

    Ajoutons que, dans certains cas, la sortie des ouvrages du pays demande bien des interventions.

    Dans ce contexte il nous est donc apparu, en tenant compte également des expériences de noc collègues de la Bibliothèque Nationale, de l'INALCO (Bibliothèque des Langues Orientales), qu'il nous fallait créer un service "Echange".

    Après des contacts protocolaires au niveau des ambassades, nous avons très rapidement noué des liens épistolaires avec les institutions que nous avons recensées à partir d'ouvrages du type "World of Learning", des informations données précisément par les ambassades arabes en France, françaises en pays arabes, par des chercheurs, des universitaires, des éditeurs... Nous avons réussi avec plusieurs pays à instaurer une politique régulière d'échange à partir de choix effectués réciproquement dans leurs listes et dans notre listing. Nous avons d'abord établi des listes manuelles : dès que la disponibilité des informaticiens l'a permis, le responsable des échanges Nicolas Kassis a monté une base "HIBA", extrêmement simple dans sa conception qui permet de gérer le stock : un numéro d'inventaire est attribué chronologiquement à chaque titre, le nombre d'exemplaires est indiqué dans une zone spécifique ; il suffit chaque fois qu'un exemplaire est attribué de modifier le nombre d'exemplaires restants. Cette base existe en français et en arabe.

    Des listings par langues, par pays, par ordre alphabétique d'auteurs, de titres de périodiques sont édités en fonction des besoins.

    Le nombre des partenaires va en augmentant et en se diversifiant : bibliothèques arabes et occidentales (Ire-mam, British Library, Library of Congress, Bibliothèque d'études diocésaines à Rabat, IBLA à Tunis...) Comment est alimenté ce fonds :

    • par des dons (exemplaires multiples d'un même ouvrage de prestige adressé par un partenaire),
    • par prélèvement du type Dépôt Légal, effectué par la bibliothèque sur les exemplaires de publications auxquelles l'I.M.A. a apporté un soutien financier, une collaboration technique ou éditées directement par lui,
    • par des reliquats d'achats de bibliothèques chez des libraires ou des particuliers, - par des ouvrages ne correspondant pas à la vocation de l'I.M.A. (textes de propagande diffusés par.des organismes officiels, par exemple...),
    • par quelques achats réalisés à l'intention d'une institution à la recherche d'un titre précis permettant l'acquisition par l'I.M.A. d'un ouvrage particulièrement intéressant (cas de titres épuisés, introuvables, que nous parvenons à acquérir de cette façon).

    En un an, plus de 3.000 volumes ont été sélectionnés et reçus grâce à cette procédure.

    Le point le plus délicat est celui des institutions publiant un bulletin, un périodique, qui ne peuvent que s'échanger contre un autre titre... Nous ne possédons pas, pour l'instant en effet, de revue pouvant servir de monnaie d'échange régulière. Dans certains cas, nous devons nous abonner ; dans d'autres, nous essayons d'apporter une contre-partie, soit sous forme d'ouvrages (envoi au fur et à mesure de ce que nous publions : cas du CEDEJ au Caire), soit sous forme de paiement d'un abonnement (parfois réglé à un intermédiaire qui dans le pays se charge de collecter pour nous les titres nous intéressant (cas de la Fondation du roi Abdul Aziz à Ain Diab).

    Cette politique demande pour aboutir un suivi constant, une correspondance soutenue et un partenaire motivé. L'existence d'une personne connue avec qui le contact s'établit directement est essentielle. Certaines colabo-rations très bien commencées se sont fort ralenties le jour où le responsable a changé.

    Dans d'autres cas, au contraire, elles ont pris de telles proportions que nous avons, avec nos partenaires, ressenti le besoin de formaliser ces échanges dans le cadre d'une convention. Plusieurs conventions ont déjà été signées :

    • Bibliothèque des Langues Orientales,
    • Institut d'Etude et de Recherche sur le Monde Arabe et Musulman,
    • Paris VII,
    • Bibliothèque Nationale de Paris,
    • Centre National de Documentation à Rabat,
    • Centre des Hautes Etudes sur l'Afri-que et l'Asie modernes,
    • Centre de Documentation économique sur le Proche Orient Arabe à Bey-routh,
    • d'autres sont en cours de signature (Fondation du roi Abdul Aziz el Saoud)

    Elles permettent une diffusion réciproque des publications de chaque établissement dans le domaine les intéressant.

    Mais elles vont aussi très au delà, car elles permettent par exemple :

    • l'échange de produits documentaires informatisés : Thésaurus trilingue de la Ligue Arabe ou de l'Alecso,
    • la consultation en ligne réciproque de nos bases de données : Ligue Arabe à Tunis - I.M.A.
    • la réalisation de produits en commun
      • » Catalogue Collectif des ouvrages en langue arabe acquis par les bibliothèques françaises 1952-1983, avec la Bibliothèque Nationale,
      • * Base Jarid de dépouillement de périodiques, montée conjointement par l'I.M.A. (documentation) et l'IREMAM et qui, à partir de logiciels différents : Texto pour l'IREMAM, Minisis pour l'I.M.A., aboutit à une base commune consultable en ligne.

    C'est ce genre d'échanges que nous souhaitons voir se développer et qui correspond le mieux à la mission de l'Institut, car il amorce un processus d'assistance réciproque, de collaboration où chaque partenaire apporte son savoir-faire pour aboutir à une réalisation commune.